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OPEN SOCIETY JUSTICE INITIATIVE Crimes internationaux, justice locale Manuel destine aux responsables de l’elaboration des programmes de loi, aux bailleurs de fonds et aux organismes d’execution Crimes internationaux, justice locale Manuel destine aux responsables de l’elaboration des programmes de loi, aux bailleurs de fonds et aux organismes d’execution Crimes internationaux, justice locale Manuel destine aux responsables de l’elaboration des programmes de loi, aux bailleurs de fonds et aux organismes d’execution Copyright © 2012 Open Society Foundations. Cette publication est disponible au format PDF sur le site Web de l’Open Society Foundations en vertu d’une licence Creative Commons qui autorise la copie et la distribution de la publication, uniquement dans son intégralité, tant qu’elle est attribuée à l’Open Society Foundations et utilisée à des fins non commerciales, dans un but pédagogique ou à des fins de politique publique. Les photographies ne peuvent être utilisées séparément de la publication. ISBN : 978-1-936133-70-3 Publié par : Open Society Foundations 400 West 49th Street New York, New York 10019, États-Unis www.soros.org Pour plus d’informations, contacter : Eric Witte Chef de projet principal Complémentarité Open Society Justice Initiative Budapest 1051 Október 6. u. 12. Hongrie ewitte@justiceinitiative.org Couverture conçue par Judit Kovács | Createch Ltd. Mise en page et impression du texte réalisées par Createch Ltd. Table des matières Remerciements Acronymes 7 9 Résumé Introduction Sensibilisation Établir un cadre juridique Enquêtes Poursuites Juges Avocats de la défense Protection et soutien des témoins Participation des victimes Réparations Gestion de la cour Gestion des archives Gestion des prisons et des établissements de détention Coordination des politiques nationales Soutien au mayen de la mise à disposition d’un personnel international Journalisme Défense de la société civile et surveillance des décisions judiciaires Infrastructures et équipement Conclusion 11 15 37 47 61 81 97 109 121 137 143 151 161 169 177 183 191 197 207 213 Glossaire Notes 215 217 5 Remerciements Ce manuel a été rédigé par Eric A. Witte, le Chef de projet principal du service Complémentarité de l’Open Society Justice Initiative. Il a été édité par David Berry, avec la participation de Kelly Askin, d’Alison Cole, de James A. Goldston, de Tracey Gurd, d’Alpha Sesay, de Martin Schönteich et de collègues de l’Open Society Initiative for Eastern Africa. L’auteur s’est fortement appuyé sur l’expérience acquise dans le domaine de la justice pénale internationale et souhaite remercier les nombreuses personnes avec lesquelles il s’est entretenu et les relecteurs pour le temps qu’ils lui ont consacré. L’auteur souhaite remercier Gabriel Oosthuizen de l’organisation Public International Law and Policy Group ; David Donat-Cattin et Stefanie Kueng de l’organisme Parliamentarians for Global Action ; John Ralston de l’Institute for International Criminal Investigations ; David Tolbert, Caitlin Reiger, Marieke Wierda et Michael Reed Hurtado de l’International Center for Transitional Justice ; Bill O’Neill du Conflict Prevention and Peace Forum at the Social Science Research Council ; Hector Olasolo de l’Université d’Utrecht ; Gerhard van Rooyen de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime ; Alejandro Chehtman de l’University College de Londres ; Alison Smith de l’organisation No Peace Without Justice ; Geraldine Mattioli de l’organisation Human Rights Watch ; Stephen Lamony de la Coalition pour la Cour pénale internationale ; Martin Mennecke de l’Université de Copenhague ; Luis Fondebrider de l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale ; Trudy Peterson du groupe de travail sur les droits de l’Homme du Conseil international des archives ; Anton du Plessis et Antoinette Louw de l’Institut 7 d’études de sécurité ; Akbar Khan du Secrétariat du Commonwealth ; Mariana Pena et Tcherina Jerolon de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme ; Gaelle Carayon et Juergen Schurr de l’organisation REDRESS ; Milbert Shin du Bureau d’appui à la consolidation de la paix ; Alain Werner de l’organisation Aegis Trust ; Cherif Bassiouni de l’Institut supérieur international des sciences criminelles ; et David Kaye du programme international des droits de l’Homme de l’UCLA School of Law. Les employés actuels et l’ancien personnel de la Cour pénale internationale, du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ont également apporté leurs précieuses contributions. Ce manuel cherche à combler les lacunes en matière de communication entre la justice internationale et les communautés d’aide au développement et a par conséquent énormément bénéficié de la contribution de spécialistes du développement. L’auteur remercie les représentants de l’Union européenne, du Programme des Nations Unies pour le développement, de l’Unité d’appui à l’Etat de droit des Nations Unies et de la Banque mondiale, ainsi que les représentants du Danemark, d’Afrique du Sud et de Finlande, pour avoir exprimé leur opinion. La plupart de ces personnes ont apporté leurs contributions lors d’un atelier organisé conjointement par l’Open Society Justice Initiative, la Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure, les 13 et 14 avril 2011 à Pretoria, en Afrique du Sud. L’Open Society Justice Initiative assume l’entière responsabilité de toute erreur ou déclaration inexacte. 8 REMERCIEMENTS Acronymes ASP CICIG Assemblée des États parties (au Statut de Rome) Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Comisión Internacional contra la Impunidad en Guatemala) DDR désarmement, démobilisation et réintégration GPD Groupe des partenaires au développement RDC République démocratique du Congo CETC Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens CPI Cour pénale internationale DCI Division des crimes internationaux (de la Haute Cour d’Ouganda) CICR Comité international de la Croix-Rouge TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda ECC Entreprise criminelle commune SJMO Secteur de la justice et du maintien de l’ordre (Ouganda) ARS Armée de résistance du Seigneur (Ouganda) SAEP Secrétariat de l’Assemblée des États Parties TSSL Tribunal spécial pour la Sierra Leone CVR commission de vérité et de réconciliation ONUDC Office des Nations unies contre la drogue et le crime 9 Résumé Les victimes des crimes les plus graves – crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide – ont peu de chances de voir les architectes de leurs souffrances traduits en justice. C’est encore le cas aujourd’hui, près de dix ans après que la Cour pénale internationale (CPI) est devenue opérationnelle. Certains crimes ne relèvent pas de la compétence de la CPI car ils ont été perpétrés dans des États non parties au Statut de Rome instituant la cour, et ont été commis par des individus originaires de ces États.1 De la même manière, les crimes commis avant juillet 2002, date de l’entrée en vigueur du Statut de Rome, ne sont pas du ressort de la CPI. Même lorsque les crimes présumés sont du ressort de la CPI d’un point de vue géographique et temporel, ils doivent répondent à un seuil de gravité. Mais, même dans ce cas, les trois jurys et les deux salles d’audience de la cour peuvent uniquement traiter un petit nombre de cas à la fois. Le seul espoir raisonnable de rendre justice à un plus grand nombre de victimes de crimes internationaux est de s’assurer que les juridictions nationales sont prêtes et aptes à assumer cette tâche. La communauté internationale s’engage de plus en plus à aider les États à cette fin. Étant donné que la communauté internationale relève les nombreux défis que cela comporte, il est nécessaire de donner des conseils sur la façon dont les décisionnaires, les bailleurs de fonds et les exécutants peuvent mieux soutenir les États qui cherchent à traduire en justice localement les auteurs de crimes internationaux. Ce manuel a été élaboré dans le cadre d’un effort constant visant à donner de tels conseils. Il est conçu pour offrir une aide pratique à la communauté chargée de l’élaboration des programmes de loi. Il traite de vastes questions politiques qui inté- 11 ressent les décisionnaires jouant un rôle législatif et exécutif ainsi que de questions plus techniques rencontrées par les personnes chargées de planifier ou d’exécuter les programmes de loi au niveau du siège et sur le terrain. Ce manuel a pour ambition de devenir un ouvrage de référence pour les représentants des gouvernements bailleurs de fonds, des organisations internationales, des banques multilatérales de développement, des organismes contractants et des organisations non gouvernementales – quiconque participant à la promotion de la responsabilité nationale des crimes internationaux. Ce manuel traite des principaux besoins des États éprouvant des difficultés à trouver la volonté et à se donner les moyens de mener des poursuites pénales impliquant des crimes internationaux et à s’assurer que ces poursuites répondent aux normes internationales en matière de respect du droit. Pour chaque catégorie de besoin, le manuel examine les zones de chevauchement entre l’assistance juridique internationale et l’élaboration des programmes de loi traditionnels, souligne les questions qui peuvent prévaloir ou qui sont propres aux poursuites impliquant des crimes internationaux, et donne des exemples de situation où la communauté internationale a réussi à répondre au besoin en question. Enfin, le manuel propose un ensemble de directives destinées à aider les bailleurs de fonds à concevoir des programmes pour chaque domaine, et énumère les organismes-ressources et les publications de référence.2 Le contenu s’applique non seulement dans le cadre du Statut de Rome, mais également à des situations où des crimes présumés ne sont potentiellement pas du ressort de la CPI. Le manuel étudie tout d’abord la manière dont les bailleurs de fonds peuvent aider les pays à établir un programme de sensibilisation efficace, un aspect souvent négligé mais qui est indispensable à la réussite des poursuites impliquant des crimes internationaux. Il examine ensuite de nombreux autres domaines d’assistance technique et de renforcement des capacités : établissement d’un cadre juridique sain, enquêtes, poursuites, juges, avocat de la défense, protection et soutien des témoins et des victimes, participation des victimes, gestion de la cour, gestion des archives, administration des prisons et des centres de détention, réparations, coordination des politiques, mise à disposition d’un personnel international, journalisme, et capacité de défense des ONG et de surveillance des décisions judiciaires. Enfin, ce manuel aborde les besoins d’infrastructures et d’équipement. Les principales différences entre la fourniture d’un soutien aux poursuites impliquant des crimes internationaux et la fourniture d’un soutien à d’autres types de poursuites pénales reposent sur la nature des crimes. Les différences s’étendent au-delà de la base juridique. Les crimes internationaux ont tendance à impliquer un grand nombre de victimes, ce qui peut compliquer et prolonger les enquêtes ainsi que le déroulement de la procédure. Les victimes de crimes internationaux – qui sont fréquemment des enfants, des victimes de torture et des victimes de violences sexuelles et de violences fondées sur le sexe – souffrent souvent d’importants traumatismes. Communiquer avec 12 RÉSUMÉ les témoins et les victimes traumatisés et les soutenir exige des compétences spécialisées. Dans de nombreux cas, les communautés les plus touchées par les atrocités se trouvent dans des lieux reculés et parlent des langues ou des dialectes minoritaires, et ces facteurs peuvent compliquer la logistique. En outre, l’impact des crimes internationaux divise souvent la société. Dans de telles situations, ou lorsque la justice menace les autorités qui sont les auteurs des crimes ou qui s’alignent sur ceux-ci, la justice peut être bien plus controversée et difficile. C’est particulièrement le cas en raison des modes de responsabilité en vertu de la loi pénale internationale – notamment la responsabilité du commandement, la responsabilité des supérieurs et la participation à une entreprise criminelle commune – qui sont plus susceptibles d’exposer les principaux hauts fonctionnaires à une responsabilité potentielle. La protection et la prise en charge des témoins sont susceptibles d’être plus significatives et complexes que dans la plupart des autres types de poursuites pénales. Dans ces circonstances, les obstacles politiques à une véritable justice pénale internationale se révèlent souvent plus complexes que la gestion des lacunes en matière de capacité. Concernant les bailleurs de fonds des programmes de loi, il est important de noter que de nombreuses similitudes existent entre le soutien des poursuites impliquant des crimes internationaux et le soutien des systèmes de justice pénale nationaux. Dans de nombreux pays bénéficiant d’une assistance, le renforcement des capacités liées à la conduite d’affaires criminelles internationales réelles et équitables commence par la correction des principaux défauts du système judiciaire.3 Des éléments fondamentaux, tels que l’indépendance du système judiciaire, l’autonomie des autorités judiciaires, la garantie du droit à un procès équitable et les compétences techniques et professionnelles fondamentales, constituent la base de toutes les poursuites judiciaires crédibles, et la justice pénale internationale ne fait pas exception. Dans la mesure où les différences proviennent du potentiel du droit pénal international à traiter des affaires importantes, complexes et sensibles, les défis en question ressemblent à certains autres types d’élaboration de programmes de loi. Les bailleurs de fonds qui ont de l’expérience en matière de soutien des poursuites impliquant des crimes organisés, des actes de corruption ou des actes terroristes, peuvent identifier de nombreux défis communs lorsqu’ils se consacrent à l’application du droit pénal international. De la même façon, il faut reconnaître que l’établissement d’un soutien pour ces autres types de poursuites pénales complexes peut être considéré comme étant directement lié aux poursuites impliquant des crimes internationaux. Les types d’assistance dont les États ont besoin pour engager de réelles poursuites nationales impliquant des crimes internationaux peuvent considérablement varier et, comme le souligne ce rapport, il est essentiel de procéder à des évaluations des besoins appropriées.4 Le mécanisme de justice peut très bien être appelé à traiter de nombreuses atrocités touchant différentes communautés, commises sur un vaste territoire CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 13 géographique, où le système judiciaire a implosé, où le capital humain est limité, où la situation est grave en matière de sécurité, où la désinformation est généralisée concernant le mécanisme de justice proposé, où les témoins potentiels ont peur de coopérer et où le gouvernement ne montre qu’un faible engagement en faveur de la justice. Cependant, les poursuites pourraient également être destinées à traiter un petit nombre de crimes de guerre, impliquant relativement peu de victimes, dans un État stable avec un système judiciaire largement fonctionnel, où les témoins ne font l’objet d’aucune menace significative, où la population comprend parfaitement le système judiciaire et où le gouvernement s’engage en faveur de ce processus. Les évaluations doivent non seulement tenir compte de l’envergure de ces défis, mais aussi déterminer si les institutions et les ressources actuelles de l’État pourraient contribuer à combler les lacunes. Les États pourraient être tentés de chercher à reproduire des modernisations inspirées par la CPI et des solutions compliquées alors que des solutions simples et peu techniques suffiraient et seraient plus durables. Les solutions proposées doivent être adaptées aux capacités de l’État et à son aptitude à faire progresser les programmes après leur mise en œuvre. À bien des égards, les besoins de poursuites nationales liées à la justice internationale coïncideront avec d’autres exigences en matière de programmes de loi, ainsi l’inclusion des éléments de la justice internationale dans les évaluations des programmes de loi assurera une meilleure efficacité. 14 RÉSUMÉ Introduction Origines Dans la mesure où le terme « justice pénale internationale » est entré dans la conscience populaire, il évoque les images granuleuses des procès de Nuremberg et de Tokyo à la suite de la Seconde Guerre mondiale, ou encore les salles d’audience asseptisées de la Cour pénale internationale (CPI) et les tribunaux créés par les Nations Unies dans les années 1990 : le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Le droit pénal international, même en poursuivant l’objectif convaincant d’établir la responsabilité des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide, s’est forgé (à tort ou à raison) une réputation d’institution impénétrable, étrangère et lointaine. Cependant, l’attention se porte de plus en plus sur les nouveaux forums de sa pratique : les systèmes judiciaires nationaux, opérant dans différents contextes, à proximité ou au milieu des communautés touchées. Dans des conditions adaptées, Ces lieux offrent aux victimes d’atrocités la plus grande chance d’obtenir justice. En outre, en soutenant les programmes de loi liés aux crimes internationaux, les États peuvent aider à dissiper le climat d’impunité qui couve initialement les crimes atroces. Les poursuites nationales impliquant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide ne sont pas une nouveauté. La République fédérale d’Allemagne et un certain nombre de pays, notamment la France, Israël et les États-Unis, ont engagé des dizaines de poursuites contre des auteurs présumés de crimes nazis dans 15 les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Les poursuites engagées contre certains suspects vieillissants continuent à ce jour.5 Jusque tout récemment cependant, les poursuites nationales impliquant des crimes internationaux commis pendant les conflits qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale n’étaient que sporadiques. En l’absence de mécanismes de justice nationaux viables, les atrocités commises dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda dans les années 1990 ont encouragé la création de deux tribunaux internationaux et relancé la planification d’une cour pénale internationale permanente.6 Cependant, les préoccupations quant à la souveraineté nationale nécessiteraient que la CPI se soumette à des tribunaux nationaux parfaitement opérationnels. Cela mettrait alors un nouvel accent sur la volonté et l’aptitude des juridictions nationales à traiter les poursuites impliquant des crimes internationaux. Lorsque les représentants des États se sont réunis à Rome en 1998 pour finaliser les négociations sur la proposition d’une Cour pénale internationale permanente, leur préoccupation concernant la souveraineté nationale a été prise en compte dans le document final, le Statut de Rome. Son préambule indique que la CPI doit être « complémentaire des juridictions nationales, » chaque État étant obligé « de soumettre à sa compétence pénale les auteurs de crimes internationaux. »7 Ce « principe de complémentarité » (expression qui n’apparaît pas dans le statut lui-même) est développé dans l’article 17 qui énonce les différentes restrictions imposées à la compétence de la CPI. Parmi celles-ci, on peut notamment citer le manque de compétence de la CPI si « [l’] affaire fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, à moins que cet État ne souhaite ou ne puisse véritablement mener l’enquête ou engager les poursuites. »8 En outre, la CPI ne peut pas intervenir si « [l’]affaire a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence en l’espèce et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne résulte du refus ou de l’incapacité de l’État d’engager véritablement des poursuites. »9 Le principe de complémentarité est un principe négatif dans la mesure où il limite la compétence de la CPI, mais il impose également une obligation affirmative aux États d’assurer l’imputabilité des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide. Les efforts visant à aider les États à remplir leurs obligations ont souvent été qualifiés de « complémentarité positive. » Après l’entrée en vigueur du Statut de Rome en juillet 2002, ses signataires se sont concentrés sur les activités de la CPI naissante. Dans la mesure où les problèmes liés à la volonté et à la capacité de l’État à lutter contre les crimes en vertu du statut ont attiré l’attention, il s’agissait notamment de tenir compte de l’aide que pouvait apporter ce nouveau tribunal.10 L’attention s’est notamment portée sur les situations « analysées » par le procureur où, comme en Colombie, la menace de l’action de la CPI pouvait inciter les gouvernements réticents à mener des enquêtes et engager des poursuites nationales. 16 INTRODUCTION Entre-temps, les États ont continué à soutenir les poursuites impliquant des crimes internationaux engagées au niveau local, où les crimes en question étaient antérieurs au Statut de Rome.11 Du Timor oriental au Cambodge, en passant par la Sierra Leone, l’Argentine, le Chili, le Pérou, la Bosnie Herzégovine, la Croatie, la Serbie et le Kosovo, la communauté internationale a offert son soutien à différents types de poursuites portant sur des crimes internationaux. Alors que ces initiatives cherchaient à rendre justice dans les pays où les crimes avaient été commis, elles ont revêtu des formes très diverses, du Tribunal spécial pour la Sierra Leone fortement internationalisé et intégralement financé par la communauté internationale, aux poursuites purement nationales en Argentine et en Serbie qui ont bénéficié d’un soutien très limité. La plupart de ces initiatives sont en cours et de nouvelles procédures ont été engagées plus récemment, notamment les poursuites à l’encontre de Jean-Claude Duvalier en Haïti. Dernièrement, les États et les organisations internationales se sont davantage concentrés sur le soutien des poursuites locales portant sur des crimes internationaux, même lorsque ces crimes étaient potentiellement du ressort de la CPI. En République démocratique du Congo (RDC) et en Ouganda, les mécanismes de justice nationaux sont déjà aux prises avec ces affaires parallèlement à la CPI, et au Kenya, le gouvernement tente d’engager une procédure nationale qui compléterait, ou éventuellement remplacerait, l’activité de la CPI liée aux violences post-électorales de 2007–2008.12 Tous ces efforts et autres tentatives bénéficient de plus en plus de l’attention et du soutien de la communauté internationale, en grande partie car l’on commence à se rendre compte que la CPI ne peut pas elle-même aider les États à développer la volonté et la capacité requises. En effet, par le biais du corps législatif et de contrôle de la CPI, l’Assemblée des États parties, les États ont souligné que la cour devait continuer à se concentrer sur son mandat principal et consacrer uniquement des ressources secondaires à cette aide. Parallèlement, il est évident que la CPI sera uniquement capable de traiter un petit nombre de cas à la fois. Elle peut servir de tribunal de dernier ressort pour les affaires les plus graves et les plus difficiles, lorsque la capacité locale et la volonté politique de traiter ces affaires (généralement l’obstacle majeur) sont absentes. Cependant, sans le développement d’autres forums crédibles, la justice ne sera pas suffisamment rendue aux victimes de la plupart des crimes internationaux, même lorsque la CPI aura lancé des enquêtes. Pour répondre au souhait du Statut de Rome qui aspire à ce que « les crimes les plus graves qui préoccupent la communauté internationale dans son ensemble ne soient pas impunis », d’importants efforts doivent être faits pour permettre aux mécanismes de justice locaux de juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide. La Conférence de révision du Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui s’est tenue du 31 mai au 11 juin 2010 a permis de réaffirmer l’engagement en faveur de CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 17 la mise en œuvre du « principe de complémentarité. » À l’origine de la Conférence de révision, le Danemark et l’Afrique du Sud ont été nommés coordinateurs de la complémentarité. À l’issue de vastes consultations, ils ont émis des recommandations qui mettaient l’accent sur l’intégration des concepts du Statut de Rome dans les programmes de loi traditionnels.13 Lors de la Conférence de révision, les États ont adopté une résolution sur la complémentarité appelant au « renforcement de l’aide internationale » pour promouvoir la justice impliquant des crimes internationaux au niveau national, mais ont donné peu de conseils quant à la manière de procéder.14 L’Union européenne, les États-Unis (en qualité d’observateur) et plusieurs États parties, notamment la Finlande, la France, l’Irlande, les Pays-Bas, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Ouganda et le RoyaumeUni, ont fait des promesses relatives à la complémentarité qui, dans de nombreux cas, étaient assez concrètes, même s’il leur manquait toujours un cadre global.15 Ce regain d’attention envers le soutien des poursuites nationales a souligné l’importance et le nombre de défis à relever. Défis Dans de nombreux pays où des crimes internationaux ont été commis, les obstacles politiques sont susceptibles de représenter les plus grandes entraves à de réelles enquêtes et poursuites, ainsi qu’à des procès équitables. Dans de nombreux cas, les forces du gouvernement ou leurs alliés sont impliqués dans les événements en question, et des membres de leurs rangs sont fréquemment accusés d’avoir perpétré des actes qui constituent des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes de génocide. Dans de telles circonstances, les autorités souhaitent généralement détourner les responsabilités et préserver le pouvoir plutôt que de rendre justice aux victimes. Par ailleurs, dans d’autres contextes, les autorités bénéficiant d’un accord de partage du pouvoir ou confrontées à des opposants dont les membres peuvent être impliqués dans des crimes peuvent craindre que le fait de demander des comptes aux auteurs d’atrocités ne soit déstabilisant. Et certains gouvernements partageant cette motivation cherchent à dissimuler leur réticence derrière cette préoccupation plus compréhensible. Quelles que soient leurs origines, les obstacles politiques qui entravent les véritables poursuites des crimes internationaux sont nombreux et varés. 18 INTRODUCTION Lutter contre l’obstruction politique Les moyens de lutter contre les obstacles politiques qui entravent les véritables poursuites nationales des crimes internationaux sont variés, les bailleurs de fonds, les responsables de l’élaboration des règles de droit et les exécutants bilatéraux et multilatéraux adoptant différentes approches. Au-delà des efforts de persuasion diplomatique, la communauté d’aide au développement inclut notamment les options suivantes. Responsabiliser les réformateurs dans le gouvernement Chercher à identifier les réformateurs clés et les personnes qui peuvent être persuadées au sein du cabinet et du parlement, et s’assurer qu’ils ont la possibilité de se renseigner sur la justice pénale internationale et d’en savoir plus sur des expériences comparables ayant eu lieu dans d’autres pays. Encourager le soutien aux organisations de la société civile concernées ainsi qu’aux journalistes, et investir dans l’enseignement du droit Mettre l’accent sur l’accroissement des connaissances en matière de justice pénale internationale parmi les organisations de la société civile locales, en particulier les organisations de victimes et les journalistes. La communauté internationale peut également encourager les formations à la promotion de la société civile et le soutien à des programmes adéquats produits par les médias concernés. Le soutien des initiatives de sensibilisation des étudiants en droit et des avocats locaux au droit pénal international peut être un investissement utile même dans les pays où les perspectives à court terme de son application semblent peu favorables. Attirer l’attention sur les besoins des communautés touchées Créer des forums pour les communautés touchées afin d’aborder des questions de justice et participer à des événements organisés par les communautés. La communauté internationale peut chercher à attirer l’attention des médias sur ces événements et encourager la participation des représentants du gouvernement. Identifier publiquement les obstacles politiques Lors d’interactions directes avec le public local ou par l’intermédiaire des médias, les responsables du développement peuvent clairement identifier les sources et les mécanismes des obstacles politiques qui entravent les véritables poursuites des crimes internationaux. Soutenir la CPI ou d’autres poursuites supranationales Dans les pays où les crimes présumés sont potentiellement du ressort de la CPI, la communauté internationale peut appuyer les éventuelles mesures prises par le procureur de la CPI si les réformes qui autoriseraient de véritables poursuites nationales restent bloquées. Dans des cas extrêmes, la communauté internationale peut envisager que le Conseil de sécurité des Nations unies défère la situation à la CPI même dans le cas d’États non parties au Statut de Rome, ce qui peut également contribuer à encourager les réformes nationales. Une autre possibilité consiste à établir et à soutenir des mécanismes de justice supranationaux spéciaux. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 19 Faire en sorte que l’aide dépende de la réforme CLa conditionnalité signifie souvent de proposer des mesures d’incitation positives telles que la promesse d’un nouveau soutien lorsque les références en matière de réforme sont respectées. Lorsque l’obstruction est plus profonde, la conditionnalité peut signifier de passer d’une aide budgétaire générale à un soutien plus étudié du secteur de la justice ou bien de passer d’une aide au secteur à un soutien spécifique à un projet. Si un gouvernement ne montre aucune volonté, il n’est peut-être pas utile de réaliser des évaluations des capacités. Dans les circonstances les plus graves, la conditionnalité peut signifier de menacer de réduire l’aide apportée au secteur de la justice dans son ensemble, voire même de suspendre l’ensemble des aides apportées au pays. Comme nous le verrons tout au long de ce manuel, les réticences politiques peuvent se manifester par l’inaction. Les gouvernements peuvent choisir de ne plus soutenir les efforts visant à intégrer les crimes internationaux dans les codes pénaux nationaux ou s’abstenir de soutenir les amendements constitutionnels qui peuvent être importants pour faciliter les poursuites nationales. Dans les États non démocratiques et les pays en transition démocratique, les autorités judiciaires fonctionnent rarement de manière indépendante et les systèmes judiciaires indépendants sont l’exception. Par conséquent, même si les enquêtes et les poursuives des crimes internationaux sont théoriquement possibles en vertu du droit national, les autorités judiciaires et la police ne peuvent jamais engager les poursuites qu’on leur a ordonné d’éviter ou qu’elles savent inopportunes. Elles peuvent également mener des enquêtes ou engager des poursuites à caractère partial : cibler des critiques et opposants du gouvernement qui (souvent pour des raisons légitimes) ont été accusés d’avoir commis des crimes internationaux, tout en laissant les dirigeants actuels et leurs associés en dehors de l’examen juridiques de délits similaires. Même si les autorités judiciaires mènent à bien des enquêtes et des poursuites gênantes, les juges de première instance sont peut-être incités à faire échouer les poursuites. Les autorités qui cherchent à entraver le déroulement de poursuites crédibles impliquant des crimes internationaux peuvent prendre diverses mesures actives pour contrecarrer les enquêtes et les poursuites. Elles peuvent préserver ou concevoir des obstacles juridiques aux poursuites, notamment différents types d’amnistie, de revendications d’immunité du chef de l’État ou d’autres immunités de facto intégrées aux codes de procédure pénale.16 Elles peuvent ordonner aux procureurs de poursuivre des rivaux ou essayer de demander aux juges de première instance de rendre une décision particulière ou offrir des avantages aux personnes qui acceptent. Si les représentants du secteur de la justice persistent à engager de véritables poursuites à l’encontre des auteurs de crimes internationaux contre la volonté des autorités, les gouvernements peuvent se 20 INTRODUCTION sentir obligés de renverser le processus plus ouvertement, par exemple en privant les poursuites de fonds, en bloquant ou en démettant des procureurs et des juges, voire même en ayant recours à la force pour perturber le bon fonctionnement de la justice. Étant donné qu’une interférence manifeste menace l’aide et les relations commerciales, et appelle à une condamnation internationale et à une enquête de la part de la CPI (lorsque cela est de son ressort), les autorités qui souhaitent compromettre le processus judiciaire choisissent généralement le moyen le moins manifeste pour accomplir cette tâche. Une tactique consiste à s’engager à établir de véritables poursuites nationales impliquant des crimes internationaux, mais par la suite essayer de s’assurer que le système est uniquement capable d’enquêter sur des crimes commis par des opposants du régime et d’engager des poursuites à leur encontre, ou uniquement viser les suspects de bas étages. En ralentissant les réformes techniques et en privant le système des ressources nécessaires, les gouvernements peuvent tenter de s’assurer que les autorités compétentes restent incapables d’engager des poursuites. Dans certains cas, ce subterfuge est plutôt évident, tandis que dans d’autres cas, il peut être considérablement plus difficile et long d’en cerner l’intention. Les intentions des représentants du gouvernement peuvent varier, ce qui complique la situation pour les partenaires de développement. Tandis que les capacités insuffisantes entravant les poursuites des crimes internationaux peuvent servir d’excuse (un outil de l’obstruction politique), dans la plupart des endroits, elles sont également de véritables défis à part entière. Dans les situations de conflit ou postérieures à un conflit, et dans les pays pauvres et faibles, les secteurs judiciaires souffrent souvent d’une pénurie de ressources humaines et financières, d’un manque de compétences professionnelles adéquates, de désorganisation, de corruption et de perversion politique. Des défis techniques peuvent apparaître à chaque point de la chaîne judiciaire, du cadre juridique aux enquêtes, poursuites, défense, système judiciaire, protection et soutien des témoins, participation des victimes (le cas échéant), gestion de la cour, gestion des archives, administration des prisons et des centres de détention, et planification et coordination des politiques. Dans ces domaines, les compétences de base sont importantes pour tout système de justice pénale. Cependant, comme nous le verrons tout au long de ce manuel, les poursuites des crimes internationaux peuvent nécessiter (mais surtout, ne nécessitent pas toujours) des connaissances supplémentaires dans chaque domaine. En outre, ces poursuites soulèvent des défis dans des domaines que l’on ne rencontre pas souvent dans les systèmes judiciaires nationaux, notamment la sensibilisation et les réparations. Elles peuvent également attacher une grande importance à des problèmes de capacité très éloignés du processus judiciaire officiel, à savoir la capacité des journalistes et des organisations de la société civile. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 21 Étant donné que les États cherchent à relever ces défis, la communauté juridique internationale sera appelée à apporter de généreuses contributions, en s’appuyant sur l’expérience et l’expertise acquises jusqu’ici. Cependant, l’écrasant tâche qui consiste à développer la volonté et la capacité de traiter les crimes internationaux n’incombe pas à la communauté juridique internationale, mais à la communauté chargée de l’élaboration des programmes de loi traditionnels. L’immense réseau d’organisations internationales, d’organismes d’aide, de bailleurs de fonds et d’organismes d’exécution propose d’ambitieux programmes qui sont déjà mis en place dans le monde entier, ainsi qu’une vaste expérience et expertise en matière de promotion de l’État de droit. Toute tentative de la communauté juridique internationale visant à conjuguer des efforts parallèles sèmerait la confusion, créerait des inefficacités et prendrait plus de temps que prévu pour produire les résultats escomptés. En résumé, la promotion des conditions nécessaires au jugement des crimes internationaux est une tâche d’une telle ampleur que seule la communauté chargée de l’élaboration des programmes de loi aura la possibilité de l’entreprendre. Comme nous l’avons évoqué plus haut, la nécessité d’une coopération entre la justice internationale et les communautés de développement a acquis une nouvelle reconnaissance avant la Conférence de révision du Statut de Rome qui s’est tenue du 31 mai au 11 juin 2010. Lors d’une conférence de suivi de haut niveau organisée en octobre 2010, les participants des deux mouvances ont reconnu qu’il était nécessaire de coopérer pour intégrer la justice pénale internationale dans les programmes de loi traditionnels.17 Cette reconnaissance a permis d’obtenir des résultats concrets au cours de l’année 2011. La Commission européenne et le Service européen pour l’action extérieure élaborent notamment une « Compilation d’outils sur la complémentarité » à l’attention des représentants du siège et des délégations sur le terrain ; la compilation d’outils devrait être lancée au début de l’année 2012. De la même manière, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) étudient conjointement les façons d’intégrer les poursuites des crimes internationaux dans les programmes de loi des Nations Unies. Malgré ces débuts encourageants, un travail colossal nous attend. La plupart des décisionnaires et des professionnels de l’élaboration de la loi ont peu conscience des problèmes liés à la justice internationale. Et même parmi ceux qui ont suivi de près les progrès réalisés dans ce domaine, certains peuvent remettre en question l’utilité de consacrer d’importantes ressources à l’intégration de la justice internationale dans leur travail qui comporte déjà ses propres défis et priorités. 22 INTRODUCTION Pourquoi une justice pénale internationale ? Au-delà des préoccupations relatives au transfert de l’attention et des ressources vers une nouvelle priorité, certains membres de la communauté chargée de l’élaboration des programmes de loi peuvent estimer que la justice pénale internationale présente surtout un certain nombre de difficultés. Le jugement des crimes internationaux peut introduire des défis politiques, aborder des sujets sensibles dans des sociétés déchirées et exiger une bonne connaissance de diverses questions difficiles. Néanmoins, même si la justice internationale peut parfois introduire des facteurs qui compliquent le travail d’élaboration des programmes de loi, la communauté internationale a saisi l’importance du jugement des crimes internationaux. Actuellement, 118 États ont adhéré au Statut de Rome, notamment 27 États membres de l’Union européenne, 33 États membres de l’Union africaine et tous les pays d’Amérique du Sud. En outre, certains États non parties (notamment les États-Unis) ont soutenu des mesures destinées à mettre un terme à l’impunité des crimes internationaux en dehors et dans le cadre du Statut de Rome, en dépit du scepticisme national qui subsiste concernant la CPI elle-même. En résumé, les États qui s’engagent à atteindre l’objectif politique visant à établir la responsabilité des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide incluent la plupart des plus importants donneurs d’aide bilatéraux, ainsi qu’une grande partie des bénéficiaires. Il serait utile de savoir pourquoi de tant d’États se sont engagés à traduire en justice les auteurs de crimes internationaux, malgré les complexités que cela implique. Valeur inhérente La justice pénale internationale comporte une valeur et une réputation morales inhérentes. De nombreux États ont pris conscience de la nécessité de traduire en justice les auteurs de crimes internationaux en réponse aux atrocités du XXème siècle. Comme indiqué dans le préambule du Statut de Rome, ces atrocités « heurtent profondément la conscience humaine. » Pour de nombreux décisionnaires d’Europe et d’Amérique du Nord notamment, le soutien de la justice internationale peut être interprété comme une réponse à l’Holocauste et une justification du serment moral « plus jamais. » En Afrique, en Amérique latine et en Asie, les atrocités commises sous l’administration coloniale, les régimes issus de la guerre froide et l’apartheid ont plus qu’inspiré la nécessité d’établir une responsabilité juridique en cas de crimes atroces similaires à l’avenir. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 23 Promouvoir la paix Si la justice pénale internationale doit répondre moralement et de manière appropriée aux pires outrages criminels, elle doit faire bien plus que proclamer symboliquement que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides sont inacceptables. La justice pénale internationale doit tout d’abord apporter une contribution importante à la prévention de tels actes. Les signataires du Statut de Rome ont établi un lien explicite entre la justice et la paix à travers leur détermination à « mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes. »18 En outre, en « [r]econnaissant que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde, » ils laissent entendre que leur prévention contribuera à la paix, à la sécurité et au bien-être.19 Des attentes similaires sont exprimées dans les documents fondateurs du TPIY et du TPIR, et figurent dans certains accords de paix conclus au niveau national.20 Il est difficile de déterminer si la justice pénale internationale dissuade dès le début les futurs criminels de commettre des crimes atroces. De nombreux facteurs complexes peuvent entraîner ou prévenir la perpétration d’atrocités, et il est impossible d’isoler un seul facteur avec certitude. Toute évaluation équitable de la question doit être comparative : un monde bénéficiant d’une justice pénale internationale doit être comparé à un monde qui en est dépourvu. Et il existe peu de cas-types confirmant l’idée selon laquelle la justice pénale internationale dissuade les criminels et contribue à la paix et au développement. Dans les deux situations où l’on a établi des responsabilités significatives concernant des crimes internationaux commis avant les années 1990, les deux pays impliqués sont en paix depuis lors. En Allemagne, les procès des criminels de guerre nazis qui ont eu lieu à Nuremberg, dans des tribunaux nationaux et dans des salles d’audience du monde entier, ont permis au pays d’affronter et de rejeter catégoriquement les principes nationalistes de son sombre passé. Les vices de forme des procès de Tokyo qui se sont tenus après la Seconde Guerre mondiale ont démontré que les procès avaient moins d’impact sur la population japonaise, mais ont mis sur la touche un certains nombre d’individus hauts placés impliqués dans des crimes internationaux et ont permis de montrer la futilité de la quête de l’impérialisme nationaliste. 24 INTRODUCTION Questions relatives à l’héritage des tribunaux Qu’est-ce que l’héritage ? L’héritage est un concept associé aux tribunaux hybrides et spéciaux chargés de juger les crimes internationaux, ainsi qu’à la Cour pénale internationale. L’héritage peut se rapporter à la capacité accrue du système judiciaire, ensuite oubliée une fois le travail du tribunal accompli (ou une fois la tâche de la CPI accomplie dans le pays). Ce concept se rapporte également à la contribution que les poursuites des crimes internationaux peuvent apporter en forgeant la mémoire historique collective, la réconciliation, le respect de la loi et la paix. L’héritage dans les contextes nationaux Avec n’importe quel modèle de tribunal, les poursuites liées à des crimes internationaux et engagés au niveau national finiront par aboutir. Pour en maximiser les bénéfices sur le long-terme, l’héritage doit être pris en compte dès le début dans la planification. Capacité accrue Comme indiqué tout au long de ce manuel, le soutien apporté aux poursuites concernant des crimes internationaux peut contribuer au développement durable des compétences et au renforcement des institutions dans de nombreux domaines : de l’établissement d’un cadre juridique à chaque domaine de la chaîne judiciaire, en passant par le soutien des journalistes, la promotion de la société civile et la surveillance des décisions judiciaires. Histoire collective, réconciliation, État de droit et paix Afin de maximiser ces bénéfices durables très immatériels pour les générations futures, deux sphères d’activité sont d’une importance capitale. Les archives doivent être accessibles au public et les nombreuses informations qu’elles contiennent doivent être distillées et présentées de différentes manières facilement compréhensibles. Les activités de sensibilisation doivent également s’étendre au-delà du champ d’application des poursuites judiciaires officielles afin de partager plus largement les informations contenues dans les archives, de favoriser la discussion nationale et la reconnaissance de faits établis judiciairement qui sont parfois gênants, et de consolider les notions de responsabilité. Lectures complémentaires Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme : Valorisation des enseignements tirés de l’expérience des tribunaux mixtes, (Instruments de l’État de droit dans les sociétés sortant d’un conflit, 2008 ; disponible sur : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/HybridCourts.pdf. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 25 En revanche, si l’on considère les pays qui sont devenus le centre des efforts de la justice internationale dans le monde de l’après-Guerre froide, nombreux sont ceux dont l’histoire est marquée par des violences cycliques, notamment l’ex-Yougoslavie, le Rwanda, la RDC, l’Ouganda, la République centrafricaine, le Soudan, le Kenya et la Colombie. Dans chacun de ces pays, les précédentes vagues d’atrocités n’ont pas été suivies d’efforts pour obliger chaque criminel à répondre de ses actes au pénal. Il est difficile de déterminer la mesure dans laquelle cette omission a pu contribuer aux atrocités qui ont été commises par la suite. Dans certains cas, cependant, tout semble indiquer que les griefs établis en mémoire des erreurs passées, restées impunies et non reconnues, ont grandement contribué à l’apparition de nouveaux conflits et atrocités. Ce fut le cas en ex-Yougoslavie où la propagande nationaliste serbe a trouvé un écho et semé la peur parmi les populations, une situation rappelant les atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale contre les Serbes qui se sont heurtés à un refus officiel plutôt que d’obtenir justice.21 Au TPIY, beaucoup d’accusés serbes dont Slobodan Milosević, Radovan Karadzić et Vojoslav Seselj, ont clairement évoqué les atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale à l’encontre des Serbes en prétextant que les actes qui avaient été commis dans les années 1990 étaient nécessaires à la défense collective. De même, au Kenya, l’impunité des auteurs de violences constituant sans doute des crimes internationaux lors des élections de 1992 et 1997 a permis aux dirigeants de fomenter facilement des atrocités à grande échelle à des fins politiques, à la suite des élections de 2007.22 Au Rwanda, l’absence d’obligation de rendre compte des crimes passés a donné aux criminels l’assurance qu’ils pourraient perpétrer des massacres de plus grande ampleur tout en restant impunis. Le fait que personne n’ait été tenu pour responsable des atrocités commises contre les Tutsis entre 1990 et 1994 (et en raison de cette absence de reddition de comptes, rien n’a entravé les relations du Rwanda avec la communauté des bailleurs de fonds internationaux) a encouragé les partis radicaux hutus à préparer le génocide lancé en avril 1994.23 Vingt ans seulement se sont écoulés depuis que la justice pénale internationale est réapparue en réponse aux atrocités commises en ex-Yougoslavie et au Rwanda, et le Statut de Rome n’est entré en vigueur qu’il y a huit ans. Il est difficile de mesurer les effets d’une évolution si récente, bien que certains signes semblent indiquer qu’elle peut constituer une mesure dissuasive. En 2003, le gouvernement ougandais a déféré la situation du nord du pays à la CPI après qu’une amnistie accordée en 2000 a échoué à mettre un terme aux attaques menées contre les civils par l’Armée de résistance du Seigneur (ARS). Le procureur de la CPI a ouvert une enquête en 2003, et en 2005 les juges de la CPI ont approuvé les mandats d’arrêt à l’encontre de cinq commandants supérieurs de l’ARS. Cela a sans doute permis d’amener les rebelles à la table des négociations en 2006 ; avant 2008, 26 INTRODUCTION des membres du commandement de l’ARS ont signé l’Accord de paix de Juba et ses protocoles secondaires, y compris les dispositions relatives au jugement des crimes internationaux par les tribunaux nationaux.24 Même si le chef de l’ARS, Joseph Kony, a finalement refusé de signer l’accord de paix, les attaques de l’ARS menées contre les civils en Ouganda du Nord ont complètement cessé. Les craintes selon lesquelles les actions de la CPI déstabiliseraient le processus de paix se sont révélées sans fondement et la justice a très bien pu jouer un rôle déterminant en matière de prévention de nouvelles atrocités et d’apaisement du conflit, bien que l’on ne puisse tirer des conclusions définitives au sujet des mécanismes de causalité. Lorsque Thomas Lubanga Dyilo a été arrêté en RDC en vertu d’un mandat d’arrêt délivré par la CPI pour le recrutement forcé d’enfants soldats, les enquêteurs de terrain ont constaté un regain d’intérêt prononcé pour le droit pénal international parmi les commandants militaires et les chefs de milice du pays.25 Et un chef de milice de la République centrafricaine a invoqué l’affaire Lubanga en décidant de travailler avec Human Rights Watch et l’UNICEF pour démobiliser les enfants soldats sous son commandement.26 En Afghanistan, trois ans après que le procureur de la CPI a annoncé que la situation était « à l’étude, » un commandant éminent du nord du pays, prétendument impliqué dans les atrocités, a indiqué qu’il craignait que la CPI ne force des dizaines de commandants supérieurs à assister à une lecture d’un rapport de Human Rights Watch exposant en détail les allégations. Il aurait également transporté des armes lourdes en dehors de la ville de Mazar-e-Sharif et approuvé la formation d’une force de police multiethnique afin de prévenir l’abus des minorités.27 De même, alors que les tensions montaient en Côte d’Ivoire en 2004, le Conseiller spécial des Nations Unies pour la prévention du génocide s’est rendu sur place et a signalé que le discours raciste et haineux diffusé par la radio du gouvernement pouvait exacerber la violence et donner lieu à un renvoi de la situation à la CPI. Le lendemain, la mission des Nations Unies a indiqué que « la radio et la télévision nationales ont diffusé des messages de paix dont le ton et le contenu étaient nettement différents de ceux que nous avions entendus dernièrement. »28 Certes, ces anecdotes n’offrent qu’une indication préliminaire selon laquelle la justice pénale internationale peut avoir un effet dissuasif, mais elles soulignent aussi la même logique de dissuasion simple qui est considérée comme acquise dans la plupart des contextes nationaux : plus les lois sont appliquées, plus les criminels potentiels connaissent les lois et, de peur d’avoir à rendre des comptes, renoncent à les enfreindre d’emblée. Au-delà de la simple dissuasion, il devient de plus en plus évident que la justice pénale internationale peut soutenir les initiatives de paix en mettant sur la touche ceux qui pourraient compromettre le processus de paix. Avant 2003, Charles Taylor, l’ancien CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 27 président de la république du Liberia, a signé huit accords de paix et neuf accords de cessez-le-feu, et a violé chacun d’entre eux. Sous la pression accrue de deux factions rebelles, il a de nouveau cherché à engager des négociations de paix dans le cadre d’une tactique de regroupement et de réarmement. Cependant, son inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Tribunal spécial pour la Sierra Leone a rendu son rôle quant à un règlement du conflit au Liberia totalement indéfendable, et a donné lieu à une pression internationale sans précédent pour qu’il quitte le pays. Après douze ans de guerre civile, le Liberia a pu enfin commencer à entreprendre des réformes difficiles et à promouvoir le développement économique. Une dynamique similaire peut être observée dans les Balkans. Après que les Accords de paix de Dayton ont mis fin à la guerre en Bosnie-Herzégovine, de nombreuses personnes suspectées de crimes de guerre sont restées en liberté et ont joué un rôle important dans le blocage de la liberté de mouvement, du retour des minorités et d’autres développements soutenus par la communauté internationale.29 Puis en 1998, les casques bleus de l’OTAN ont sérieusement commencé à procéder à des arrestations pour le TPIY, et en 2005, une Chambre pour les crimes de guerre a été créée au sein de la nouvelle Cour d’État de Bosnie qui a par la suite poursuivi de nombreux suspects dont certains étaient restés des représentants du pouvoir. En Serbie, les personnes qui avaient été mises sur la touche par les inculpations du TPIY liées aux crimes en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et au Kosovo comprenaient non seulement Slobodan Milosević, mais aussi d’anciens hauts fonctionnaires qui avaient gardé une influence significative sur le secteur non réformé de la sécurité. En outre, la pression internationale demandant l’application des mandats d’arrêt du TPIY a encouragé les représentants locaux à entreprendre la difficile réforme du secteur de la sécurité, en s’attaquant directement à un noyau dangereux de nationalisme et de crime organisé au sein des institutions. Sans de telles actions, certaines arrestations auraient été probablement impossibles.30 Cela semble peut-être paradoxal mais la justice pénale internationale peut également favoriser la réussite des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR). Bien que des tensions à court terme puissent apparaître entre les programmes DDR et les poursuites des crimes internationaux, ces dernières peuvent non seulement éliminer les potentiels perturbateurs du processus DDR, mais aussi contribuer à la réintégration des anciens combattants.31 En faisant des différences entre les criminels, les poursuites peuvent donner aux communautés l’assurance que les pires criminels ne font pas partie des anciens combattants en cours de réintégration, et l’attribution d’une responsabilité pénale individuelle peut contribuer à réduire la probabilité de responsabilité collective. En outre, si les victimes et leurs communautés constatent que les criminels présumés sont poursuivis, ils éprouveront peut-être moins de ressentiment à l’égard des avantages sociaux fournis pour la réintégration des anciens combattants. 28 INTRODUCTION Dans de nombreux cas, les actes qui peuvent être considérés comme des crimes internationaux sont déjà illégaux en vertu des codes pénaux nationaux. La question est de savoir pourquoi des efforts supplémentaires doivent être consacrés au développement de la volonté et de la capacité des États de poursuivre ces actes comme des crimes internationaux.32 On peut notamment citer le fait que même lorsque les actes sont déjà illégaux, le droit pénal international peut constituer un meilleur moyen de dissuasion que la législation nationale. Accuser un certain nombre de criminels de viol ou de meurtre, par exemple, peut faire oublier le fait qu’ils étaient tous liés par une hiérarchie à des commandants spécifiques n’ayant ni empêché ni puni ces actes. Bien que cela ne constitue pas une responsabilité civile en vertu de la loi nationale à moins que des ordres spécifiques de commettre les crimes n’aient été donnés, cela constitue une responsabilité lorsque les crimes internationaux et les principes associés tels que la responsabilité du commandement ou la responsabilité des supérieurs sont prévus par la loi. Lorsque les codes nationaux sont modifiés pour intégrer les crimes internationaux et les modes de responsabilité associés, les personnes en position d’autorité ont une raison juridique supplémentaire d’intervenir pour empêcher ou punir les crimes commis par leurs subordonnés. Au-delà de la création de ce moyen de dissuasion plus vaste, l’application du droit pénal international présente d’autres avantages. Dans de nombreux pays, les termes « crime de guerre, » « crime contre l’humanité, » et « génocide » connotent aujourd’hui probablement un plus haut niveau d’infamie et d’illégitimité. Considérer un acte comme un ou plusieurs de ces crimes internationaux peut donc offrir aux victimes une reconnaissance publique plus profonde des souffrances qu’elles ont endurées. Cela peut apaiser la volonté de représailles. Ces crimes internationaux reflètent généralement mieux la gravité des atrocités et, dans certains cas, ils peuvent prévoir des peines plus lourdes. L’élément le plus important est peut-être que les éléments supplémentaires difficiles qui doivent être étudiés dans les procès concernant des crimes internationaux (le contexte et les formes d’atrocités) fournissent précisément le type d’information qui peut aider les sociétés à parvenir à des vérités communes quant au contexte et à la gestion d’un conflit. Enfin, cela peut faciliter la réconciliation post-conflit qui assure une paix véritablement durable.33 Les mécanismes de justice traditionnels Dans certains contextes, l’application de la justice pénale internationale peut contribuer à la promotion des initiatives liées aux mécanismes de justice traditionnels grâce à des mandats parallèles ou simultanés ciblant des atrocités commises. Le processus gacaca au Rwanda en est un bon exemple. Même lorsque ces mécanismes ont été particu- CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 29 lièrement controversés (par exemple, le mato oput en Ouganda du Nord), la pratique parallèle de la justice pénale internationale peut susciter une discussion approfondie sur des questions de justice, notamment les objectifs, les bénéficiaires et l’impartialité.34 Renforcer l’État de droit Dans la plupart des contextes où des crimes internationaux ont été commis, la question de traduire en justice les auteurs de ces crimes est inséparable des perspectives de l’élaboration des programmes de loi traditionnels. Après tout, comment une culture de l’État de droit, de la responsabilité et de la confiance peut-elle se développer lorsque les pires crimes, souvent orchestrés par les élites au pouvoir et impliquant les responsables de l’armée ou de la police, restent impunis ? Il convient d’examiner plus en détail la manière dont la hiérarchisation de la justice pénale internationale a accéléré la réforme approfondie de l’État de droit en pratique. La notoriété des crimes internationaux peut galvaniser un appui important de la communauté nationale et internationale pour éliminer les obstacles spécifiques à une véritable justice internationale ayant également entravé d’autres objectifs de développement de l’État de droit. Au Rwanda, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Serbie, les gouvernements qui souhaitaient procéder au transfert des affaires du TPIR et du TPIY vers les tribunaux nationaux ont établi des chambres spécialisées pour les crimes de guerre. Dans le cadre de cet effort, ils ont également entrepris de nombreuses réformes nécessaires au respect des conditions du transfert des affaires des tribunaux internationaux. Par exemple, la Croatie s’est concentrée sur la capacité de protection des témoins et le Rwanda a aboli la peine de mort et renforcé les droits des accusés.35 Dans le système du Statut de Rome, le principe de complémentarité a clairement étendu ce modèle. Dans les États où la CPI a compétence, la menace de son intervention peut fortement inciter à l’adoption de réformes approfondies dans le secteur de la justice qui peuvent être guidées ou influencées par une communauté de bailleurs de fonds sensibles à cette question. Au Kenya, une nouvelle constitution a été adoptée suite aux réclamations de justice pour les atrocités commises lors des violences post-électorales de 2007-2008, définissant ainsi une nouvelle formulation du principe de légalité.36 En outre, le fait que le gouvernement ne souhaite pas que la CPI poursuive six individus a incité les représentants du gouvernement à accélérer la mise en œuvre de réformes de l’État de droit en vertu de la nouvelle constitution. Les poursuites engagées par la CPI ont non seulement engendré une pression plus forte au niveau national et international afin que des personnes consciencieuses soient nommées à des postes clés dans le domaine de l’État de droit, mais également une incitation juridique si les juges de la CPI doivent être convaincus que les enquêtes et les poursuites entreprises par le Kenya 30 INTRODUCTION sont bien réelles.37 Le projet de loi de mise en œuvre du Statut de Rome étudié par le parlement de la RDC en 2011 servirait non seulement de base à la poursuite des crimes internationaux dans le système judiciaire civil du pays, mais il abolirait aussi, sur le plan fonctionnel, la peine de mort pour les crimes internationaux.38 En outre, il modifierait le code pénal de la RDC en adoptant la vaste définition de la responsabilité individuelle pénale donnée par le Statut de Rome comme un mode de responsabilité pour tous les crimes en vertu du code. Si ce projet de loi venait à être adopté, il représenterait une réforme juridique significative.39 Au-delà des réformes spécifiques ciblant l’ensemble du système et encouragées par la justice pénale internationale, mettre l’accent sur l’application de la loi pour sanctionner les crimes les plus graves présente probablement un bénéfice intangible. Si ces efforts sont authentiques et fructueux, le public peut très bien avoir confiance dans le secteur de la justice dans son ensemble, ce qui peut contribuer à son tour à la prévention des crimes nationaux. À un niveau plus technique, les nouvelles ressources financières qui accompagnent l’engagement en faveur de la justice internationale peuvent avoir un impact sur les domaines qui préoccupent le système judiciaire dans son ensemble. Les sources de financement du soutien général apporté à l’état de droit et à la justice internationale se chevauchent, mais découlent également en partie de différents impératifs et initiatives politiques. La mesure dans laquelle la justice internationale et l’épanouissement de l’État de droit traditionnel se disputent les mêmes fonds variera en fonction de la situation et du bailleur de fonds. Grâce à l’intégration, les redondances peuvent être évitées et les synergies peuvent être exploitées. Par exemple, le soutien d’un système de protection et de prise en charge des témoins nécessaire dans le cadre des procès impliquant des crimes internationaux pourrait également être profitable aux initiatives sur la prévention de la violence familiale, de la violence sexuelle, de la corruption, du trafic de drogue ou du crime organisé. Les agents de police judiciaire qui ont suivi une formation spécialisée dans le domaine de la justice pénale internationale peuvent également bénéficier d’une formation avancée en matière de préservation des scènes de crime, de médecine légale ou de recueil du témoignage des témoins – des compétences qui amélioreront dans l’ensemble la capacité du système de justice pénale. Comme indiqué tout au long de ce rapport, ces zone de chevauchement sont nombreuses. Un facteur du développement économique Si, comme nous l’avons évoqué plus haut, la justice pénale internationale peut contribuer à rompre des cycles de violence, jeter les bases d’une paix durable et renforcer l’État de droit, son importance pour le développement économique dans les pays en CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 31 conflit et sortant d’un conflit ne doit pas être sous-estimée. En effet, le Rapport sur le développement dans le monde 2011 de la Banque mondiale établit une corrélation entre la violence politique et criminelle cyclique et la pauvreté chronique. Le rapport soutient que l’aide au développement doit se recentrer sur la prévention de la violence politique et criminelle.40 Le rapport prend l’exemple de la justice transitionnelle, notamment les poursuites judiciaires impliquant des crimes internationaux, qui représente un outil important à cette fin. Intégrer la justice internationale dans le soutien au développement des programmes de loi traditionnels L’intégration de la justice internationale dans le travail de la communauté chargée de l’élaboration des programmes de loi traditionnels présente des avantages en termes d’expertise, d’efficacité et de cohérence. Cependant, suite à l’introduction d’une multitude de nouveaux acteurs, elle accorde une priorité accrue à la coordination des politiques au sein de la communauté internationale elle-même. Les États et les organisations internationales ont pris des engagements louables en faveur de la promotion du développement de nouvelles instances pénales internationales crédibles au niveau de l’État. La mesure dans laquelle ces engagements se répandent dans l’appareil d’élaboration et d’application des politiques au sein des organismes bailleurs de fonds et parmi ceux-ci déterminera dans une large mesure leur réussite. Comme dans d’autres domaines de l’élaboration et de l’application des politiques, un soutien efficace au renforcement de l’État de droit exige une large communication et une coordination entre toutes les parties concernées. De plus, l’intégration d’une toute nouvelle priorité dans ce domaine exige non seulement des engagements politiques de la part des ministères des Affaires étrangères et d’autres intervenants, mais également l’adhésion de toutes les parties concernées. Pourtant, en République démocratique du Congo, un État où la communauté chargée de l’élaboration des programmes de loi est très active et où il est fortement urgent de traduire en justice les auteurs de crimes internationaux, les représentants du développement interrogés en 2010 ne connaissaient pas les engagements pertinents que leurs propres représentants politiques avaient pris lors de la Conférence de révision du Statut de Rome trois mois plus tôt.41 Au Cambodge, les représentants des relations publiques étudiant les problèmes d’accès à la justice n’ont pas été en mesure de répondre à des questions portant sur les poursuites concernant des crimes internationaux aux Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), tandis que les représentants de la sensibilisation du CETC n’ont aucun mandat pour répondre à des questions portant sur d’autres éléments du secteur 32 INTRODUCTION judiciaire cambodgien. Dans de nombreux endroits, les formations destinées aux juges de tribunal pénal ne traitent pas des crimes internationaux et des formations séparées destinées à ces mêmes participants doivent être organisées pour traiter cet aspect. La liste de ces lacunes est longue. À l’évidence, parvenir à l’intégration nécessitera beaucoup plus de travail. Les défis à relever concernent non seulement la communication et la coordination internes entre les capitales et les délégations sur le terrain, mais aussi entre les différentes sections des ministères des Affaires étrangères, et, parmi les ministères des Affaires étrangères, du développement et d’autres ministères et agences compétents. Les mécanismes de communication et de coordination doivent également inclure un cercle d’intervenants plus large, en particulier le gouvernement bénéficiant de l’aide (étudié dans le chapitre consacré à la coordination des politiques nationales), ainsi que des organisations internationales, des organisations non gouvernementales et des prestataires compétents. La coordination entre les partenaires gouvernementaux du développement et les fondations privées peut poser des défis importants. Lorsque la communauté internationale soutient en priorité les poursuites nationales concernant des crimes internationaux, des efforts doivent être mis en œuvre rapidement pour s’assurer du soutien des hauts fonctionnaires internationaux du territoire (c’est-à-dire, des ambassadeurs influents et, dans de nombreux pays, un représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies). Des efforts doivent être également entrepris pour travailler en liaison avec des bailleurs de fonds multilatéraux et d’autres intervenants actifs dans le secteur économique pour s’assurer que les besoins en ressources sont compris. Ces défis sont communs à l’intégration d’une nouvelle priorité dans la politique de développement international, mais dans ce cas, ils peuvent être aggravés par la nature souvent insulaire de la communauté juridique internationale. Comme le précise ce manuel, les bailleurs de fonds peuvent exploiter de nombreuses ressources pour profiter de l’expertise en matière de justice internationale. Cependant, la communauté internationale doit s’efforcer de mieux mettre en relation ceux qui connaissent les besoins et ceux qui connaissent les ressources disponibles. Directives en matière de coordination des politiques des bailleurs de fonds Évaluer la coordination actuelle des politiques : • Existe-t-il un mécanisme national de coordination des politiques pour tous les principaux bailleurs de fonds du secteur de la justice ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 33 • Chaque bailleur de fonds bilatéral ou multilatéral coordonne-t-il la politique et les messages relatifs à la justice pénale internationale (ou la justice transitionnelle plus générale) au niveau interne, notamment : – entre sa mission sur le terrain et la capitale ? – entre tous les bureaux compétents de son ministère des Affaires étrangères, notamment les bureaux géographiques et les bureaux régionaux, les directions des droits de l’homme, les directions des crimes de guerre (le cas échéant) et sa mission aux Nations Unies ? – entre son ministère des Affaires étrangères et le ministère du Développement ? – avec tous les autres ministères concernés par l’effort d’aide, notamment la justice et la défense ? • Le mécanisme national de coordination des bailleurs de fonds a-t-il fait ses preuves dans le domaine de la justice transitionnelle (ou a-t-il accès à cette expertise) afin de conseiller suffisamment l’État d’accueil et d’évaluer ses demandes liées à la justice transitionnelle ? Planifier la coordination nationale concernant les questions liées à la justice pénale internationale : • Envisager la création d’un groupe de travail sur la justice pénale internationale (ou la justice transitionnelle plus générale) au sein d’un mécanisme de coordination des bailleurs de fonds existant pour le secteur de la justice. • Envisager la création d’un mécanisme de coordination des bailleurs de fonds pour le secteur de la justice s’il n’y en a pas. • Organiser sur place des visites effectuées par des représentants du mécanisme de coordination des bailleurs de fonds afin qu’ils puissent observer les projets de justice transitionnelle menés sur le terrain. • Évaluer les bailleurs de fonds individuels et collectifs par rapport à la planification existante, prévue et future, pour identifier les domaines où le renforcement des capacités en matière de poursuites des crimes internationaux pourrait être intégré grâce à des modifications mineures. Par exemple, la formation prévue pour les juges pourrait être élargie pour inclure une présentation du droit pénal international ou l’audit prévu en matière de codes pénaux et de codes de procédure pénale pourrait envisager les possibilités d’inclusion du droit pénal international. 34 INTRODUCTION cohérence interne : • S’assurer qu’une fois que les décisions politiques concernant la justice pénale internationale sont prises, des directives cohérentes sont communiquées à tous les ministères, agences et prestataires compétents. • Réaliser un examen périodique pour déterminer si ces organismes agissent et parlent systématiquement en faveur de la politique énoncée en matière de justice pénale internationale. coordination externe : • Assurer la coordination des bailleurs de fonds internationaux avec les organisations de la société civile, notamment les organisations de victimes, sur des questions liées à la justice pénale internationale. • Lorsqu’un soutien est apporté aux États parties au Statut de Rome, déterminer comment mieux favoriser un contact régulier entre l’organisme national de coordination des bailleurs de fonds pour la justice transitionnelle et le Secrétariat de l’Assemblée des États Parties (SAEP) au Statut de Rome, et avec les animateurs en matière de complémentarité du Groupe de travail de La Haye de l’AEP. • Demander conseil aux experts de la communauté juridique internationale pour combler les lacunes des connaissances des bailleurs de fonds. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 35 Sensibilisation Pourquoi Permettre aux victimes des événements d’obtenir justice. Favoriser l’appropriation nationale du mécanisme de justice internationale. Conjurer les craintes fondées sur des fausses impressions et des rumeurs concernant les autorités et activités. Gérer les attentes du public, en particulier parmi les victimes. Encourager le public, en particulier les témoins et les victimes, à participer au processus. Enseigner au public des concepts juridiques. Renforcer les attentes du public en matière d’accessibilité aux institutions de l’État. Habituer les institutions de l’État à la transparence et à entretenir une relation interactive avec le public. Quoi Diffuser des informations au sujet des autorités, procédures et activités juridiques. Connaître les opinions et attentes de la communauté. Qui Procureurs, avocats de la défense, juges et administrateurs. Décisionnaires du secteur de la justice. Organisations de la société civile. Quand Avant d’engager des poursuites impliquant des crimes internationaux. Au cours des poursuites. Activité liée aux enseignements tirés des poursuites. 37 Les activités de sensibilisation donnent la possibilité aux institutions du secteur de la justice d’entamer un dialogue avec les communautés touchées par leur travail. Les institutions peuvent connaître les perceptions et attentes des communautés concernées, tout en diffusant des informations sur leurs autorités et activités. Avant d’entamer des poursuites concernant des crimes internationaux, les programmes de sensibilisation peuvent permettre aux communautés concernées de s’exprimer lors de la planification des poursuites, ce qui peut contribuer à favoriser l’appropriation nationale et à gérer des attentes. Avant et pendant les poursuites, les programmes de sensibilisation peuvent encourager la populatione public, en particulier les témoins et les victimes, à participer au processus, tout en conjurant les craintes, parmi les anciens combattants et d’autres personnes, fondées sur des fausses impressions et des rumeurs. Une fois les poursuites terminées, les programmes de sensibilisation deviennent une activité d’information essentielle ; ces programmes peuvent permettre de s’assurer que les informations relatives aux procès restent accessibles au public, où ils peuvent contribuer à un récit historique commun des événements, faire naître parmi les victimes le sentiment que justice a été rendue, et enfin, contribuer à la réconciliation. Méthodes. Les programmes de sensibilisation peuvent prendre de nombreuses formes, notamment des forums interactifs où le public peut poser des questions aux fonctionnaires de la cour, la distribution de documents imprimés, la diffusion de résumés audio ou vidéo de poursuites judiciaires suivies d’une séance de questions et réponses en compagnie du personnel responsable des programmes de sensibilisation, des émissions de radio, des scènes de théâtre, des séminaires, des réunions consultatives et des conférences. Ces moyens et d’autres méthodes ont été utilisés par différentes institutions de justice transitionnelle et sont devenues une référence dans les tribunaux internationaux jugeant des crimes atroces. La participation des juges peut judicieusement se limiter à des présentations générales du mécanisme de justice et de son autorité. Organisateurs et participants. Dans des contextes nationaux, le choix des fonctionnaires ou bureaux chargés de l’organisation des programmes de sensibilisation peut ne pas être évident. Les bureaux des relations publiques existants au sein des ministères de la Justice et des greffes des tribunaux peuvent notamment se charger de cette tâche. Le bureau organisateur doit être considéré comme étant impartial, ce qui signifie qu’il n’est aligné ni sur l’accusation, ni sur la défense. En outre, il ne doit pas être trop étroitement associé aux juges, pour ne pas être considéré comme leur porte-parole. Il est possible que les autorités judiciaires nationales et les équipes de la défense n’apprécient pas que les greffes des tribunaux mènent et coordonnent les programmes de sensibilisation en leur nom ou en relation avec leur travail. Il faut prendre soin de ne pas copier les modèles de sensibilisation des cours pénales internationales dans des 38 SENSIBILISATION contextes nationaux sans tenir compte du contexte local. Lorsque les gouvernements ne sont pas en mesure d’effectuer les programmes de sensibilisation eux-mêmes, sont trop corrompus pour le faire ou refusent de le faire, la communauté internationale peut toujours soutenir les activités de sensibilisation menées par les organisations locales de la société civile. Lorsque ces dernières ne sont pas non plus en mesure d’effectuer cette tâche, les ONG internationales expérimentées sont bien placées pour donner des conseils et dispenser une formation. Peu importe qui organise les activités de sensibilisation, les intervenants locaux doivent être les interlocuteurs de premier plan du public. En outre, dans des contextes nationaux où plusieurs institutions peuvent mener des programmes de sensibilisation, la coordination et l’harmonisation du contenu et des activités de sensibilisation, de préférence guidées par une stratégie de sensibilisation convenue, sont d’une importance capitale. Dans certains contextes nationaux, il peut être nécessaire de créer une unité de coordination spéciale des programmes de sensibilisation disposant des ressources et autorisations nécessaires ou de confier ce rôle à une institution existante. Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Dans la mesure où les programmes de sensibilisation sont déjà intégrés aux programmes de loi généraux, ils prévoient généralement d’améliorer l’accès à la justice, par exemple en rendant public le lieu et les heures d’ouverture du tribunal. Certaines initiatives ont cherché à divulguer les frais de justice pour combattre la corruption judiciaire. Certains programmes d’accès à la justice plus ambitieux tentent également d’expliquer les bases du système juridique. Lorsque ces programmes sont déjà mis en place, il peut être possible de les relier. Malheureusement, ce n’est pas la norme. Par exemple, le projet d’appui à la justice pénale au Cambodge (CCJAP) soutenu par l’Australie, un programme de grande envergure qui établit des conseillers étrangers dans l’ensemble du système judiciaire cambodgien, n’a aucune interaction avec les CETC. Au moment où le projet CCJAP déterminait qu’il était nécessaire d’améliorer les programmes de sensibilisation générale du grand public au système judiciaire, les CETC travaillaient sur leur propre programme de sensibilisation. La coopération entre les deux approches aurait pu améliorer la portée et l’efficacité des deux initiatives.42 Les avantages globaux de l’État de droit. L’amélioration de la capacité des juridictions nationales à mener leur propre programme de sensibilisation lié aux poursuites des crimes internationaux peut renforcer les objectifs communs des bailleurs de fonds au-delà du domaine de la justice transitionnelle. L’accès aux programmes de justice progresse lorsque les programmes de sensibilisation améliorent la compréhension que la communauté a des concepts de base que sont l’indépendance du système judiciaire et les droits des accusés. En outre, cette compréhension peut utilement élever les attentes CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 39 et les besoins de la communauté en matière de transparence dans la gouvernance, ce qui peut, en définitive, encourager les gouvernements à devenir plus sensibles et réceptifs aux préoccupations de la population. Enfin, les programmes de sensibilisation peuvent servir le grand intérêt que suscite l’établissement de la confiance publique dans les institutions de l’État et la création d’un environnement propice à une réforme approfondie de l’État de droit. Ainsi, les programmes de sensibilisation peuvent être un facteur multiplicateur clé de la réussite des investissements des bailleurs de fonds dans la justice et d’une bonne gouvernance. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Coût élevé de l’échec. Bien que les programmes de sensibilisation ne soient généralement pas l’une des principales priorités de l’épanouissement de l’État de droit traditionnel, et bien que les tribunaux nationaux et les autres institutions pertinentes du secteur de la justice ne disposent habituellement pas de bureaux d’information ni de services de presse, les bailleurs de fonds doivent être parfaitement conscients que les programmes de sensibilisation peuvent être indispensables à la réussite des poursuites impliquant des crimes internationaux. Les programmes de sensibilisation précoces peuvent réduire les frais judiciaires en rendant les témoins plus enclins à coopérer et les enquêtes plus efficaces. Ces programmes permettent aux communautés d’exprimer leurs préoccupations et leurs intérêts. Ils permettent également de mettre un terme à la désinformation qui pourrait semer la panique parmi les anciens combattants et le grand public comme, par exemple, les croyances sans fondements selon lesquelles tous les anciens combattants seraient arrêtés. Les anciens combattants et les auteurs des crimes les moins graves qui se trouvent parmi eux et qui partagent ces croyances seront moins enclins à parler aux enquêteurs et auront plutôt tendance à reprendre les armes. Ces fausses informations peuvent être intentionnellement diffusées par des suspects de haut rang qui ont tout intérêt à discréditer le mécanisme de justice.43 Les programmes de sensibilisation peuvent également empêcher que les attentes irréalistes définies par le procureur ou les programmes de réparation (lorsqu’ils existent) ne provoquent la déception parmi les populations touchées. Un succès hautement récompensé. Les poursuites impliquant des crimes internationaux toucheront aux causes et à la dynamique du conflit sous-jacent, qui restent souvent profondément controversées même après la fin du conflit. Si le processus judiciaire doit contribuer au récit commun des événements et reconnaître publiquement que la justice est une affaire de responsabilité pénale individuelle plutôt qu’une persécution 40 SENSIBILISATION collective, les poursuites et le système judiciaire lui-même (essentiellement les mécanismes de protection mis en place pour assurer l’indépendance des poursuites et du système judiciaire, ainsi que les droits des accusés) doivent être transparents. De même, si la justice internationale doit contribuer à la prévention de futures atrocités, les futurs criminels doivent être conscients des limites juridiques et des conséquences de leur franchissement. Sécurité. Parce que les enjeux des poursuites concernant des crimes internationaux ont tendance à être délicats, voire même controversés, des considérations de sécurité doivent être prises en compte lors de la conception d’un programme de sensibilisation. Afin d’assurer la sécurité des participants et organisateurs du programme, une évaluation générale de la sécurité des activités de sensibilisation doit être réalisées lors de la phase de conception et mise à jour périodiquement, des évaluations plus spécifiques étant menées pour chaque mission de sensibilisation. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Les activités de sensibilisation menées en Sierra Leone ont été un remarquable succès. Avant même que le Tribunal spécial ne soit créé, les organisations de la société civile, notamment No Peace Without Justice, Search for Common Ground et diverses ONG locales, se sont engagées auprès des communautés du pays à diffuser des informations et à écouter les différents points de vue au sujet du nouveau mécanisme. Lorsque la première petite équipe de fonctionnaires du tribunal est arrivée en 2002, le premier procureur du tribunal s’est engagé avec enthousiasme lors d’assemblées publiques locales qui ont finalement atteint chaque région du pays. La greffe du tribunal a créé une section d’information spécialisée qui pouvait diffuser des informations impartiales au sujet de la structure et de l’administration du tribunal, et favoriser la sensibilisation du public par l’accusation, le bureau de la défense et les équipes de la défense. Parmi ces efforts de sensibilisation, on peut notamment citer l’explication des limites de l’autorité du tribunal, en particulier la restriction selon laquelle celui-ci ne poursuit que les « principaux responsables » des crimes commis pendant le conflit. L’activité de sensibilisation répond également à la confusion concernant les mandats parallèles du tribunal et de la Commission de vérité et de réconciliation. Grâce à ces activités de sensibilisation, le public a eu l’occasion de collaborer avec les hauts fonctionnaires de la cour sur la question de l’application du mandat du TSSL. Le bureau d’information du TSSL a notamment été entièrement présidé par le personnel sierra-léonais qui compte des représentants dans tout le pays. Alors que le travail du tribunal spécial touche à sa fin, les responsables qualifiés et expérimentés des programmes de sensibilisation sont CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 41 bien placés pour contribuer à d’autres efforts de réforme juridique dans le pays, qu’ils occupent des postes au gouvernement, dans les médias ou dans des organisations non gouvernementales. Au Cambodge, on reconnaît que les programmes de sensibilisation entourant les CETC ont permis de rompre le silence prédominant dans le pays quant aux événements qui ont eu lieu sous le règne des Khmers rouges, et d’ouvrir une discussion nationale consacrée à la justice. Cela s’est produit malgré la réticence ou la franche hostilité du gouvernement, le fait que le tribunal soit situé en dehors de la capitale, et la réticence de certains fonctionnaires de la cour à soutenir les activités de sensibilisation. Certains observateurs reconnaissent moins d’ingéniosité à l’activité de sensibilisation sous-financée des CETC, mais louent l’initiative prise par certains fonctionnaires de la cour pour collaborer avec le public, ainsi que le fort engagement de la société civile, notamment le Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam).44 En Colombie, l’USAID et l’Union européenne ont soutenu des activités de sensibilisation efficaces à la justice et à la paix dans le pays. Suite à cela, le nombre de victimes réclamant justice a considérablement augmenté. En effet, 337 000 victimes se sont engagées à participer aux poursuites pénales.45 Directives en matière de soutien des activités de sensibilisation Évaluer l’importance et le type des besoins en matière de sensibilisation : 42 • Quelles sont la taille et la population du pays ? • À quel point la population est-elle alphabétisée, en particulier les personnes les plus touchées par le conflit ? • Quelle est la portée des journaux, de la radio, de la télévision et d’Internet, en particulier parmi les communautés les plus touchées par le conflit ? • Dans quelle mesure les concepts de base de la justice pénale, notamment les droits des suspects et des accusés, sont-ils compris ? Dans quelle mesure sontils compris au sein des communautés les plus touchées par le conflit ? • Quelle confiance est accordée au système judiciaire national, en particulier au sein des communautés les plus touchées par le conflit ? • Dans quelle mesure le mandat du mécanisme de justice pénale internationale (s’il existe déjà) notamment sa compétence temporelle et géographique, ainsi SENSIBILISATION que les types et nombres approximatifs de suspects à poursuivre, sont-ils compris ? • Quel soutien populaire est apporté aux poursuites impliquant des crimes internationaux et dans quelle mesure ce soutien varie-t-il entre les groupes d’identité impliqués dans le conflit ? • Quelle est la situation du pays en matière de sécurité, notamment le statut des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration, et le niveau de tension entre les anciennes factions combattantes ? • D’autres États ont-ils été impliqués dans le conflit ? • D’autres mécanismes de justice transitionnelle sont-ils actifs dans le pays ou ont-ils été proposés ? • La CPI est-elle active dans le pays ? les différentes possibilités de repérer les capacités de sensibilisation : • Existe-t-il un registre ou un autre organisme administratif utile au service des représentants du système judiciaire, de l’accusation, de la défense et des victimes (le cas échéant) ? • Ou le registre ou l’autre organisme administratif est-il étroitement aligné sur le système judiciaire uniquement ?46 • Existe-t-il des bureaux au sein du secteur de la justice qui mènent déjà des activités de sensibilisation, peut-être dans le cadre de programmes d’accès à la justice ? Si c’est le cas, ces bureaux représentent-ils la magistrature, les autorités judiciaires ou le système judiciaire dans son ensemble ? • Le gouvernement est-il prêt à mener des activités de sensibilisation ? • Dans quelle mesure les organisations locales de la société civile peuvent-elle organiser des activités de sensibilisation ou y participer ? les compétences techniques et les ressources disponibles : • Le chef du programme de sensibilisation a-t-il les compétences stratégiques et les qualités de gestion nécessaires pour élaborer une stratégie de sensibilisation cohérente et superviser efficacement le personnel ? • Les responsables des programmes de sensibilisation partagent-ils différentes compétences complémentaires, notamment de bonnes aptitudes à communiquer et à enseigner, ainsi que des compétences juridiques et linguistiques ? L’équipe peut-elle sensibiliser tous les groupes linguistiques les plus importants, en particulier dans les communautés les plus touchées par le conflit ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 43 • Les responsables des programmes de sensibilisation possèdent-ils les compétences nécessaires pour produire des matériaux écrits, audio et vidéo dans un langage précis et accessible ? • Les responsables des programmes de sensibilisation ont-il les ressources nécessaires pour se déplacer sur le territoire (notamment des véhicules et du carburant)? • Les responsables des programmes de sensibilisation disposent-ils d’un personnel de soutien administratif compétent ? • Les responsables des programmes de sensibilisation possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Disposent-ils d’un matériel d’amplification audio et vidéo, et de générateurs mobiles, si nécessaire ? Des ressources adéquates sont-elles disponibles pour la production de documents écrits ? • Des technologies de l’information sont-elles disponibles et les responsables des programmes de sensibilisation ont-ils les compétences nécessaires pour les utiliser ? Planifier la conception d’un programme de sensibilisation : • Situé dans la greffe du tribunal ou dans un autre organisme administratif qui est non seulement associé à la magistrature ou aux autorités judiciaires, mais qui peut administrer de manière neutre un programme pour les représentants de la magistrature, de l’accusation, de la défense et des victimes (le cas échéant). 44 • Adapté aux besoins du pays, prenant en compte la taille du pays, sa population, le degré de polarisation et de tension entre les factions rivales, les niveaux de confiance dans le système judiciaire, les niveaux de connaissance des concepts de base de la justice pénale, les niveaux de soutien aux poursuites des crimes internationaux, les niveaux de compréhension du mécanisme et la mesure dans laquelle les acteurs indépendants mènent déjà des activités de sensibilisation efficaces. Envisager plusieurs bureaux d’information extérieurs dans les pays peuplés ou de grande superficie où les besoins sont importants ou lorsque le pays reste gravement fracturé entre les anciennes factions combattantes. • Dont les méthodes, adaptées à la plupart des personnes, interagissent efficacement avec la population du pays, en particulier les victimes, les anciens combattants et les factions compréhensives à l’égard des criminels présumés. SENSIBILISATION • Capable de coopérer et de se coordonner avec les activités de sensibilisation menées par les ONG et la CPI (le cas échéant). la synchronisation : • Avoir pour ambition de lancer des activités de sensibilisation le plus tôt possible, avant même de s’accorder sur un mécanisme de justice internationale particulier. Envisager de soutenir les organisations indépendantes de la société civile pour débuter la sensibilisation avant le lancement du programme géré par l’État. participation : • Si nécessaire, encourager les hauts fonctionnaires de la cour à participer à des événements de sensibilisation, même ceux qui ne sont pas organisés par le gouvernement. Envisager de mettre en contact les fonctionnaires réticents avec les hauts fonctionnaires des tribunaux internationaux qui ont participé à ces événements. Resources Coalition pour la Cour pénale internationale (www.iccnow.org) : réseau international d’ONG impliqué dans différentes activités de sensibilisation liées au Statut de Rome. Human Rights Watch (www.hrw.org) : facilite les activités de sensibilisation avec les partenaires locaux dans certains contextes. Association internationale du barreau (www.ibanet.org) : dans le cadre au programme de surveillance et de sensibilisation de la CPI, cette association mène des activités de sensibilisation en relation avec le Statut de Rome conjointement avec des partenaires locaux. International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : organise des évaluations et donne des conseils sur la mise en place de programmes de sensibilisation. Cour pénale internationale (www.icc-cpi.int) : mène des activités de sensibilisation en relation avec le Statut de Rome et les poursuites de la CPI, principalement dans les pays concernés par la CPI. No Peace Without Justice (www.npwj.org) : mène des activités de sensibilisation conjointement avec des partenaires locaux et donne des conseils sur la mise en place de programmes de sensibilisation. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 45 Organisation Internationale de la Francophonie (www.francophonie.org) : organise des réunions et parraine des séminaires régionaux avec la CPI dans le monde francophone pour sensibiliser le public à tous les aspects du Statut de Rome. Parliamentarians for Global Action (www.pgaction.org) : mène des activités de sensibilisation en faveur des parlementaires grâce à son secrétariat et ses contacts parlementaires internationaux. Public International Law & Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations et donne des conseils sur la conception des programmes de sensibilisation. Redress (www.redress.org) : donne des conseils sur la conception de programmes de sensibilisation qui parviennent efficacement à informer les victimes. Search for Common Ground (www.sfcg.org) : a de l’expérience dans le domaine de l’organisation d’initiatives de sensibilisation communautaires, notamment celles liées à la justice internationale. Women’s Initiatives for Gender Justice (www.iccwomen.org) : mène des activités de sensibilisation en relation avec le Statut de Rome en ciblant les femmes des pays concernés par la CPI. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Clara Ramírez-Barat, Making an Impact: Guidelines on Designing and Implementing Outreach Programs for Transitional Justice, International Center for Transitional Justice, janvier 2011, disponible sur : http://www.ictj.org/static/Publications/ICTJ_ MakingAnImpact_pb2011.pdf Robin Vincent, An Administrative Practices Manual for Internationally Assisted Criminal Justice Institutions, International Center for Transitional Justice, 2007, pp. 84–92 (section relative à la sensibilisation), disponible sur : http://www.ictj.org/images/ content/9/3/931.pdf. 46 SENSIBILISATION Établir un cadre juridique Pourquoi Encourager les poursuites des crimes internationaux. Assurer une clarté juridique. Adopter des normes internationales. Quoi Créer une base juridique solide pour assurer de véritables poursuites nationales concernant des crimes internationaux. Qui Gouvernements et parlementaires. Organisations de la société civile. Spécialistes universitaires. Globalement, le fondement juridique nécessaire à la justice pénale ordinaire et à la justice internationale appliquée au niveau national est le même. L’indépendance de l’accusation et de la magistrature doit être assurée, notamment grâce à la constitution, l’autonomie budgétaire et grâce à des lois établissant des processus indépendants pour la sélection et la révocation des procureurs et des juges. Les lois de finances doivent fournir à la magistrature les ressources adéquates et le code de procédure pénale doit assurer le respect des droits des suspects et des accusés. Les accusés doivent être en mesure de préparer une défense appropriée. 47 Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Même au-delà de ces domaines qui se recoupent largement, en contribuant au renforcement de la base juridique d’un pays pour engager de véritables poursuites et intenter des procès crédibles concernant les crimes internationaux, le système judiciaire dans son ensemble bénéficiera de ces avantages. Lorsque des États ratifient le Statut de Rome et d’autres traités proscrivant les crimes internationaux, et adoptent des lois permettant leur application, ou lorsque ces États qui y sont constitutionnellement tenus adoptent des lois permettant l’application de lois internationales coutumières, cela favorise les normes internationales et les réformes juridiques nationales. Les principes fondamentaux tels que la responsabilité pénale individuelle seront renforcés et l’inclusion du droit pénal international dans les codes nationaux peut donner lieu à de vastes mises à jour du code national tout entier, par exemple dans les définitions mises à jour des crimes tels que le viol. Poursuivre les violences sexuelles et les violences fondées sur le sexe en tant que crimes internationaux peut également accentuer la pression exercée sur les gouvernements pour soutenir les poursuites engagées contre les auteurs de ces crimes, comme on a pu l’observer en Sierra Leone. La communauté internationale du développement pourrait penser que si les poursuites impliquant des crimes internationaux donnent un nouvel élan à l’établissement de nouvelles modalités en matière d’entraide judiciaire, les États seront mieux préparés à faire face à d’autres formes graves de criminalité, de la traite des êtres humains au trafic de drogue, en passant par la corruption à haut niveau et le terrorisme. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Droit positif. La différence la plus évidente entre les poursuites pénales générales et celles concernant des crimes internationaux est le droit positif à appliquer. On peut notamment citer des traités fondamentaux (et la législation dérivée) tels que le Statut de Rome ; les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels ; la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. De nombreux pays peuvent également reconnaître le droit international coutumier. Ancrée dans les traités ou la pratique des États, cette démarche reflète la conformité de longue date de nombreux États aux normes sur la base de la croyance selon laquelle celles-ci sont contraignantes. La jurisprudence d’autres pays et tribunaux internationaux peut être particulièrement importante dans les pays disposant de systèmes de droit commun. Néanmoins, dans les systèmes de droit civil intégrant le droit pénal 48 ÉTABLIR UN CADRE JURIDIQUE international, on s’efforce de plus en plus de connaître les précédents jurisprudentiels du domaine. Dans certains cas, cela peut refléter l’exposition des fonctionnaires de justice à la justice internationale dans d’autres contextes.47 Dans certains pays tels que la RDC et Haïti où les fonctionnaires sont aux prises avec le droit positif qui constitue pour eux une nouveauté, cela peut également refléter le simple désir de voir comment les autres ont abordé des problèmes juridiques similaires.48 Néanmoins, la marge de manœuvre limitée de nombreux systèmes (en particulier les systèmes de droit civil) en matière d’application nationale directe du droit international coutumier indique que la codification du droit pénal international prend d’autan plus d’importance. L’enseignement du droit Renforcer les compétences techniques En incluant l’enseignement du droit pour soutenir les poursuites liées aux crimes internationaux, la communauté internationale du développement peut stimuler les connaissances techniques parmi les procureurs, les avocats de la défense, les représentants des victimes et les juges actuels et futurs, ainsi que les avocats qui vont faire carrière au parlement, les fonctionnaires du secteur de la justice, les organisations de la société civile et le milieu universitaire. Renforcer la volonté politique L’enseignement du droit représente un domaine où l’assistance conserve généralement tout son sens, même dans les États où la volonté politique d’entreprendre de véritables poursuites impliquant des crimes internationaux fait défaut. Cela inclut les pays qui connaissent mal la justice internationale ou même la justice pénale officielle. En faisant participer la nouvelle génération de fonctionnaires du secteur de la justice à la résolution des problèmes liés à la justice pénale internationale, nous pouvons jeter les bases de son éventuelle adoption, même si cela prendra des années. Les moyens mis en œuvre On peut soutenir l’enseignement du droit de nombreuses façons, notamment via des formations, des séminaires, des visites données par des conférenciers externes spécialisés, des échanges universitaires, des centres de consultations juridiques et des tribunaux fictifs. Exploiter l’expertise externe et les ressources matérielles Les bailleurs de fonds ont une vaste expérience en matière de soutien d’autres aspects de l’enseignement du droit. Au-delà du soutien direct apporté aux facultés de droit locales, la communauté du développement peut être en mesure CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 49 d’exploiter l’expertise externe et les ressources matérielles des facultés de droit qui se consacrent à la justice pénale internationale, ainsi que des fondations et des associations du barreau du monde entier. Avantages à court terme des mécanismes de la justice pénale internationale Le soutien des initiatives d’enseignement du droit dans le domaine de la justice pénale internationale peut présenter des avantages immédiats pour les juristes participants qui sont déjà impliqués dans les poursuites en qualité de procureurs, d’avocats de la défense, de représentants des victimes ou de juges. Ces avantages créent également d’autres possibilités de soutenir le mécanisme de justice dans l’immédiat. Par exemple, les étudiants participant à des programmes de droit pénal international pourraient travailler en qualité de stagiaires pour les parties ou les chambres ; ou l’accusation, la défense et les avocats des victimes pourraient conclure des accords avec la faculté de droit pour permettre aux étudiants de mener des recherches juridiques qui seraient utilisées dans des affaires réelles. La protection des femmes et des enfants lors d’un conflit armé est un aspect du droit pénal international qui a gagné de l’importance ces dernières années. Dernièrement, en décembre 2010, le Conseil de sécurité des Nations Unies a rappelé ces protections, a réaffirmé la nécessité de mettre un terme à l’impunité des violences sexuelles et des crimes commis contre des enfants lors de conflits armés, et a appelé à trouver de nouveaux moyens permettant d’identifier et de sanctionner les auteurs de ces actes.49 Cette priorité doit être intégrée à tout programme d’aide juridique. Dans les États qui tentent d’appliquer le droit pénal international, les traités récemment ratifiés et la législation récemment promulguée peuvent être trop tardifs pour être appliqués, en fonction de la rigueur avec laquelle le système juridique du pays interprète le principe de légalité (l’idée selon laquelle personne ne doit être accusé d’un crime qui n’était pas considéré comme tel au moment où l’acte a été commis). Dans les systèmes qui autorisent l’application directe du droit international coutumier, l’application rétroactive du Statut de Rome et d’autres lois applicables peut être possible car les actes étaient considérés comme illégaux en vertu du droit international au moment où ils ont été commis. En Ouganda, la Loi sur les crimes internationaux, entrée en vigueur le 25 juin 2010, ne peut pas s’appliquer aux crimes présumés commis pendant le conflit qui a frappé le nord du pays. La première affaire de crimes de guerre jugée par la Division des crimes internationaux de l’Ouganda s’appuie sur la Loi sur les Conventions de Genève (qui a intégré les dispositions des Conventions de Genève relatives aux violations graves dans les codes pénaux nationaux) et les codes nationaux qui s’appliquaient manifestement avant les événements en question.50 De même, bien que le Bangladesh ait ratifié le Statut de Rome en 2010, le pays doit appliquer le droit pénal international car il existait en 1971 dans le cadre de ses efforts actuels pour poursuivre les auteurs 50 ÉTABLIR UN CADRE JURIDIQUE présumés des atrocités commises pendant sa guerre d’indépendance. L’enseignement à tirer de cet exemple et d’autres cas est que, bien qu’il reste très souhaitable de créer une base juridique pour l’application du droit pénal international sur la base du Statut de Rome et d’autres normes modernes dans ce domaine, il est possible de s’en passer. Complexité. Les affaires de droit pénal international sont souvent plus compliquées que les poursuites pénales en général, en partie parce que des éléments supplémentaires liés au(x) délit(s) doivent être étudiés. Les enquêteurs, les procureurs, l’avocat de la défense et les juges doivent les connaître. Il existe trois aspects essentiels pour prouver un crime international. Le premier consiste à établir les faits relatifs à l’acte criminel sous-jacent, ce qu’on appelle communément les « faits incriminés. »51 Il s’agit de crimes qui, dans les juridictions nationales, seraient généralement qualifiés de « viol » ou « meurtre, » par exemple. Le deuxième aspect consiste à démontrer que les faits incriminés atteignent le seuil permettant de les considérer comme un crime international, ce qu’on appelle communément le « seuil, » les « chapeaux » ou les éléments « contextuels ». Ceux-ci diffèrent pour chaque type de crime international : les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide. Le troisième aspect consiste à prouver que l’accusé est responsable, ce qu’on appelle communément le « lien » ou le « mode de responsabilité ». À certains égards, les modes de responsabilité en vertu du droit pénal international sont différents de ceux que l’on retrouve dans de nombreux systèmes nationaux ; certains États appliquent le droit international concernant les modes de responsabilité, d’autres non. Les éléments des crimes internationaux peuvent être assez différents de ceux des mêmes actes lorsqu’ils font l’objet d’une inculpation en vertu des codes pénaux traditionnels. Entraide judiciaire et extradition. Bien que cela ne soit pas nécessairement propre aux poursuites impliquant des crimes internationaux, la nécessité de conclure des accords d’entraide judiciaire peut devenir urgente lorsque de telles poursuites sont engagées. Le conflit a pu dépasser les frontières ou du moins a pu être influencé par d’autres pays ; les victimes et les témoins ont pu fuir à l’étranger ; et les suspects ont pu s’enfuir ou dissimuler des actifs à l’étranger. Des accords et/ou des lois peuvent être nécessaires pour pouvoir recueillir des preuves auprès d’autres États ou tribunaux internationaux et s’assurer de leur recevabilité ; envoyer des enquêteurs dans d’autres pays ; faire honorer des mandats d’arrêts par d’autres États ; assurer l’extradition de suspects ou d’accusés ; localiser, geler et récupérer leurs actifs ; et faire traverser aux témoins des frontières internationales. Certains États ont peut-être déjà mis en place des mécanismes juridiques pour relever ces défis et d’autres ont peut-être signé des traités internationaux ou régionaux qui abordent au moins quelques-uns de ces défis.52 Cependant, au-delà de la conclusion d’accords internationaux, de nombreux États en conflit ou sortant d’un CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 51 conflit devront sans doute adopter de nouvelles lois afin d’établir une base juridique pour cette coopération. Obstacles politiques. Créer la base juridique adaptée à des poursuites crédibles n’est pas toujours une question de compétences techniques. La perspective de la responsabilité pénale en cas de crimes graves dans lesquels les gouvernements peuvent être impliqués peut, sans surprise, créer des difficultés politiques.53 Dans certaines situations, les obstacles politiques peuvent être si importants qu’ils rendent inutiles toute assistance technique. Dans d’autres cas, la législation peut tarder à être appliquée simplement parce qu’elle n’est pas considérée comme une priorité.54 Lorsque les bailleurs de fonds investissent dans l’assistance technique afin d’établir une base juridique solide, la coordination entre leur propre développement et les ministères des Affaires étrangères peut être importante pour la réussite finale. Un soutien accru apporté à la sensibilisation des parlementaires et des organisations locales de la société civile qui défendent les réformes juridiques peut également permettre de surmonter les obstacles politiques. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Dans divers contextes, les bailleurs de fonds ont déjà contribué efficacement à l’établissement de cadres juridiques solides pour les poursuites nationales concernant des crimes internationaux. Le gouvernement ougandais a pu exploiter une multitude de ressources internationales lors de la conception de son projet de loi de mise en œuvre du Statut de Rome et lors de l’établissement de la Division des crimes internationaux de la Haute Cour (initialement appelés la Division des crimes de guerre). Parmi les principales organisations impliquées dans cet effort, on peut citer le Secrétariat du Commonwealth, l’International Center for Transitional Justice, l’organisme Parliamentarians for Global Action, l’organisation Public International Law and Policy Group et l’Institute for International Criminal Investigations. En exploitant cette expertise au début du processus, les bailleurs de fonds, notamment le Danemark, l’Union européenne et les États-Unis, ont peut-être pu éviter d’autres problèmes qui auraient pu favoriser l’inefficacité et l’injustice. Au-delà de l’Ouganda, le modèle de projet de loi de mise en œuvre du Statut de Rome élaboré par le Secrétariat du Commonwealth a servi de référence à des pays tels que le Kenya et Trinidad-et-Tobago.55 Dans le cas du Botswana et de la Namibie, l’International Crime in Africa Programme de l’Institut d’études de sécurité de Pretoria a également utilisé le modèle de loi du Secrétariat du Commonwealth dès le début de la rédaction du projet de loi qui est spécialement adapté aux besoins de ces pays. En Colombie, le Comité international de la Croix-Rouge a commencé à promou- 52 ÉTABLIR UN CADRE JURIDIQUE voir l’intégration du droit international humanitaire dans le code pénal national en 1998 et y est parvenu deux ans plus tard. Les tribunaux régionaux peuvent également aider à surmonter les obstacles qui entravent l’établissement d’une base juridique solide pour assurer la crédibilité des poursuites impliquant des crimes internationaux, ainsi que d’autres types de poursuites pénales. En Amérique latine, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a joué un rôle de pivot en contribuant à l’accélération de la réforme juridique et au franchissement des obstacles politiques empêchant la poursuite des auteurs de graves violations des droits de l’homme. La CIDH a annulé les lois d’amnistie au Pérou et au Salvador, et les tribunaux chiliens ont cité sa jurisprudence en concluant que le droit international prévalait sur la loi d’amnistie. Au Guatemala, les décisions rendues par la CIDH ont rendu justice aux victimes spécifiques des meurtres commandités par l’État. En attirant davantage l’attention, au niveau national et international, sur les obstacles politiques rencontrés par la justice et en redonnant espoir aux victimes en leur montrant que l’on pouvait mettre un terme à l’impunité, le tribunal a eu un impact au-delà des différentes affaires qu’il a entendues.56 La toute jeune Cour africaine de justice et des droits de l’homme manque de ressources et d’un engagement politique cohérent, et n’a donc pas la même autorité que la CIDH ou que la Cour européenne des droits de l’homme, mais pourrait jouer un rôle similaire à l’avenir. Les États membres de l’UA ont chargé la Commission de l’Union africaine d’examiner quelles seraient les implications si la Cour africaine de justice et des droits de l’homme devenait compétente pour juger les principaux crimes internationaux. L’UA devait se prononcer à ce sujet au cours de l’année 2011, mais il semble que la décision pourrait être reportée. Directives en matière de soutien de l’établissement d’une base juridique Évaluer L’état général du système de justice pénale :57 • L’indépendance du ministère public et du système judiciaire est-elle garantie par la constitution et le droit écrit ?58 • Le ministère public et les autorités judiciaires bénéficient-ils d’une autonomie budgétaire ? • Des vérifications adéquates sont-elles mises en place pour contrôler la nomination ou la récusation des juges et des procureurs par le pouvoir exécutif ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 53 54 • Des codes de conduite ont-ils été mis en place pour les juges et les procureurs ? Des procédures solides, équitables, efficaces et transparentes ont-elles été mises en place pour traiter les plaintes déposées contre les juges et les procureurs ? • Tous les juges et les procureurs sont-ils tenus de soumettre des déclarations de situation financière ? • L’État est-il partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou à des traités régionaux tels que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, traités qui comprennent des garanties de protection des droits des suspects , des accusés et des condamnés ? Si l’applicabilité des droits des traités exige une intégration, les traités garantissent-ils l’intégration de ces droits ? • Les lois nationales sur la détention préventive sont-elles conformes aux « Règles de Tokyo » ?59 Existe-t-il un service d’évaluation et de supervision avant le procès pour permettre, dans toute la mesure du possible, la libération des accusés avant leur procès, tout en s’assurant qu’ils comparaissent devant la cour et s’abstiennent de menacer l’administration de la justice, le public ou une personne en particulier ? • Les accusés ont-ils la possibilité de préparer une défense appropriée, notamment en engageant un avocat du secteur privé ou en se voyant attribuer les services d’un avocat commis d’office aux frais de l’État ? • Le public a-t-il le droit d’accéder aux poursuites pénales ? Des dispositions prévoient-elles que des poursuites se tiennent à huis clos lorsque cela est nécessaire pour protéger les témoins ? • Les victimes ont-elles le droit de participer aux poursuites pénales et, le cas échéant, à quelle étape des poursuites ? • La liberté de la presse est-elle garantie par la loi, de sorte que les médias peuvent rendre compte des poursuites pénales de façon indépendante ? • L’État fournit-il des ressources suffisantes au secteur de la justice ?60 Des ressources suffisantes sont-elles allouées aux « goulots d’étranglement » potentiels des structures juridiques (par exemple, la nomination d’un nombre suffisant de fonctionnaires chargés d’approuver les certificats médicaux dans les affaires de viol) ? • Les lois de l’État prévoient-elles des processus judiciaires militaires et civils séparés pour les criminels présumés ? Si tel est le cas, et si cela s’appliquait également aux crimes internationaux, toutes les questions précédentes devraient être traitées par les deux systèmes.61 ÉTABLIR UN CADRE JURIDIQUE • L’État a-t-il conclu des accords d’entraide judiciaire avec des pays où cela est primordial pour le déploiement des enquêteurs, la collecte des preuves, l’exécution des mandats d’arrêt, la localisation et l’extradition des suspects ou accusés, la localisation des actifs et la réinstallation des témoins protégés ? Si tel est le cas et si ces accords exigent la mise en œuvre d’une législation nationale, les États concernés ont-ils adopté une telle législation ? • Les lois nationales réglementent-elles la recevabilité des preuves recueillies et utilisées par d’autres tribunaux, par exemple la CIC ? le statut du droit pénal international : • Les lois nationales peuvent-elles être appliquées pour poursuivre des criminels présumés ? • L’État a-t-il ratifié les principaux traités relatifs au droit pénal international, au droit international humanitaire et au droit des droits de l’homme, notamment les Conventions de Genève, leurs Protocoles additionnels et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale ?62 • L’État accepte-t-il la compétence des cours régionales des droits de l’homme (en Afrique, en Amérique et en Europe) ? • L’applicabilité du droit des traités dans l’État exige-t-elle son intégration au droit national ? Si c’est le cas, lesquels de ces traités ont été intégrés au droit national ? • Si l’intégration n’a pas encore eu lieu, existe-t-il des projets de loi, et le cas échéant, quel processus a conduit à la rédaction de ces projets de loi et quel est leur statut ? Pourquoi les projets de loi n’ont-ils pas été terminés et adoptés ? • Quand les divers traités ont-ils été ratifiés, et le cas échéant, intégrés au droit national ? • Le système juridique autorise-t-il l’application directe du droit international coutumier ? • Les éléments des crimes internationaux prévus par le droit national, le cas échéant, correspondent-ils à ceux établis dans le droit international moderne ? Dans le cas contraire, en quoi sont-ils différents ? • Est-il possible ou interdit d’appliquer rétroactivement la loi aux actes considérés comme illégaux en vertu du droit international mais pas en vertu du droit national au moment des faits ? S’agit-il d’une question de droit constitutionnel ou de droit législatif ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 55 • D’après les réponses données aux questions ci-dessus, la communauté juridique s’accorde-t-elle au sujet de l’entrée en vigueur des différents instruments du droit international dans l’État et, si de nouveaux instruments sont ratifiés (et si nécessaire, intégrés au droit national), de l’entrée en vigueur de ces derniers ? • L’État a-t-il adopté des lois d’amnistie susceptibles de s’appliquer aux violations du droit pénal international ? Si tel est le cas, ces lois ont-elles déjà été contestées devant les tribunaux ? Si elles n’ont jamais été contestées, y a-t-il des raisons politiques ou techniques à cela ? • Le chef de l’État ou tout autre fonctionnaire bénéficie-t-il d’immunités constitutionnelles ou législatives susceptibles de le soustraire à l’application nationale du droit pénal international ? Le code de procédure pénale prévoit-il des dispositions qui pourraient accorder une immunité de facto à certains fonctionnaires ?63 la réceptivité politique : • Quel niveau de priorité est accordé aux questions liées à la justice pénale internationale dans le pays en ce qui concerne les autres besoins du secteur de la justice et les autres priorités en matière de développement ? Quelles lacunes du système juridique représentent les principaux obstacles à une véritable justice ? Dans quelle mesure ces lacunes sont-elles de nature politique ou technique ? • Pour évaluer ces questions, il est important de mener de vastes consultations, notamment avec les représentants du gouvernement, les dirigeants politiques et les chefs des ministères concernés, les membres de toutes les factions parlementaires, les organisations de la société civile (notamment les ordres d’avocats, les associations du barreau et les organisations de la société civile qui se consacrent aux droits de l’homme), etc. • Une commission de vérité et de réconciliation, ou un autre mécanisme de justice transitionnelle, a-t-il émis des recommandations relatives à l’adoption de traités internationaux ou d’autres réformes juridiques nationales ? • Dans le cadre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le pays s’est-il engagé à entreprendre des réformes juridiques pertinentes en vertu de son Examen périodique universel ? Planifier des mesures pour lutter contre l’obstruction politique, éventuellement :64 • 56 Entamer un dialogue avec les autorités gouvernementales pour encourager les réformes nécessaires. ÉTABLIR UN CADRE JURIDIQUE • Renforcer la prise de conscience et les compétences des décideurs politiques, des hauts fonctionnaires du gouvernement des ministères les plus importants (affaires étrangères, justice et rédaction législative) et des parlementaires afin qu’ils comprennent les principaux enjeux et qu’ils essaient de trouver du soutien en faveur de la réforme. • Analyser les structures régionales pour sensibiliser à l’importance de la justice internationale. • Accroître le soutien apporté aux organisations locales de la société civile, notamment les organisations de victimes, les organisations des droits de l’homme et les ordres d’avocats / associations du barreau, pour qu’elles abordent ces questions par le biais d’activités de sensibilisation et de promotion. • Si possible, soutenir les personnes et les organisations pour les aider à faire face aux aspects problématiques des codes pénaux nationaux devant des tribunaux nationaux et des cours régionales des droits de l’homme. • Suspendre l’aide ciblant les aspects techniques jusqu’à ce que l’État accepte d’entreprendre les réformes nécessaires. Envisager de convenir d’un programme de conditionnalité progressif, en établissant les conditions préalables à la réforme qui donneront lieu à certains types d’aide. • Dans des cas extrêmes, suspendre l’aide au-delà de l’assistance au secteur de la justice. • Dans des cas extrêmes, déférer la situation à la CPI si l’État est partie au Statut de Rome ou préconiser un renvoi au Conseil de sécurité des Nations Unies dans le cas contraire.65 combler les lacunes techniques : • Collaborer avec le gouvernement pour hiérarchiser les besoins tout en tenant compte de l’avis des organisations de la société civile. • Soutenir la rédaction de lois de réforme pertinentes ou de nouvelles lois spécialement adaptées aux capacités et besoins locaux, tout en utilisant des voies politiques pour encourager leur adoption et pour surveiller toute éventuelle résistance politique. • Identifier les points d’entrée : – Identifier les principaux représentants du gouvernement pour inclure des formations à la justice pénale internationale et des activités connexes. – Identifier les partenaires potentiels de la société civile, notamment les associations du barreau et les ONG qui peuvent organiser des formations, des ateliers et des tables rondes, et mettre en avant leurs propres propositions de projet de loi. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 57 – Identifier les experts extérieurs qui peuvent apporter leur aide aux représentants du gouvernement et aux parlementaires lors de la rédaction d’un projet de loi, en tant que consultants en coulisse ou en tant que participants à des forums publics. – Identifier les partenaires externes les plus pertinents pouvant partager leurs expériences ou fournir une tribune aux décisionnaires afin de les mettre en relation avec les responsables qui ont relevé des défis similaires. Ces partenaires peuvent inclure des États voisins, des organisations régionales, le Secrétariat du Commonwealth, la CPI et le SAEP. Ressources Avocats sans Frontières (Lawyers without Borders) (www.asf.be) : offre son expertise sur la législation nationale traitant des crimes internationaux. Coalition pour la Cour pénale internationale (www.iccnow.org) : donne des conseils sur la législation de mise en œuvre du Statut de Rome. Secrétariat du Commonwealth (www.thecommonwealth.org) : possède un modèle de loi (en cours de révision en 2011) visant la mise en œuvre du Statut de Rome qui s’avère utile aux pays de ”common law”, et donne des conseils à ses États membres. Conseil de l’Europe (www.coe.int) : possède une vaste expérience dans le domaine de l’aide à la réforme juridique en Europe centrale et orientale, notamment dans l’intégration d’instruments du droit pénal international. Association internationale du barreau (www.ibanet.org) : offre son expertise sur la législation nationale traitant des crimes internationaux. Comité international de la Croix-Rouge (www.icrc.org) : assure des services consultatifs en droit international humanitaire pour aider les États dans le cadre de l’intégration de traités de droit international humanitaire (qui définissent les crimes de guerre mais pas les crimes contre l’humanité ni le génocide). International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : offre son expertise sur la législation nationale traitant des crimes internationaux. Programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’Institut d’études de sécurité (http://www.issafrica.org/pgcontent.php?UID=18893) :) offre son expertise sur le Statut de Rome et la législation nationale sur les crimes internationaux en Afrique, ainsi qu’une expertise de rédaction législative et une assistance technique au sujet du processus politique et technique de l’intégration du Statut de Rome. 58 ÉTABLIR UN CADRE JURIDIQUE ICLS (International Criminal Law Services) (www.iclsfoundation.org) : offre son expertise en matière de droit pénal international et de pratique. No Peace Without Justice (www.npwj.org) : offre son expertise sur la législation nationale traitant des crimes internationaux. Parliamentarians for Global Action (www.pgaction.org) : offre son expertise aux parlementaires sur les questions de justice pénale internationale. Ces derniers établissent d’importants centres de soutien au sein des parlements nationaux en faveur de l’adoption d’une législation nationale sur les crimes internationaux. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : offre son expertise sur la législation nationale traitant des crimes internationaux. Office des Nations unies contre la drogue et le crime (www.unodc.org) : dispose d’un système d’évaluation des besoins d’entraide judiciaire et donne des conseils et fournit des modèles de loi en la matière. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Amnesty International, Cour pénale internationale : liste récapitulative des principes à respecter en vue d’une mise en œuvre efficace du Statut de Rome, mai 2010, disponible sur : http://www.amnesty.org/en/library/asset/IOR53/009/2010/en/381326832e8e-41fc-a6b6-ec9f69482a29/ior530092010en.pdf. Projet d’outils juridiques de la CPI (base de données et interface contenant des milliers de documents sur le droit pénal international qui peuvent être utiles aux personnes et organisations possédant des connaissances et des compétences avancées), disponible sur : www.legal-tools.org. International Centre for Criminal Law Reform and Criminal Justice Policy de l’Université de la Colombie-Britannique, Cour pénale internationale: Manuel de ratification et de mise en œuvre du Statut de Rome, troisième édition, mars 2008, disponible sur : http://www.icclr.law.ubc.ca/Publications/Reports/ICC%203rd%20Ed%20 Manual%20for%20Website.pdf. Comité international de la Croix-Rouge, base de données du droit international humanitaire coutumier, disponible sur : http://www.icrc.org/ihl. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 59 Vivienne O’Connor et Colette Rausch (ed.), Model Codes for Post-Conflict Criminal Justice, Volume I: Model Criminal Code, Institut des États-Unis pour la paix, septembre 2007, disponible sur : http://www.usip.org/model-codes-post-conflict-justice-/volume-1. Vivienne O’Connor and Colette Rausch (eds.), Model Codes for Post-Conflict Criminal Justice, Volume II : Model Code of Criminal Procedure, Institut des États-Unis pour la paix, octobre 2008, disponible sur : http://www.usip.org/model-codes-post-conflictjustice-/volume-2. Max du Plessis et Jolyon Ford (eds.), Unable or unwilling? Étude de cas sur la mise en œuvre nationale des dispositions de la CPI dans différents pays africains, collection monographique de l’ISS n 141, mars 2008, Pretoria, disponible sur : http://www.issafrica. org/pgcontent.php?UID=2113. 60 ÉTABLIR UN CADRE JURIDIQUE Enquêtes Pourquoi Soutenir des enquêtes et des poursuites pénales efficaces et équitables. Quoi Planification des enquêtes. Évolution et priorité des affaires. Satisfaire les exigences opérationnelles. Documenter le processus d’enquête. Identifier et suivre les pistes. Recueillir des preuves fiables. Recueillir des témoignages. Organiser et analyser les preuves. Qui Juges d’instruction (systèmes de droit civil). Autorités judiciaires. Agents de police judiciaire, officiers de police et autres représentants de la loi. Commissions des droits de l’homme et organisations de la société civile. 61 On ne saurait trop insister sur l’importance du processus d’enquête pour l’administration générale de la justice. Les poursuites doivent reposer sur des informations fiables, recueillies conformément aux règles de procédure applicables, et sur des preuves conformes aux normes internationales. Les besoins en matière d’enquête des juridictions locales sont similaires à bien des égards, que celles-ci abordent ou non des affaires de crimes internationaux. Les agents de police judiciaire doivent posséder les compétences de base nécessaires pour mener des enquêtes fondées sur le renseignement ; préserver des scènes de crime ; recueillir, préserver et maintenir la chaîne de conservation des preuves documentaires, médico-légales ou autres preuves physiques ; et recueillir les témoignages de victimes, de criminels, d’initiés et de suspects. Les enquêteurs doivent disposer des outils appropriés pour enregistrer et gérer les preuves, et doivent comprendre et respecter les droits des suspects et des accusés. Cependant, comme nous l’avons évoqué plus haut, des compétences et des aptitudes supplémentaires sont nécessaires dans toutes les enquêtes sur des crimes internationaux, sauf pour les plus simples. La communauté internationale peut contribuer au développement de cette capacité d’enquête via des formations, des programmes de mentorats ou même le déploiement temporaire d’un personnel international. Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Le renforcement des capacités d’enquête sur des crimes internationaux peut donner lieu à l’acquisition de compétences d’enquête de base, par exemple, savoir comment aborder un témoin et recueillir efficacement son témoignage ou savoir comment informer les suspects de leurs droits. L’amélioration des capacités d’enquête sur des crimes internationaux permettra aux enquêteurs nationaux d’acquérir de meilleures compétences pour aborder ces types de crime complexe, notamment le crime organisé, le terrorisme, le trafic de drogue et la fraude. Les bailleurs de fonds qui soutiennent déjà la capacité dans ces domaines peuvent identifier les zones de chevauchement afin d’améliorer l’efficacité de leur soutien général. L’investissement dans la capacité d’enquête sur des crimes internationaux peut également contribuer aux initiatives de réforme de la police en guidant les processus de contrôle et en mettant en avant le besoin de remédier à la partialité parmi les enquêteurs. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Sécurité. Lorsque l’on traite d’accusations criminelles de nature sensible dans des situations de conflit ou post-conflit, la sécurité doit être une préoccupation centrale dès le début du processus d’enquête. Au-delà du souci de sécurité des témoins, décrit en détail ci-dessous, la sécurité des enquêteurs et de tous les intermédiaires entre les enquêteurs 62 ENQUÊTES et les témoins doit également être assurée. Une évaluation initiale des menaces et une évaluation des besoins doivent être réalisées avant le début de l’enquête, et des politiques et procédures doivent être mises en place. L’évaluation initiale des menaces doit être mise à jour périodiquement. Grande dépendance vis-à-vis des témoins. Les enquêtes sur des crimes internationaux sont souvent menées longtemps après que les crimes ont été commis, ce qui peut entraîner la détérioration des preuves physiques existantes, en particulier dans les affaires de violences sexuelles et fondées sur le sexe. Dans une situation d’après-conflit, peu d’infrastructures sont généralement disponibles pour recueillir, préserver et analyser les preuves physiques. Néanmoins, il peut être possible de recueillir des preuves physiques viables des années après des événements. Des mesures simples, comme la photographie des scènes de crimes, peuvent être utiles même longtemps après que les événements en question ont eu lieu, mais les compétences nécessaires à l’application de techniques plus avancées font souvent défaut. Pour certains crimes internationaux, tels que le travail ou le recrutement forcé d’enfants soldats, il est très probable que des preuves médico-légales n’existent tout simplement pas. Les enquêtes dépendent donc plus souvent des déclarations des témoins. Témoins traumatisés. Les enquêtes portant sur des violences sexuelles et fondées sur le sexe nécessitent des formations dans des compétences spéciales. Bien que les femmes soient généralement les principales victimes de ce type de crime, les hommes et les enfants sont également souvent ciblés. En fonction du contexte culturel et de l’existence de conflits, il peut être important de veiller à l’inclusion de femmes dans l’équipe d’investigation, à la fois à des postes d’enquêteurs et d’interprètes. Les témoins ont pu être victimes de torture ou d’autres types d’expériences traumatisantes nécessitant des compétences d’enquête spécialisées. Le conflit a pu être marqué par l’utilisation d’enfants soldats ou la perpétration d’autres types de crime contre les enfants. En dépit de leur traumatisme, les témoins vulnérables peuvent encore être très précieux et fiables, et leur valeur peut être maximisée en veillant à ce que les enquêteurs se montrent sensibles à leurs besoins. Menaces contre les témoins. Les témoignages représentent des défis en raison des conditions de sécurité précaires dans lesquelles les enquêtes sur les crimes de guerre sont généralement menées. Les témoins craignent souvent pour leur sécurité physique ou se sentent vulnérables de toute autre façon. Souvent, les victimes qui témoignent n’habitent pas dans des lieux fixes et se déplacent d’un camp à l’autre. C’est le cas des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ou même au-delà des frontières internationales. Les informateurs et les témoins affiliés aux groupes de criminels CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 63 craignent également pour leur vie. Pour ces personnes et leur famille, la coopération avec les enquêteurs est souvent synonyme d’exclusion de leur communauté, de harcèlement, de violence ou de mort. Pour recueillir des informations auprès des témoins dans ces environnements dangereux, des mesures, et éventuellement des programmes, de protection et de soutien des témoins sont nécessaires.66 Savoir comment contacter les témoins et protéger les informations relatives aux témoins est donc une compétence fondamentale pour tout enquêteur. Au-delà des compétences, cependant, il est important que des procédures standard de contact et d’interrogation des témoins soient mises in place avant le lancement de l’enquête. Témoins experts. Lorsque les crimes et les poursuites judiciaires sont espacés de nombreuses années, comme au Cambodge, en Haïti et au Bangladesh, les poursuites peuvent être amenées à s’appuyer fortement sur les témoins experts pour attester du contexte et de la documentation liés aux crimes et aux structures au sein du groupe de criminels présumés.67 Il est généralement nécessaire d’identifier les témoins experts pendant la phase d’enquête. Les témoins experts peuvent également contribuer au processus en témoignant sur des sujets tels que le syndrome de stress post-traumatique, l’aptitude des témoins à subir un procès, une analyse statistique ou d’autres formes d’analyse liées aux preuves, l’évaluation des modes de violences sexuelles, et l’explication des blessures infligées par la torture en corrélation avec les pratiques de torture. Dans les systèmes de droit civil, le juge d’instruction est généralement chargé de l’identification des experts, et dans le système de droit commun, l’accusation et la défense peuvent chacune appeler leurs propres experts. Techniques d’interrogation. La qualité des témoignages prend d’autant plus d’importance que, entre le recueil d’un témoignage et le début d’un procès complexe pour crimes de guerre, un laps de temps important s’est souvent écoulé. L’interrogatoire de victimes, de hauts fonctionnaires et de suspects nécessite des compétences spécialisées. Par exemple, pour interroger des victimes, il est nécessaire de connaître l’impact du syndrome de stress post-traumatique sur la mémoire et les souvenirs. Pour les suspects et les témoins de l’intérieur, il est nécessaire que l’enquêteur connaisse parfaitement les faits et structure l’interrogatoire pour anticiper la tromperie éventuelle du témoin. Les enquêteurs doivent éviter les questions déplacées ou suggérant la réponse, les suggestions et la citation inappropriée d’informations provenant d’autres sources. Ils doivent être conscients de la contamination potentielle des témoins et savoir reconnaître les preuves par ouï-dire. En outre, ils doivent faire tout cela en ayant également les capacités d’établir une communication efficace, en tenant compte des considérations culturelles, des protocoles diplomatiques et des questions de genre. Les informations recueillies auprès des témoins peuvent être irrémédiablement entachées par des questions ou des pratiques d’interrogatoire inappropriées. 64 ENQUÊTES Types de relations de la CPI États parties au Statut de Rome Des situations peuvent être déférées par le gouvernement lui-même ou d’autres États parties. Le procureur peut demander aux juges l’autorisation d’ouvrir une enquête sous sa propre responsabilité. États non parties La CPI n’a pas compétence sauf si les crimes présumés ont été commis par des citoyens d’États parties ou si le Conseil de sécurité des Nations Unies défère la situation. Le renvoi aux Nations Unies donne au procureur la possibilité mais pas l’obligation d’ouvrir une enquête. Situations faisant l’objet d’une analyse Le procureur étudie les informations concernant les crimes présumés et examine les questions de compétence afin de déterminer s’il doit ouvrir une enquête approfondie. L’examen de la compétence consiste notamment à déterminer si l’État remplit ses obligations de mener de véritables enquêtes et poursuites concernant des crimes internationaux, c’est-à-dire s’il applique le principe de complémentarité. Les informations tirées de l’analyse préliminaire du procureur pourraient être mises à disposition pour soutenir les enquêtes et poursuites nationales. Le recours à la CPI encourage la réforme. Les gouvernements doivent prendre des mesures pour mener de véritables enquêtes et poursuites s’ils souhaitent éviter que la CPI mène une enquête. Situations faisant l’objet d’une enquête Le procureur a ouvert une enquête criminelle approfondie sur des crimes internationaux présumés, les juges ont peut-être délivré des mandats d’arrêt et les procès ont peut-être commencé. Le procureur peut être en mesure de partager des informations sur les enquêtes et poursuites complémentaires au niveau national. La greffe de la CPI peut être en mesure de contribuer aux poursuites nationales complémentaires en apportant une aide modeste dans les domaines de la protection des témoins, de la sensibilisation, de l’amélioration des connaissances des journalistes en matière de droit pénal international et de la gestion de la cour. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 65 Preuves documentaires. Certaines affaires pénales internationales, telles que celles liées à l’Allemagne nazie, aux Khmers rouges du Cambodge et à la police nationale du Guatemala, ont impliqué de vastes preuves documentaires. Des compétences en matière d’archivage sont nécessaires pour analyser le système utilisé par ceux qui ont classé les documents.68 Pour examiner la documentation, il est nécessaire de disposer d’analystes spécialisés, en particulier dans les affaires où de vastes quantités de preuves documentaires nécessitent une capacité à identifier et à authentifier les documents irréfutables ou à rassembler des informations clés tirées d’une série de documents divers. Les preuves documentaires peuvent prendre différentes formes. Les enquêtes liées à certains conflits récents pourraient nécessiter une capacité à recueillir et à analyser les informations des réseaux sociaux, par exemple. Exhumations médico-légales. Bien qu’il soit coûteux de procéder à des exhumations, celles-ci peuvent fournir des preuves de meurtre convaincantes, en particulier lorsqu’elles corroborent des témoignages. Les enquêtes médico-légales nécessitent généralement une enquête historique préliminaire fondée sur les preuves documentaires et physiques. Les enquêteurs doivent émettre une hypothèse au sujet des faits et identifier le lieu d’inhumation. Un travail préliminaire détaillé doit être effectué pour déterminer si une exhumation est susceptible d’apporter des preuves permettant de résoudre certains éléments d’un crime, et si ces preuves ne peuvent pas être obtenues auprès d’une autre source. Si l’on détermine que des exhumations doivent avoir lieu, il est également important de consulter les familles des personnes prétendument assassinées et de tenir compte des éventuelles objections communautaires ou culturelles quant à l’exhumation, ainsi que des problèmes liés à la restitution des dépouilles aux familles. Les procureurs et les enquêteurs doivent être informés des possibilités et des limites des outils médico-légaux. La capacité d’exhumation varie considérablement entre les différents pays. Certains sont assez avancés (par exemple, l’Argentine et les États de l’ex-Yougoslavie), tandis que d’autres ne possèdent aucun laboratoire ou école de pathologie et d’anthropologie judiciaires (par exemple, le Timor oriental). Parfois, de simples gants seront plus utiles pour réaliser des autopsies qu’un équipement de pointe onéreux, jamais utilisé faute de formation ou d’entretien.69 Après une évaluation, les bailleurs de fonds doivent canaliser l’aide vers les endroits qui en ont le plus besoin, généralement en dehors de la capitale. Il faudra peut-être mettre l’accent sur la protection et la préservation de la scène de crime afin d’éviter toute falsification. Lorsque des enquêtes nationales coïncident en partie avec des enquêtes de tribunaux internationaux, il peut être possible d’admettre les preuves médico-légales recueillies par le tribunal international dans les cours nationales. 66 ENQUÊTES Enquête financière. Il peut être nécessaire de geler les actifs d’un suspect afin d’éviter qu’il ne s’enfuie, de veiller à ce qu’il assume les coûts de sa défense, et, dans le cas d’une accusation, afin d’appliquer d’éventuelles ordonnances de réparation. Dans certains cas, le gel des actifs peut également être important pour faire cesser ou prévenir d’autres crimes. L’enquête relative à la situation financière d’un suspect doit commencer en même temps que l’enquête criminelle. Attendre l’inculpation pour localiser et geler les actifs est une erreur : après leur inculpation ou leur arrestation, les suspects et leurs complices peuvent rapidement transférer leurs avoirs s’ils n’ont pas été gelés à l’avance. Les actifs peuvent être dissimulés hors de la portée des tribunaux nationaux et, dans certains cas, relever de la compétence des gouvernements bailleurs de fonds. Lorsque c’est le cas, les bailleurs de fonds peuvent découvrir que le meilleur moyen de contribuer à l’enquête financière est de coopérer et d’entreprendre des réformes. Connaissance du droit pénal international. Les enquêteurs doivent savoir ce qu’ils recherchent et pourquoi. Bien que les enquêteurs aient à travailler en étroite collaboration avec les autorités judiciaires devant elles-mêmes avoir de l’expérience en la matière, il est essentiel que les enquêteurs saisissent les modes de responsabilité et les éléments contextuels des crimes internationaux (lorsque ceux-ci font partie de la loi nationale). Par exemple : • Si des enquêtes sont menées sur des criminels présumés ayant des responsabilités de commandement, celles-ci aborderont non seulement les faits incriminés (meurtre, viol, torture, pillage, etc.), mais étudieront également les liens entre les auteurs directs des crimes et le suspect. En fonction du droit en vigueur, cela consiste à déterminer si le suspect a exercé un contrôle efficace sur ses subordonnés, a donné des ordres spécifiques de commettre les crimes, ou avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de leur perpétration et n’a pas empêché ni puni ces actes. Même lorsqu’une hiérarchie officielle est établie, il revient au procureur de montrer que la hiérarchie fonctionnait en pratique. Les auteurs des crimes essayent généralement de brouiller les pistes et les enquêteurs doivent être à l’affût de toute tentative visant à occulter délibérément la chaîne de commandement afin de rejeter la responsabilité d’actes criminels. Pour démontrer qu’un suspect occupant un poste de commandement « aurait dû avoir connaissance » des crimes, on peut, par exemple, établir que les délits ont été largement couverts par les médias au moment des faits. Les enquêteurs doivent reconnaître leur importance. • Pour poursuivre des auteurs d’actes criminels tels que des crimes de guerre, il est nécessaire de disposer de preuves attestant que ces actes ont été commis dans le contexte d’un conflit armé. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 67 • Pour qualifier des actes criminels de crimes contre l’humanité, il faut démontrer qu’ils étaient généralisés ou systématiques. • S’ils enquêtent sur les auteurs présumés d’un génocide, les enquêteurs doivent savoir qu’il est essentiel de disposer de preuves démontrant l’intention de commettre le génocide. Compétences spécialisées. Pour mener une enquête sur la responsabilité du supérieur hiérarchique ou sur les éléments contextuels de crimes internationaux, il peut être nécessaire de posséder des compétences spéciales, notamment une analyse politique, historique, anthropologique, militaire ou statistique. Les violences sexuelles et fondées sur le sexe n’exigent pas nécessairement des formes de preuves particulières outre celles utilisées pour justifier d’autres types de crime. En revanche, lorsque de très nombreux crimes ont été commis, il est fortement conseillé de soutenir le développement d’une expertise spécialisée dans le domaine. Gestion des informations. Les affaires internationales sont souvent plus complexes car elles impliquent généralement beaucoup plus de coupables et de victimes. C’est notamment le cas des poursuites de hauts fonctionnaires ou des enquêtes menées sur des crimes contre l’humanité ou de génocide, lorsque l’affaire peut dépendre de plusieurs scènes de crime et de milliers de témoignages. Dans ces contextes, un système de gestion des informations et des preuves, équipé de fonctions de recherche et d’extraction, doit être mis en place dès le début de l’enquête. Dans le cas contraire, d’immenses difficultés pourraient surgir.70 Le système doit contenir, de manière sécurisée, tous les témoignages, les preuves documentaires et les traductions, et doit pouvoir localiser les preuves et la chaîne de conservation. En outre, le système doit être en mesure de faciliter la divulgation des éléments à décharge. Lenquêteurs doivent être conscients de leurs obligations et compétents pour identifier ces informations. Dans un système de droit civil, comme dans un système de “common law”, ces informations doivent être facilement accessibles aux parties. Lorsqu’un nombre limité de simples affaires de crimes de guerre (par exemple, une enquête sur l’auteur direct présumé de l’exécution d’un prisonnier de guerre) ne produit pas de preuves volumineuses, une base de données n’est peut-être pas une priorité absolue. Quel que soit le scénario, lors de l’utilisation d’autres formes d’enregistrement des informations, telles que l’enregistrement sur vidéo, les enquêteurs locaux auront peut-être besoin d’aide pour répondre aux normes internationales sur le respect des droits des suspects. Organisation. Dans toutes les affaires de crimes de guerre, pour peu qu’elles soient complexes, l’enquêteur, contraint par le temps et des ressources limitées, sera confronté à de nombreuses pistes et décisions, et devra déterminer quelles sources utiliser, où 68 ENQUÊTES et quand les déployer, et comment déléguer la collecte et l’analyse des informations au sein de ses bureaux. Dans un premier temps, une attention particulière doit être accordée à l’élaboration d’une stratégie qui respectera le mandat de l’enquête. La hiérarchisation des affaires par le biais d’un processus transparent doit s’assurer que les affaires les plus importantes sont prioritaires sur celles d’une importance moindre. Des programmes d’enquête et de collecte d’informations détaillés, souvent inutiles dans les affaires nationales, doivent être préparés pour guider l’enquête et pour s’assurer que les ressources sont allouées là où elles sont nécessaires. La mesure dans laquelle les autorités judiciaires prennent leurs décisions, et par conséquent, la marge de manœuvre des enquêteurs, variera en fonction du système judiciaire. Le renforcement de la capacité des enquêteurs à prendre des décisions intelligentes pour organiser leur travail les aidera à enquêter sur d’autres types de crime complexe. Problèmes spécifiques aux systèmes de droit civil. Le juge d’instruction doit s’assurer que les dossiers d’une affaire qui, dans le cas d’affaires internationales, peuvent être assez volumineux, sont accessibles aux deux parties. Les parties doivent pouvoir facilement consulter le juge d’instruction pour demander des actes d’instruction. Dans certains systèmes de droit civil, les juges d’instruction peuvent avoir recours à une tactique autorisant les confrontations entre témoins. Lorsque des témoins de crimes internationaux sont traumatisés ou autrement vulnérables, il peut s’avérer nécessaire de limiter cette pratique.71 Problèmes spécifiques aux systèmes de ”common law”. Dans les contextes de « common law », les enquêteurs de l’accusation doivent bien comprendre les arguments potentiels de la défense afin de combler les éventuelles lacunes de l’affaire. Évaluation des compétences. L’un des principaux problèmes du soutien international des enquêtes nationales concernant des crimes internationaux est l’évaluation des points forts et des points faibles des enquêteurs nationaux dans les différents domaines décrits ci-dessus. Cette évaluation doit avoir lieu avant la conception du programme d’aide. Cependant, l’évaluation de l’aptitude à poursuivre une enquête doit aller au-delà d’une analyse des compétences techniques. Partialité. Dans une situation de conflit et d’après-conflit, les agents de police judiciaire nationaux sont potentiellement affiliés à l’une des factions impliquées dans le conflit. Une partialité institutionnelle ou la perception d’une telle partialité entre les factions rivales peut compromettre toute perspective de justice réelle. Les enquêteurs ayant des loyautés personnelles liées aux événements en question peuvent avoir tendance à divulguer des informations ou à compromettre l’enquête de toute autre manière. Même CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 69 lorsque les enquêteurs se comportent de manière professionnelle et éthique, des perceptions de partialité peuvent encore compromettre la confiance publique dans l’issue du processus judiciaire. Lorsqu’ils décident de soutenir ou non les capacités d’enquête nationale, les bailleurs de fonds auraient tout intérêt à déterminer tout d’abord si les autorités entretiennent des partialités institutionnelles telles qu’elles ne laissent aucun espoir de mener une véritable enquête. Lorsque ce n’est pas le cas et que les bailleurs de fonds choisissent de poursuivre les efforts visant à renforcer les capacités, il convient de réfléchir à la manière dont la partialité et la perception de cette notion peuvent être atténuées. Pour ce faire, on peut notamment inclure des personnes partageant différentes sympathies pour le conflit sous-jacent dans le processus de contrôle des enquêtes et de participation des équipes d’investigation. Dans certains cas, les bailleurs de fonds peuvent inclure ces facteurs d’atténuation dans leurs conditions spécifiques au versement de l’aide. Code éthique. Un autre moyen d’atténuer la menace de la partialité et sa perception consiste à s’assurer de l’existence d’un code éthique rédigé à l’attention des enquêteurs. Le code doit également contenir des dispositions relatives à la lutte contre la corruption et d’autres aspects de la conduite professionnelle. Un processus transparent doit être établi pour la réception et le traitement des plaintes déposées contre les enquêteurs. Personnel international. La mise à disposition d’une assistance technique directe employant ou détachant des enquêteurs internationaux est une autre différence entre les enquêtes sur des crimes internationaux et les enquêtes pénales nationales. Bien qu’ils soient utiles au renforcement des capacités, il est rare que les enquêteurs internationaux connaissent l’histoire et le contexte du conflit, les motivations des parties impliquées, la géographie du pays et les langues et cultures locales. De plus, ils manquent généralement d’un réseau de contacts locaux pertinents. Bien que dans certains cas les témoins puissent préférer s’entretenir avec un enquêteur international considéré comme n’ayant pas de parti pris pour le conflit sous-jacent, dans d’autres cas, il peut être plus difficile pour les enquêteurs internationaux de gagner la confiance des sources et des témoins. Le personnel national et international peut également mettre du temps à faire confiance à l’équipe d’investigation. Les enquêteurs nationaux apprendront plus volontiers de nouvelles compétences auprès du personnel international si leurs propres compétences et connaissances sont respectées. Ils seront également plus ouverts à l’apprentissage de nouvelles compétences auprès d’un personnel international possédant des qualifications techniques transparentes et s’intéressant à l’issue des affaires. Par conséquent, le processus de sélection du personnel international doit prévoir un examen approprié de l’expertise et de la motivation. 70 ENQUÊTES Coopération avec la CPI. Dans les pays où le Bureau du Procureur de la CPI mène une analyse préliminaire des crimes présumés ou a ouvert une enquête approfondie, le bureau peut être en mesure de partager les informations avec les enquêteurs locaux qui peuvent, à leur tour, interroger les personnes placées en détention par la CPI.72 Ainsi, le Bureau du Procureur a apporté une aide matérielle aux enquêteurs nationaux en Ouganda.73 Cependant, ce type de coopération peut être assorti de contraintes, comme ce fut le cas en RDC, où le Bureau du Procureur s’est montré peu disposé à partager des informations avec les autorités locales par égard pour la sécurité des témoins, des sources et des magistrats.74 Évaluation préliminaire. Lors de la planification des programmes de renforcement des capacités pour les enquêteurs enquêtant sur des crimes internationaux, les bailleurs de fonds ont tout intérêt à commencer par une mission d’évaluation préliminaire. La gamme de compétences de base peut considérablement varier entre les enquêteurs locaux, et la conception d’une formation en matière d’enquête criminelle internationale doit en tenir en compte. Les formations peuvent être plus efficaces lorsqu’on parvient à trouver des enquêteurs locaux qui ont déjà de solides compétences d’enquête fondamentales. Bien que la théorie et les principes puissent être mieux enseignés en classe, une formation pratique sur le terrain, étudiant des cas réels, peut consolider les connaissances et mettre à l’épreuve les compétences. Des évaluations doivent identifier la combinaison d’approches qui convient le mieux à une situation donnée. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds En RDC, la mission des Nations Unies a été en mesure de sélectionner les participants à une formation menée par l’IICI (Institute for International Criminal Investigations). Après un séminaire de formation préliminaire, l’IICI a pu travailler aux côtés des participants sur le terrain, au cours d’une enquête sur une exécution en masse.75 Au Rwanda, l’IICI et l’ICLS (International Criminal Law Services) ont dispensé une formation d’une semaine destinée aux enquêteurs et aux procureurs, qui a non seulement transmis des connaissances techniques mais aussi renforcé les relations privilégiées entre les deux organismes. Avant la formation, les animateurs internationaux ont eux-mêmes bénéficié d’une formation sur le système juridique national dispensée par un enquêteur et procureur rwandais, ce qui leur a permis d’adapter leurs sessions au droit et à la pratique du pays. Au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, les enquêteurs de la police locale ont bénéficié d’une combinaison de formation théorique et de mentorat à long terme. Ils CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 71 ont tous participé à une formation basée à La Haye et dispensée par l’IICI puis ont travaillé aux côté des enquêteurs internationaux. On a non seulement assisté à un transfert de compétences, mais les connaissances techniques des enquêteurs internationaux associées aux connaissances contextuelles des enquêteurs locaux et aux contacts pertinents ont été essentiels à la réussite des enquêtes du TSSL. À plus long terme, l’arrangement a donné lieu à un noyau d’enquêteurs sierra-léonais compétents dans la conduite d’enquêtes sur des crimes de guerre et également hautement qualifiés en matière d’enquêtes sur d’autres types de crime grave. Lorsque les autorités gouvernementales ont été impliquées dans des crimes, les bailleurs de fonds ont la possibilité de soutenir des enquêtes alternatives sur les événements. Ce fut le cas du Kenya après les violences post-électorales de 2007–2008, dans lesquelles la police et des hauts fonctionnaires étaient fortement impliqués. C’est dans ce contexte que l’ONG No Peace Without Justice a mis en place une aide au profit de la Commission nationale kenyane des droits de l’homme (KNCHR) en menant une enquête préliminaire, en coopérant avec l’IICI pour organiser une formation destinée aux enquêteurs sur les droits de l’homme et en établissant un poste de commandement pour coordonner l’enquête complexe.76 Le rapport de la KNCHR a influencé une enquête ultérieure ancrée dans l’accord ayant mis un terme au conflit ; il a de plus certainement fourni d’importantes pistes aux enquêteurs de la CPI et pourrait servir de point de départ important à des enquêtes criminelles nationales crédibles lorsque celles-ci sont entreprises.77 L’ONG No Peace Without Justice reprend ce rôle en Afghanistan où elle a organisé des formations aux techniques d’enquête et d’analyse pour les membres de la Commission afghane indépendante des droits de l’homme préparant un rapport cartographique sur le conflit.78 Si des poursuites nationales impliquant des crimes internationaux sont engagées un jour, cette première initiative de collecte, d’organisation et d’analyse des informations pourrait s’avérer inestimable. De même, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a publié un vaste rapport cartographique sur le conflit en RDC qui va sans aucun doute s’avérer utile lors des poursuites nationales actuelles et futures concernant des crimes internationaux.79 Directives en matière de soutien des enquêtes Évaluer l’autonomie de l’autorité chargée de l’enquête et la partialité potentielle : 72 • Les décisions prises dans le cadre de l’enquête sont-elles orientées par des autorités politiques ou des fonctionnaires ? • L’autorité chargée de l’enquête bénéficie-t-elle d’une autonomie opérationnelle ? ENQUÊTES • L’autorité chargée de l’enquête a-t-elle par le passé suivi des pistes criminelles même lorsque celles-ci concernaient des personnes alliées au gouvernement ? • L’autorité chargée de l’enquête a-t-elle par le passé retenu des chefs d’accusation sans fondement contre des opposants du gouvernement ? • Les forces de police ont-elles été des auteurs présumés de crimes graves pendant les événements en question ? • Les enquêteurs ont-ils témoigné d’une affinité pour une faction particulière du conflit dont les événements doivent faire l’objet d’une enquête ? • À quel point les profils des enquêteurs sont-ils variés? Appartiennent-ils de manière disproportionnée à un groupe ethnique, religieux ou identitaire particulier ? • Les enquêteurs respectent-ils un code éthique ? Si c’est le cas, est-il conforme aux normes internationales ? Un processus transparent est-il établi pour la réception et le traitement des plaintes déposées contre les enquêteurs ? Est-il respecté ? • Les organisations de la société civile, y compris les organisations de victimes, suspectent-elles une partialité de la part de l’autorité chargée de l’enquête ? • D’après les réponses données aux questions ci-dessus, y a-t-il réellement une chance que l’enquête puisse être menée de manière sincère, et largement perçue comme telle, en particulier dans les communautés touchées ? le contexte des crimes : • Risque-t-il d’y avoir de nombreuses preuves documentaires ou médico-légales des crimes présumés? Les affaires vont-elles plutôt fortement s’appuyer sur les témoignages ? • Y a-t-il eu des rapports ou d’autres indications de violences sexuelles et fondées sur le sexe? • Y a-t-il eu des rapports ou d’autres indications de crimes généralisés contre les enfants, notamment l’utilisation d’enfants soldats ? • Les crimes présumés ont-ils été commis pendant un conflit interne ou international ? • La situation est-elle potentiellement du ressort de la CPI ? Si c’est le cas, le procureur de la CPI a-t-il commencé une analyse préliminaire ou ouvert une enquête approfondie ? Le procureur de la CPI est-il prêt à faciliter l’accès des enquêteurs nationaux aux témoins, à partager des preuves documentaires ou CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 73 médico-légales ou à apporter son aide de toute autre manière ? Les informations fournies par la CPI seraient-elles recevables selon le droit national ? • Quels autres organismes ont peut-être déjà recueilli des informations pertinentes sur les crimes présumés, notamment les États voisins, les Nations Unies et d’autres agences internationales, les médias, des organismes commerciaux et les organisations de la société civile ? sécurité : • Le conflit est-il toujours en cours ? • Si ce n’est pas le cas, les anciens combattants ont-ils été désarmés, démobilisés et réintégrés ? • Les forces de sécurité du gouvernement et/ou les casques bleus internationaux ont-ils un contrôle efficace sur les régions où l’enquête sera menée ? • Des menaces de violence ont-elles été proférées en relation avec les propositions d’enquêtes sur des crimes internationaux ? • Une personne publiquement perçue comme un témoin potentiel a-t-elle été blessée ou menacée ? • Des défendeurs de la justice pénale internationale ont-ils reçu des menaces ? la conception et les procédures de l’autorité chargée de l’enquête : • Quelle est la structure de l’autorité chargée de l’enquête ? • Comment son travail est-il divisé ? Par exemple, les fonctions sont-elles séparées entre la police générale, la police de la circulation et la brigade criminelle ? • Le personnel de la brigade criminelle est-il divisé en équipes spécialisées ? • Des procédures standard ont-elles été mises en place pour traiter tous les aspects du processus d’enquête, notamment l’interrogatoire des témoins, l’interrogatoire des suspects, la gestion des témoins qui deviennent des suspects, le recueil des témoignages, le traitement et la documentation des scènes de crime, les arrestations, et les perquisitions et saisies ? • Si oui, ces procédures sont-elles appropriées ? Sont-elles conformes aux normes internationales ? les ressources disponibles : • 74 Les enquêteurs sont-ils suffisamment nombreux pour accomplir la tâche ? Est-il possible de monter une équipe multidisciplinaire au sein des ressources existantes ? ENQUÊTES • Les enquêteurs disposent-ils d’un personnel de soutien administratif compétent ? • Les enquêteurs possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Si nécessaire, des technologies de l’information de base sont-elles disponibles (notamment des ordinateurs, des appareils photo, un accès Internet et des imprimantes) ? • Les enquêteurs ont-ils les ressources nécessaires pour se déplacer sur le territoire ? • Au besoin et s’il y a lieu, un équipement d’enregistrement audio et vidéo est-il disponible pour traiter les témoignages ? • Un système de gestion des affaires a-t-il été mis en place pour stocker et traiter les preuves, suivre la chaîne de conservation, transcrire et déposer les témoignages, et faciliter la divulgation ? La portée et l’ampleur des crimes présumés et des enquêtes dont ils font l’objet sont-elles telles qu’un système informatique sera nécessaire ? les compétences techniques : • Les personnes menant l’enquête ont-elles les compétences stratégiques nécessaires pour hiérarchiser les pistes à suivre et les sources à utiliser, et pour décider où et quand déployer leur personnel ? • Quelles sont les qualifications actuelles des agents de police judiciaire ? Quelle est la norme de formation ? Quels thèmes sont enseignés ? • Le respect des normes internationales exige-t-il la participation à des formations à des compétences d’enquête de base ? Par exemple, les enquêteurs savent-ils comment sécuriser une scène de crime ? Savent-ils comment recueillir efficacement un témoignage ? • Les enquêteurs connaissent-ils les éléments nécessaires pour prouver les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides et pour prouver qu’il y a un lien entre les crimes et les accusés ? • Les enquêteurs ont-ils pleinement conscience des droits des suspects et des accusés, y compris des obligations de divulgation ? Des mécanismes de responsabilité internes sont-ils mis en place pour assurer leur respect ? • Les enquêteurs savent-ils comment aborder les témoins de l’intérieur ? Les enquêteurs ont-ils les compétences linguistiques nécessaires pour communiquer avec les sources et les témoins des communautés touchées ? Si ce n’est pas CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 75 le cas, des interprètes qualifiés peuvent-ils leur venir en aide ? Les enquêteurs savent-ils comment collaborer avec les interprètes ? • Les enquêteurs ont-ils les compétences spécifiques pour interroger les témoins vulnérables, en particulier les enfants (ou ceux qui étaient enfants au moment des faits) et les victimes de violences sexuelles et fondées sur le sexe? L’autorité chargée de l’enquête emploie-t-elle des enquêtrices qui possèdent ces compétences ? Des femmes interprètes sont-elles disponibles ? • Les enquêteurs ont-ils les compétences nécessaires pour contacter discrètement les témoins et protéger leurs informations ? • Certains enquêteurs possèdent-ils des compétences spécialisées qui peuvent s’avérer nécessaires, notamment la capacité de localiser et de geler les actifs des suspects, ou l’aptitude à mener une analyse politique ou militaire ? • Les enquêteurs savent-ils comment procéder à l’enregistrement audio ou vidéo des témoignages et les organiser ? • Dans les situations où la documentation promet de fournir de nombreuses preuves, l’autorité chargée de l’enquête a-t-elle accès à une expertise en matière d’archivage ? Les enquêteurs possèdent-ils de solides compétences en analyse de documents ? • Dans les situations où les preuves médico-légales seront probablement importantes, les enquêteurs qui sont formés à la consultation des communautés et des familles possèdent-ils les compétences techniques et l’équipement nécessaires ? • Des modèles de hiérarchisation de la sélection des affaires sont-ils utilisés ? • Les enquêteurs ont-ils les compétences nécessaires pour utiliser des technologies de l’information de base ? • Quels autres types de formation pourraient être nécessaires ? Planifier s’attaquer à la partialité : 76 • Déterminer si les perspectives d’une véritable enquête sont suffisamment réalistes pour justifier l’octroi d’une aide. • Décider de soutenir des enquêtes non officielles menées par des organismes alternatifs dignes de confiance, tels que des commissions des droits de l’homme ou des organisations de la société civile, si une véritable enquête gouvernementale semble irréaliste. ENQUÊTES • Envisager des mesures pour surmonter la partialité au sein de l’autorité chargée de l’enquête : – conditionner l’aide à la mise en œuvre de réformes institutionnelles et s’assurer que des messages cohérents sont envoyés par l’ensemble des organismes et ministères donateurs compétents ; – intégrer temporairement un personnel international qualifié et motivé dans les équipes d’investigation, et lorsque la partialité est importante (et que le gouvernement l’accepte), envisager de mettre une personne extérieure impartiale à la tête de l’enquête ; – encourager une large représentation des différents groupes d’identité dans les équipes d’investigation en cas de problème ; – encourager les autorités chargées des enquêtes à participer à des consultations communautaires au sujet du déroulement des enquêtes. approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si c’est le cas, déterminer s’ils pourraient être modifiés pour répondre directement aux besoins de l’enquête sur des crimes internationaux. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus d’enquête par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 77 Ressources Équipe argentine d’anthropologie médico-légale (www.eaaf.org) : dispense des formations médico-légales dans le domaine des droits de l’homme et des enquêtes criminelles dans le monde entier. Institute for International Criminal Investigations (www.iici.info) : propose une formation théorique et technique sur tous les aspects des enquêtes sur les crimes internationaux, à la fois par le biais de séminaires et d’approches à plus long terme. Association internationale du barreau (www.ibanet.org) : propose des formations en droit international humanitaire. International Centre for Asset Recovery at the Basel Institute of Governance (http:// www.baselgovernance.org/icar/) : assure un renforcement des capacités et une formation en rapport avec les enquêtes financières, le suivi et le recouvrement des avoirs, et l’entraide judiciaire. ICLS (International Criminal Law Services) (www.iclsfoundation.org) : propose une formation en droit pénal international destinée aux enquêteurs. Justice Rapid Response (www.justicerapidresponse.org) : l’organisation n’a pas été conçue pour se consacrer au renforcement des capacités nationales, mais plutôt pour entreprendre des déploiements à court terme menés par des enquêteurs expérimentés et présélectionnés, en mesure de recueillir et de préserver des preuves qui seront utilisées ultérieurement. Cependant, les formations proposées par l’organisation à ces enquêteurs présélectionnés renforcent les capacités d’un groupe diffus d’enquêteurs à travers le monde.80 Médecins pour les droits de l’homme : (www.phr.org) : organise des formations dans le domaine des enquêtes médico-légales. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations des besoins et propose des formations en droit pénal international destinées aux enquêteurs. Office des Nations unies contre la drogue et le crime (www.UNODC.org) : A publié la Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale qui contient un chapitre intitulé « Enquêtes criminelles » (http://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/cjat_eng/3_Crime_Investigation.pdf). War Crimes Studies Center, University of California at Berkeley (http://socrates.berkeley.edu/~warcrime/index.html) : prépare et organise des formations en droit international humanitaire. 78 ENQUÊTES D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 79 Poursuites Pourquoi Traduire en justice les auteurs présumés de crimes graves. Démanteler les organisations criminelles et mettre sur la touche les principaux coupables. Mettre un terme aux crimes actuels et éviter d’autres crimes. Divulguer les faits et les schémas de criminalité au cœur des événements contestés. Renforcer l’État de droit. Quoi Préparer et présenter l’action judiciaire intentée contre les auteurs présumés de crimes internationaux. Qui Magistrats du parquet (systèmes de droit civil). Procureurs généraux (systèmes de « common law »). Les bailleurs de fonds soutenant la capacité du ministère public à traiter les crimes internationaux connaîtront déjà les besoins fondamentaux des poursuites dans différents contextes. Le type d’autorités judiciaires varie, y compris entre les systèmes de droit civil et de « common law ». Dans ces deux types de systèmes et dans les systèmes 81 qui combinent les deux, les poursuites liées aux crimes internationaux diffèreront à bien des égards des poursuites relatives aux crimes nationaux ordinaires. Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. En investissant dans la volonté et la capacité judiciaire à prendre en charge des affaires de crime international, la communauté internationale prépare également le terrain pour que les autorités judiciaires traitent d’autres types de crime complexe. Nombre des défis et des compétences nécessaires sont identiques ou similaires. En outre, le fait d’encourager le professionnalisme et l’intégrité au sein des autorités judiciaires nationales pour traduire en justice les auteurs des crimes les plus sensibles peut accélérer les réformes fondamentales et améliorer le dévouement des procureurs envers l’État de droit. La nature délicate des crimes internationaux peut mettre fortement l’accent, au niveau national et international, sur les obstacles à la réforme des autorités judiciaires et hausser le coût politique des efforts visant à maintenir le statu quo. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Obstacles politiques. De par leur nature même, les poursuites impliquant des crimes internationaux s’attaquent fréquemment à de puissants intérêts politiques. C’est notamment le cas lorsque des agents de l’État font partie des principaux suspects et qu’aucun changement substantiel n’a eu lieu au sein du gouvernement après le conflit. Dans ces cas, les États peuvent chercher à établir des mécanismes de crimes de guerre nationaux qu’ils peuvent contrôler. Cela pourrait se résumer à un peu plus qu’un exercice de relations publiques visant à mettre un terme aux critiques internationales ou aux menaces d’intervention humanitaire. Dans les pays soumis à l’intervention de la CPI, ces tentatives peuvent également être entreprises dans le but de déclencher le principe de complémentarité et de rendre les affaires irrecevables à La Haye.81 C’est sans doute l’intention des enquêtes et poursuites nationales du Soudan liées aux crimes qui auraient été commis dans la région du Darfour. Dans d’autres situations, les gouvernements peuvent faire traîner les choses pour retarder les poursuites car ils ne souhaitent pas offenser les États voisins, n’apprécient pas le fait que des hauts fonctionnaires doivent répondre de leurs actes, ou partagent d’autres objections impénétrables. Au Timor oriental, par exemple, le gouvernement a préféré privilégier la nouvelle relation du pays avec l’Indonésie plutôt que de traduire en justice les Indonésiens ou les agents soutenus par l’Indonésie qui avaient commis des crimes.82 En outre, le Sénégal a constamment évité d’accuser et de poursuivre l’ancien président tchadien Hissène 82 POURSUITES Habré pour les présumés crimes de guerre et crimes contre l’humanité, malgré les assurances données et le mandat de l’Union africaine.83 Évaluer la crédibilité judiciaire. Lorsque des facteurs politiques pèsent lourd, comme c’est sans doute la norme, les bailleurs de fonds sont confrontés à un choix fondamental : ils doivent déterminer s’ils doivent consacrer des ressources à des poursuites potentiellement partiales, accroissant ainsi la légitimité accordée à ces poursuites. Lorsqu’ils prennent cette décision, les bailleurs de fonds doivent mesurer très étroitement l’intention du gouvernement. Dans certains États où l’opposition politique est intense, les autorités judiciaires peuvent être suffisamment indépendantes pour engager de véritables enquêtes et poursuites, même face à des vents politiques contraires. Dans de tels cas, tous dépendra de la capacité des procureurs à accomplir leurs devoirs indépendamment des loyautés politiques. Mais, même si l’on a des raisons de croire qu’ils le feront, ces procureurs sont toujours susceptibles de rencontrer des difficultés pour convaincre toutes les factions que leur travail sera indépendant et impartial. Dans de nombreux cas, la crédibilité judiciaire peut être difficile à catégoriser. Comme en Ouganda et en Colombie, on pourrait penser que des poursuites correctes sur le plan technique peuvent être engagées pour les allégations les plus générales, mais la probabilité d’interférence politique pourrait se poser concernant les atrocités commises par des personnes liées à l’État ou des factions alliées à l’État. Dans d’autres situations, l’interférence politique peut permettre les enquêtes sur des factions ayant des liens avec l’État mais limiter les poursuites contre les délinquants mineurs. On craint fortement qu’un phénomène de ce type ne se produise aux Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), par exemple. Il semble que les pressions exercées visent à empêcher la poursuite de personnes proches du gouvernement actuel.84 Dans des situations comme celle de la RDC, où les poursuites engagées contre les auteurs de crimes internationaux ont par ailleurs connu des développements significatifs, des contraintes politiques risquent d’imposer ces deux types de limites. Ainsi, dans les pays sur le territoire desquels ont été commis des crimes relevant de la compétence de la CPI, on ne sait pas toujours avec certitude si les efforts destinés à établir des mécanismes locaux visent à aboutir à de véritables enquêtes et poursuites, ou simplement à corrompre le processus de la CPI. Le Kenya est un parfait exemple de pays où les bonnes intentions à l’origine de l’établissement de mécanismes de justice nationale sont plausibles mais douteuses.85 Les bailleurs de fonds qui ont participé au renforcement des capacités dans le cadre de poursuites liées au crime organisé et à la corruption peuvent y voir des parallèles avec les obstacles politiques pouvant apparaître à l’occasion de telles poursuites. Lorsqu’ils étudient ces questions difficiles et déterminent si et dans quelle mesure une CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 83 aide doit être apportée, les bailleurs de fonds auraient tout intérêt à mener de vastes consultations, notamment avec la CPI le cas échéant, et de manière intensive avec les organisations indépendantes locales de la société civile, en particulier les organisations de victimes. Code éthique. La nature sensible des poursuites liées à des crimes internationaux rend leur conduite éthique d’autant plus importante que les poursuites doivent gagner la confiance des différentes communautés touchées par le conflit. Toute autorité judiciaire doit être régie par un code éthique ou de conduite écrit, outre les codes éthiques établis par l’association nationale du barreau. Ces codes peuvent inclure des questions relatives à la conduite professionnelle, à l’indépendance et à l’impartialité, et doivent disposer d’un mécanisme de mise en application juste et transparent. Connaissance du droit pénal international. Les procureurs qui cherchent à poursuivre des actes criminels comme les crimes internationaux doivent bien comprendre les aspects pertinents du droit pénal international. Pour commencer, ils doivent parfaitement comprendre chacun des éléments de base de ces affaires : les faits incriminés (les actes criminels commis par les auteurs directs), le lien (par exemple, établir une responsabilité du supérieur hiérarchique pour les faits incriminés à des criminels plus hauts placés), et tout élément contextuel applicable permettant de qualifier les actes de crimes internationaux.86 Pour obtenir une condamnation pour crimes de guerre, on doit établir que l’acte criminel a eu lieu dans le contexte d’un conflit armé et que l’auteur du crime savait qu’il avait lieu dans ce contexte. Pour prouver que les actes criminels constituent des crimes contre l’humanité, les procureurs doivent établir qu’ils ont été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique. Et si les procureurs tentent d’inculper des auteurs de meurtres en tant qu’actes de génocide, ils doivent démontrer qu’en perpétrant ces meurtres, les auteurs présumés visaient à détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux.87 En outre, les procureurs doivent comprendre quels actes criminels peuvent être considérés comme des crimes internationaux et quels éléments définissent chaque crime. Cela dépendra en partie de la manière dont l’État aura intégré le droit international au droit national et de la mesure dans laquelle le système juridique pourra s’inspirer de la jurisprudence de la juridiction internationale et d’autres juridictions nationales. Dans certains domaines, notamment les violences sexuelles et fondées sur le sexe, la jurisprudence a nettement évolué ces 20 dernières années et la jurisprudence internationale peut constituer une source utile aux processus judiciaires nationaux. Par exemple, le TPIR a établi que le viol peut être considéré comme un acte de génocide et le TSSL a établi que le mariage forcé peut constituer un acte inhumain pouvant être considéré comme un crime contre l’humanité. 84 POURSUITES Sélection des affaires. En général, plus la portée des crimes confrontés par le système judiciaire est importante, plus il est probable que les auteurs de ces crimes soient nombreux. Même en bénéficiant d’une aide internationale, dans la plupart des cas, les moyens nécessaires pour traduire en justice les auteurs de tous les actes considérés comme des crimes internationaux sont insuffisants. Dans les systèmes juridiques où l’on met fortement l’accent sur le principe de légalité (ce qui est généralement plus le cas des systèmes de droit civil), par définition, les autorités judiciaires peuvent avoir une marge de manœuvre limitée ou inexistante lorsqu’il s’agit de décider quelles affaires doivent être sélectionnées ou privilégiées. En théorie, elles devraient poursuivre toutes les personnes qui ont commis des délits. Pourtant, de nombreux systèmes juridiques donnent aux procureurs le pouvoir (allant de limité à absolu) de décider quelles affaires doivent faire l’objet de poursuites et dans quel ordre. Pour ces procureurs, une bonne connaissance des critères et des méthodes de sélection des affaires peut s’avérer inestimable. Les objectifs globaux des poursuites peuvent fortement influencer la sélection des affaires.88 Les procureurs peuvent privilégier les affaires intentées contre les principaux responsables des crimes ; les suspects contre qui les preuves sont les plus fortes ; les suspects qui participent actuellement à la perpétration du crime ou qui menacent de toute autre manière la stabilité de l’État ou la réconciliation ; les suspects qui ont commis des crimes particulièrement notoires, même s’ils ne sont pas hauts placés ; les suspects que l’on considère comme les plus faciles à appréhender ; les suspects occupant des postes clés au sein des organisations impliquées dans les crimes (afin de démanteler ces organisations) ; ou les suspects dont la poursuite offrirait l’échantillon le plus représentatif des types de crimes commis pendant le conflit. Les procureurs peuvent également décider de la manière dont ils tenteront de préparer les affaires. Ils peuvent choisir de commencer par les affaires intentées contre les auteurs des crimes les moins graves afin de préparer le terrain pour les affaires suivantes, reliant les actes présumés de ces suspects à leurs commandants. L’un des inconvénients de cette approche en termes de poursuites est que le témoignage des personnes convoquées dans chaque affaire peut inévitablement varier lorsque celles-ci se remémorent les événements, de sorte que leur crédibilité peut être remise en question lorsqu’elles témoignent contre les coupables les plus hauts placés. Dans les systèmes où cela est autorisé, les procureurs peuvent tenter de négocier et encourager les auteurs des crimes les moins graves ou les initiés à témoigner contre leurs commandants. Si possible, les procureurs doivent posséder les compétences nécessaires et adopter une stratégie pour savoir quel type d’accord doit être conclu. Ils peuvent parvenir à des compromis dont les enjeux sont importants. Bien qu’ils constituent un outil judiciaire potentiellement indispensable, ces compromis impliquent une réduction ou une suppression de la peine liée à la CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 85 responsabilité pénale de l’initié et peuvent être impopulaires auprès des personnes et des communautés touchées. Un exercice de cartographie du conflit peut être essentiel pour aider les procureurs à prendre des décisions stratégiques judicieuses, tout comme les consultations générales avec les communautés touchées.89 Pour élaborer une stratégie, on doit notamment évaluer le mandat, les ressources, les sources de preuve potentielles et la capacité des institutions. Une fois qu’une stratégie est établie, il est important que les procureurs définissent les normes qui doivent être utilisées lors de la sélection des affaires. Le public (et notamment les communautés les plus touchées par le conflit) devra connaître la raison pour laquelle certains suspects devront rendre des comptes et d’autres non. Les procureurs peuvent participer à des activités de sensibilisation pour expliquer les contraintes que cela implique et recueillir l’avis du public.90 Gestion des informations et des affaires. Comme indiqué dans le chapitre précédent sur les enquêtes, dans toutes les affaires de crimes de guerre, pour peu qu’elles soient complexes, les poursuites engagées contre des auteurs de crimes internationaux peuvent générer une quantité d’informations bien plus importante que les poursuites pénales ordinaires. Dès le départ, les procureurs ont besoin d’un système pour conserver les témoignages, les autres preuves et les documents judiciaires en toute sécurité, pour assurer leur organisation, et pour suivre les éléments à décharge divulgués à la défense. Une bonne gestion des affaires doit assurer la cohérence entre les différentes équipes travaillant sur les affaires liées à des événements simultanés. Coopération de la CPI. Comme indiqué dans le chapitre sur les enquêtes, lorsque la CPI a compétence et que le Bureau du procureur a lancé une analyse préliminaire ou une enquête approfondie sur les crimes présumés, il est possible que le Bureau du Procureur puisse fournir des informations et d’autres formes d’assistance pour soutenir les enquêtes nationales. Durée du processus. Les bailleurs de fonds participant à ces processus doivent être conscients que plus le fardeau de la preuve auquel sont confrontés les procureurs est lourd, plus les enquêtes et les poursuites impliquant des crimes internationaux prendront du temps et coûteront plus cher que si les actes en question faisaient l’objet d’une enquête et étaient considérés comme des crimes ordinaires en vertu du droit national. Cependant, s’ils sont confrontés à une série d’affaires liées, les procureurs peuvent avoir à prouver une seule fois un certain nombre d’éléments supplémentaires indiqués ci-dessus (par exemple l’existence d’une situation de conflit armé ou la survenance d’attaques généralisées ou systématiques). Les procureurs peuvent également limiter le nombre de chefs d’accusation dans la mise en accusation afin de pouvoir réduire la 86 POURSUITES durée du procès, même s’il est difficile de mettre en balance cet impératif et la nécessité de rendre la mise en accusation suffisamment représentative de l’ampleur des crimes. Crimes nationaux par rapport aux crimes internationaux. Les actes pouvant faire l’objet d’une mise en accusation par les procureurs tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou les crimes de génocide sont pratiquement toujours qualifiés en tant que crimes selon les codes pénaux nationaux existants. Les États dont les codes pénaux n’incluent pas les crimes internationaux ont toujours la possibilité de réprimer les massacres, par exemple comme des actes individuels de meurtre, de complicité de meurtre ou autres chefs d’accusation similaires. En fonction de leur législation nationale, les États peuvent être en mesure d’inculper conjointement les auteurs de crimes nationaux et internationaux. Si les codes nationaux et les connaissances procédurales suffisent déjà à établir la responsabilité pour les atrocités sans les définir en tant que crimes internationaux, certains donateurs peuvent mettre en doute l’utilité d’aider les États à engager des poursuites plus difficiles. Pour certaines procédures, les effets concrets de l’utilisation des crimes internationaux peuvent être négligeables. Cependant, si les crimes allégués ont été commis longtemps auparavant, le principe de prescription peut empêcher toute poursuite fondée sur la législation nationale tandis qu’il n’y a généralement aucune prescription pour les crimes internationaux. De la même façon, les crimes internationaux peuvent être exemptés des amnisties ou immunités susceptibles de s’appliquer aux crimes poursuivis en vertu du droit national. En outre, certains codes pénaux nationaux ne répriment pas certaines formes de responsabilité telles que la responsabilité du supérieur hiérarchique et l’entreprise criminelle commune qui ont été largement appliquées dans les tribunaux internationaux. Dans certains pays qui ont incorporé le droit pénal international dans leur législation nationale, ces modes ont néanmoins été adoptés pour une application spécifique aux crimes internationaux, ce qui donne une plus grande flexibilité aux autorités judiciaires. Outre ces raisons pragmatiques, la poursuite des auteurs de crimes internationaux en tant que telle peut refléter de manière plus appropriée la nature et la gravité des crimes et trouver un meilleur écho auprès des victimes. Il y a de plus grandes chances que les procès s’intéressent aux formes de la criminalité, ce qui aide à établir un fondement pour les sociétés ravagées par la guerre afin de développer un récit commun d’événements douloureux. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Les modèles de mentorat prolongé qui portent sur des affaires spécifiques ont été très efficaces pour élargir les compétences des procureurs nationaux chargés des crimes CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 87 de guerre. En 2004-2005, le bureau du procureur du TPIY a envoyé les dossiers des affaires qu’il n’avait pas l’intention de poursuivre (les affaires dites « de catégorie deux ») aux procureurs nationaux de la région des Balkans. Outre le transfert des dossiers, les enquêteurs et procureurs du TPIY ont énormément collaboré avec leurs homologues de Bosnie-Herzégovine, Serbie et Croatie à l’occasion de séminaires et réunions. En collaborant, les participants ont pu étudier les détails des affaires ainsi que les meilleures approches judiciaires pour chacune.91 De la même façon, l’affectation de personnel hybride au Tribunal spécial pour la Sierra Leone a fourni un certain nombre de procureurs sierra léonais ayant une expérience considérable dans la constitution d’affaires pénales complexes. Rationaliser les poursuites des auteurs de plusieurs incidents en affaires uniques peut également améliorer leur efficacité. En Irak par exemple, des procureurs irakiens avaient été choisis pour poursuivre l’ensemble des crimes allégués en tant qu’affaires séparées, ce qui aurait impliqué de prouver séparément dans chaque affaire l’ensemble des éléments supplémentaires difficiles des crimes internationaux. En février-mars 2005, des formateurs internationaux relevant de l’Association internationale du barreau ont réussi à les convaincre des avantages de combiner les affaires afin de réduire ce fardeau. En l’occurrence, les procureurs ont combiné certaines affaires.92 La même dynamique a été déterminante en Colombie où certains procureurs ont cherché à réprimer des crimes reproduits sur le même schéma en tant que série de crimes individuels. Là-bas, le Centre international pour la justice transitionnelle a collaboré avec le bureau du procureur fédéral afin de rendre les poursuites plus efficaces et plus représentatives de la nature du conflit.93 Même en Argentine, un pays doté d’une très grande capacité générale, la répartition des affaires entre les procureurs de district autonomes rendait difficile la poursuite d’affaires reproduisant le même schéma, par exemple pour montrer qu’une série de crimes, commis dans différents districts, avait été commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, constituant ainsi des crimes contre l’humanité. Dans ce même pays, l’ICTJ a offert ses conseils à l’Unité de coordination du bureau du procureur fédéral de sorte que ce genre de rapprochements puisse être réalisé et que les schémas essentiels soient exposés.94 Le programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’Institut d’études de sécurité, dans le domaine des formations destinées aux procureurs nationaux et régionaux, souligne les perspectives et défis régionaux et fait appel dès que possible aux formateurs et études de cas d’Afrique. L’ICAP a fourni une formation de ce genre aux procureurs de la région d’Afrique de l’est (Tanzanie et Ouganda) ainsi que d’Afrique du Sud. 88 POURSUITES Directives en matière de soutien des poursuites Évaluer volonté du gouvernement : • Les chefs de gouvernement ont-ils offert un soutien rhétorique pour les poursuites nationales réellement engagées contre les auteurs de crimes internationaux ? Si oui, ce soutien s’étend-t-il à l’examen juridique des membres de l’ensemble des factions du conflit qui auraient commis les atrocités, quel que soit le grade ? • Les chefs de gouvernement soutiennent-ils publiquement les réformes spécifiques nécessaires pour la conduite de véritables poursuites ? • Les procureurs se sentent-ils en sécurité dans l’exercice de leurs fonctions ? Sont-ils victimes d’intimidations ? Si oui, par qui ? Quelle catégorie d’affaires leur donne généralement des difficultés ? • Les procureurs estiment-ils que le fait d’avoir un procureur international sur le devant de la scène permettrait de retirer la pression sur leurs épaules en effectuant leur travail dans l’ombre, ce qui les aiderait à avancer dans les affaires les plus difficiles ? • Les procureurs ont-ils travaillé sur des affaires de corruption à grande échelle ou d’autres types d’affaires de grande criminalité ? Si oui, ces types de poursuites ont-ils été engagés contre des individus puissants liés au gouvernement ? Le gouvernement a-t-il entravé ces efforts ? • Le cas échéant, le gouvernement entretient-il des relations de bonne coopération avec la CPI ou d’autres juridictions internationales ? • Pour l’ensemble de ces questions, il est essentiel de consulter longuement les organisations de victimes et les autres organisations de la société civile. autonomie et partialité : • Les décisions prises dans le cadre de la poursuite sont-elles orientées par des autorités politiques ou des fonctionnaires ? • L’autorité chargée de la poursuite bénéficie-t-elle d’une autonomie budgétaire ? • Les procureurs ont-ils une affinité évidente pour une faction particulière du conflit ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 89 • À quel point l’équipe chargée des poursuites est-elle diversifiée ? Les membres appartiennent-ils de manière disproportionnée à un groupe ethnique, religieux ou identitaire particulier ? • Les organisations de la société civile, y compris les organisations de victimes, suspectent-elles une partialité de la part de l’autorité chargée de la poursuite ? • Les procureurs en mesure et disposés à ouvrir des poursuites se sentent-ils en sécurité ? Existe-t-il un environnement dans lequel ils peuvent mener à bien leur travail ? • Existe-t-il un code éthique écrit s’appliquant aux procureurs et en conformité avec normes internationales ? Est-il appliqué ? • D’après les réponses données aux questions ci-dessus, y a-t-il réellement une chance que la poursuite puisse être véritable, et largement perçue comme telle, en particulier dans les communautés touchées ? les ressources disponibles : • Y’a-t-il suffisamment de procureurs pour s’occuper de cette tâche, notamment dans les rôles principaux où des décisions sont exigées pour faire avancer les procédures ? • Les procureurs disposent-ils d’un personnel de soutien administratif compétent ? • Les procureurs possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Si nécessaire, des technologies de l’information de base sont-elles disponibles (notamment des ordinateurs, un accès Internet et des imprimantes) ? • Un système de gestion des affaires a-t-il été mis en place pour stocker et traiter les preuves, suivre la chaîne de conservation, transcrire et déposer les témoignages, et faciliter la divulgation ? La portée et l’ampleur des crimes présumés et des enquêtes dont ils font l’objet sont-elles telles qu’un système informatique serait nécessaire ? • Est-il possible que le procureur de la CPI aide les procureurs nationaux en leur apportant des informations et conseils sur les affaires ? les compétences techniques : • 90 Les personnes chargées des poursuites disposent-elles des compétences stratégiques nécessaires pour réaliser une cartographie du conflit, prendre des décisions appropriées quant aux affaires à sélectionner et joindre des affaires liées le cas échéant ? POURSUITES • Les personnes chargées des poursuites disposent-elles des compétences de gestion des affaires et du personnel nécessaires ? • Les procureurs ont-ils une connaissance approfondie de la structure applicable à une affaire pénale internationale, ce qui inclut les faits incriminés, le chapeau et les liens ? • Les procureurs ont-ils une connaissance approfondie des éléments applicables nécessaires pour prouver les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide, ainsi que pour prouver l’existence d’un lien entre les crimes et les accusés ? • Dans les systèmes juridiques où la jurisprudence des autres juridictions peut être utilisée, les procureurs connaissent-ils la jurisprudence pertinente, y compris celle des juridictions internationales et des autres juridictions nationales ? • Les procureurs ont-ils les connaissances et compétences nécessaires pour prendre des décisions en connaissance de cause sur le choix des affaires et communiquer leurs critères au public de manière claire et précise ? • Les procureurs ont-ils pleinement connaissance des droits des suspects et des accusés, y compris les exigences de divulgation dans les systèmes de « common law »? Des mécanismes internes de responsabilité sont-ils mis en place pour assurer leur respect ? • Les procureurs ont-ils les compétences linguistiques nécessaires pour communiquer avec les témoins ? Si ce n’est pas le cas, des interprètes qualifiés peuvent-ils leur venir en aide ? • Dans les procédures accusatoires, les procureurs ont-ils de bonnes compétences en matière d’interrogatoires principaux, de contre-interrogatoires et de ré-interrogatoires des témoins ? • Les procureurs ont-ils les compétences spécifiques pour interroger les témoins vulnérables, en particulier les enfants (ou ceux qui étaient enfants au moment des faits) et les victimes de violences sexuelles et fondées sur le sexe? • Les procureurs connaissent-ils les possibilités et les limites des preuves médico-légales et la meilleure façon d’utiliser celles-ci? • Les procureurs savent-ils comment utiliser des témoins experts pour appuyer leurs affaires ? • Les procureurs savent-ils comment introduire des preuves écrites pour appuyer leurs affaires ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 91 • Les procureurs possèdent-ils les compétences juridiques et les compétences de rédaction nécessaires pour rédiger de solides chefs d’accusation, motions, dossiers et autres documents juridiques solides au procès ? Connaissent-ils les meilleures pratiques liées à la rédaction des chefs d’accusation pour les crimes internationaux ? • Les procureurs présentent-ils des compétences en matière de gestion des affaires ? • Les procureurs possèdent-ils les compétences juridiques pour traiter les appels ? • Le cas échéant, les procureurs ont-ils les compétences nécessaires pour utiliser les technologies de l’information ? • Quels autres types de formation pourraient être nécessaires ? Planifier gestion des obstacles politiques et de la partialité :95 • Encourager les autorités chargées des poursuites à participer à des consultations des communautés au sujet du déroulement des poursuites. • Encourager une large représentation des différents groupes identitaires dans les équipes de poursuite en cas de problème. • Chercher à intégrer temporairement un personnel international dans les équipes de poursuites, et lorsque la partialité est importante (et que le gouvernement l’accepte), envisager de placer une personne extérieure impartiale à la tête de la poursuite. • Conditionner l’aide à la mise en œuvre de réformes institutionnelles et s’assurer que des messages cohérents sont envoyés par l’ensemble des organismes et ministères donateurs compétents. • Face à une interférence politique insurmontable, étudiez la possibilité de saisir la CPI lorsque cela est possible. approvisionnement en ressources et en compétences : 92 • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si c’est le cas, déterminer si POURSUITES le programme existant pourrait être modifié pour répondre directement aux besoins de la poursuite des crimes internationaux. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus de poursuite par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune des approches et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources Programme « Wanted for War Crimes » d’Aegis Trust (www.aegistrust.org) : rassemble des affaires de crimes de guerre spécifiques afin d’engager des poursuites dans les juridictions nationales, en se reposant parfois sur des procureurs et enquêteurs locaux. American Bar Association Rule of Law Initiative (http://apps.americanbar.org/rol) : organise des formations de droit pénal international destinées aux procureurs. Avocats sans Frontières (Lawyers without Borders) (www.asf.be) : organise des formations de droit pénal international destinées aux procureurs. Secrétariat du Commonwealth : (www.thecommonwealth.org) : développe un module de formation sur les crimes transnationaux, y compris les crimes relevant du Statut de Rome pour les États membres. Institute for International Criminal Investigations (www.iici.info) : dispense une formation aux procureurs quant à la direction des enquêtes sur les crimes internationaux. Association internationale du barreau (www.ibanet.org) : propose des formations en droit international humanitaire. International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : organise des évaluations des besoins et propose des formations en droit pénal international destinée aux procureurs. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 93 Comité international de la Croix-Rouge (www.icrc.org) : propose des formations en droit international humanitaire. Programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’Institut d’études de sécurité (http://www.issafrica.org/pgcontent.php?UID=18893) : dispense une formation introductive et approfondie aux procureurs africains sur le droit pénal international, les derniers développements dans le domaine de la justice internationale dans une perspective africaine et en quoi cela touche l’Afrique, le système du Statut de Rome et la mise en œuvre de la législation CPI nationale (le cas échéant). International Criminal Law Services (www.iclsfoundation.org) : organise des formations de droit pénal international destinées aux procureurs. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations et dispense des formations en droit pénal international. War Crimes Studies Center, University of California at Berkeley (http://socrates.berkeley.edu/~warcrime/index.html) : prépare et organise des formations en droit international humanitaire. Women’s Initiatives for Gender Justice (www.iccwomen.org) : dispense des formations dans le domaine des lois relatives à la violence sexuelle et à la violence fondée sur le sexe. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice, ICTY Manual on Developed Practices, 2009, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.icty.org/x/file/About/ Reports%20and%20Publications/manual_developed_practices/icty_manual_on_ developed_practices.pdf. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit : Poursuites du parquet, 2006, disponible à l’adresse internet suivante pour la version anglaise : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/RuleoflawProsecutionsen.pdf. 94 POURSUITES Max du Plessis (éditeur), African Guide to International Criminal Justice, Institut d’études de sécurité, Pretoria, 2008, disponible à l’adresse internet suivante : http://www. issafrica.org/pgcontent.php?UID=3820. Office des Nations unies contre la drogue et le crime, Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale, « Le ministère public », disponible à l’adresse internet suivante : http://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/cjat_eng/3_Prosecution_Service.pdf. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 95 Juges Pourquoi Garantir des procédures judiciaires qui respectent pleinement les rôles des parties et les droits des suspects et des accusés. S’assurer que les victimes et témoins ne sont pas en danger et sont traités avec respect. Renforcer l’État de droit. Quoi Décider des demandes d’inculpation et des mandats d’arrêt. Examiner les demandes en matière d’indigence présentées par les accusés. Se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité des accusés. Ordonner des réparations. Instruire les appels et prononcer les jugements définitifs. Qui Juges de première instance. Juges d’appel. Le rôle des juges de première instance et des juges d’appel dans les procédures liées aux crimes internationaux est globalement le même que dans les autres procédures pénales. 97 Avec quelques variations selon le type de système, les juges statuent sur les questions juridiques préliminaires, écoutent les témoignages de l’accusation et de la défense dans l’affaire, garantissent que les règles de procédure sont respectées, assurent la protection des témoins par des moyens judiciaires appropriés, décident si l’accusé a été reconnu coupable et, en cas de condamnation, déterminent la peine à infliger. Dans certains systèmes, les juges de première instance peuvent déterminer les réparations à verser en cas de condamnation ainsi que leur(s) bénéficiaire(s). Les juges d’appel instruisent les appels des parties liés aux décisions prononcées initialement par la chambre de première instance. Comme dans les autres types de renforcement des capacités pour les juges, la réussite du renforcement des capacités lié au droit pénal international dépend surtout de l’adaptation des interventions à la culture institutionnelle existante, à condition que cette culture n’ait pas besoin d’être réformée. En outre, les interventions liées à la justice pénale internationale doivent servir à appuyer les efforts de renforcement des institutions ou au moins s’accorder avec. Les juges doivent être consultés sur le contenu et le type de renforcement des capacités dont ils ont besoin et les formateurs, mentors ou conseillers internationaux doivent avoir l’expertise et l’ancienneté requises pour travailler avec des juges expérimentés.96 Un renforcement des capacités en temps opportun doit être prévu pour les juges susceptibles d’affronter des difficultés constitutionnelles et des appels dans le cadre de procès impliquant des crimes internationaux. Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Le renforcement des capacités pour la magistrature chargée du droit pénal international peut, en fonction des évaluations individuelles, devoir intégrer la formation à des compétences de base telles que la manière de rédiger un jugement, de mener des recherches juridiques ou de gérer un procès complexe. L’amélioration de ces compétences peut être bénéfique pour la qualité du travail des juges participants dans n’importe quelle procédure et peut notamment renforcer la capacité judiciaire dans la gestion des autres types d’affaires pénales complexes. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Caractère sensible des affaires. Même si cela ne s’applique pas uniquement aux affaires pénales internationales, l’indépendance du pouvoir judiciaire est dans certains cas la préoccupation majeure car les crimes impliqués sont généralement socialement et politiquement sensibles. Les donateurs ne doivent pas seulement examiner les dispositions constitutionnelles ou légales prévoyant l’indépendance du pouvoir judiciaire (comme 98 JUGES discuté auparavant dans le chapitre « cadre juridique ») mais également voir dans quelle mesure ce dernier a démontré dans les faits son indépendance. Certains systèmes judiciaires ont montré une propension à céder face aux pressions ou incitations du pouvoir exécutif, tandis que d’autres se sont montrés déterminés à résister à ses menaces. L’opinion de la population compte également. Si les décisions judiciaires ne recueillent pas la confiance d’une grande partie de la société, notamment les personnes les plus concernées par le conflit, la possibilité que ces décisions aient un impact positif sur la justice pénale, la réconciliation et la dissuasion sera réduite. La communauté internationale peut aider les juges à repousser les pressions politiques en encourageant la société civile, y compris les ordres d’avocats et les associations du barreau, à porter leur attention sur les procédures judiciaires par l’intermédiaire de la surveillance des décisions et de la défense des droits.97 Sécurité. La nature politiquement et socialement sensible de nombreux procès pour des crimes internationaux peut déboucher sur des menaces à la sécurité des juges siégeant dans ces affaires. Les efforts de soutien doivent inclure une évaluation initiale de la sécurité générale et des évaluations de sécurité individuelle au besoin. Des mesures de sécurité appropriées doivent être établies dès le début dans l’appui judiciaire. Dans certains cas, cela peut être coordonné avec l’aide apportée par le donateur à la police nationale afin de s’assurer qu’une unité nationale peut se charger des problèmes de protection pendant et après les procès. Victimes et témoins traumatisés. Dans de nombreux cas, les victimes des crimes internationaux seront plus traumatisées que celles des crimes de droit commun. Les juges doivent connaître les symptômes potentiels du traumatisme dont souffrent les victimes qui témoignent et celles représentées en tant que tiers (dans les systèmes qui autorisent une telle participation). Les juges doivent être réceptifs à la nécessité d’éviter que les témoins vulnérables ne revivent leur traumatisme dans la salle d’audience dans la mesure où cela est possible et tout en ne dérogeant pas au principe du respect des droits des accusés. Chambres mixtes et spécialisées. Un certain nombre de pays ont choisi de désigner une chambre particulière ou plusieurs chambres pour siéger aux affaires de crimes internationaux. Un des avantages de cette désignation est que le renforcement des capacités spécifiques à ces affaires peut être concentré sur un nombre très limité de juges. Cependant, cela a comme inconvénient de limiter les effets positifs du renforcement des capacités destinées à l’ensemble du pouvoir judiciaire et d’être susceptible de réduire les ressources allouées aux efforts élargis pour le renforcement des capacités judiciaires. Si une chambre spécifique a été désignée pour instruire des affaires pénales CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 99 internationales, la sélection des juges est d’une importance capitale compte tenu des sensibilités discutées ci-dessus. S’il y a un manque de confiance de la part de la population dans l’indépendance du pouvoir judiciaire, il peut être opportun d’affecter des juges étrangers à la chambre, comme ce fut le cas en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. Là aussi, le processus de sélection est important car un processus déficient peut entraver la totalité de l’effort de soutien international. Les juges étrangers doivent être sélectionnés pour leur expertise dans le domaine de la justice pénale internationale et de la gestion des procès, leur professionnalisme et leur sensibilité culturelle. Les contrats doivent être d’une durée suffisante pour éviter que les juges ne partent alors qu’ils viennent tout juste de se familiariser avec le système juridique national et le contexte des affaires. Il peut être coûteux d’attirer des juges avec ces qualifications pour exercer leurs fonctions dans des endroits lointains, notamment dans les pays qui présentent des risques en matière de sécurité ou de santé. La rémunération et le niveau de vie élevés des juges internationaux peuvent causer le ressentiment des juges nationaux qui travaillent à leur côté, mais il est également impossible financièrement d’ajuster la rémunération des juges nationaux aux mêmes niveaux.98 Il n’y a pas de solution évidente à ce problème. La participation internationale au système judiciaire peut également soulever d’autres problèmes sensibles. Dans certains contextes, le public peut percevoir cela comme l’introduction de partialités étrangères dans les procès, voire dans la détermination des jugements définitifs. Dans les affaires impliquant des crimes internationaux, les sensibilités peuvent être encore plus accentuées, notamment si l’assistance étrangère vient de pays qui sont perçus par le public comme ayant été plus compatissants envers certaines factions du conflit. Les donateurs doivent tenir compte de ces points sensibles lors de l’établissement de l’assistance internationale pour le pouvoir judiciaire, ainsi que lors du recrutement et de l’orientation des juges internationaux ou du personnel de soutien.99 Droit positif. La plus grande différence pour les juges instruisant les affaires pénales internationales relève du droit matériel.100 Comme décrit ci-dessus dans les chapitres sur les enquêtes et les poursuites, les affaires pénales internationales impliquent trois niveaux : les faits incriminés, les éléments contextuels et la question de savoir si les crimes allégués peuvent être reliés aux accusés. Les juges doivent avoir une parfaite compréhension des éléments applicables relatifs aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide. Ils doivent également parfaitement comprendre les différentes formes de responsabilité dont il peut être question dans les affaires dont ils sont saisis. Les juges connaissent généralement bien les formes de responsabilité utilisés dans leurs systèmes juridiques nationaux, mais l’application du droit pénal international peut introduire des options susceptibles d’être nouvelles pour eux, y compris celle de la responsabilité du supérieur hiérarchique et de l’entreprise criminelle 100 JUGES commune. Dans de nombreux systèmes de droit commun, les juges doivent très bien connaître la jurisprudence pertinente en matière de crimes internationaux, y compris celle des autres juridictions. Dans les systèmes qui autorisent la représentation des victimes, des requêtes supplémentaires présentées par le représentant légal de la victime peuvent aider les juges qui n’ont aucune expérience dans le domaine du droit pénal international en leur présentant des arguments examinés supplémentaires.101 L’intervention de tiers en tant qu’amicus curiae peut répondre au même objectif et peut à long terme contribuer à un changement dans la culture judiciaire en meilleur accord avec le droit pénal international. Complexité des affaires, durée et gestion des procès. Certaines affaires impliquant des crimes internationaux ne sont absolument pas complexes et le soutien doit être adapté aux circonstances individuelles. Cependant, par rapport aux procès d’auteurs présumés de crimes ordinaires, les procès d’auteurs présumés de crimes internationaux impliquent souvent un plus grand nombre de faits, documents et témoins liés à un plus grand nombre d’incidents et d’auteurs présumés sur une plus longue période et un plus grand espace géographique. Cela souligne la nécessité de compétences en matière de gestion des procès. En fonction de ce que permettent les codes de procédure pénale nationaux, les juges peuvent disposer d’options permettant de limiter la portée et d’étendre le format des éléments de preuve admissibles. Par exemple, ils peuvent limiter le nombre de témoins que les parties sont autorisées à faire comparaître, décider d’accepter des preuves écrites à la place de témoignages oraux sur certains sujets ou permettre la jonction de procès liés s’il n’y a pas de conflits majeurs au niveau des intérêts des accusés.102 Outre la jonction des procès de plusieurs accusés, les juges ont la possibilité de joindre plusieurs chefs d’accusation contre un individu dans un procès ordinaire plutôt que de permettre plusieurs procès pour différents chefs d’accusation contre la même personne. Les juges doivent également avoir connaissance des éventuelles tactiques de défense visant à entraver les procédures par l’intermédiaire de délais inhérents à des arguments frivoles et doivent disposer des compétences leur permettant de différentier ces tactiques des préoccupations légitimes afin que les procès continuent à se dérouler comme il se doit. Dans les procès particulièrement complexes qui doivent durer longtemps, et si cela est autorisé par la législation nationale, les donateurs peuvent vouloir encourager les pays à envisager la nomination d’un juge suppléant pour l’affaire au cas où l’un des juges de première instance serait frappé d’incapacité.103 La perspective d’une procédure longue signifie également que les suspects et les accusés peuvent être placés plus longtemps en détention provisoire. Les normes internationales indiquent que cette détention devrait être l’exception et non pas la règle.104 Afin de protéger les droits des suspects et des accusés et d’utiliser efficacement les ressources, les CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 101 juges doivent connaître parfaitement les normes internationales et les options pour les mesures non privatives de liberté. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Comme dans d’autres domaines de formation, la formation des juges a peut être donné de meilleurs résultats lorsqu’elle a été basée sur un soutien continu plutôt que sur des formations ponctuelles. À la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine, une combinaison de formations et une interaction constante avec des juges étrangers ont conduit peu à peu à améliorer les capacités des juges nationaux.105 Cette interaction directe entre les juges a été un facteur important de la réussite, sachant que les juges peuvent être particulièrement sensibles au fait de recevoir une formation de la part de juristes étrangers plus jeunes. Même dans une situation où il n’y a aucune chambre mixte et où le mentorat à long terme n’est pas envisageable, le partage des informations entre juges, comme l’a encouragé le Centre international pour la justice transitionnelle, a de plus grandes chances d’être accepté. Les juges provenant des tribunaux spéciaux ont été particulièrement efficaces dans la formation de leurs homologues issus d’autres systèmes. Les modèles consultatifs peuvent également rencontrer un franc succès. Depuis 2009, l’Union européenne parraine deux experts internationaux pour conseiller trois juges d’une chambre de première instance en Colombie chargée d’appliquer la loi nationale « Justice et Paix » (Loi 975). Les experts travaillent discrètement mais de façon continue et intensive avec la chambre et apportent des conseils sur les éléments de fond, les éléments de procédure et les éléments de preuve des affaires, ainsi que sur les questions liées au dédommagement des victimes des crimes. Cette approche a considérablement amélioré la qualité des décisions de la chambre. Alors que la Cour suprême de Colombie avait rejeté certaines de ses décisions antérieures, des décisions récentes ont été maintenues.106 Le programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’IES a fourni une formation aux juges qui souligne les perspectives et défis régionaux et fait appel dès que possible aux études de cas d’Afrique. La formation a été fournie aux juges provenant de la région d’Afrique de l’est et l’ICAP a récemment dispensé le premier des nombreux cours de formation aux juges provenant de la Division des crimes internationaux (DCI) récemment établie en Ouganda. Les juges de la Cour supérieure susceptibles de rencontrer des difficultés constitutionnelles et des appels issus de procès ayant eu lieu avant la DCI ont reçu une formation organisée conjointement par l’IICI (Institute for International Criminal Investigations), l’ICLS (International Criminal Law Services) et le PILPG (Public International Law and Policy Group). 102 JUGES Directives relatives à l’assistance du pouvoir judiciaire Évaluer indépendance judiciaire réelle et perçue : • Les affaires sont-elles attribuées par des autorités politiques ou judiciaires ? • Le système judiciaire bénéficie-t-il de l’autonomie budgétaire ? • Y’a-t-il des vérifications adéquates menées sur le pouvoir exécutif lors de la nomination et de la révocation des juges, par exemple en faisant appel à des commissions de services judiciaires indépendantes lors de la nomination et de la procédure disciplinaire ? • Le pouvoir judiciaire a-t-il démontré son indépendance lors de l’instruction d’affaires sensibles ? Y’a-t-il eu des décisions allant à l’encontre des intérêts du gouvernement dans ces affaires ? • Les juges ont-ils témoigné une affinité pour une faction particulière du conflit examiné au procès ? • À quel point la magistrature est-elle diversifiée ? Les juges appartiennent-ils de manière disproportionnée à un groupe ethnique, religieux ou identitaire particulier ? • Y’a-t-il des critères mis en place pour évaluer l’intégrité du pouvoir judiciaire ? Les juges sont-ils tenus de souscrire une déclaration de situation ? Y’a-t-il des procédures transparentes et efficaces mises en place afin de fournir une surveillance et une discipline appropriées ? • Les organisations de la société civile, y compris les organisations de victimes, suspectent-elles une partialité judiciaire ? • D’après les réponses données aux questions ci-dessus, y a-t-il réellement une chance que le pouvoir judiciaire puisse être sincère, et largement perçu comme tel, en particulier dans les communautés touchées ? • Les juges qui se mettent à disposition se sentent-ils en sécurité ? La police nationale peut-elle assurer leur sécurité si besoin est ? les compétences techniques : • Les juges de première instance et d’appel possèdent-ils les compétences de base requises pour les procès impliquant des crimes, notamment sur la façon de mener des recherches juridiques, de faire correspondre les preuves présentées avec les chefs d’accusation, d’évaluer les preuves et de rédiger des jugements ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 103 • Les juges possèdent-ils des compétences solides en matière de gestion des procès leur permettant de diriger des procès pouvant être complexes et longs ? • Les juges ont-ils une excellente connaissance de la structure d’une affaire pénale internationale, ce qui inclut les faits incriminés, le chapeau et les liens ? • Les juges ont-ils une excellente connaissance des éléments nécessaires pour prouver les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide et pour prouver qu’il y a un lien entre les crimes et les accusés ? • Dans les systèmes où la jurisprudence des autres juridictions peut être utilisée, les juges connaissent-ils la jurisprudence pertinente, y compris celle des juridictions internationales et des autres juridictions nationales ? • Les juges connaissent-ils parfaitement les droits des suspects et des accusés, notamment les normes de détention provisoire et les exigences de divulgation dans les systèmes de droit commun ? • Les juges ont-ils les connaissances nécessaires pour examiner les demandes en matière d’indigence présentées par les accusés ? • Les juges sont-ils entièrement formés sur les besoins des témoins vulnérables, en particulier les enfants (ou ceux qui étaient enfants au moment des faits) et les victimes de violences sexuelles et fondées sur le sexe? • Dans les systèmes autorisant la participation des victimes, les juges savent-ils comment traiter les problèmes relatifs à celle-ci? • Si des interprètes judiciaires sont utilisés, les juges ont-ils une bonne compréhension du rôle de ces interprètes et savent-ils comment travailler par leur intermédiaire ?107 • Le personnel d’appui judiciaire a-t-il les compétences adéquates dans le domaine des recherches, de la rédaction et de l’administratif ? • Les juges et leur personnel possèdent-ils les compétences nécessaires pour utiliser les technologies de l’information ? les ressources disponibles : 104 • Les juges de première instance et d’appel ont-ils été désignés pour instruire des affaires pénales internationales et les appels liés ? Y’a-t-il suffisamment de juges et chambres pour assumer la charge de travail prévue ? • Les juges bénéficient-ils d’un personnel de soutien administratif et juridique approprié ? JUGES • Les juges possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Le cas échéant, ont-ils accès aux technologies de l’information ? Planifier confrontation à l’influence du pouvoir politique, à la corruption et à la partialité : • Insister sur l’adoption et l’application des exigences de divulgation financière pour les juges ainsi que des codes de conduite conformes aux normes internationales. • Si une partialité réelle ou perçue pose problème, il convient d’envisager ce qui suit : – insister sur une large représentation de différents groupes identitaires parmi les juges ; – intégrer de manière temporaire des juges internationaux parmi les juges et, si la partialité est importante (et que le gouvernement donne son accord), nommer éventuellement un étranger au poste de président du tribunal pour les affaires pénales internationales ou placer une majorité de juges internationaux dans le jury ; – conditionner l’aide à la mise en œuvre de réformes et réformes institutionnelles et s’assurer que des messages cohérents à ce sujet sont envoyés par l’ensemble des organismes et ministères donateurs compétents ; – dans des cas extrêmes et si la juridiction le permet, envisager de recourir à la CPI. approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si tel est le cas, déterminer s’ils pourraient être modifiés pour répondre directement aux besoins du système judiciaire relatif aux affaires pénales internationales. • Essayer d’adapter les interventions liées à la justice pénale internationale à la culture institutionnelle du pouvoir judiciaire et aux efforts existants concernant le renforcement des institutions. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 105 • Déterminer les besoins les mieux satisfaits par l’intermédiaire des services consultatifs, des formations de type magistral ou des modèles de mentorat. S’assurer que les conseillers et mentors, de même que les juges et le personnel judiciaire, ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Explorer d’autres points d’entrée potentiels, notamment le soutien à la représentation des victimes et l’intervention de tiers en tant qu’amicus curiae, ce qui peut confronter davantage les juges à des arguments juridiques solides dans les affaires dont ils sont saisis. • Appeler les systèmes judiciaires à nommer un juge (issu de la section spécialisée dans les crimes internationaux si cette dernière existe) chargé d’organiser une formation continue auprès de la magistrature et de tenir compte de la participation des juges à ces formations dans leurs évaluations. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat, des services consultatifs et des formations. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier les prestataires d’assistance technique et de formation, ainsi que les forums pour les formations, y compris les écoles et académies judiciaires locales. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources Secrétariat du Commonwealth (www.thecommonwealth.org) : développe un module de formation en ligne sur les crimes transnationaux, y compris les crimes relevant du Statut de Rome pour les États membres. Institute for International Criminal Investigations (www.iici.info) : offre des formations dans le domaine des enquêtes de crimes internationaux, notamment pour les juges. Association internationale du barreau (www.ibanet.org) : propose des formations en droit international humanitaire. International Center for Criminal Justice (www.ictj.org) : facilite les évaluations des besoins et organise des formations pour les juges et juristes, notamment en faci- 106 JUGES litant les formations dispensées par des juges expérimentés dans le domaine du droit pénal international. Programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’Institut d’études de sécurité (http://www.issafrica.org/pgcontent.php?UID=18893) : dispense une formation introductive et approfondie aux juges africains sur le droit pénal international, les derniers développements dans le domaine de la justice internationale dans une perspective africaine et en quoi cela touche l’Afrique, le système du Statut de Rome et la mise en œuvre de la législation CPI nationale (le cas échéant). International Criminal Law Services (www.iclsfoundation.org) : organise des formations pour les juges et juristes. Section kényane de la Commission internationale de juristes (CIJ Kenya) (http://www. icj-kenya.org) : organise des formations pour les juges de la région d’Afrique de l’est sur le droit pénal international et le Statut de Rome. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : facilite les évaluations des besoins et organise des formations pour les juges et juristes. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice, ICTY Manual on Developed Practices, 2009, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.icty.org/x/file/About/ Reports%20and%20Publications/manual_developed_practices/icty_manual_on_ developed_practices.pdf. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale, « L’indépendance, l’impartialité et l’intégrité de la magistrature », disponible à l’adresse internet suivante : http://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/cjat_eng/2_Independence_Impartiality_Integrity_of_Judiciary.pdf. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 107 Avocats de la déense Pourquoi Maintenir les garanties fondamentales des droits de l’homme pour les suspects et les accusés. Renforcer la crédibilité du processus juridique et l’adhésion populaire de ses résultats. Quoi Représenter les intérêts juridiques des suspects et accusés tout au long des procédures. Qui Avocats autorisés à exercer dans le système judiciaire national. Les règles de procédure internationales affirment le droit d’un accusé à assurer sa défense, à engager un ou plusieurs avocats de son choix, ou s’il n’en a pas les moyens, à disposer d’une défense compétente fournie gratuitement par les autorités si cela est dans l’intérêt de la justice.108 Comme dans les autres affaires pénales, le rôle de la défense en cas de procédures impliquant des crimes internationaux n’est pas le même selon le système judiciaire (système de droit civil ou système de droit commun). Sans un juge d’instruction, cela implique un rôle plus large et la défense doit mener sa propre enquête. Outre la remise en question des faits reprochés par le procureur, les avocats de 109 la défense cherchent également à attaquer la crédibilité des personnes qui témoignent contre leurs clients. Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Les systèmes d’assistance judiciaire représentent déjà une composante importante du programme de développement de l’État de droit et les éléments de base sont les mêmes pour les affaires pénales internationales. Les donateurs ont donc déjà une grande expérience en matière de collaboration avec les États et les barreaux pour identifier les avocats de la défense admissibles, développer les grilles tarifaires pour la représentation des accusés indigents et déterminer le financement. Dans les endroits où ces efforts n’ont pas encore été entrepris ou n’en sont qu’à leurs premiers balbutiements, il existe un grand potentiel pour que l’assistance liée aux procédures pénales internationales contribue au renforcement des institutions. L’un des héritages les plus importants de l’application de la justice pénale internationale est peut-être son rôle dans l’établissement de programmes d’aide juridique. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Sensibilités politiques. Les procédures impliquant des crimes internationaux peuvent présenter pour les États et donateurs des difficultés particulières afin d’assurer une représentation de qualité pour les suspects et les accusés. Dans certaines situations de conflit ou d’après conflit, il peut s’avérer difficile de trouver des défenseurs publics pour les suspects vilipendés par le public. Par exemple, au Timor oriental, la majorité de la population pro-indonésienne a fui le territoire à la fin du conflit, laissant principalement derrière elle les partisans de l’indépendance. Parmi la population restante, il a été difficile de trouver des défenseurs publics disposés à représenter des accusés pro-indonésiens.109 Les enquêteurs et avocats de la défense travaillant sur des affaires pénales internationales peuvent rencontrer des difficultés pour avoir accès aux témoins, notamment dans les affaires où leur client a été opposé à l’État et où les témoins potentiels travaillent au sein des services de sécurité de l’État ou sont détenus par ces derniers. Les avocats de la défense impliqués dans des affaires pénales internationales peuvent être davantage tentés de se concentrer sur les arguments politiques à l’intérieur et en dehors de la salle d’audience, surtout si les populations restent profondément divisées et que les suspects et accusés jouissent d’un certain soutien populaire. Par conséquent, les codes de conduite revêtent une importance accrue. Si nécessaire, la communauté internationale du développement doit appeler le barreau local à établir ou 110 AVOCATS DE LA DÉFENSE clarifier ses codes comme il se doit. Des procédures transparentes en cas de faute grave des avocats doivent être mises en place et appliquées. Réconciliation. Bien que les droits de la défense soient importants pour la crédibilité de toute procédure pénale, leur importance dans les affaires pénales internationales ne saurait être surestimée. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement les droits de l’homme pour les suspects ou les accusés, mais c’est également de déterminer dans quelle mesure les procédures judiciaires sont acceptées entre les différentes communautés dans une situation d’après-conflit et du fait qu’elles ne sont pas facilement révocables comme la «justice des vainqueurs». Les procédures qui bénéficient d’une défense solide et compétente sont plus à même d’établir des vérités communément acceptées au sujet d’événements historiques controversés et, par conséquent, aident à la réconciliation et à la prévention des conflits futurs. Comme indiqué dans le chapitre séparé sur la sensibilisation, il est d’une importance capitale que les populations compatissantes envers les auteurs présumés, notamment les ex-combattants, aient accès à une compréhension de base des droits de la défense et des mécanismes en place afin de garantir leur respect. Ce type de sensibilisation, pour être le plus utile possible, peut impliquer la participation des équipes de la défense. Sécurité. Comme les procès pour crimes internationaux ont généralement lieu dans des sociétés encore polarisées par les événements ayant conduit à une telle situation, les avocats qui défendent les suspects et accusés sont susceptibles de faire face à des menaces. Au Haut tribunal irakien, l’absence apparente de planification relative à la sécurité des avocats de la défense a coûté la vie à certains d’entre eux.110 Les besoins des avocats de la défense doivent être pris en compte dans les évaluations de sécurité préliminaires. Compétences de la défense en matière d’enquête. Les avocats de la défense doivent savoir comment gérer des enquêtes, surtout dans les systèmes où la défense est chargée de mener ses propres enquêtes. Certaines difficultés seront semblables à celles que doivent affronter les enquêteurs du bureau du procureur (sujet discuté plus en détail dans ce chapitre). Parmi elles se trouvent la conduite de longues recherches sur le conflit, l’identification de témoins potentiels susceptibles d’être vulnérables ou mobiles, et la sélection des meilleures pistes à partir d’une multitude de possibilités. Les avocats et enquêteurs de la défense devront au moins avoir des connaissances de base en matière de médecine légale, en matière d’analyse documentaire et, si les chefs d’accusation se basent sur un nombre important de preuves écrites, en matière d’archivage. Les équipes de la défense peuvent demander une assistance d’experts dans ces CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 111 domaines ou dans d’autres domaines. Elles doivent posséder les compétences nécessaires pour recueillir les déclarations des témoins et gérer les témoins vulnérables avec une sensibilité appropriée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la salle d’audience. La défense doit également avoir mis en place un système afin de traiter les nombreuses informations collectées dans le cadre de ses propres enquêtes ou divulguées par le bureau du procureur (ou, dans les systèmes de droit civil, mises à disposition par les juges d’instruction). Ressources. Dans les procès pénaux, les ressources doivent être suffisantes afin de garantir une défense adéquate pour les suspects et accusés. L’égalité des armes peut revêtir une importance accrue dans les procès pour crimes internationaux, surtout si des enquêtes complexes de la défense sont requises. Les frais de la défense peuvent être couverts ou compensés si, comme recommandé dans le chapitre sur les enquêtes, les actifs des accusés sont identifiés et gelés au début de l’enquête pénale. Néanmoins, un régime d’aide juridique fonctionnelle doit être en place pour couvrir les frais de défense des accusés indigents. La complexité globale de nombreuses affaires pénales internationales peut présenter des obstacles pour obtenir des avocats compétents défendant suspects et accusés. Certains pays tels que l’Ouganda ont un système d’honoraires fixes pour la mise à disposition d’aide juridique qui ne fait pas la distinction entre les affaires pénales simples, qui ne demandent que quelques jours ou semaines pour être résolues, et les affaires pénales complexes auxquelles les avocats peuvent consacrer leur temps et leur énergie pendant des mois, voire des années.111 Si les États ont adopté une législation de mise en œuvre du Statut de Rome reflétant étroitement les dispositions du traité en matière de défense, le droit à l’assistance juridique peut s’étendre au-delà des accusés. Le Statut de Rome va plus loin que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques puisqu’il revendique le droit des accusés et suspects indigents à disposer gratuitement d’un avocat si cela est dans l’intérêt de la justice.112 Droit positif. Outre cette possibilité éventuellement étendue de défense éligible à l’aide d’État, la plus grande différence au niveau des besoins de défense pour les systèmes chargés des crimes internationaux réside dans la connaissance du droit matériel. Comme c’est le cas avec les procureurs et les juges (sujet discuté plus en détail dans ces chapitres), un groupe d’avocats de la défense doit se familiariser avec le droit pénal international applicable et les particularités quant à la manière de l’appliquer au niveau national. Ils doivent connaître les éléments applicables des crimes internationaux, notamment les éléments contextuels, ainsi que les nouvelles formes de responsabilité introduites dans le système judiciaire dans le cadre de l’intégration du droit pénal international dans la législation nationale. Dans les systèmes de « common law » notamment, les avocats de la défense doivent posséder une solide connaissance 112 AVOCATS DE LA DÉFENSE de la jurisprudence pertinente de l’État et d’autres juridictions nationales et internationales. Dans certains pays, les avocats de la défense issus du secteur privé peuvent avoir de meilleures connaissances et compétences dans ces domaines que les juges et procureurs travaillant pour l’État. Le renforcement des capacités pour les avocats de la défense doit être planifié en fonction des résultats des évaluations des besoins. Garantir une défense de qualité peut également nécessiter l’établissement d’un système de sélection ou de « classement » pour les avocats qualifiés pour travailler dans les procédures pénales internationales car les suspects et accusés, dans certains pays, ont montré une propension à choisir des avocats pour des raisons autres que leurs compétences juridiques. Participation étrangère. S’il est difficile d’identifier des avocats nationaux pour représenter des suspects et accusés impopulaires ou si les manquements des avocats locaux en matière d’éthique ou de fond représentent un problème majeur, il peut être nécessaire de faire appel à des avocats étrangers pour assurer une défense appropriée. Les donateurs peuvent avoir à planifier l’aide si les suspects et accusés sont indigents ou si la traçabilité de leurs actifs n’a pas pu être assurée. Si des avocats étrangers qualifiés sont jugés nécessaires, les gouvernements doivent être appelés à lever tout obstacle exagéré à leur travail dans la juridiction, ce qui inclut de renoncer à des frais de licence exorbitants. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Plusieurs organisations ont organisé des formations efficaces financées par des donateurs pour les avocats et enquêteurs de la défense. Ainsi, en Ouganda l’IICI (Institute for International Criminal Investigations) a organisé des ateliers sur les enquêtes de la défense, tandis que le PILPG (Public International Law and Policy Group) a organisé des formations sur le droit pénal international concernant le premier procès pour crimes de guerre d’Ouganda. Les organisations telles qu’Avocats sans Frontières, le Centre international pour la justice transitionnelle et l’Institut des droits de l’homme de l’Association internationale du barreau ont organisé des formations dans le domaine du droit pénal international pour les avocats de la défense dans de nombreux pays. Le programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de la CPI a fourni une formation aux avocats de la défense de l’Afrique du sud et de l’est, au niveau national et par l’intermédiaire des barreaux de chacune des régions. Le mécanisme de défense bénéficiant d’une assistance internationale qui a été établi à la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine offre un modèle intéressant pour une CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 113 aide à la défense plus complète.113 Le registre des crimes de guerre internationaux a créé le bureau de la défense (« OKO » qui est l’acronyme serbo-croate) et, conformément à la législation bosnienne, les juges des chambres chargés des crimes organisés et des crimes de guerre à la cour lui ont donné le pouvoir de délivrer les permis aux avocats souhaitant exercer devant la Cour d’État. Pour être éligibles, les avocats de la défense doivent satisfaire des critères d’expérience et d’expertise et doivent surtout avoir complété deux formations de trois jours fournies par OKO dans le domaine du droit humanitaire international et du code de procédure pénale bosnien réformé (qui a introduit des éléments du système accusatoire dans un système de droit civil). Pour rester sur la liste, les avocats doivent suivre une formation professionnelle permanente. Les formations facultatives fournies par OKO incluent certains sujets tels que la technique de défense des droits, l’enquête relative aux crimes de guerre, l’argumentation juridique écrite, la recherche juridique et l’éthique. Le bureau de la défense offre également une assistance aux avocats de la défense qui inclut la facilitation des déplacements à l’étranger et l’accès aux preuves et témoins du TPIY. OKO peut fournir une capacité de recherche, critiquer les arguments de la défense, apporter des conseils juridiques par l’intermédiaire d’experts et présenter des requêtes en faveur des arguments de la défense. Selon des observateurs, OKO aurait amélioré la qualité des arguments de la défense concernant le droit procédural et matériel devant la Cour d’État de Bosnie. Comme indiqué plus loin, OKO fournit un mécanisme de mentorat international et d’assistance d’experts qui peut être progressivement supprimé du fait de l’agrandissement de la capacité locale.114 Le modèle OKO peut être adapté à d’autres situations en fonction des évaluations des besoins. Les donateurs peuvent travailler avec les États et les barreaux nationaux, si ces derniers sont forts et respectés, afin de développer des exigences spéciales en matière de délivrance des permis pour les avocats souhaitant représenter les suspects et accusés dans les procédures impliquant des crimes internationaux. Cela garantirait que les avocats disposent des connaissances et compétences requises. De même, les barreaux nationaux peuvent être renforcés afin de mettre en place le type de formations et d’assistance administrative et juridique qui est fourni par OKO en Bosnie-Herzégovine. Les donateurs peuvent également financer la mise à disposition temporaire d’experts internationaux afin que ces derniers dispensent des formations et offrent une assistance par d’autres moyens pertinents. 114 AVOCATS DE LA DÉFENSE Directives relatives au soutien de la capacité de défense Évaluer conditions juridiques, réglementaires et politiques : • L’État a-t-il des garanties constitutionnelles ou statutaires dans le domaine des droits de la défense qui répondent aux normes internationales ? • Si la réponse est oui, ces garanties ont-elles été respectées dans la pratique ? • L’État garantit-il une aide juridique pour les suspects et accusés indigents ? • Les avocats étrangers sont-ils autorisés à exercer dans le pays ? Y’a-t-il des obstacles exagérés à cela tels que des exigences de permis coûteuses ou arbitraires ? • L’association nationale du barreau est-elle bien organisée et respectée ? Veillet-elle avec efficacité à la qualité de la défense dans les affaires pénales ? Veille-telle avec efficacité à la prise en compte d’un comportement contraire à l’éthique ou d’une représentation inefficace ? • Les avocats de la défense représentant des opposants et des détracteurs du gouvernement sont-ils victimes de harcèlement ou de pénalisations professionnelles ? • L’État permet-il à la défense d’accéder aux preuves qu’il détient et aux témoins potentiels sous son contrôle. Respecte-t-il les injonctions en la matière ? • Les populations favorables aux groupes d’auteurs présumés, y compris des ex-combattants, font-ils confiance à l’État pour autoriser une défense solide ? Si la réponse est non, leurs inquiétudes sont-elles fondées ? • Les témoins de la défense reviendront-ils dans le pays pour témoigner ? Si la réponse est non, leurs témoignages peuvent-ils être effectués par vidéoconférence ?115 sécurité : • Y’a-t-il eu par le passé des actes de violence à l’encontre des avocats défendant des clients impopulaires ? • Y’a-t-il eu des menaces à l’encontre des avocats impliqués dans des affaires pénales internationales ? • Y’a-t-il eu des menaces ou des actes de violence à l’encontre de personnes ayant parlé publiquement au nom des suspects présumés ? • Le conflit est-il terminé ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 115 • Si ce n’est pas le cas, les anciens combattants ont-ils été désarmés, démobilisés et réintégrés ? les compétences techniques : • Les avocats de la défense ont-ils de solides compétences juridiques générales ? – Ont-ils une excellente connaissance des droits des suspects et accusés et montrent-ils une réelle volonté à défendre vigoureusement leurs clients ? – Ont-ils une connaissance approfondie du code de procédure pénale du pays ? – Les avocats et enquêteurs de la défense possèdent-ils les compétences linguistiques nécessaires pour communiquer avec les témoins ? Si ce n’est pas le cas, des interprètes qualifiés peuvent-ils leur venir en aide ? – Les avocats de la défense possèdent-ils de bonnes compétences en matière de défense des droits pour les interrogatoires principaux, les contre-interrogatoires et les ré-interrogatoires des témoins et pour soulever d’éventuelles objections lors du procès ? – Les avocats de la défense connaissent-ils les possibilités et les limites des preuves médico-légales et la meilleure façon d’utiliser celles-ci? – Les avocats de la défense savent-ils comment utiliser des témoins experts pour appuyer leurs affaires ? – Les avocats de la défense savent-ils comment introduire des preuves écrites pour appuyer leurs affaires ? – Les avocats de la défense possèdent-ils les compétences juridiques et rédactionnelles nécessaires pour rédiger correctement des requêtes, dossiers et autres documents juridiques au procès ? – Les avocats de la défense possèdent-ils les compétences juridiques nécessaires pour gérer les appels ? – Les avocats de la défense sont-ils correctement formés à l’éthique liée à la défense ? • Les avocats de la défense ont-il une solide compréhension du droit pénal international applicable et possèdent-ils les compétences nécessaires pour défendre des affaires pénales internationales ? – Les avocats principaux de la défense possèdent-ils les compétences en matière de gestion des affaires et de gestion de personnel leur permettant de gérer une affaire complexe ? – Les avocats de la défense ont-ils une connaissance approfondie de la structure d’une affaire pénale internationale, ce qui inclut les faits incriminés, le chapeau et les liens ? – 116 Les avocats de la défense ont-ils une connaissance approfondie des éléments applicables nécessaires pour prouver les crimes de guerre, les crimes contre AVOCATS DE LA DÉFENSE l’humanité et les crimes de génocide ainsi que pour prouver qu’il y a un lien entre les crimes et les accusés ? – Dans les systèmes juridiques où la jurisprudence des autres juridictions peut être utilisée, les avocats de la défense connaissent-ils la jurisprudence pertinente, y compris celle des juridictions internationales et des autres juridictions nationales ? – Les avocats et enquêteurs de la défense ont-ils les compétences spéciales nécessaires pour interroger des témoins vulnérables, notamment des enfants (ou les personnes qui étaient enfants à l’époque des crimes allégués), des victimes de torture et des victimes de violence sexuelle et fondées sur le sexe? • Dans les systèmes accusatoires, les avocats et enquêteurs de la défense possèdent-ils les compétences nécessaires pour mener une enquête sur des crimes internationaux ? – Les équipes de la défense ont-elles les compétences nécessaires pour mener une – Les enquêteurs ont-ils les compétences nécessaires pour recueillir des recherche de base sur le conflit ? témoignages de qualité ? – Les enquêteurs de la défense sont-ils formés à accéder à des témoins vulnérables et/ou mobiles ? – Les équipes de défense ont-elles les compétences stratégiques nécessaires pour classer les pistes d’enquête par ordre de priorité ? • Les avocats de la défense ont-ils les compétences nécessaires pour utiliser les technologies de l’information requises ? les ressources disponibles : • Par rapport à la charge de travail prévue, y’a-t-il un nombre suffisant d’avocats disposés à défendre les suspects et accusés de toutes les factions ? • Y’a-t-il un régime d’aide judiciaire en place garantissant le paiement d’avocats compétents pour représenter les suspects et accusés ? Bénéficie-t-il d’un financement adéquat et comporte-t-il des barèmes à prendre en compte pour la complexité de l’affaire ? • Y’a-t-il des fonds suffisants mis à disposition pour les enquêtes de la défense ? • Les équipes de la défense ont-elles accès à une assistance d’experts dans les domaines tels que la médecine légale, l’analyse documentaire et, si nécessaire, l’archivage ? • Un mécanisme est-il en place pour assurer une formation juridique continue ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 117 • Les avocats et enquêteurs de la défense ont-ils la possibilité de voyager autant que de besoin ? Les équipes de la défense bénéficient-elles d’une aide logistique et administrative pour les voyages internationaux nécessaires, notamment la facilitation des visas ? • Les avocats de la défense et les enquêteurs possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Le cas échéant, ont-ils accès aux technologies de l’information ? Planifier gestion des obstacles politiques et de la partialité anti-défense : • Si la partialité à l’égard de la défense pose problème, il convient d’envisager ce qui suit : – mobiliser les représentants du gouvernement et les parlementaires sur l’importance des droits de la défense. – soutenir les organisations de la société civile, y compris les barreaux, qui défendent les droits de la défense. – conditionner l’aide à l’existence de réformes institutionnelles et à la mise en œuvre des réformes, et s’assurer que des messages cohérents à ce sujet sont envoyés par l’ensemble des organismes et ministères donateurs compétents ; – dans des cas extrêmes et si la juridiction le permet, envisager de recourir à la CPI. approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Si l’association nationale du barreau n’est pas assez forte et crédible pour pouvoir assumer immédiatement la mission de certification des compétences, de formation, d’assistance et de responsabilisation des avocats dans les affaires pénales internationales, il convient d’envisager ce qui suit : – travailler avec l’État pour créer une autorité de délivrance de permis séparée pour les affaires pénales internationales qui peut permettre une participation internationale temporaire ; – enquêter sur la capacité de l’association du barreau de sorte que la certification des compétences et la formation des avocats puissent être intégrées dans ses responsabilités. 118 AVOCATS DE LA DÉFENSE • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si tel est le cas, déterminer s’ils pourraient être modifiés pour répondre directement aux besoins de l’enquête sur des crimes internationaux. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées aux modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. • Sensibiliser les populations les plus solidaires des groupes d’auteurs présumés, y compris les ex-combattants, pour leur expliquer les droits des suspects et accusés et comment ces droits sont protégés. L’importance des droits de la défense doit également être soulignée dans la sensibilisation des communautés de victimes.116 Ressources Avocats sans Frontières (Lawyers without Borders, www.asf.be) : dispense une formation aux avocats de la défense sur le droit pénal international et organise la défense des personnes indigentes accusées de crimes internationaux devant les tribunaux nationaux. Secrétariat du Commonwealth (www.thecommonwealth.org) : développe un module de formation en ligne sur les crimes transnationaux, y compris les crimes relevant du Statut de Rome pour les États membres. Institute for International Criminal Investigations (www.iici.info) : offre des formations dans le domaine des enquêtes de crimes internationaux, notamment pour les avocats de la défense. Association internationale du barreau (www.ibanet.org) : Effectue des évaluations des systèmes juridiques, notamment les problèmes de défense, donne des conseils sur CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 119 l’établissement de structures pour les mécanismes d’aide juridique et la représentation gratuite et organise des formations dans le domaine du droit humanitaire international. International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : Fournit une formation aux avocats de la défense sur le droit pénal international. Programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’Institut d’études de sécurité (http://www.issafrica.org/pgcontent.php?UID=18893) : dispense une formation introductive et approfondie aux avocats de la défense africains sur le droit pénal international, les derniers développements dans le domaine de la justice internationale dans une perspective africaine et en quoi cela touche l’Afrique, le système du Statut de Rome et la mise en œuvre de la législation CPI nationale (le cas échéant). Association internationale des avocats de la défense : (www.aiad-icdaa.org) : Organise des formations sur le droit pénal international pour les avocats de la défense. Section kényane de la Commission internationale de juristes (CIJ Kenya) (http://www. icj-kenya.org) : dispense des formations pour les avocats de la défense de la région d’Afrique de l’est sur le droit pénal international et le Statut de Rome. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : Organise des évaluations et donne des conseils sur les politiques et structures de défense dans le droit pénal international. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Jolyon Ford, Bringing fairness to international justice: A handbook on the International Criminal Court for defence lawyers in Africa, Institut d’études de sécurité, Pretoria, 2009, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.issafrica.org/pgcontent. php?UID=30446. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale, « Défense et assistance judiciaire », disponible à l’adresse internet suivante : http://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/ cjat_eng/4_Legal_Defence_and_Legal_%20Aid.pdf. 120 AVOCATS DE LA DÉFENSE Protection et soutien des témoins Pourquoi Maintenir la qualité du procès en instaurant un climat permettant aux témoins de déposer sincèrement sans craindre d’éventuelles répercussions. Engendrer la confiance du public et des autres témoins potentiels dans les procédures. Quoi Éviter toute violence physique et psychologique à l’égard des témoins suite à leur participation. Dédommager les témoins pour les frais raisonnables liés à leur participation. Être attentif aux besoins de santé des témoins lors du processus judiciaire. Qui Agents chargés de la protection des témoins. Police. Prestataires de services de santé physique et mentale. Administrateurs. Quand Au début de l’enquête pénale. Avant, pendant et après la déposition des témoins. 121 La protection des témoins implique de réaliser des évaluations des risques pour chaque témoin, de protéger leur vie privée si nécessaire, de s’assurer qu’ils se trouvent dans des endroits sûrs où les enquêteurs et les avocats peuvent les interroger, de limiter au maximum l’exposition des témoins aux risques, de recevoir et répondre rapidement aux menaces pour leur sécurité, de réinstaller les témoins si besoin dans le pays ou à l’étranger pour certaines affaires, de s’assurer qu’ils reçoivent une aide médicale et psychosociale de base si nécessaire, de dédommager les témoins pour les frais liés à leur participation dans les procédures judiciaires et de les héberger et les soutenir régulièrement au moment où ils font leur déposition. Les évaluations des besoins peuvent indiquer que les procédures d’audience doivent être ajustées afin de ne pas révéler l’identité du témoin au public (mais pas à l’accusé qui a le droit de connaître son identité). Certaines audiences peuvent avoir lieu à huis clos (« in camera »), des mesures peuvent être prises afin que les témoins ne puissent pas être vus par le public, que leurs voix soient déformées ou que les témoins ne soient pas présents sur place mais fassent leurs dépositions par vidéoconférence. La protection et l’assistance sont fournies lors du processus d’enquête ainsi qu’avant, pendant et après la déposition du témoin. La protection et l’assistance des témoins doivent être adaptées à la situation générale et à leurs besoins individuels. Un principe de proportionnalité doit être respecté, dans lequel les mesures employées sont proportionnelles aux niveaux de risque et aux besoins des témoins. Les mesures de protection des témoins peuvent être fournies de différentes manières, notamment par l’intermédiaire des codes pénaux, des codes de procédure pénale, des déclarations politiques et décrets du gouvernement, du règlement de la cour ou via plusieurs types de législation. La législation peut généralement porter sur les droits des victimes, les types particuliers de victimes, notamment celles de la violence sexuelle et fondées sur le sexe, ainsi que de la maltraitance des enfants, ou peut être trouvée dans d’autres domaines de la loi tels que les lois sur la protection des réfugiés. Les programmes de protection, en revanche, sont plus institutionnalisés. Selon le Conseil de l’Europe, les programmes de protection des témoins sont « réglementés par la législation visant à la protection des témoins et victimes en cas d’actes graves d’intimidation lorsque d’autres mesures de protection ne peuvent pas y remédier et si les dépositions des témoins ont une importance particulière pour les procédures pénales ».117 Les programmes de protection des témoins comprennent généralement les possibilités de réinstallation, notamment au niveau international. Tous les pays n’ont pas ou ne nécessitent pas forcément un programme de protection des témoins. Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Les normes internationales exigent la protection des témoins victimes,118 ainsi que certaines catégories de témoins tels que les enfants,119 et la communauté internationale du développement a de manière accrue soutenu les programmes et mesures de protection des témoins à 122 PROTECTION ET SOUTIEN DES TÉMOINS travers le monde. Les compétences techniques nécessaires pour assurer la protection des témoins dans le cadre d’affaires pénales coïncident en partie avec celles employées dans les autres types d’affaires importantes basées uniquement sur le droit national. Plutôt que de développer spécialement cette capacité pour les procès relatifs aux crimes internationaux, les donateurs ont bien souvent la possibilité de demander la combinaison des efforts avec les autres tribunaux nationaux chargés d’affaires sensibles, par exemple les affaires liées au crime organisé et à la corruption. L’aide fournie pour les procédures liées aux crimes internationaux peut ensuite entièrement financer la capacité de protection et soutien des témoins. En revanche, la mise à disposition de l’aide psychosociale est moins courante dans le cadre des procédures pénales standards, bien qu’elle puisse exister à petite échelle, par exemple dans les affaires de violence familiale. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Planification anticipée. La planification de la protection et du soutien des témoins doit débuter avant le lancement des enquêtes. Les personnes peuvent potentiellement être en danger dès qu’elles sont contactées par les enquêteurs. Des protocoles doivent être mis en place afin d’apporter des conseils aux enquêteurs (qu’ils travaillent pour des juges d’instruction, des procureurs et des avocats de la défense), à la police et aux agents de protection et afin de fournir une liste d’options pour diverses circonstances. De même, il doit y avoir des protocoles clairs et transparents pour le soutien des témoins indiquant comment traiter les questions du dédommagement et du traitement médical. Sans ces protocoles transparents, un soutien excessif apporté aux témoins pourrait se traduire par une incitation à témoigner d’une certaine manière ou être interprété comme une incitation. Évaluation des menaces. Étant donné que chaque situation est différente et que les problèmes de protection et de soutien ne seront pas les mêmes partout, une évaluation du niveau des menaces générales doit être réalisée au départ. Ces menaces peuvent varier considérablement en fonction de la gravité et la nature du conflit, de l’ancienneté des accusations pénales et de la mesure dans laquelle les auteurs présumés maintiennent des liens avec les parties impliquées dans le conflit. Le niveau de menace dépend également de la cohésion et du pouvoir des parties, ainsi que du retentissement de leurs causes chez les groupes ethniques, religieux et autres groupes identitaires. Dans une situation donnée, le niveau de menace est susceptible de varier en fonction du type de témoin, notamment si la victime témoigne pour le bureau du procureur CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 123 ou pour la défense ou est un témoin-victime, un témoin intérieur ou un témoin expert. Les témoins vivant parmi des minorités au sein de communautés majoritaires peuvent faire face à un danger accru, de même que les témoins incarcérés aux côtés des suspects ou de leurs associés. L’évaluation initiale doit chercher à identifier les groupes vulnérables susceptibles de fournir des témoins dont l’accès à la justice peut exiger certains types de protection ou de soutien. Par exemple, si le conflit a impliqué de nombreux enfants soldats, les enquêteurs doivent être préparés et avoir reçu les connaissances et outils nécessaires à la protection et au soutien des enfants ou des personnes qui étaient enfants au moment des faits. Les demandes peuvent être portées sur d’autres types d’expertise et de préparation s’il y a eu de nombreuses victimes de torture, si de nombreux témoins potentiels sont handicapés suite à des atrocités ou s’il a été indiqué que de nombreuses victimes de violence sexuelle seront présentes aux procès. Les mesures de protection à appliquer et les besoins en matière de soutien doivent enfin être déterminés à l’aide des évaluations de témoins individuelles. Ces évaluations doivent être réalisées en ayant une connaissance approfondie du système social qui existe dans l’environnement du témoin. Les facteurs sociaux peuvent déterminer si les approches permettant de résoudre les problèmes des témoins s’avèrent concluantes. Par exemple, pour les témoins et victimes provenant de petites communautés, des absences répétées sur de longues périodes risquent d’attirer l’attention. Les spécialistes de la protection doivent travailler avec les victimes et témoins afin de trouver des explications aux absences qui soient plausibles au sein de la communauté. Un plus grand choix de mesures de protection peut être demandé pour les témoins selon la diversité des situations potentielles rencontrées en matière de sécurité. Pour les personnes faisant l’objet de menaces graves, une réinstallation internationale peut être nécessaire, mais les donateurs et les agents de protection ne doivent pas toujours partir du principe qu’il s’agit de la meilleure solution. Le nombre plus important de témoins potentiels associés à un grand nombre (mais pas à l’ensemble) des procédures pénales internationales signifie que le système est susceptible de devoir se préparer à gérer un plus nombre de personnes. Cependant, un plus grand nombre de témoins potentiels peut aussi avoir des avantages car chaque témoin assumerait un rôle moins important dans la divulgation d’informations importantes. De même, si un témoin ne peut pas déposer en raison d’une trop grande menace ou d’un trop grand traumatisme, il serait peut-être plus facile de trouver des témoins qui soient davantage en mesure de témoigner. Enjeux élevés. Dans une procédure pénale internationale complexe impliquant un grand nombre de témoins et de victimes, il faut s’attendre à ce que les personnes qui retournent dans leurs communautés après avoir rencontré des enquêteurs soient susceptibles de relayer les informations concernant le traitement qu’elles ont reçu tout 124 PROTECTION ET SOUTIEN DES TÉMOINS au long du processus et qu’elles continuent de recevoir. Cela peut considérablement influencer les décisions des autres témoins potentiels quant à leur participation aux procédures. Si la protection et le soutien des témoins sont de qualité médiocre, tout particulièrement dans les pays où la sécurité est compromise, il peut y avoir non seulement des conséquences mortelles pour les témoins concernés mais l’ensemble de la procédure judiciaire risque également de faire face à des délais chroniques et coûteux ou d’être irrémédiablement compromise en raison d’une absence de preuves. Cela souligne à quel point il est important d’obtenir une protection des témoins efficace dans l’ensemble des étapes : pendant l’enquête et avant, pendant et après le témoignage. Créer la confiance. Obtenir la confiance des témoins est un défi important lorsque l’État et les forces de l’ordre sont suspectés d’avoir commis des atrocités et lorsque les témoins nécessitant une protection et un soutien viennent de communautés opposées au gouvernement ou sceptiques à son égard. Pour relever ce défi, il est nécessaire d’obtenir l’accord du gouvernement sur l’initiation de réformes dans une mesure suffisante pour que les communautés les plus touchées puissent développer une confiance dans les mesures de protection et de soutien. Pour obtenir ce niveau de confiance et de confidentialité, les mécanismes de sécurité et de protection utilisés dans les procédures devront être indépendants du gouvernement sur le plan opérationnel, avoir un contrôle suffisant en place pour écarter les auteurs présumés et leurs complices, et refléter la diversité sociale parmi ses dirigeants, son personnel et son organe de surveillance. Même si des réformes importantes allant dans ce sens sont approuvées, comme au Kenya à la suite des violences post-électorales, les nouvelles mesures ou nouveaux programmes auront besoin de temps pour prouver leur crédibilité aux yeux des communautés touchées.120 Si les réformes n’ont pas été suffisantes ou si les agents et organismes de protection n’ont pas encore gagné la confiance des communautés touchées, la participation active d’agents internationaux et/ou d’organisations de la société civile locales et internationales peut être nécessaire pour que la protection et le soutien des témoins soient efficaces. Difficultés logistiques. Les agents du développement doivent être conscients des difficultés logistiques que rencontrent les témoins et les agents de protection dans de nombreux pays, le manque d’infrastructure notamment. Par exemple, des problèmes de transport et de communication peuvent se produire si les témoins n’ont pas les moyens de payer le téléphone ou vivent dans des lieux sans réseau ou sans routes accessibles. Chevauchement de compétences. Si plusieurs tribunaux ont compétence sur des crimes internationaux dans un pays donné, la coordination de la protection et du soutien des témoins peut devenir plus difficile. Cela est arrivé aux Balkans, lorsque le TPIY et les CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 125 tribunaux nationaux chargés des crimes internationaux ont assisté à un chevauchement entre leurs témoins. Il fallait déterminer qui devait coordonner les contacts avec les témoins et comment les dépositions des témoins devant un tribunal pouvaient être utilisées devant un autre tribunal. Ce genre de problèmes peut être particulièrement difficile si les mesures de protection offertes aux témoins sont différentes entre les deux tribunaux. Il se peut que ces problèmes se reproduisent, notamment si la CPI joue un rôle actif en parallèle des procédures nationales. Pour trouver une solution à ces problèmes, une collaboration étroite est nécessaire entre les agents de protection des témoins des deux systèmes, entre les deux autorités de poursuite qui se chevauchent et, éventuellement, entre les avocats de la défense d’une juridiction et les agents de protection de l’autre. Planification flexible. Dans le cadre de procédures impliquant des crimes internationaux, il peut s’avérer beaucoup plus difficile de prévoir avec précision au début la durée des mesures de protection et de soutien après la déposition d’un témoin. Comme dans les autres procédures pénales, les besoins de protection peuvent varier en fonction des circonstances personnelles des témoins. Mais l’évolution de la situation de conflit ou d’après conflit peut considérablement influencer ces besoins. Généralement, l’accomplissement de progrès dans le domaine de la paix et de la réconciliation réduit la durée des besoins de protection et de soutien, tandis qu’une montée des tensions la prolonge. Les donateurs doivent permettre une planification flexible basée sur des évaluations périodiques des risques individuels et systémiques. Besoins médicaux et psychosociaux. Les victimes de crimes internationaux qui sont des témoins potentiels ont souvent été les cibles de plusieurs crimes et sont souvent des témoins oculaires d’autres crimes. Aussi, elles ont souvent été touchées de différentes autres manières par le contexte de violence, notamment avec la séparation familiale, la perte de leur maison ou abri, la perte de l’accès aux besoins de base tels que le traitement médical et la peur quotidienne associée aux hostilités et à un environnement général d’insécurité. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que ces victimes soient davantage traumatisées que celles des crimes les plus ordinaires. Cela est particulièrement vrai pour les enfants victimes (notamment les personnes qui étaient les auteurs et celles qui ne sont plus enfants mais qui l’étaient au moment des atrocités), les victimes de torture et les victimes de violence sexuelle et fondées sur le sexe. Cela signifie non seulement que les mesures de protection doivent généralement être plus robustes, mais que la mise à disposition des services de soutien doit l’être également, notamment le soutien psychosocial aux témoins-victimes. Une aide en matière de santé peut également s’avérer nécessaire pour les personnes atteintes de blessures issues de crimes internationaux, notamment pour les victimes de viol et d’agression sexuelle qui ont 126 PROTECTION ET SOUTIEN DES TÉMOINS besoin d’accéder à des médicaments antirétroviraux et à d’autres formes de traitement pour les blessures physiques infligées. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Le type et l’ampleur du soutien international lié aux problèmes des témoins et victimes dans les procédures pénales internationales ne sont plus les mêmes. Au Timor oriental et plus récemment au Kenya, l’ONUDC a fourni des avis d’experts pour la création de nouveaux organismes de protection des témoins. La CPI dispose d’un fonds en fidéicommis pour la réinstallation des témoins. En collaborant avec l’ONUDC, le tribunal aide à renforcer la capacité locale, ce qui a des effets positifs non seulement pour les besoins de protection liés aux procès nationaux pour crimes internationaux, mais également pour ceux liés aux autres formes de criminalité grave. Dans certaines situations, la communauté internationale a joué un rôle plus étendu. En Bosnie-Herzégovine, par exemple, la nouvelle agence bosnienne de protection des témoins (une unité indépendante de la police nationale) a été placée sous la surveillance du Greffe de la Chambre des crimes de guerre. Celle-ci a nommé un spécialiste de la protection étranger pour qu’il dirige de manière temporaire l’agence bosnienne qui est composée uniquement de Bosniens et qui a travaillé avec la mission militaire de l’Union européenne. Le bureau de soutien des témoins de la Chambre des crimes de guerre de Bosnie a également constitué un Réseau d’aide à la cour pour faciliter la coopération des ONG dans le soutien des témoins qui se présentent devant la chambre. Au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, le personnel international a dirigé la Section d’aide aux témoins et aux victimes et s’est engagé dans un mentorat à long terme du personnel sierra-léonais à travers le modèle d’affectation de personnel hybride du tribunal. En outre, il a organisé en 2009 une formation d’un mois destinée aux 36 agents de police sierra-léonais afin d’augmenter la capacité nationale. Cela aura une importance pour la protection future de certains témoins du tribunal à la suite de sa clôture et fournit une expertise fondamentale pour la formation d’une nouvelle agence de protection des témoins dans le pays.121 Succès de l’aide psychosociale L’Afrique du Sud a été la première à mettre à disposition une aide psychosociale pour les victimes et témoins de crimes internationaux, non pas dans le cadre des procédures pénales mais dans le cadre de sa Commission de vérité et de réconciliation (CVR). Si CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 127 des tribunaux et des CVR cohabitent, il est possible d’envisager des efforts partagés dans la fourniture de ces services, d’autant plus que l’Afrique du Sud bénéficie d’une très grande expertise. Si des services psychosociaux ont été établis, le mécanisme judiciaire doit exploiter ces ressources existantes. Cela a été possible aux Balkans, lorsque le TPIY s’est appuyé sur un réseau de prestataires locaux pour assister ses témoins vulnérables. Lorsque les affaires du TPIY ont été transférées aux divisions nationales chargées des crimes de guerre de Bosnie-Herzégovine, Serbie et Croatie, ces tribunaux ont pu continuer à utiliser le même réseau. Même lorsque les infrastructures existantes sont sommaires, les donateurs ont rencontré le succès avec cette approche. En RDC, un vaste effort pour fournir un soutien aux victimes de violences sexuelles et fondées sur le sexe a connu la réussite, même si le manque de sécurité et l’impunité rampante se sont traduits par la poursuite de ces crimes à grande échelle. Plusieurs agences des Nations Unies ont participé et les donateurs ont fourni une aide importante aux hôpitaux, aux cliniques et aux prestataires des ONG locales. Directives visant à soutenir la protection et le soutien des témoins et victimes Évaluer indépendance et partialité potentielle des agents de protection : 128 • Y’a-t-il des allégations selon lesquelles des fonctionnaires de l’État ou des alliés auraient commis des crimes internationaux lors du conflit ? Ces allégations impliquent-elles la police ou d’autres agents chargés d’assurer et de mettre en place la protection des témoins ? • Les témoins et leurs communautés font-ils confiance à la police ou aux autres autorités chargés de la protection des témoins ? Les témoins du bureau du procureur et de la défense croient-ils que les autorités offrent une véritable protection ? • Si des mesures ou programmes de protection des témoins existent déjà, ont-ils de bons antécédents en matière de protection des témoins ? Que pensent les témoins de leur expérience des mesures de protection ? • Y’a-t-il une diversité dans la constitution du personnel de protection ? Des personnes appartenant aux groupes identitaires les plus touchés par le conflit sont-elles impliquées dans la gestion et la mise en œuvre de la protection des témoins ? PROTECTION ET SOUTIEN DES TÉMOINS • Si un programme de protection des témoins complet est déjà en place, est-il indépendant sur le plan opérationnel ? Les acteurs politiques ont-ils accès aux informations sensibles des témoins ? • Les organisations de la société civile, y compris les organisations de victimes, ont-elles confiance dans les mesures ou programmes de protection ou dans les agents chargés de gérer et de mettre en place les agences ou mesures nouvellement créées ? Le gouvernement a-t-il tenu des consultations approfondies avec ces organisations au sujet des craintes éventuelles ? le cadre juridique existant : • Y’a-t-il une législation spécifique concernant la protection et le soutien des témoins ? Y’a-t-il un organisme ou un programme de protection des témoins établi par la loi ? • Y’a-t-il d’autres lois portant sur les questions de protection et de soutien des témoins, y compris le code pénal et le code de procédure pénale ? • Y’a-t-il des déclarations politiques et décrets du gouvernement, des injonctions ou des éléments de jurisprudence indiquant comment traiter les questions de protection et de soutien des témoins ? • Y’a-t-il des procédures de fonctionnement standard en place en ce qui concerne le contact et l’interrogation des témoins pendant la phase d’enquête ? • Y’a-t-il des protocoles transparents pour la gestion des témoins, notamment le remboursement des frais engagés, des frais de déplacement, des frais de communication et des frais médicaux raisonnables pour les témoins du bureau du procureur et de la défense ? • Y’a-t-il des procédures en place pour mener des évaluations de menaces individuelles et générales, notamment des réévaluations périodiques ? Si la réponse est oui, les procédures exigent-elles que l’évaluation initiale identifie les groupes de témoins potentiels susceptibles de présenter des vulnérabilités que les enquêteurs et le tribunal doivent connaître ? • Y’a-t-il des options adéquates en place pour la réinstallation potentielle des témoins et de leurs familles à l’intérieur du pays, et si nécessaire, en dehors du pays ? • Y’a-t-il des accords en place pour la réinstallation internationale des témoins et de leurs familles, si celle-ci devient nécessaire ? • Les mesures de protection des témoins couvrent-elles la période pendant l’enquête ainsi que celle avant, pendant et après le procès ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 129 ampleur probable des besoins : • Quelle est l’ampleur des allégations de crimes internationaux au niveau du nombre de victimes et quelle est l’ampleur au niveau de la durée et de la géographie ? • Les crimes présumés semblent-ils de nature complexe (avec un large éventail de faits incriminés ou un besoin de prouver la responsabilité du supérieur hiérarchique par exemple) ou relativement simple (comme dans les procès des auteurs directs de crimes de guerre individuels) ? • Quel est le mandat du mécanisme de poursuites ? Y’a-t-il des contraintes juridiques (telles que des amnisties ou l’application non rétroactive des lois nouvellement adoptées en matière de crimes internationaux) qui pourraient limiter le nombre des affaires susceptibles d’être portées devant le tribunal ? connaissances et compétences techniques : 130 • Les agents de protection et de soutien connaissent-ils l’ensemble des lois, réglementations et politiques compétentes ? • Les agents de protection et de soutien savent-ils mener les évaluations des menaces générales et individuelles ? • Les agents de protection et de soutien possèdent-ils les compétences nécessaires pour mener les évaluations psychosociales des témoins, fournir un soutien psychosocial aux témoins vulnérables lors de leur déposition, apporter des conseils au tribunal à propos des besoins spéciaux et assurer des soins par d’autres moyens ou les renvoyer à un traitement ? • Possèdent-ils la capacité de gestion nécessaire pour coordonner la sécurité, le transport, l’hébergement, les communications, l’aide médicale et les paiements, souvent à brève échéance ? • Savent-ils gérer des comptes, consigner méticuleusement les paiements et les divulguer aux parties ou aux juges quand ces derniers en font la demande ? • Savent-ils faciliter les contacts avec le témoin tout en limitant au maximum les risques ? • Savent-ils orienter les témoins dans le processus judiciaire et la salle d’audience en elle-même avant qu’ils ne fassent leur déposition ? • Savent-ils mettre en œuvre les procédures de protection des témoins dans la salle d’audience et familiariser les juges, procureurs, avocats de la défense et agents de gestion de la cour avec ces procédures ? • Savent-ils former le personnel de la cour sur le traitement respectueux des témoins et des victimes participantes ? PROTECTION ET SOUTIEN DES TÉMOINS • Possèdent-ils les compétences nécessaires pour faciliter la réintégration des témoins dans leurs communautés à la suite de leur déposition ? • Possèdent-ils les compétences linguistiques nécessaires pour communiquer avec l’ensemble des témoins, quelle que soit leur appartenance ethnique ? Si la réponse est non, des interprètes dignes de confiance sont-ils disponibles ? • Savent-ils gérer aussi bien les témoins du bureau du procureur et ceux de la défense qui sont impliqués dans une même affaire sans compromettre les parties ou les témoins ? • Les agents de protection et de soutien possèdent-ils les compétences nécessaires pour utiliser les technologies de l’information ? les ressources disponibles : • Y’a-t-il un nombre suffisant d’agents de protection et de soutien ? • Y’a-t-il des lieux sûrs adéquats pour l’interrogation des témoins et un logement temporaire est-il disponible si les lieux sûrs sont à une distance éloignée des logements des témoins ? • Y’a-t-il un nombre suffisant d’agents de soutien dans les logements sûrs et y’at-il un nombre suffisant de chauffeurs et de véhicules discrets et banalisés pour transporter les témoins ? Ce personnel a-t-il été contrôlé ? • Les salles d’audience sont-elles équipées de sorte que les témoins ne puissent pas être vus par le public, que leurs voix soient déformées ou que les témoins fassent leurs dépositions par vidéoconférence ? • Y’a-t-il des moyens permettant de s’assurer que les témoins puissent rester en contact avec les agents de protection travaillant aussi bien pour le bureau du procureur que pour la défense, si nécessaire, en leur mettant à disposition des téléphones mobiles, des cartes SIM et des crédits téléphoniques ? • Dans certaines circonstances, certains témoins peuvent nécessiter un soutien à vie. Y’a-t-il des ressources disponibles pour faire face à cette éventualité ? • Les agents de protection et de soutien ont-il les ressources nécessaires pour se déplacer sur le territoire (notamment des véhicules et du carburant)? • Les agents de protection et de soutien possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Des technologies de l’information sont-elles disponibles ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 131 chevauchement de compétences : • Un tribunal international, y compris la CPI, joue-t-il un rôle actif dans le pays ? Y’a-t-il des indications selon lesquelles il pourrait jouer un rôle actif dans le pays ? • Le tribunal international a-t-il des témoins bénéficiant d’une protection et liés à la même enquête ? • Si la réponse est oui, y’a-t-il eu des communications entre les fonctionnaires compétents de la juridiction nationale et la juridiction internationale au sujet de la coordination des questions de protection des témoins ? • Le tribunal international a-t-il exprimé des inquiétudes concernant la volonté ou la capacité de protection des témoins du pays ? efficacité • Y’a-t-il d’autres mécanismes de justice transitionnelle ou de justice pénale en place ou en cours de développement ayant également des besoins de protection et de soutien des témoins ? Est-il envisageable de partager les ressources ou de développer certaines capacités conjointement sans faire courir aux témoins ou victimes un danger accru ou compromettre l’intégrité du processus judiciaire ? • Existe-t-il un réseau local de prestataires psychosociaux et de prestataires de soins de santé auxquels le tribunal peut faire appel pour aider les témoins et victimes participantes qui en ont besoin ? Les efforts pour étendre les services psychosociaux et médicaux aux témoins interfèrent-ils avec les programmes d’aide au développement existants ou prévus qui concernent les services de santé ? Planifier confrontation à la partialité, à la partialité perçue et à un manque d’indépendance : • Appeler à une exigence voulant que l’ensemble des agents en contact avec les témoins protégés signent des accords de confidentialité. • Si une partialité réelle ou perçue ou un manque d’indépendance pose problème, il convient d’envisager ce qui suit : – Encourager les consultations du gouvernement sur les problèmes de protection des témoins avec les populations touchées ; – Encourager la diversification des agents de protection et de soutien parmi divers groupes identitaires ; – Soutenir un contrôle rigoureux des agents de protection et de soutien afin d’écarter les auteurs présumés et leurs sympathisants ou les personnes suspectées de poursuivre un programme pénal ou politique ; 132 PROTECTION ET SOUTIEN DES TÉMOINS – Encourager les amendements au cadre juridique portant sur la protection et le soutien des témoins afin de garantir l’indépendance opérationnelle de l’agence et la dépolitisation à tous les niveaux, y compris au niveau de l’organe de surveillance ; – Lorsque la confiance est un obstacle majeur, il convient d’envisager l’introduction temporaire de personnel international pour assister, voire diriger, l’agence de protection et de soutien. – Lorsque la confiance est un obstacle majeur, il convient d’envisager la dépendance temporaire aux ONG nationales et internationales de confiance afin d’offrir des mesures de protection et de soutien spéciales. établissement d’un cadre juridique adéquat dans le domaine de la protection et du soutien des témoins : • Déterminer si l’ampleur des allégations et procès correspondants, ainsi que la gravité des menaces que les témoins sont susceptibles de rencontrer, justifient l’établissement d’un programme complet de protection des témoins. Si tel est le cas, inciter la législation à en établir un. • Déterminer quelles sont les faiblesses dans les mesures existantes de protection des témoins qui représentent les plus grands obstacles à la sécurité des témoins, à la qualité des procès et à la confiance du public sur ce sujet. Proposer d’aider le gouvernement à dresser la liste des priorités. comment éviter les problèmes lors du chevauchement de compétences : • Encourager une communication et une coopération étroite entre les auxiliaires de justice internationaux et nationaux s’il y a un risque de chevauchement entre les témoins. approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si le chevauchement existe, déterminer s’il est possible de le modifier pour répondre directement aux besoins de protection et de soutien des témoins. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus de pro- CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 133 tection et de soutien des témoins par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources Centre pour les victimes de la torture (www.cvt.org) : fournit des services aux victimes de la torture à travers le monde et une aide au renforcement des capacités pour les centres de traitement des victimes de la torture dans vingt pays. Secrétariat du Commonwealth (www.thecommonwealth.org) : forme les juges, les procureurs et les avocats de la défense sur la communication avec les témoins vulnérables. Les formations générales de protection des témoins et victimes sont en cours de développement pour les États membres. Programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’Institut d’études de sécurité (http://www.issafrica.org/pgcontent.php?UID=18893) : fournit une formation introductive et approfondie aux personnels de justice pénale africains sur la protection des témoins dans le contexte de crimes complexes, notamment les crimes internationaux fondamentaux. La formation porte essentiellement sur les difficultés particulières que rencontrent les pays et régions d’Afrique et inclut les exigences de protection des témoins inscrites dans le Statut de Rome et la législation CPI nationale (le cas échéant). Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture (www.irct.org) : fournit son expertise et de petites subventions aux centres de réadaptation pour les victimes de la torture. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations et apporte des conseils au sujet de la protection et du soutien des témoins dans les procédures pénales internationales. Redress (www.redress.org) : travaille au niveau politique pour évaluer les besoins de protection et de soutien. 134 PROTECTION ET SOUTIEN DES TÉMOINS UNICEF (www.unicef.org) : possède une très grande expertise et expérience dans la fourniture des services de soutien psychosocial, notamment chez les enfants, à l’appui des commissions de vérité et de réconciliation. ONUDC (www.unodc.org) : fournit des conseils sur l’établissement des programmes de protection des témoins et dispose d’un modèle de loi sur la protection des témoins en Amérique latine. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Stjepan Gluščić, et al., Procedural protective measures for witnesses – Training manual for law-enforcement agencies and the judiciary, Conseil de l’Europe, 2006, disponible (à l’achat) à l’adresse internet suivante : http://book.coe.int/EN/ficheouvrage.php?PAGEID=36&lang=EN&produit_aliasid=2130. Yvon Dandurand et Kristin Farr, Revue de certains programmes de protection des témoins, (Division de la recherche et de la coordination nationale sur le crime organisé, Secteur de la police et de l’application de la loi, Sécurité publique Canada), Rapport n° 001, 2010, disponible à l’adresse internet suivante : http://publications.gc.ca/ collections/collection_2011/sp-ps/PS4-96-2010-eng.pdf. Rebecca Horn, Simon Charters et Saleem Vahidy, « Testifying in an International War Crimes Tribunal: The Experience of Witnesses in the Special Court for Sierra Leone », The International Journal of Transitional Justice, Volume 3, Numéro 1, Janvier 2009, p. 135 à 149, disponible à l’adresse internet suivante : http://ijtj.oxfordjournals.org/content/3/1/135.abstract. Chris Mahony, The justice sector afterthought: Witness protection in Africa, Institut d’études de sécurité, Pretoria, 2010, disponible à l’adresse internet suivante : http://www. issafrica.org/pgcontent.php?UID=29956. An Michels, Psychosocial Support for Children: Protecting the Rights of Child Victims and Witnesses in Transitional Justice Processes, (Document de travail de l’UNICEF-Innocenti), juin 2010, disponible à l’adresse internet suivante : www.unicef-irc.org/ publications/pdf/iwp_2010_14.pdf. Robin Vincent, An Administrative Practices Manual for Internationally Assisted Criminal Justice Institutions, International Center for Transitional Justice, 2007, pp. 74 CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 135 à 84 (partie sur la protection des témoins et le soutien des victimes), disponible à l’adresse internet suivante : http://www.ictj.org/images/content/9/3/931.pdf. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Questions transversales : Victimes et témoins (Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale), 2006, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/cjat_eng/3_Victims_Witnesses.pdf. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Bonnes pratiques de protection des témoins dans les procédures pénales afférentes à la criminalité organisée, janvier 2008, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.unodc.org/documents/organized-crime/Witness-protection-manual-Feb08.pdf. 136 PROTECTION ET SOUTIEN DES TÉMOINS Participation des victimes Pourquoi Autoriser les victimes à raconter leurs histoires et à contribuer au processus judiciaire. Reconnaître la souffrance des victimes. Reconnaître les demandeurs pour les potentielles réparations prononcées judiciairement. Quoi Participation dans les procédures judiciaires même pour les victimes ne comparaissant pas en tant que témoins. Qui Victimes de crimes internationaux allégués. Le Statut de Rome prévoit la participation des victimes dans les procès de la CPI, tout comme le spécifient les statuts pour les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) et le Tribunal spécial pour le Liban (TSL). La Colombie autorise également la participation des victimes, notamment pour les procès pour crimes internationaux conformément à la loi nationale « Justice et Paix ». Dans l’ensemble de ces affaires, les victimes peuvent participer même si elles ne comparaissent pas en qualité 137 de témoins. Malgré une évolution récente dans les procédures pénales internationales, cette pratique prend ses racines dans les systèmes de droit civil, notamment de France, d’Allemagne, d’Espagne et de plusieurs pays d’Amérique latine. Ce concept sera par conséquent familier pour certains donateurs. Des enseignements peuvent aussi être tirés de la participation des victimes dans les actions civiles en réparation, que ce soit devant les tribunaux régionaux des droits de l’homme, dans les affaires délictuelles étrangères ou dans les poursuites civiles nationales. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Nombres de victimes. La participation des victimes est un concept en évolution dans la pratique du droit pénal international et, dans un futur proche, ce concept peut uniquement être pertinent dans un nombre limité de juridictions. Dès les premières expériences à la CPI et aux CETC, il apparaît clairement qu’une difficulté majeure est de s’assurer qu’un grand nombre de victimes puissent être représentées sans que les procédures ne deviennent compliquées. Et si les victimes sont regroupées afin de partager la représentation, la question se pose de savoir comment les groupes doivent être définis, par exemple selon la région géographique ou la catégorie du crime poursuivi. Une autre difficulté majeure est la participation effective, notamment lorsqu’il s’agit de grands groupes et que la représentation est partagée. Communication. Même dans les pays où il n’y a aucun mécanisme permettant la participation des victimes dans les procédures sauf en qualité de témoins appelés par les deux parties, comme c’est la règle dans les systèmes de droit commun, il est toujours possible de rendre les procédures plus accommodantes pour les témoins victimes vulnérables. Cela inclut de faire preuve d’honnêteté avec les victimes quant aux risques qu’ils peuvent rencontrer en témoignant et aux répercussions possibles de leur témoignage ; de maintenir des communications régulières avec les victimes qui témoigneront ; de renseigner les victimes sur le processus judiciaire, notamment sur le rôle de la défense lors du contre-interrogatoire ; de former le personnel de la cour sur le traitement respectueux des témoins victimes ; et de familiariser les victimes et les témoins avec la salle d’audience et les procédures judiciaires avant leur comparution.122 La divulgation complète du processus judiciaire, notamment la divulgation potentielle de l’identité à la défense et la possibilité d’acquittements, doit également être communiquée afin de gérer leurs attentes et de s’assurer qu’une décision éclairée est prise quant à leur participation aux procédures, lorsque ce choix est possible. 138 PARTICIPATION DES VICTIMES Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Même si l’expérience avec la participation des victimes dans les procédures pénales internationales est limitée, on note quelques succès. Au Cambodge, les CETC ont dû aborder la participation des victimes de manière pragmatique en raison du manque de ressources.123 La moitié des représentants des victimes étaient cambodgiens et on estime qu’il y a eu un important transfert de compétences de la part des avocats internationaux, notamment en faveur de leurs collègues cambodgiens les plus jeunes. En Colombie, de nombreuses victimes ont fait face à la frustration vis-à-vis des modalités de leur participatio. Certaines ont reçu des menaces et d’autres ont été assassinées. Néanmoins, la participation des victimes dans les procédures judiciaires a considérablement augmenté, ce qui peut en partie s’expliquer par une activité de sensibilisation efficace.124 Directives visant à soutenir la participation des victimes : Évaluer les ressources disponibles : • Y’a-t-il un régime d’aide judiciaire en place pouvant faciliter la représentation des victimes ? Bénéficie-t-il d’un financement adéquat et comporte-t-il des barèmes à prendre en compte pour la complexité de l’affaire ? • Si la participation des victimes est possible, y’a-t-il suffisamment d’avocats compétents disponibles pour représenter les victimes ? • Y’a-t-il des initiatives de sensibilisation et d’information du public en place qui peuvent spécifiquement informer les victimes sur les options qu’elles ont pour leur participation ? • Y’a-t-il des institutions publiques ou non gouvernementales en place qui pourraient préparer une cartographie des communautés de victimes, notamment leur emplacement géographique et les types des crimes commis, afin d’adapter la sensibilisation et l’information du public axées sur les victimes ? • Les victimes participantes disposent-elles d’une aide psychosociale ? • Les représentants des victimes ont-il les ressources nécessaires pour se déplacer sur le territoire (notamment des véhicules et du carburant)? • Les procureurs disposent-ils d’un personnel de soutien administratif compétent ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 139 • Les représentants des victimes possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Les technologies de l’information sont-elles disponibles (notamment les ordinateurs, les imprimantes et l’accès à internet) ? les compétences techniques : • Les avocats des parties civiles ont-ils de solides compétences juridiques générales ? – Ont-ils une excellente connaissance des droits des victimes ? – Ont-ils une connaissance approfondie du code de procédure pénale du pays ? – Les représentants des victimes ont-ils les compétences linguistiques nécessaires pour communiquer avec les témoins ? Si ce n’est pas le cas, des interprètes qualifiés peuvent-ils leur venir en aide ? – Les représentants des victimes possèdent-ils les compétences nécessaires en matière de défense des droits pour interroger les témoins et soulever d’éventuelles objections lors du procès ? – Les représentants des victimes connaissent-ils les possibilités et les limites des preuves médico-légales et la meilleure façon d’utiliser ces preuves ? – Les représentants des victimes possèdent-ils les compétences juridiques et rédactionnelles nécessaires pour rédiger correctement des requêtes, dossiers et autres documents juridiques au procès ? • Les représentants des victimes ont-ils une solide compréhension du droit pénal international et les compétences nécessaires pour les affaires complexes ? – Les représentants des victimes possèdent-ils les compétences en matière de gestion d’affaire et de gestion de personnel qui leur permettent de gérer une affaire complexe ? – Les représentants des victimes ont-ils une connaissance approfondie de la structure d’une affaire pénale internationale, ce qui inclut les faits incriminés, le chapeau et les liens ? – Les représentants des victimes ont-ils une connaissance approfondie des éléments nécessaires pour prouver les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides et pour prouver qu’il y a un lien entre les crimes et les accusés ? – Dans les systèmes où la jurisprudence des autres juridictions peut être utilisée, les représentants des victimes connaissent-ils la jurisprudence pertinente, y compris celle des juridictions internationales et des autres juridictions nationales ? – Les représentants des victimes ont-ils les compétences spécifiques pour interroger les témoins vulnérables, en particulier les enfants (ou ceux qui étaient enfants au moment des faits) et les victimes de violences sexuelles et fondées sur le sexe? 140 PARTICIPATION DES VICTIMES • Les représentants des victimes ont-ils les compétences nécessaires pour utiliser des technologies de l’information de base ? approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si c’est le cas, déterminer s’ils pourraient être modifiés pour répondre directement aux besoins de l’enquête sur des crimes internationaux. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus d’enquête par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Comment est-il possible de mesurer le succès des formations et du mentorat ? • Déterminer quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources Avocats sans Frontières (Lawyers without Borders, www.asf.be) : fournit une aide juridique et une représentation des victimes à la CPI. Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (www.fidh.org) : facilite la participation et la représentation des victimes à la CPI, aux CETC et aux procédures nationales pour les crimes internationaux. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations et apporte des conseils au sujet de la participation des victimes aux procédures pénales internationales. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 141 Redress (www.redress.org) : travaille au niveau politique pour promouvoir la représentation des victimes dans les procédures impliquant des crimes internationaux. Plusieurs autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir une expertise et/ou une certaine crédibilité auprès des communautés de victimes. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Cour pénale internationale, Guide d’information sur la participation des victimes aux procédures de la Cour, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.icc-cpi. int/NR/rdonlyres/8FF91A2C-5274-4DCB-9CCE-37273C5E9AB4/282477/160910 VPRSBookletEnglish.pdf. Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, Les droits des victimes devant la Cour pénale internationale : Manuel à l’attention des victimes, de leurs représentants légaux et des ONG, 23 avril 2007, (également disponible en anglais et en espagnol), disponible à l’adresse internet suivante : http://www.fidh.org/Victims-Rights-Before-the-International-Criminal. Alain Werner et Daniella Rudy, « Civil Party Representation at the ECCC: Sounding the Retreat in International Criminal Law? », Northwestern University Journal of International Human Rights, Vol. 8(3) (Été 2010), disponible à l’adresse internet suivante : http://www.law.northwestern.edu/journals/jihr/v8/n3/4/4Werner.pdf. 142 PARTICIPATION DES VICTIMES Réparations Pourquoi Reconnaître la souffrance des victimes. Indemniser les pertes des victimes. Quoi Paiements, indemnités ou réparations symboliques prononcés judiciairement en faveur de chaque victime des auteurs condamnés. Institutions de justice transitionnelle séparées fournissant des réparations sans lien avec des procès spécifiques (non prises en compte ici). Qui Victimes des crimes. Représentants légaux des victimes. Juges. Le concept fondamental de réparation des torts causés est un concept ancien. Dans le domaine de la justice pénale, les systèmes nationaux peuvent tenir compte des réparations à des degrés divers et sous différentes formes. En travaillant à renforcer la capacité de l’État à percevoir les amendes et à saisir les avoirs conformément aux décisions judiciaires, les donateurs de l’application de la loi sont susceptibles de connaître les aspects 143 techniques limités importants pour l’administration des réparations. Cependant, la réparation est un domaine où la justice pénale internationale pose de nombreux défis, certainement nouveaux pour la plupart des donateurs de l’État de droit traditionnel. Les réparations peuvent être fournies de deux manières différentes, rejoignant toutes deux les procédures permettant d’obtenir des réparations pour les crimes internationaux, notamment les crimes de guerre. Des programmes de réparations complets peuvent être établis sous la forme d’institutions de justice transitionnelle séparées fonctionnant en parallèle du processus de responsabilité pénale. Avec une aide adéquate, ces institutions peuvent atteindre le grand nombre de victimes bénéficiaires avec des réparations symboliques et matérielles et ne sont pas tenues de dépendre des résultats des procès pénaux. Les réparations afférentes aux procédures pénales, étudiées ici, fournissent des réparations sur une base plus étroite aux bénéficiaires dont le statut de victimes d’un ou de plusieurs auteurs spécifiques a été affirmé lors du processus judiciaire. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? La réparation en tant que droit. Le droit international des droits de l’homme, le droit international humanitaire et le droit pénal international reconnaissent de plus en plus les droits à un recours et à une réparation par l’intermédiaire de plusieurs traités et principes du droit international coutumier.125 En février 2005, l’expert indépendant des Nations unies chargé de la lutte contre l’impunité a confirmé que les victimes de violations flagrantes des droits de l’homme ont le droit à la vérité, à la justice et aux réparations/garanties de non-répétition.126 En décembre 2005, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire.127 Entre autres dispositions, ces principes ont codifié les obligations de l’État d’accorder des réparations. Les États sont tenus de mettre à disposition différentes formes de réparation, notamment la restitution, l’indemnisation, la réhabilitation, la réparation civile et les garanties de non-répétition. Défis. Les réparations prononcées judiciairement pour des crimes internationaux rencontrent un certain nombre de difficultés. La nature des crimes internationaux signifie que, hormis quelques exceptions, les procès porteront sur la souffrance d’un nombre important, voire massif, de personnes. Le système judiciaire doit avoir un cadre juridique en place permettant de déterminer les victimes pour les réparations ordonnées par le tribunal. Les juges peuvent parfois estimer que la réparation collective est la 144 RÉPARATIONS méthode la plus appropriée et envisageable pour accorder des indemnités à un groupe de victimes. Que ce soit sur une base individuelle ou collective, l’attribution de réparations fait également l’objet de difficultés administratives pour trouver les bénéficiaires, les consulter au sujet de la forme de la réparation et verser les paiements ou autres allocations. L’identification des ressources nécessaires pour financer les réparations matérielles pose également d’autres problèmes. Les auteurs condamnés peuvent être dans l’indigence ou posséder des avoirs cachés difficiles à retrouver. Par ailleurs, l’État peut avoir des ressources limitées pour financer les mesures de restitution, d’indemnisation ou de réhabilitation. Ceci a posé problème en RDC, lorsque les tribunaux militaires ont pris des ordonnances de réparation souvent trop élevées et irréalistes compte tenu du manque de ressources, entraînant une plus grande désillusion des victimes. Les juges doivent être réalistes et, en même temps, un plus grand effort est nécessaire pour identifier les ressources permettant le paiement des réparations. Réconciliation. Le lien entre la justice pénale et les réparations peut être particulièrement utile pour favoriser la réconciliation, l’apaisement et la restauration de la confiance des citoyens dans une société déchirée. Les victimes peuvent être mécontentes de la justice pénale si leur souffrance n’est pas apaisée par d’autres formes de réparations matérielles ou symboliques. De même, les victimes peuvent être mécontentes de l’indemnisation si la culpabilité des auteurs n’est pas reconnue, si elles n’ont pas l’opportunité de raconter leurs expériences et si les faits qui se cachent derrière des événements souvent compliqués ne sont pas explorés. Sensibilisation. Les problèmes de réparation doivent être intégrés aux programmes de sensibilisation dès le départ. Cela peut aider à gérer les attentes des victimes et des communautés touchées. Un autre avantage possible est l’exposition des juges aux communautés touchées, ce qui peut aider les juristes à saisir les opportunités de réparation symbolique. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Jusqu’à présent, il n’y a eu qu’un nombre très limité de réparations prononcées judiciairement dans les procédures impliquant des crimes internationaux. Le Statut de Rome a offert un nouveau modèle en incluant des dispositions pour les réparations prononcées judiciairement par l’intermédiaire de la CPI ainsi qu’un effort de réparation parallèle considérable pour intervenir dans les pays relevant de la juridiction du CPI. Le Fonds au profit des victimes, établi par le Statut de Rome afin d’administrer de manière indépendante les deux types de réparation, a lancé plusieurs projets en RDC et en Ouganda qui CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 145 bénéficient directement à 42 300 victimes environ et indirectement à 182 000 membres de leurs familles environ.128 En juin 2011, le Fonds a annoncé le lancement de programmes en République centrafricaine également. Cependant, comme aucune condamnation n’a encore été prononcée au CPI pour l’instant, le Fonds n’a pas encore exercé ses procédures pour l’administration des réparations prononcées judiciairement. Aux Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), malgré une inclusion progressive de la participation des victimes aux procédures, il y a eu des dispositions limitées pour les réparations « collectives et morales » incluses dans les règlements de procédure et de preuve des tribunaux comme appliqué lors du premier procès. Lors de leur assemblée plénière de septembre 2010, les juges ont accordé une plus grande flexibilité à la chambre de première instance pour ordonner des réparations au profit des parties civiles des procédures. Dans le deuxième cas et les cas suivants, les réparations doivent être administrées par la Section de soutien aux victimes des CETC, avec la possibilité de coopérer avec le gouvernement ou les ONG. La chambre aura le pouvoir d’ordonner ces réparations symboliques en tant que programmes de sensibilisation et mémoriaux et de nouvelles possibilités sont offertes pour solliciter des fonds pour les projets.129 Même en l’absence d’expérience avec les réparations prononcées judiciairement pour des crimes internationaux sur le plan national, un soutien a été apporté à divers programmes compétents au niveau de l’État. Par exemple, au Pérou, le Centre international pour la justice transitionnelle et l’ONG nationale Asociación pro Derechos Humanos ont développé un programme pour surveiller l’administration des réparations collectives. En Afrique du sud, Khulumani, le groupe de soutien aux victimes de l’apartheid et à leurs familles, a réussi à organiser et à mobiliser les victimes pour interpeller le gouvernement sur les problèmes liés aux réparations. Au Maroc, le Conseil national des droits de l’homme a compilé des données sur son travail impliquant des réparations communautaires. Directives visant à soutenir les réparations prononcées judiciairement Évaluer le cadre juridique : • Y’a-t-il des définitions et des procédures claires dans la loi permettant aux juges de déterminer les bénéficiaires potentiels des réparations ? – Le cadre juridique autorise-t-il la participation des parties civiles dans les procédures judiciaires ? 146 RÉPARATIONS – Les juges disposent-ils d’autres directives juridiques précises leur permettant de déterminer les victimes de crimes internationaux ? – Les membres des familles des victimes sont-ils également considérés comme des victimes au regard de la loi ? – La loi permet-elle aux juges ou aux administrateurs des réparations de consulter des experts, des organisations internationales et des organisations de la société civile, y compris les organisations de victimes, au sujet des décisions de réparations ? • Quel organisme est actuellement chargé d’administrer les amendes et confiscations prononcées judiciairement ? Les victimes ont-elles globalement confiance en la capacité du gouvernement en général et de cet organisme en particulier à s’acquitter de cette tâche liée aux procédures impliquant des crimes internationaux ? • Y’a-t-il une institution, déjà chargée d’administrer un programme de réparations élargi parallèlement aux procédures pénales, capable de s’occuper des réparations prononcées judiciairement ? • Y’a-t-il des directives juridiques qui permettent de déterminer l’ampleur et la nature des réparations, la répartition des réparations collectives et les circonstances pour lesquelles les réparations doivent être collectives ? • Y’a-t-il des dispositions juridiques en place permettant de garantir la responsabilité des administrateurs des réparations et la transparence du processus ? • Y’a-t-il des directives juridiques en place indiquant comment verser techniquement les paiements des réparations ou des autres indemnités ? connaissances et compétences techniques : • Les juges connaissent-ils les objectifs des réparations et les meilleures pratiques internationales dans l’évaluation des problèmes liés aux réparations ? • Les administrateurs des réparations possèdent-ils les compétences nécessaires pour collecter les amendes prononcées judiciairement et aliéner les biens saisis en toute transparence ? Possèdent-ils les compétences nécessaires pour collaborer avec des partenaires dans le dépistage des biens des auteurs condamnés ? • Les administrateurs des réparations possèdent-ils les compétences nécessaires pour identifier les bénéficiaires des paiements des réparations conformément aux ordonnances judiciaires lorsque ces dernières sont nécessairement imprécises quant à la qualification en tant que victime ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 147 • Les administrateurs des réparations possèdent-ils les compétences nécessaires pour élaborer des propositions de réparations collectives en consultation avec les victimes, les experts et les organisations de la société civile ? • Les administrateurs des réparations possèdent-ils les compétences nécessaires pour communiquer avec les bénéficiaires potentiels qui sont des témoins protégés sans les mettre en danger ? • Les administrateurs des réparations possèdent-ils les compétences nécessaires pour faire face aux victimes traumatisées ? • Les administrateurs des réparations possèdent-ils les compétences nécessaires pour faire face aux victimes de violences sexuelles ? • Les administrateurs des réparations possèdent-ils les compétences nécessaires pour organiser le versement des paiements des réparations et des autres indemnités et pour justifier celui-ci auprès du pouvoir judiciaire pour l’ensemble des transactions ? • Les administrateurs des réparations ont-ils les compétences nécessaires pour utiliser des technologies de l’information de base ? les ressources disponibles : • Y’a-t-il un nombre suffisant d’administrateurs et d’agents de soutien pour mettre en œuvre les réparations prononcées judiciairement ? • Les administrateurs des réparations possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Des technologies de l’information sont-elles disponibles ? sources potentielles de financement pour les réparations : • L’État a-t-il la capacité de financer un programme de réparations ? • Les auteurs présumés ont-ils des ressources financières ? • Les réparations prononcées judiciairement peuvent-elles être payées avec l’argent des donateurs par l’intermédiaire d’un fonds géré par l’État ? Planifier soutien pour l’établissement ou le renforcement d’un cadre juridique dans le domaine des réparations : • 148 Soutenir les amendements à la législation actuelle si les réparations prononcées judiciairement ne sont pas encore autorisées. RÉPARATIONS • Appeler le gouvernement à consulter les victimes et les organisations de victimes pour déterminer l’organisme chargé d’administrer les réparations prononcées judiciairement. • Appeler l’État à créer des procédures visant à s’assurer que les réparations prononcées judiciairement sont payées en toute transparence et que l’ensemble des fonds a été comptabilisé. • Soutenir les efforts afin de s’assurer que les victimes sont informées de leur éligibilité aux réparations prononcées judiciairement, par exemple en incluant des informations sur les réparations dans les programmes de sensibilisation. • Faciliter les accords de coopération internationale avec l’État afin de faciliter le dépistage des auteurs condamnés. approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si le chevauchement existe, déterminer s’il est possible de le modifier pour répondre directement aux besoins de réparation. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus d’administration des réparations par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 149 Ressources International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : mène une étude complète des programmes de réparation et donne des conseils quant à leur élaboration et leur mise en place. Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (www.fidh.org) : offre un soutien aux victimes qui cherchent une représentation. Public International Law & Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations et offre des conseils sur la politique en matière de réparations. Redress (www.redress.org) : offre des conseils sur la politique en matière de réparations. Fonds au profit des victimes (www.trustfundforvictims.org) : administre des programmes de réparation dans les pays sous l’autorité de la CPI, notamment pour les réparations prononcées judiciairement dans les procédures de la CPI. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Pablo de Greiff (éditeur), The Handbook of Reparations, Oxford University Press, 2008. Lisa Magarrell, Reparations in Theory and Practice, Centre international pour la justice transitionnelle, octobre 2007, disponible à l’adresse internet suivante : http://www. ictj.org/static/Reparations/0710.Reparations.pdf. Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit : Programmes de réparations, 2008, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.unrol.org/files/ReparationsProgrammes[1].pdf. Redress, Implementing Victims’ Rights: A Handbook on the Basic Principles and Guidelines on the Right to a Remedy and Reparation, mars 2006, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.redress.org/downloads/publications/Reparation%20 Principles.pdf. 150 RÉPARATIONS Gestion de la cour Pourquoi Garantir des procès équitables et efficaces. Quoi Classer et archiver procès-verbaux et preuves. Interprétation judiciaire et traduction des documents. Services d’audience et logistique. Sécurité dans les salles d’audience. Qui Greffiers. Sténotypistes. Interprètes et traducteurs. Personnel de sécurité et agents de liaison au service des témoins. Les donateurs de l’État de droit traditionnel connaissent bien le soutien aux systèmes judiciaires par l’intermédiaire du renforcement des systèmes de gestion de la cour. Comme dans les autres procédures, la gestion de la cour en soutien des procédures impliquant des crimes internationaux implique de fournir un vaste éventail de services à l’appui du processus judiciaire. La gestion de la cour doit travailler en concertation 151 avec l’ensemble des fonctionnaires dont les activités se rejoignent dans la salle d’audience pour : fournir aux juges l’ensemble des documents et papiers pertinents pour les audiences ; recevoir, déposer, distribuer et archiver les requêtes, les réponses et les autres documents juridiques des parties et des juges (d’une manière sûre en incluant l’ensemble des documents confidentiels devant la cour et les documents susceptibles de révéler l’identité des témoins) ; garantir l’enregistrement et la transcription précise et organisée des procédures judiciaires, y compris la traduction simultanée si nécessaire ; coordonner la planification des affaires et garantir l’utilisation efficace de la salle d’audience ; coordonner l’apparition des témoins et développer des plans d’urgence en cas de non-présentation ou de départ anticipé non prévu des témoins ; fournir des services de traduction et d’interprétation ; garantir l’accès du public au procès à condition que la sécurité le permette. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Même s’il n’y a aucune différence fondamentale au niveau de la formation en gestion de la cour ou des systèmes liés aux procédures impliquant des crimes internationaux, certaines difficultés sont plus prononcées dans ce contexte. Éthique. Comme avec les autres types d’affaires sensibles, si le personnel de gestion de la cour fait preuve de partialité en ce qui concerne le conflit sous-jacent, cela peut susciter une plus grande préoccupation au sujet de fuites d’informations confidentielles depuis des audiences à huit clos, de documents confidentiels des parties et d’informations confidentielles portant sur les délibérations des juges. Cela peut éventuellement mettre en danger les témoins protégés, desservir les arguments d’une des parties et discréditer les procédures. Langues. Sur un plan plus technique, la mise à disposition de services linguistiques peut être compliquée lorsque le conflit a impliqué des locuteurs de plusieurs langues, de langues non couramment parlées, de langues non écrites ou de langues dépourvues de terminologie juridique. Les normes internationales en matière de jugement équitable exigent la mise à disposition gratuite d’un interprète pour les suspects ou accusés qui ne comprennent pas la langue utilisée au tribunal.130 Les témoins ou victimes participantes peuvent également demander un interprète. Il peut s’avérer nécessaire de former des interprètes issus de différents groupes linguistiques sur le plan juridique si cette expertise n’est pas disponible autrement. 152 GESTION DE LA COUR Conservation des documents. Les donateurs doivent également connaître les enjeux beaucoup plus élevés d’une gestion appropriée de la cour pour les procédures impliquant des crimes internationaux. Un petit procès pénal peut se contenter de quelques notes manuscrites par exemple. Mais un examen complexe du procès pour savoir si différents éléments du crime ont été prouvés, impliquant les nombreux témoins, et se déroulant sur plusieurs mois peut s’avérer catastrophique si la même pratique est suivie. Sans la bonne consignation du procès et de l’organisation de ces dossiers, les juges, les parties et le public perdent des références communes concernant les faits de l’affaire. Les jugements peuvent perdre leur crédibilité et les appels deviennent impossibles. Pour les affaires complexes, il peut également être nécessaire que les dates butoirs soient plus flexibles pour les dépôts des parties. Services et logistique. De la même manière, avec un nombre de témoins plus élevé, y compris des témoins vulnérables, que dans les procédures pénales classiques, les procès pour les crimes internationaux rendent également plus importante la coordination entre la cour et les autorités judiciaires et les autorités pénitentiaires. Des procédures efficaces nécessitent de synchroniser la comparution des témoins, dont certains peuvent être protégés et voyager depuis différents endroits, afin qu’elle coïncide avec la comparution de l’accusé à la cour. Le défi peut être plus important dans certains pays comme le Timor oriental où la division spéciale des crimes de guerre a été centralisée plutôt que dans les tribunaux locaux.131 Une fois encore, ce besoin n’est pas nouveau pour la communauté chargée de l’élaboration des programmes de loi mais les bailleurs de fonds doivent prendre conscience que, en plus de créer des inefficacités dans les procédures, les défauts dans ce domaine peuvent sérieusement affecter la crédibilité des procédures. Si les victimes et les témoins sont appelés à comparaître plus que nécessaire, cela peut affecter la capacité du procureur ou de la défense à garantir leur coopération ultérieure et celle de leurs communautés. Les déplacements superflus à la cour pourraient également compromettre psychologiquement ou physiquement les victimes et les témoins vulnérables. Sécurité et accès public. Les procédures relatives aux crimes internationaux sont susceptibles d’être plus sensibles et controversées que celles pour la plupart des autres types de crime, ce qui peut susciter plus de préoccupations concernant la sécurité dans la salle d’audience. (Ceci ne doit cependant pas être supposé dans chaque affaire et les niveaux de menace doivent être déterminés à l’aide d’évaluations des menaces générales et spécifiques.) En parallèle, lesdites procédures sont souvent menées dans des systèmes qui disposent de ressources très limitées. Les normes internationales exigent que les procès soient publics mais permettent également l’exclusion du public de tout ou partie du procès, y compris dans les intérêts de l’ordre public, de la sécurité nationale ou lorsque CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 153 la cour le juge nécessaire pour les intérêts de la justice.132 Lorsque les ressources sont particulièrement rares, la sécurité peut exiger de restreindre l’accès public. Lorsque ledit compromis est fait, cependant, les intérêts de la transparence peuvent être un peu compensés au moyen d’efforts particuliers pour encourager les journalistes à assister aux procédures et à en rendre compte. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Dans de nombreux États assistés, les ressources limitées pourraient créer une pression pour trouver des compétences dans la gestion de la cour. Tel est le cas dans la Chambre des crimes de guerre de la Cour d’État de Bosnie et Herzégovine, lorsqu’il n’y a pas assez de ressources pour fournir des transcriptions écrites complètes des procédures. L’Équipe d’assistance du procès de la gestion de la cour effectue des enregistrements audio et vidéo de toutes les procédures, qui sont les seuls dossiers officiels. Les greffiers prennent le procès-verbal détaillé des procès, qui sert d’outil de navigation pour les enregistrements. Les juges peuvent demander la transcription de parties spécifiques du procès mais ces demandes sont prioritaires et remplies dans la limite des moyens existants.133 Les CETC au Cambodge ont eu du succès avec des procédures très similaires. Les tribunaux mobiles en RDC donnent un exemple de la gestion de la cour sans option dans un endroit disposant de ressources très limitées. La sécurité de base de la salle d’audience et la protection des témoins sont assurées sans haute technologie et les dossiers des procédures sont tenus à la main ou sur des ordinateurs portables. En amenant les audiences dans les communautés concernées, la logistique pour faire venir les témoins, les parties civiles et l’accusé est considérablement simplifiée. L’efficacité de ce dernier point doit être particulièrement prise en compte lors de l’évaluation de la faisabilité des modèles de tribunaux mobiles étant donné qu’ils compensent certains des autres coûts et défis logistiques associés. Dans les pays où la CPI est active, la cour peut être en mesure de partager certaines ressources linguistiques avec les cours locales. Par exemple, en Ouganda, la CPI a codifié la langue acholi non écrite, y compris les termes juridiques, et a proposé de partager cette ressource avec la Division des crimes internationaux de l’Ouganda.134 Dans de nombreux pays, comme la Bosnie et Herzégovine, la gestion de la cour peut être assurée par un personnel national. Cependant, les niveaux de capacité des autres pays peuvent nécessiter des formations intensives et/ou une participation internationale temporaire. Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone offre un modèle réussi de mentorat à long terme dans la gestion de la cour. Le personnel hybride dans la partie Gestion de la cour laisse derrière lui un groupe de Sierra Léonais compétents dans chaque aspect du domaine. 154 GESTION DE LA COUR Directives relatives à l’assistance de la gestion de la cour Évaluer parti pris et corruption potentiels : • Les membres du personnel de la gestion de la cour proviennent-ils majoritairement d’un groupe d’identité associé à une ou plusieurs factions du conflit ou sont-ils un groupe varié ? • Des fuites d’informations confidentielles de l’appareil judiciaire ont-elles posé problème dans le passé ? • Les organisations de la société civile, y compris les organisations de victimes, ont-elles des préoccupations concernant le parti pris parmi le personnel de la gestion de la cour ? Les sondages de l’opinion publique sur la propriété de la cour sont-ils disponibles ? • Les procédures sont-elles transparentes et justes pour le recrutement du personnel de la cour ? • Le personnel de la cour reçoit-il un salaire et des avantages proportionnés au coût de la vie locale et aux postes de compétences similaires dans d’autres secteurs ? • Existe-t-il un code éthique pour le personnel de la cour qui couvre les problèmes de respect de l’obligation, la confidentialité, le conflit d’intérêt et l’exécution des obligations ?135 • Le personnel de la cour est-il formé sur les questions éthiques ? • Le personnel de la cour doit-il déposer les formulaires de divulgation de données financières ? Si oui, ont-ils été vérifiés ? • Les procédures disciplinaires écrites sont-elles transparentes et justes pour les cas de mauvaise conduite ? gestion : • Les cadres supérieurs de la cour possèdent-ils les compétences personnelles, organisationnelles et de communications pour coordonner avec efficacité le fonctionnement sans heurt de la salle d’audience avec les juges, les autorités judiciaires, la défense, les représentants des victimes (le cas échéant), les agents de protection et de soutien des témoins, les agents de détention, les représentants des informations publiques et de l’assistance et les agents de sécurité de la cour ainsi que leur propre personnel technique (y compris les rapporteurs de la cour, les interprètes et les experts informatiques) ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 155 • Existe-t-il un manuel d’utilisation pour le personnel de gestion de la cour qui explique les lois, règlements de cour et autres politiques applicables dans des termes faciles à comprendre ? conservation des documents : • Des systèmes sont-ils en place pour la réception, la distribution et le dépôt des documents juridiques et la documentation méticuleuse de toutes les transactions ? Sont-ils automatisés ? Si non, l’automatisation serait-elle faisable dans un contexte déterminé ?136 • Le personnel possède-t-il les compétences pour faire fonctionner le système ? Des procédures de cour ou des consignes de pratique sont-elles en place pour le dépôt des documents par les parties ? • Le personnel possède-t-il les compétences nécessaires pour consigner avec précision les procédures judiciaires par écrit et/ou audio et vidéo, puis les noter, les distribuer et les déposer ? • Existe-t-il des lois, règles ou politiques claires pour déterminer quels dossiers de la cour doivent être ouverts au public ? Ces directives sont-elles suivies dans la pratique ? • Des audits occasionnels des dossiers de la cour sont-ils mis en place pour contrôler au hasard leur intégrité ? services linguistiques : • Y-a-t-il des interprètes pour toutes les langues parlées par les témoins prévus. Ceux-ci connaissent-ils la procédure judiciaire et la terminologie juridique ? • La CPI ou un autre corps juridique international est-elle (il) active (actif) dans le pays ? Si oui, ont-ils développé des guides pour les interprètes et les traducteurs travaillant dans les langues locales ? Les locuteurs des langues locales sont-ils formés sur la terminologie juridique et le travail de la salle d’audience ? Si oui, le mécanisme national peut-il entrer dans ces ressources ? services d’audience et logistique : 156 • Les cadres de la cour ont-ils les compétences pour suivre les statistiques d’utilisation de la cour, rechercher les efficacités, faire des recommandations sur la planification des affaires et suggérer avec tact d’autres moyens d’améliorer l’efficacité aux juges ? • S’il doit y avoir une bibliothèque pour soutenir les procédures, y a-t-il un bibliothécaire formé et suffisamment de livres pertinents et d’autres documents de référence ? GESTION DE LA COUR compétences et ressources générales : • Les agents de gestion possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Des technologies de l’information sont-elles disponibles et les membres du personnel de gestion ont-ils les compétences nécessaires pour les utiliser ? Planifier lutte contre le parti pris et la corruption : • Si nécessaire, recommander vivement : – la diversification dans la constitution du personnel de gestion de la cour ; – un processus transparent pour le recrutement du personnel de gestion de la cour ; – un processus de contrôle rigoureux pour les candidats ; – l’adoption des Principes de conduite du personnel de la cour de l’UNODC ou un – une exigence pour le personnel de signer des accords de confidentialité ; – une exigence pour le personnel de divulguer des actifs financiers ; – un processus d’audit indépendant au hasard pour les formulaires de divulgation – la formation du personnel sur l’éthique ; – un salaire et des avantages adéquats pour le personnel de gestion de la cour ; – l’adoption d’un mécanisme de supervision avec des procédures disciplinaires code éthique écrit similaire ; de données financières ; justes et transparentes. approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si le chevauchement existe, déterminer s’il est possible de le modifier pour répondre directement aux besoins de gestion de la cour. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus de gestion de la cour par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les men- CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 157 tors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : organise les évaluations et donne des conseils sur les questions de gestion des affaires dans le cadre de procédures impliquant des crimes internationaux. National Center for State Courts – International (www.ncscinternational.org) : offre l’expertise et la formation en gestion de la cour dans différents types de systèmes judiciaires dans le monde. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise les évaluations et donne des conseils sur les questions de gestion des affaires dans le cadre de procédures impliquant des crimes internationaux. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires UNODC, Access to Justice: The Courts (Criminal Justice Assessment Toolkit), 2006, disponible sur : http://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/cjat_ eng/1_Courts.pdf. Centre USAID pour la démocratie et la gouvernance, Case Tracking and Management Guide (série de publications techniques), septembre 2001, disponible sur : http://www.usaid.gov/our_work/democracy_and_governance/publications/pdfs/ pnacm001.pdf. 158 GESTION DE LA COUR Robin Vincent, An Administrative Practices Manual for Internationally Assisted Criminal Justice Institutions, International Center for Transitional Justice, 2007, pp. 32–44 (section sur la gestion de la cour), disponible sur : http://www.ictj.org/images/ content/9/3/931.pdf. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 159 Gestion des archives Pourquoi Laisser un héritage à ceux qui recherchent la vérité sur les événements en question. Fournir les informations pour les appels ou les procédures d’examen. Fournir les informations pour les enquêtes et les poursuites associées. Constituer un corps de jurisprudence (dans les systèmes judicaires communs). Quoi Organiser les dossiers des enquêtes, poursuites et procès pénaux. Donner l’accès à ces dossiers. Protéger les informations sensibles. Qui Archivistes. Administrateurs de la cour. Société civile. Tout système judiciaire pénal qui fonctionne a besoin d’une organisation des dossiers des enquêtes, poursuites et procès pénaux.137 Ces dossiers peuvent être nécessaires ultérieurement pour les enquêtes et les poursuites associées, les appels ou les procé- 161 dures d’examen ou, dans les juridictions communes, comme contributions à un corps de jurisprudence qui pourrait être cité comme jurisprudence. Les dossiers de la cour peuvent être conservés dans les bureaux du procureur et de la cour, dans les archives judiciaires centrales ou du district ou dans les archives nationales qui incluent les dossiers législatifs et judiciaires. Dans les tribunaux autonomes, l’archivage est une fonction de la gestion de la cour. Au niveau national, la mesure dans laquelle l’archivage est considéré comme un élément de la gestion de la cour varie en fonction du système. Les bailleurs de fonds déjà actifs dans le soutien des pays pour le développement de l’archivage prendront connaissance de la plupart des besoins en archives des enquêteurs, procureurs et cours travaillant sur des affaires de crimes internationaux. Comme dans les autres pays, les archivistes devront décider ce qu’il convient de conserver et de jeter, documenter quels dossiers sont conservés, puis ranger et décrire les dossiers. En ce qui concerne la dernière étape, des normes internationales ont été développées. Dans tout type de procédure, de nombreuses juridictions sont confrontées à un défi commun : déterminer les normes de recevabilité des documents. Les efforts pour numériser les dossiers de la cour, par exemple, peuvent se heurter à une législation dépassée qui autorise uniquement la recevabilité des documents papier originaux. Tandis que de nombreuses compétences nécessaires et défis sont les mêmes pour tous les types de procédures judiciaires pénales, les procès pour les crimes internationaux créent des défis spéciaux dont les bailleurs de fonds doivent prendre conscience. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Volume et complexité des dossiers. L’échelle même des enquêtes, des poursuites et des procès est souvent (bien que cela ne soit pas systématique) beaucoup plus grande pour les crimes internationaux que pour les affaires pénales classiques. Pour les agents travaillant directement sur les affaires et ceux qui peuvent se baser sur les dossiers ultérieurement, il est cependant beaucoup plus important de disposer d’un système approprié pour l’archivage et la récupération de ces dossiers volumineux. Ce système doit être mis en place le plus tôt possible. Les défauts d’archives seront amplifiés dans ces affaires plus complexes, tout comme ils le seraient dans les autres types d’affaires complexes. Accès. La plus grande différence entre les archives des procédures liées aux crimes internationaux et les archives de justice pénale classiques implique des questions d’accès. Toute archive doit disposer d’un système de classification des dossiers et de règles 162 GESTION DES ARCHIVES concernant qui peut accéder aux documents et quand. Il existe cependant des sensibilités particulières autour des archives des enquêtes, poursuites et procédures liées aux crimes internationaux. De nombreux témoins seront susceptibles de participer sous protection, par exemple en témoignant sous un pseudonyme ou dans des sessions de cour à huis clos. Les dossiers révélant directement ou indirectement leurs identités pourraient les mettre en danger. Dans les tribunaux internationaux, les organisations d’État et internationales ont communiqué des renseignements et autres informations sur la base d’une coopération privilégiée, et l’accès au public pourrait divulguer les sources et compromettre une coopération ultérieure. Ce type de coopération avec les juridictions nationales aiguiserait également lesdites sensibilités. Cependant, lorsque ces préoccupations militent en faveur d’un accès plus restreint, d’autres facteurs créent des besoins plus importants d’accessibilité aux archives associées aux crimes internationaux que dans les procédures pénales nationales classiques. Les affaires de crimes internationaux sont plus susceptibles d’avoir plusieurs accusés jugés pour des événements associés. Ceci signifie qu’un nombre plus important de procureurs et d’avocats de la défense est susceptible de vouloir accéder aux dossiers d’enquêtes, poursuites et procès précédents. Dans les pays concernés par la CPI, il est possible que le procureur de la CPI, l’avocat de la défense et les victimes recherchent des informations dans les archives nationales pour les utiliser à La Haye. De la même manière, d’autres organisations internationales peuvent rechercher des informations dans lesdits documents en mettant en œuvre des mandats pour mener des enquêtes sur les droits de l’homme ou des enquêtes de recherche de faits. Et, ce qui est d’une importance capitale, ladite documentation pourrait être perçue comme essentielle à la réussite des mécanismes de justice transitionnelle, ceci incluant les plans de réparation, les mécanismes de contrôle et les commissions de vérité et de réconciliation. Le grand public peut chercher à accéder aux archives des procès de crimes de guerre afin de découvrir la vérité sur ce qui est arrivé aux membres de leur famille, à leurs amis et à leurs communautés. Les principes contre l’impunité élaborés par la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme, mis à jour en 2005, incluaient un « droit à la vérité » pour les gens et un « droit de savoir » pour les victimes.138 Même lorsque l’on se concentre sur les questions d’accès dans le pays où la capacité en termes d’archives est établie, les bailleurs de fonds doivent prendre conscience de la possibilité que l’intérêt intense pour les détails des crimes associés aux conflits puisse également s’étendre aux autres pays impliqués dans le conflit.139 Il serait recommandé aux bailleurs de fonds internationaux soutenant la capacité nationale en termes d’archives de prendre en compte ces sensibilités et intérêts concurrents pendant la phase de conception du programme. L’emplacement des archives, par exemple, peut avoir un effet important sur leur accès. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 163 Héritage et sensibilisation. Les dossiers des procédures associées aux crimes internationaux peuvent constituer un héritage important pour les sociétés concernées. C’est notamment le cas lorsque les sociétés ont eu des difficultés à s’accorder sur un récit historique commun au sujet des causes et du déroulement du conflit, lorsque des éléments de la société ont montré leur réticence à reconnaître que le chauvinisme de leur groupe d’identité (c.-à-d. de nature ethnique, tribale, religieuse ou idéologique) a suscité des atrocités ou lorsque certains chefs restent réticents à voir exposé un tel chauvinisme, et leur partage de responsabilité pour les résultats, dévoilé. Si la justice pénale internationale doit présenter des avantages positifs évolutifs pour la paix et la justice, comme discutés dans l’introduction de ce manuel, il n’est pas suffisant que les dossiers de ses procédures soient mis à disposition du public de manière passive. Les archives doivent être organisées de manière à ce que les informations denses contenues dans celles-ci soient présentables et compréhensibles pour le public. Elles doivent inclure des parties accessibles au public et peuvent constituer la base des expositions, documentaires et présentations publiques. Les activités de sensibilisation doivent se poursuivre après la fin des procédures afin de communiquer aux populations concernées les informations provenant des archives sur le déroulement et les jugements des procès. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Lorsque les gouvernements et les bailleurs de fonds examinent les questions d’accès aux archives, ils peuvent souhaiter regarder l’expérience des tribunaux hybrides et spéciaux, y compris le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Étant donné que toutes ces institutions s’approchent de la fin de leurs mandats, elles sont confrontées exactement aux mêmes questions. Mais avec la prise de conscience appropriée des questions spécifiques aux procédures impliquant les crimes internationaux, il n’y a aucune raison que les archivistes sans formation spécialisée dans la justice pénale internationale ne puissent pas fournir d’efforts pour constituer de capacité nationale dans ce domaine. Pendant de nombreuses années, le Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam) a compilé des dossiers complets sur les crimes internationaux importants pour les enquêtes et les poursuites dans les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC). Bien qu’il ne dispose pas d’archives officielles des procès des CETC, le Centre de documentation du Cambodge donne un très bon exemple de la manière dont les dossiers denses et complexes peuvent être présentés de manière compréhensible au public, y compris par le biais de programmes de sensibilisation innovants.140 164 GESTION DES ARCHIVES Directives relatives à l’assistance pour la gestion des archives Évaluer le cadre juridique existant : • Existe-t-il un cadre juridique clair pour les archives judiciaires ? • Les documents juridiques doivent-ils être conservés pour une utilisation ultérieure potentielle dans le cadre de procédures judiciaires ou des copies électroniques sont-elles recevables ? • Est-il clair quand les institutions judiciaires doivent transmettre les documents aux archives et qui contrôle l’accès aux documents à partir de ce moment ? • Existe-t-il des lois sur l’accès aux archives judiciaires ? les compétences techniques : • Les archivistes possèdent-ils les compétences pour décider quels sont les types de documents à conserver et ceux dont ils peuvent se débarrasser? • Les archivistes possèdent-ils les compétences pour ranger et décrire les dossiers ? • Les archivistes possèdent-ils les compétences pour gérer l’accès aux dossiers ? • Les archivistes possèdent-ils les compétences nécessaires pour rendre les informations denses présentables au public ou pour collaborer avec les spécialistes de l’assistance afin de le faire ? • Les archivistes ont-ils les compétences nécessaires pour utiliser des technologies de l’information de base et spécialisées ? les ressources disponibles :141 • Les archivistes disposent-ils d’un personnel de soutien administratif compétent ? • Les archivistes disposent-ils de l’équipement de bureau de base adéquat (notamment bureaux, chaises, téléphones, photocopieuses, scanners et boîtes sans acide de préservation à long terme) ? • Un espace adéquat dont la température est contrôlée est-il disponible pour stocker les archives ? L’alimentation électrique dans cet espace est-elle fiable ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 165 • La technologie de l’information est-elle disponible, y compris le logiciel pour cataloguer les dossiers ainsi que des systèmes pour sauvegarder les fichiers numériques ? besoins d’accès probables : • Un nombre élevé de dossiers en cours signifie-t-il que beaucoup de procureurs et d’avocats de la défense sont susceptibles de chercher un accès aux archives pour trouver des informations qui pourraient être utiles dans les nouvelles affaires ? • Le pays est-il du ressort de la CPI, ce qui signifie que les informations provenant des archives pourraient être recherchées pour être utilisées par les parties et les participants aux procès de La Haye ? • Les organisations internationales sont-elles susceptibles de rechercher des informations dans les archives ? • Y’a-t-il d’autres mécanismes de justice transitionnelle dans l’État, comme une commission de vérité, un processus de contrôle, un plan de réparations ou un effort mémorial qui peuvent nécessiter d’accéder aux informations dans les archives ? • Y’a-t-il eu une demande élevée parmi les victimes et leurs proches d’information sur le conflit et les crimes associés ? • Le conflit a-t-il impliqué d’autres États. Ceux-ci et leurs citoyens sont-ils susceptibles de vouloir accéder aux informations des archives ? Planifier assistance pour le développement ou l’amélioration des politiques sur l’accès aux archives : • Travailler avec le gouvernement, les représentants du secteur de la justice et la société afin de déterminer comment mieux traiter les besoins pour les futures enquêtes et poursuites, la protection des droits à un procès équitable, les intérêts des autres mécanismes de justice transitionnelle et l’accès public : – Déterminer quel type d’accès public peut être proposé et quel endroit faciliterait le mieux l’accès public. – Déterminer comment l’identité et la sécurité des témoins protégés et vulnérables peuvent être le mieux assurées. – Déterminer combien de temps les documents doivent rester sous le dispositif des autorités d’enquêtes, de poursuites et judiciaires et à quel point les archivistes prennent le contrôle de la documentation. 166 GESTION DES ARCHIVES – Déterminer s’il faut faire une distinction sur la façon dont l’accès à certains types de documents est régulé. • Encourager le gouvernement à modifier les lois et les politiques nationales existantes si nécessaire. approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si le chevauchement existe, déterminer s’il est possible de le modifier pour répondre directement aux besoins d’archivage. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus d’archivage par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources International Council on Archives (www.ica.org) : association internationale d’archivistes avec de nombreuses informations sur les normes et les meilleures pratiques concernant l’archivage. Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse (www.eda.admin.ch) : possède une vaste expérience dans l’envoi d’experts pour soutenir l’établissement et l’amélioration des archives nationales dans les pays en développement. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 167 D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Trudy Huskamp Peterson, Archives against Amnesia, Politorbis, Dealing with the Past (Nr. 50), numéro 3/2010, disponible sur : http://www.eda.admin.ch/etc/medialib/downloads/edazen/doc/publi/publi2.Par.0099.File.tmp/Politorbis%2050%20 -%20Dealing%20with%20the%20Past_3%20.pdf Trudy Huskamp Peterson, Temporary Courts, Permanent Records, Woodrow Wilson Center, juin 2008, disponible sur : http://www.wilsoncenter.org/topics/pubs/TCPR_ Peterson_HAPPOP02.pdf 168 GESTION DES ARCHIVES Gestion des prisons et des établissements de détention Pourquoi Rendre crédible l’exécution des décisions judiciaires. Éviter que les accusés et personnes condamnées dangereux ne commettent des crimes. Démontrer aux populations sceptiques que l’État peut faire respecter les droits de l’homme des détenus et des prisonniers. Quoi S’assurer que les accusés de crimes internationaux détenus avant leur jugement ne s’échappent pas. S’assurer que les accusés de crimes internationaux respectent les peines prononcées judiciairement. Faire respecter les normes internationales sur les droits des détenus et des condamnés. Qui Décisionnaires du secteur de la justice. Administrateurs et gardiens des centres de détention. Administrateurs et gardiens des prisons. 169 En termes de compétences requises, il n’y a pas de différence inhérente pour la gestion des prisons et des établissements de détention dans le cadre des procédures impliquant des crimes internationaux. Dans les situations après le conflit, les problèmes des prisons et des établissements de détention, étant donné qu’ils sont liés aux crimes internationaux, sont généralement les mêmes que ceux touchant toutes les autres procédures pénales, à savoir le mélange entre les accusés et les condamnés, les responsables et gardiens indifférents et/ou incompétents et les conditions inhumaines provenant du surpeuplement, de l’alimentation inadéquate et d’autres dispositions.142 Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Étant donné que, dans ce domaine, les besoins liés aux procédures pour les crimes internationaux sont très similaires à ceux des autres types de crimes, toute nouvelle ressource visant à faire fonctionner la justice internationale à l’échelle nationale aura des répercussions importantes pour le développement général des programmes de loi. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Parti pris et influence politique. Dans les pays où le conflit a eu lieu lors de divisions profondes de la société, les bailleurs de fonds doivent prendre conscience que le potentiel de certains problèmes est susceptible d’augmenter. À la suite d’un conflit éthique, par exemple, un accusé ou un condamné pourrait être mis en grand danger s’il est envoyé dans un établissement de détention géré principalement par les membres d’un groupe rival. De la même façon, les personnes envoyées dans les établissements gérés par les membres de leur propre groupe peuvent bénéficier d’un favoritisme excessif ou même être autorisées à s’échapper. De même, si les prisons ne bénéficient pas d’une autonomie importante, elles peuvent subir une influence politique au détriment ou en faveur des détenus et des condamnés. Ces préoccupations mettent l’accent sur la nécessité, pour les administrateurs et les gardiens des établissements de détention et des prisons, de privilégier un contrôle efficace, voire un processus de lustration dans certains cas. De même, il doit y avoir un code de conduite rigoureux pour les administrateurs et les gardiens, avec des procédures transparentes pour les plaintes ainsi qu’une supervision et une application strictes. Séparation potentielle. Lorsque les détenus ou les prisonniers détenus dans le même établissement viennent de factions rivales, il pourrait être nécessaire d’assurer leur séparation afin d’éviter la violence. Cependant, il faut noter que l’expérience des tri- 170 GESTION DES PRISONS ET DES ÉTABLISSEMENTS DE DÉTENTION bunaux spéciaux et de la CPI a démontré jusqu’à présent que les accusés de factions rivales sont, en général, capables de cohabiter en paix dans le même établissement de détention. La nécessité d’une séparation ne doit pas être présumée. Enjeux élevés. Les bailleurs de fonds doivent prendre conscience que les défauts dans la gestion des établissements de détention et des prisons peuvent compromettre le développement des mécanismes de justice internationale dans l’ensemble. En RDC, le gouvernement néerlandais a soutenu le développement de la capacité et de l’infrastructure systémiques dans la province de Maniema, avec pour but de juger les auteurs de violences sexuelles et fondées sur le sexe. Le programme a été efficace et, avant octobre 2010, 70 condamnés ont été envoyés dans une prison rénovée de la province de Maniema. Mais la gestion et les ressources de la prison n’avaient pas été incluses dans le plan et les 70 condamnés se sont échappés.143 Manquer de s’assurer que les établissements de détention et les prisons sont bien gérés peut avoir des conséquences désastreuses sur la protection des témoins, la coopération des témoins avec les enquêteurs, la dissuasion et l’établissement global du respect de l’État de droit. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et la Chambre des crimes de guerre de la Cour d’État de Bosnie et de Herzégovine ont eu des établissements de détention dédiés conformes aux normes internationales.144 Au-delà de l’infrastructure dédiée, les deux disposaient d’un personnel à la fois national et international, ce qui a eu un impact direct sur la capacité locale de la prison. En outre, dans le cadre de la stratégie d’héritage du TSSL, le tribunal a entrepris des formations spéciales pour le Service pénitentiaire de la Sierra Leone, contribuant ainsi à un objectif général et important de développement des programmes de loi pour le pays. Cependant, la mesure dans laquelle les formations et le mentorat à long terme peuvent durablement développer la capacité nationale dépend également de la volonté de l’État d’instituer une politique et des réformes de gestion simultanément.145 CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 171 Directives relatives au soutien de la gestion des établissements de détention et des prisons Évaluer parti pris et interférence politique : • Les directeurs et le personnel des établissements de détention et des prisons proviennent-ils majoritairement d’un groupe d’identité ou existe-t-il une grande diversité ? • Y’a-t-il eu des problèmes passés d’abus ou de favoritisme fondé sur la race, l’ethnicité, la religion ou une autre catégorie d’identité ? • Les organisations de la société civile et l’avocat de la défense ont-ils soulevé des préoccupations au sujet du parti pris dans la gestion ou l’exploitation des établissements de détention et des prisons ? • Existe-t-il un processus de contrôle pour les administrateurs et les gardiens ? Si oui, comment a-t-il fonctionné ? • Existe-t-il un code de conduite pour les administrateurs et les gardiens ? Qu’est-ce qui est inclus ? Est-il appliqué de manière transparente ? respect des normes internationales dans les établissements de détention et les prisons : • Les détenus et les prisonniers sont-ils protégés contre la torture ou les traitements ou les châtiments cruels, inhumains ou dégradants, et les gardiens ontils été formés sur ces normes ?146 172 • Tous les détenus et les prisonniers sont-ils « traités avec humanité et respect pour la dignité inhérente à l’être humain » ?147 • Les personnes accusées sont-elles détenues séparément des personnes condamnées, sauf dans des cas exceptionnels ?148 Les hommes et les femmes sont-ils séparés ? Les membres de l’armée et les civils sont-ils séparés ? Les enfants suspects et condamnés sont-ils détenus séparément des adultes ? • Les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus sont-elles respectées, notamment : la mise à disposition d’un espace adéquat, de sanitaires, d’une ventilation et d’un éclairage, de nourriture et d’eau, de la possibilité de faire du sport, de soins médicaux, du droit de contacter le monde extérieur et du droit de pratiquer librement sa religion ?149 GESTION DES PRISONS ET DES ÉTABLISSEMENTS DE DÉTENTION les compétences techniques : • Le personnel est-il bien formé sur les règles de détention ? • Le personnel est-il formé sur les communications, la contrainte humanitaire, la réalisation de fouilles corporelles avec sensibilité et la réalisation de fouilles de cellules ? • Le personnel des établissements de détention et des prisons possède-t-il les compétences pour interagir avec les visiteurs juridiques et familiaux et fournir la combinaison adaptée de surveillance et de vie privée ? • Le personnel des établissements de détention et des prisons possède-t-il les compétences pour transporter les détenus et les condamnés en toute sécurité vers et depuis la salle d’audience ? • Le personnel des établissements de détention et des prisons possède-t-il les compétences pour détecter la contrebande dans ou hors de l’établissement ? • Le personnel des établissements de détention et des prisons possède-t-il les compétences pour reconnaître les signes de maladie mentale et les signes précoces d’avertissement de suicide potentiel ? • Le personnel des établissements de détention et des prisons possède-t-il les compétences pour traiter correctement les plaintes des détenus et des prisonniers ? les ressources disponibles : • Existe-t-il un service d’évaluation et de supervision fonctionnel avant procès pouvant réduire le besoin de détention avant procès des personnes accusées ? • Y-a-t-il suffisamment d’administrateurs et de gardiens ? • Les administrateurs possèdent-ils un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Des technologies de l’information de base sont-elles disponibles (notamment des ordinateurs, des appareils photo, un accès Internet et des imprimantes) ? • Les gardiens ont-ils la capacité de transporter les détenus et les condamnés (y compris les véhicules et le carburant) ? • Les gardiens sont-ils correctement armés ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 173 Planifier confrontation aux problèmes de parti pris et d’influence politique : • Encourager le développement de mécanismes de supervision forts, indépendants et transparents pour traiter la mauvaise conduite du personnel. • Encourager la mise en place d’un programme de contrôle solide pour tous les administrateurs et le personnel. • Encourager la diversification des directeurs et du personnel. • Encourager les représentants du service pénitentiaire à consulter les communautés concernées. • Encourager une meilleure surveillance par les organisations de la société civile internationales et nationales. • Lorsque les problèmes sont graves, envisager d’encourager un processus de lustration afin de faire partir les administrateurs et le personnel ayant des partis pris. • Lorsque les problèmes sont graves, envisager d’encourager l’inclusion temporaire des autorités de détention ou pénitentiaires internationales. règles de détention transparentes, y compris des dispositions sur : • L’hébergement, les soins médicaux, la discipline, la contrainte, l’utilisation de la force, les perturbations, la surveillance, la séparation, l’isolement. • Droits des détenus et des prisonniers, y compris un processus de gestion des plaintes, des procédures de droit de visite (et les conséquences des abus des politiques en matière de droit de visite), les communications des détenus et des prisonniers, les dispositions relatives à la pratique libre de la religion, les programmes de travail, les loisirs et les biens personnels. • Retrait et transport des détenus et des prisonniers. apport de ressources et de compétences : 174 • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et de ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent donc être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si c’est le cas, déterminer s’ils pourraient être modifiés pour répondre directement aux besoins de la direction des établissements de détention et des prisons. GESTION DES PRISONS ET DES ÉTABLISSEMENTS DE DÉTENTION • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus d’administration des établissements par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources Comité international de la Croix-Rouge (www.icrc.org) : rend visite aux détenus, effectue des évaluations sur les conditions de détention et conseille les gouvernements sur la manière dont ils peuvent respecter les normes internationales dans les établissements de détention et les prisons. Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (www.UNODC.org) : effectue des évaluations, offre une assistance technique aux États membres sur la création et la réforme de leurs systèmes pénitentiaires en accord avec les normes des Nations Unies et les normes dans la prévention des crimes et la justice pénale, y compris la gestion pénitentiaire, la détention avant procès, les alternatives à l’emprisonnement et la réintégration sociale. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires United Nations Office on Drugs and Crime, Custodial and Non-Custodial Measures: The Prison System (Criminal Justice Assessment Toolkit), 2006, disponible sur : http:// www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/cjat_eng/1_Prison_%20System.pdf. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 175 Robin Vincent, An Administrative Practices Manual for Internationally Assisted Criminal Justice Institutions, International Center for Transitional Justice, 2007, pp. 65–73 (section sur la détention), disponible sur : http://www.ictj.org/images/content/9/3/931.pdf. 176 GESTION DES PRISONS ET DES ÉTABLISSEMENTS DE DÉTENTION Coordination des politiques nationales Pourquoi Assurer une planification et une mise en œuvre efficaces des procédures pour les crimes internationaux. Utiliser efficacement les ressources. Quoi Coordination au sein du gouvernement. Coordination avec toutes les parties prenantes nationales. Coordination avec la communauté internationale. Qui Hauts représentants du gouvernement et parlementaires. Principaux représentants du secteur de la justice. Société civile. La communauté internationale. La coordination des politiques est importante pour la réussite de toute nouvelle initiative de l’État de droit, y compris l’application nationale de la justice pénale internationale. 177 Les gouvernements assistés pour développer cette capacité doivent coordonner avec efficacité la communication, la hiérarchisation, la planification, la budgétisation, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques et des programmes dans leurs propres agences et avec les autres parties prenantes nationales. Les politiques et l’assistance doivent être coordonnées entre les acteurs nationaux et la communauté internationale.150 Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Étant donné que les questions relatives aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité et aux crimes de génocide peuvent potentiellement susciter un plus grand intérêt de la part des responsables de l’élaboration des règles de droit et des médias, elles peuvent dans certains cas attirer l’attention sur des problèmes de coordination des politiques nationales qui pourraient s’envenimer autrement dans l’ombre. Lorsque la pression exercée pour mener des procédures crédibles pour les crimes internationaux crée une pression pour améliorer la coordination des politiques dans le secteur de la justice, ceci devrait bénéficier au développement global du système judiciaire. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Nombre de parties prenantes. Lorsqu’un pays tente de traiter des conséquences des crimes internationaux, un nombre plus important d’agences gouvernementales et d’autres parties prenantes peut être impliqué par rapport aux crimes nationaux courants. Les ministères des Affaires étrangères peuvent entamer des discussions avec d’autres pays et des organisations internationales sur la façon de traiter les conséquences des crimes et de mieux répondre aux besoins de justice et de paix. Il peut être nécessaire de faciliter la coopération avec l’armée dans le but d’assurer l’accès aux suspects ou aux témoins ou de coordonner les besoins en sécurité du mécanisme judiciaire dans les zones où un conflit se poursuit. Les parties intéressées en dehors du gouvernement devant être incluses dans la planification et la coordination des politiques comprennent : les victimes, les organisations des droits de l’homme, les barreaux ainsi que les représentants des autres mécanismes de justice transitionnelle, y compris les commissions de vérité, les processus de contrôle, les programmes de réparation, les mémoires et les conseils d’amnistie. Le nombre croissant de parties prenantes peut rendre la coordination beaucoup plus difficile au niveau national et également entre les acteurs nationaux et internationaux. 178 COORDINATION DES POLITIQUES NATIONALES Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds L’Ouganda a une approche à l’échelle du secteur bien déterminée quant à la planification et à la coordination des politiques au moyen d’un mécanisme appelé Secteur de la justice, du droit et de l’ordre (SJMO). Cependant, le SJMO et un mécanisme de coordination des bailleurs de fonds annexe appelé Groupe des partenaires au développement (GPD) ont estimé qu’ils manquaient d’expertise dans la justice transitionnelle, y compris dans l’application nationale prévue du droit pénal international devant une division spéciale de la Haute Cour de l’Ouganda. Les bailleurs de fonds ont adopté une approche large pour traiter ce défaut. Le gouvernement danois a parrainé un circuit d’étude dans les cours internationales de La Haye, Sarajevo et Freetown pour les représentants impliqués dans les procédures en cours liées aux crimes internationaux et a également inclus les représentants du SJMO parmi les participants. Les États-Unis soutiennent organisation Public International Law and Policy Group (PILPG) pour fournir des conseils d’expert confidentiels sur la justice transitionnelle au SJMO. Et le GPD a chargé le PILPG et l’’International Center for Criminal Justice de l’organisation d’une mission d’évaluation effectuée par les experts sur différents aspects de la justice pénale internationale. Le rapport de mission servira à aider le GPD et le SJMO à prioriser les besoins principaux pour la mise en œuvre réussie des procédures nationales.151 Directives relatives au soutien de la coordination des politiques Évaluer le cadre de la coordination des politiques : • Le gouvernement est-il engagé dans la coordination et fait-il preuve d’une attente de coopération avec l’organisme de coordination vis-à-vis des responsables de toutes les agences concernées ? • L’ensemble des ministères et des agences concernés sont-ils représentés dans le groupe de coordination du gouvernement ? • Les ministères ont-ils la capacité de préparer des plans stratégiques définissant les objectifs et les implications financières de la création d’institutions au sein de l’État ? • Le groupe de coordination a-t-il une structure sensible, lui permettant de traiter de manière efficace le large éventail de questions juridiques, par exemple en CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 179 triant les questions techniques à partir de questions de politiques ? Les comités, sous-comités et groupes de travail techniques et de politiques ont-ils des relations claires les uns avec les autres dans le processus de prise de décisions ? • Existe-t-il un comité, un sous-comité ou un groupe de travail consacré à la justice transitionnelle et les acteurs les plus pertinents y sont-ils représentés ? • Existe-t-il un mécanisme formel visant à consulter régulièrement les mécanismes de justice transitionnelle, les organisations de la société civile (y compris les associations de victimes et les barreaux) et la communauté des bailleurs de fonds au sujet des questions de justice transitionnelle ? • Y-a-t-il des réunions régulières entre les représentants du mécanisme de coordination de l’État et le mécanisme de coordination des bailleurs de fonds au niveau technique et à celui des politiques ? • Les représentants des deux mécanismes de coordination ont-ils des lignes de communication ouvertes entre eux permettant des contacts informels entre les réunions ? • Les lignes de responsabilité de la coordination des politiques sont-elles suffisamment claires pour que les défauts de l’État ou de la communauté internationale ne puissent pas être reprochés à l’autre et puissent être facilement identifiés et traités ? les compétences techniques : 180 • Le groupe de coordination est-il efficace dans l’identification des lacunes en termes de capacité et dans leur classement par ordre de priorité? • Le groupe de coordination a-t-il la capacité de développer un plan opérationnel exposant les étapes qui doivent être suivies, qui est responsable de chacune d’elles et quelle assistance est nécessaire pour atteindre les objectifs ? • S’il existe un sous-comité ou un groupe de travail sur la justice transitionnelle, ses membres ont-ils l’expertise ou l’accès à l’expertise sur la justice transitionnelle ? • Les représentants responsables de la coordination possèdent-ils les compétences organisationnelles et personnelles nécessaires pour assurer une coordination efficace avec les autres parties prenantes, y compris pour informer les membres des développements importants, pour collecter les informations budgétaires à l’échelle du secteur et pour organiser des réunions efficaces au moyen d’ordres du jour réalistes et dans les délais, d’une facilitation forte et d’une distribution du procès-verbal dans les délais ? COORDINATION DES POLITIQUES NATIONALES • Les représentants responsables de la coordination des politiques possèdent-ils les compétences nécessaires pour utiliser la technologie de l’information ? les ressources disponibles : • Le ministère de la Justice ou un organisme équivalent a-t-il assez de personnel pour exercer la fonction de coordination ? • Les représentants responsables de la coordination des politiques en matière de justice disposent-ils de l’équipement de bureau de base (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Des technologies de l’information sont-elles disponibles ? Planifier soutien de l’amélioration du cadre de la coordination : • Identifier les domaines présentant la plus grande faiblesse et le besoin dans le cadre existant. • Encourager le gouvernement à traiter les besoins prioritaires. • Passer en revue les options de soutien des améliorations dans le cadre de la coordination des politiques par le biais d’une assistance matérielle ou en fournissant de l’expertise. amélioration des connaissances des coordinateurs de politiques en matière de justice transitionnelle et de l’accès à l’expertise : • Soutenir les formations sur la justice transitionnelle destinées au personnel du mécanisme de coordination. • Soutenir l’embauche d’experts en justice transitionnelle pour aider le bureau, y compris d’experts temporaires internationaux si les experts qualifiés locaux ne sont pas disponibles. • Soutenir les consultants ou les prestataires experts externes pour conseiller sur les questions en matière de justice transitionnelle. approvisionnement en ressources et en compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prises en priorité. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 181 • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si oui, savoir si cela pourrait être modifié pour traiter directement le besoin d’améliorer la coordination des politiques nationales. • Déterminer quels besoins sont les mieux satisfaits par les formations de type magistral et quelles compétences peuvent être intégrées au processus des représentants du secteur de la justice par des modèles de mentorat ultérieurs. S’assurer que les mentors et ceux qui bénéficient de leurs conseils ont une compréhension commune de la théorie et des résultats attendus. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite du mentorat. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : organise des évaluations et propose des conseils sur la coordination des politiques dans le domaine de la justice transitionnelle. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise les évaluations et propose des conseils sur la coordination des politiques dans le domaine de la justice transitionnelle. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Amanda Sserumaga, « Sector Wide Approaches in the Administration of Justice and Promoting the Rule of Law: The Uganda Experience », papier présenté lors du Séminaire sur l’État de droit de l’Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’homme, juillet 2003, disponible sur : http://www.gsdrc.org/docs/open/ SSAJ107.pdf. 182 COORDINATION DES POLITIQUES NATIONALES Soutien au moyen de la mise à disposition d’un personnel international Pourquoi Augmenter la confiance du public dans l’objectivité du processus judiciaire. Combler les lacunes dans l’expertise pour faire fonctionner les procédures pour les crimes internationaux. Développer la capacité au moyen du mentorat. Quoi Intégrer temporairement du personnel international pour participer aux procédures pour les crimes internationaux, les gérer conjointement ou les organiser. Qui Juges, enquêteurs, procureurs, avocats de la défense, représentants des victimes. Administrateurs de la cour, agents de protection, personnel de sécurité, archivistes. Administrateurs des établissements de détention et des prisons. Experts en droit pénal international, administration des politiques et assistance. 183 L’intégration d’un personnel international dans les institutions nationales d’un État a été tentée dans différents contextes et avec différents degrés d’intrusion. L’éventail s’étend du déploiement isolé de personnel international pour aider à résoudre des problèmes individuels, au placement temporaire plus large de personnel international clé dans les ministères et les agences (Liberia), à une supervision internationale solide (Kosovo, Bosnie et Herzégovine) jusqu’à l’engagement rare et gigantesque d’occuper, de restructurer et de prendre la responsabilité pour l’administration de tout un État suite à un conflit continu (Irak). En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Importance de la préparation. Étant donné que les procédures impliquant les crimes internationaux peuvent s’avérer très délicates, il sera d’autant plus important pour les étrangers, y compris les bailleurs de fonds impliqués dans le processus, de bien comprendre les sensibilités au préalable. Ceci leur permettra d’avoir une meilleure compréhension contextuelle des faits reprochés, d’identifier plus rapidement le parti pris potentiel parmi les collègues et de mieux éviter de les offenser par inadvertance. Importance de l’ouverture d’esprit. Dans n’importe quel scénario où des experts étrangers sont intégrés dans un système judiciaire local, il existe une propension pour eux à montrer un parti pris dans la manière dont les choses sont faites dans leurs propres systèmes judiciaires. Ceci peut donner une impression de condescendance et mettre les professionnels judiciaires locaux sur la défensive, ce qui ne favorise pas un transfert de compétences constructif. Les experts en droit pénal international courent le même risque et peuvent non seulement faire preuve de parti pris pour les systèmes judiciaires de leur pays mais aussi pour la manière dont le droit international a été pratiqué dans les tribunaux internationaux ou dans les autres lieux qu’ils connaissent. Dans les deux cas, il y aura des moments où la critique du système local est garantie et les défauts ne peuvent pas et ne doivent pas être ignorés. Mais les bailleurs de fonds doivent encourager les experts en droit pénal international à être ouverts pour travailler avec d’autres approches juridiques acceptables et à exprimer leurs critiques avec respect. Les experts internationaux doivent eux-mêmes recevoir une formation sur le système dans lequel ils travailleront. 184 SOUTIEN AU MAYEN DE LA MISE À DISPOSITION D’UN PERSONNEL INTERNATIONAL Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds La conception du personnel international dans le soutien des procédures locales de crimes de guerre en Bosnie et en Herzégovine est sans doute largement responsable de leur réussite en parvenant à une adhésion locale. La présence de représentants internationaux a donné une couverture politique aux représentants locaux lorsqu’ils ont rencontré de la résistance dans le cours de leurs fonctions. La planification initiale de l’assistance incluait une chronologie pour la suppression progressive des internationaux. Ceci a peut-être aidé à limiter le ressentiment local sur l’implication des étrangers tout en établissant clairement qu’une dépendance indéfinie envers leur expertise n’était pas une option. Les bailleurs de fonds ont également apprécié que le projet ait une durée de vie limitée. Un autre avantage en termes de conception en Bosnie était l’intégration explicite de la fonction de mentorat dans les descriptions de poste des internationaux. En Bosnie et en Herzégovine, au Cambodge, en Sierra Leone et ailleurs, les niveaux de réussite peuvent varier en fonction de l’âge et de l’expérience des représentants locaux impliqués. Des représentants nationaux plus jeunes sont susceptibles d’être les bénéficiaires principaux de l’exposition du contact avec les experts internationaux ainsi que de la technologie moderne. Des représentants plus expérimentés sont plus susceptibles d’être fiers de leur travail et moins flexibles au sein du système existant. La langue est un autre facteur. Dans de nombreux pays, ce sont les représentants plus jeunes qui sont plus susceptibles de parler anglais, français ou une autre langue répandue utilisée par les représentants internationaux. Le renforcement des capacités au moyen du mentorat est plus efficace lorsque les deux parties sont capables de communiquer directement plutôt que par l’intermédiaire d’un interprète. Directives relatives à la mise à disposition du personnel international Évaluer la mesure dans laquelle le personnel international peut et doit être déployé : • Le gouvernement est-il prêt à accepter que des représentants internationaux travaillent au sein de son système judiciaire ? Si non, les principales objections reflètent-elles : – un souhait de conserver une influence ou un contrôle politique sur les procédures judiciaires sensibles ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 185 – une préoccupation concernant la souveraineté et la fierté nationales et le souhait d’un contrôle national maximal du processus ? – une préoccupation concernant la disparité dans les paiements et les bénéfices entre les représentants internationaux et nationaux ? – une préoccupation concernant les qualifications du personnel international proposé ? – une préoccupation concernant la durabilité de l’assistance ? – d’autres préoccupations ? • Existe-t-il des barrières juridiques à l’implication du personnel international dans le système judiciaire ? • À quel point les lacunes en termes de capacité du pays sont-elles importantes ? • Les lacunes en termes de capacité peuvent-elles être traitées sans avoir recours au personnel international ? • Quelle est l’étendue des procédures anticipées impliquant les crimes internationaux ? • À quel point le système judiciaire national est-il crédible aux yeux des populations touchées et en particulier dans les communautés les plus touchées par les atrocités ? • À quel point la société est-elle polarisée ? • Sur quelle échelle et dans quel délai les ressources sont-elles disponibles ? sources potentielles de personnel international, incluant : • détachements des États et des entreprises internationales ; • experts de la société civile ou de l’académie ; • prestataires indépendants ; • ou la possibilité d’établir un processus de recrutement à grande échelle pour une participation internationale plus complète sur le long terme. Planifier lutter contre la raisonnable hésitation gouvernementale: • S’assurer qu’il y a une stratégie pour la suppression progressive du personnel international, de préférence liée à des critères d’indépendance et de capacité plutôt que de temps. 186 SOUTIEN AU MAYEN DE LA MISE À DISPOSITION D’UN PERSONNEL INTERNATIONAL • Examiner le caractère approprié de l’exploitation des mécanismes établis et acceptés pour l’utilisation de l’expertise juridique étrangère, par exemple comme largement pratiqué dans le Commonwealth. • S’assurer que, dans la mesure du possible, les experts juridiques internationaux proposés viennent de systèmes judiciaires identiques (c.-à-d. de droit civil ou de « common law ») et qu’ils reçoivent une formation sur le droit national avec lequel ils travailleront. • Explorer les possibilités de recours au personnel international de la même région plutôt qu’au personnel de pays lointains. lutter contre la réticence du gouvernement à perdre l’influence politique inappropriée sur les procédures : • Rendre d’autres aspects de l’assistance internationale dépendants de l’accord du gouvernement d’accepter le personnel international ou de l’acceptation par le gouvernement des réformes qui écarteraient le besoin en personnel international. • Soutenir une enquête de la CPI sur les faits reprochés, lorsque le tribunal a une juridiction potentielle. • Lorsque la CPI n’est pas une option, encourager la création d’un tribunal hybride indépendant hors de portée de manipulation politique nationale. échelonner l’implication internationale et sa durée : • pour les besoins en capacité spécifiques. • pour l’étendue anticipée des procédures. • pour les niveaux nécessaires pour gagner la confiance du public. conditions du mentorat et la collaborations productifs : • Établir des contrats pour les juges, procureurs et les autres représentants juridiques internationaux d’une durée suffisante (au moins un an) afin d’empêcher les problèmes de rotation et de réorientation constantes. • Exiger des formations d’orientation pour les experts internationaux, dispensées par le personnel local ou les experts locaux de la société civile, couvrant des informations telles que la géographie, les cultures, les langues du pays, une présentation du conflit et une introduction au système et à la pratique judiciaires du pays. • Associer les experts internationaux de rang et d’expérience similaires pour former et travailler avec les juges et d’autres hauts représentants nationaux. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 187 • Impliquer le personnel local dont la capacité doit être développée dans le processus de recrutement pour le personnel international. Ressources International Center for Transitional Justice : (www.ictj.org) : organise des évaluations et conseille sur la mise à disposition du personnel international en soutien des procédures impliquant les crimes internationaux. Justice Rapid Response (www.justicerapidresponse.org) : met à disposition un tableau de service des professionnels de justice pénale internationale pour aider au moyen de déploiements jusqu’à trois mois. Public International Law and Policy Group : (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations et conseille sur la mise à disposition du personnel international en soutien des procédures impliquant les crimes internationaux. ICLS (International Criminal Law Services) (www.iclsfoundation.org) : dans le processus d’élaboration d’une base de données de l’ancien personnel des tribunaux des crimes de guerre internationaux et mixtes. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Alejandro Chehtman et Ruth MacKenzie, Capacity Development in International Criminal Justice: A Mapping Exercise of Existing Practice, DOMAC/2, septembre 2009, disponible sur : http://www.domac.is/media/domac-skjol/DOMAC2-2009.pdf. Bogdan Ivanišević, The War Crimes Chamber in Bosnia and Herzegovina: From Hybrid to Domestic Court, (ICTJ Prosecutions Case Studies Series), 2008, disponible sur : http://www.ictj.org/images/content/1/0/1088.pdf. David Tolbert et Aleksandar Kontić, Final Report of the International Criminal Law Services (ICLS) Experts on the Sustainable Transition of the Registry and International Donor Support to the Court of Bosnia and Herzegovina and the Prosecutor’s Office of Bosnia and Herzegovina in 2009, ICLS, publié le 15 décembre 2008 et disponible à l’adresse 188 SOUTIEN AU MAYEN DE LA MISE À DISPOSITION D’UN PERSONNEL INTERNATIONAL internet suivante : http://www.iclsfoundation.org/wp-content/uploads/2009/05/ icls-bih-finalreportwebsitecorrected.pdf. Robin Vincent, An Administrative Practices Manual for Internationally Assisted Criminal Justice Institutions, International Center for Transitional Justice, 2007, disponible sur : http://ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Global-Administrative-Practices-2007-English_0.pdf. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 189 Modèles de soutien international Le mécanisme des procédures de crimes internationaux peut se présenter sous différentes formes, reflétant différents degrés d’influence ou de contrôle international. Si possible, il est généralement préférable de travailler dans le système judiciaire et ses tribunaux existants afin d’optimiser les gains en renforcement de capacité de l’initiative de justice pénale internationale la plus spécifique. Dans la mesure où l’interférence politique et le parti pris du groupe d’identité, ou leurs perceptions, posent problème, ceux-ci pèsent en faveur de modèles ayant des mécanismes de protection internationaux plus lourds. Procédures dans les tribunaux nationaux classiques Conditions : la charge de travail prévue est faible; la volonté politique et la capacité technique sont bonnes. Exemple : Argentine. Chambres spéciales dans le système judiciaire national – contrôle national Conditions : la charge de travail peut être trop grande pour les tribunaux classiques ; la volonté politique doit être bonne. Exemples : Colombie, Rwanda, Ouganda. Chambres spéciales dans le système judiciaire national – contrôle commun Conditions : les problèmes d’interférence politique ou de parti pris nécessitent une implication internationale. Inconvénient : le gouvernement national peut toujours bloquer un processus qui a une approbation internationale implicite. Exemple : Cambodge, Timor oriental. Chambres spéciales dans le système judiciaire national – contrôle international Conditions : problèmes majeurs de parti pris ou parti pris perçu ; la capacité technique varie. Exemples : Bosnie et Herzégovine (initialement), Kosovo. Tribunal hybride dans le pays, mais en dehors du système judiciaire nationalm Conditions : problèmes majeurs de parti pris ou parti pris perçu ; généralement faible capacité technique. Exemple : Sierra Leone. Tribunal spécial basé en dehors du pays Conditions : aucune volonté politique ; la capacité technique varie. Inconvénients : loin des populations touchées par le conflit ; peu voire aucun transfert de capacité ; coûteux de mener l’assistance, les enquêtes, la protection des témoins et le transport des témoins au tribunal. Exemples : TPIY, TPIR. 190 SOUTIEN AU MAYEN DE LA MISE À DISPOSITION D’UN PERSONNEL INTERNATIONAL Journalisme Pourquoi Renforcer la compréhension et l’acceptation par le public du processus juridique et de ses résultats. Quoi Aider les journalistes à développer les connaissances et les compétences pour faire un rapport précis sur les procédures pour les crimes internationaux. Encourager les rapports éthiques sur les procédures. Qui Journalistes de radio, de télévision et de la presse écrite, ainsi que les blogueurs. Éditeurs d’informations. En relation avec le secteur judiciaire, les journalistes compétents qui communiquent des faits sur les processus et les procédures peuvent contribuer à la compréhension du public et au respecte de l’État de droit, tandis que des journalistes incompétents et non professionnels peuvent transmettre de fausses informations, contribuer à la polarisation et au sensationnalisme et compromettre l’acceptation par le public des processus et des résultats juridiques. 191 Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. La communauté de développement internationale a déjà une grande expérience dans le renforcement des capacités des journalistes dans le domaine des rapports juridiques et il n’existe aucune différence majeure pour le faire dans le sous-thème de la justice pénale internationale. Le renforcement des capacités des journalistes en relation avec les procédures pour les crimes internationaux peut laisser un héritage important pour les rapports juridiques, et le journalisme en général, dans le pays. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Connaissances de fond spécifiques. Par le biais de formations, d’ateliers, de programmes de mentorat, de programmes communs et d’autres moyens, les journalistes devront en savoir plus sur les institutions de justice internationale, sur la façon dont elles sont liées les unes aux autres ainsi que sur les bases du droit pénal international. En fonction des niveaux de compétences, de connaissances et de professionnalisme, ces exercices de renforcement des capacités devront éventuellement couvrir des concepts de base comme les droits des suspects et de l’accusé. Sensibilités politiques et sécurité. Dans les pays où le droit pénal international est très controversé, les journalistes couvrant les problèmes qui y sont liés pourraient être plus enclins à souffrir de violence politique. De manière moins drastique, les journalistes peuvent rencontrer des difficultés pour publier des articles sur le sujet si leurs éditeurs sont réticents à risquer la controverse ou sont eux-mêmes loyaux envers les autorités ayant un intérêt à étouffer la couverture médiatique de la justice internationale. Complexité et durée des procès. Beaucoup des procès (mais pas la totalité) pour crimes internationaux seront plus complexes et dureront plus longtemps que les procès pour des crimes ordinaires. Continuer de susciter l’intérêt des journalistes pendant des semaines et des mois de témoignages denses et d’arguments juridiques peut s’avérer être un défi majeur. La communauté des bailleurs de fonds peut être en mesure d’aider à relever ce défi en soutenant une fonction de porte-parole au sein du mécanisme judiciaire ou d’un programme de liaison médiatique extérieur. Le porte-parole ou la liaison peut travailler avec les journalistes pour identifier les histoires intéressantes qui doivent émerger des procès, faciliter l’accès des médias aux événements de sensibilisation, faciliter l’accès aux représentants des tribunaux (dans les limites appropriées) et fournir des informations de fond de base et des informations sur les développements. Un autre moyen d’assurer la couverture médiatique consiste à soutenir les projets médiatiques 192 JOURNALISME consacrés à la couverture des procédures, les émissions radio sur les procès, les feuilletons qui touchent les thèmes associés aux procès ou les documentaires. Intégrer les éditeurs dans les projets de renforcement des capacités peut également augmenter la quantité et la qualité de la couverture que les procédures reçoivent. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds De nombreuses ONG internationales et nationales ont dispensé des formations sur le droit pénal international aux journalistes. Elles sont facilement organisées et peuvent être intégrées dans les programmes de soutien existants pour le renforcement des capacités journalistiques. Il existe également des efforts de formation plus intenses. En 2007 et 2008, le BBC World Service Trust en partenariat avec deux ONG, l’International Center for Transitional Justice and Search for Common Ground, ont organisé une série de formations importantes sur la justice transitionnelle pour les journalistes des pays suivants : Burundi, RDC, Liberia, Sierra Leone et Ouganda. Les sujets incluaient non seulement des éléments de base sur les institutions et les concepts de droit pénal international mais également une vue d’ensemble des principes de transcription des tribunaux et des conseils pratiques sur les recherches à mener avant un procès. Les formations ont été reprises dans un long manuel qui peut servir de ressource de formation. La communauté internationale a soutenu la couverture consacrée aux procès du TPIY dans les Balkans en aidant le Balkan Investigative Reporting Network (qui provient de l’Institute for War and Peace Reporting) et l’Agence d’informations SENSE. Les rapports de ces organisations ont fourni des rapports éclairés et intelligents sur les procès aux publics dans la région et ont compliqué la tâche des tabloïdes visant à déformer ce qui se passe à La Haye. Directives en matière de soutien du journalismem Évaluer liberté de la presse et indépendance : • Comment est classé le pays selon les sondages existants sur la liberté de la presse ? • Les criminels présumés, y compris au sein du gouvernement, ont-ils une propriété, un contrôle ou une influence importante sur les publications médiatiques ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 193 • L’État harcèle-t-il activement ou exerce-t-il autrement une pression abusive sur les journalistes et les éditeurs ? L’État offre-t-il des incitations inappropriées aux journalistes et aux éditeurs ? autres sources potentielles de parti pris journalistique : • Le paysage médiatique est-il polarisé selon les mêmes lignes que les factions du conflit ou les publications médiatiques sont-elles variées dans leur composition ethnique, religieuse et d’autre groupe d’identité ? • Les journalistes font-ils régulièrement preuve de parti pris pour leur propre groupe identitaire et contre les groupes identitaires perçus comme rivaux ? niveaux de base de compétences journalistiques et de professionnalisme ; familiarité des journalistes et des éditeurs avec les processus du tribunal et les rapports du tribunal ; publics cibles : • Les populations les plus touchées obtiennent-elles leurs informations principalement de la radio, de la presse écrite, de la télévision, d’Internet ou d’un mélange de ceux-ci ? • Quelles langues sont comprises parmi les populations les plus touchées ? • Quel est le taux d’alphabétisation parmi les populations les plus touchées et à quel niveau les rapports doivent-ils être écrits ou diffusés afin d’être largement compris ? • À quel point les concepts de base de la justice pénale sont-ils bien compris parmi les populations touchées? • À quel point le mécanisme de justice pénale internationale proposé est-il bien compris parmi les populations touchées, y compris en relation avec la CPI ou d’autres tribunaux internationaux, le cas échéant ? Planifier confrontation des problèmes de liberté de la presse : 194 • S’assurer que les journalistes et les éditeurs sont formés sur l’éthique journalistique. • Faciliter l’accès des journalistes et des éditeurs aux représentants internationaux afin d’aider à stimuler leurs profils et leur crédibilité. • Pousser le gouvernement à réformer les barrières juridiques à la liberté de la presse et à s’abstenir d’effectuer des actions affectant celle-ci. JOURNALISME • Offrir un soutien direct aux journalistes et éditeurs à l’esprit indépendant. • Soutenir les initiatives médiatiques extérieures pouvant apporter au public des informations neutres sur les procédures. atteindre les populations les plus touchées : • Soutenir les types de médias qui sont les plus accessibles aux populations affectées. • Si nécessaire, accorder une priorité spéciale aux journalistes qui parlent des langues minoritaires. apport de ressources et de compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et de ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Si oui, découvrir si cela pourrait être modifié afin de répondre directement au besoin de renforcer les capacités des journalistes de couvrir les procédures pour les crimes internationaux. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite des projets de renforcement des capacités. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources BBC World Service Trust (www.bbc.co.uk/worldservice/trust/) : a soutenu les formations de médias sur les questions de justice transitionnelle. Fondation Hirondelle (www.hirondelle.org) : dispose de stations de radio dans les pays en conflit et après le conflit, où la couverture inclut les questions de droit pénal international. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 195 Institute for War and Peace Reporting (www.iwpr.net) : dispense des formations complètes pour les journalistes dans les pays en conflit et après le conflit et possède une expertise interne sur le droit pénal international. Interactive Radio for Justice (www.irfj.org) : travaille avec des partenaires radio locaux dans des pays concernés par la CPI afin de créer des programmes conçus pour augmenter la compréhension entre les communautés affectées et les autorités judiciaires nationales et internationales. International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : a dispensé des formations pour les journalistes sur le droit pénal international et d’autres questions relatives à la justice transitionnelle. Comité international de la Croix-Rouge (www.icrc.org) : dispense des formations pour les journalistes sur le droit humanitaire international. Cour pénale internationale (www.icc-cpi.int) : au moyen de sa section de sensibilisation, dispense des formations sur le Statut de Rome pour les journalistes, principalement dans les pays concernés par la CPI. No Peace Without Justice (www.npwj.org) : a dispensé des formations sur le droit pénal international pour les journalistes. Public International Law & Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : a dispensé des formations sur le droit pénal international pour les journalistes. Search for Common Ground (www.sfcg.org) : a soutenu des formations destinées aux journalistes sur les questions de justice transitionnelle. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Julia Crawford (ed.), Reporting Transitional Justice: A Handbook for Journalists, BBC World Service Trust and the International Center for Transitional Justice, 2007, disponible sur : http://www.communicatingjustice.org/en/handbook. 196 JOURNALISME Défense de la société civile et surveillance des décisions judiciaires Pourquoi Renforcer la volonté politique d’assurer de véritables procédures pour les crimes internationaux. Augmenter la confiance du public dans le processus judiciaire. Lutter contre les fausses informations sur le processus judiciaire. Augmenter la transparence dans le processus judiciaire et les contrôles sur les abus. Donner la parole à des segments sous-représentés de la population. Augmenter l’accès à la justice. Identifier les points d’entrée pour la défense au moyen de la surveillance des décisions judiciaires. Renforcer les groupes d’intérêt pour la réforme politique et institutionnelle. Quoi Faire pression sur le gouvernement et la communauté internationale. Développer des propositions positives pour relever les défis. Observer les procès, se baser sur la substance et le processus et mettre en évidence les réussites et les problèmes. Qui Organisations non gouvernementales nationales et locales. Barreaux. Réseaux régionaux de la société civile. Organisations et réseaux internationaux de la société civile. 197 Les organisations de la société civile peuvent être des partenaires indispensables dans tous les aspects du secteur judiciaire comme cela a été observé au cours des précédents chapitres. La communauté internationale du développement possède une expérience étendue dans le travail avec ces organisations sur différentes questions juridiques. Au-delà des domaines déjà discutés, les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle essentiel par le biais de la promotion de la réforme judiciaire et de la surveillance des procès pénaux comme un contrôle sur l’abus ou les lacunes dans le processus judiciaire. À bien des égards, le soutien des bailleurs de fonds pour la société civile dans le domaine de la justice pénale internationale n’est pas différent de ce qu’il serait pour le renforcement des capacités des ONG en relation avec d’autres aspects du secteur de la justice. De nombreux défis dans un pays en conflit ou après le conflit sont également identiques, y compris l’identification des ONG qui souhaitent entreprendre des activités approfondies et le soutien à celles-ci en stimulant les compétences et les ressources tout en essayant de rendre le soutien durable. Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. La stimulation des capacités de la société civile pour défendre avec efficacité les véritables procédures en matière de crimes internationaux fait naturellement progresser les efforts visant un développement global plus approfondi de l’État de droit. De même, surveiller les procès consiste également à surveiller les institutions. L’observation et les rapports sur les procès pour les crimes internationaux, la visite des établissements de détention et le fait d’interroger les participants au procès peuvent aider à déterminer les problèmes dans le système de justice pénale et à identifier les points de départ pour la défense des réformes. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Connaissances techniques. Les organisations locales sont susceptibles d’avoir une bonne compréhension du conflit, peuvent avoir des bons contacts dans le gouvernement et les médias et sont bien placées pour communiquer de manière efficace avec les populations qui ont le plus d’enjeux dans le mécanisme judiciaire. Mais un engagement efficace dans les activités de défense et de surveillance des décisions judiciaires associées aux procédures impliquant les crimes internationaux exige la maîtrise d’un vaste ensemble de connaissances techniques. Comme dans les autres types de défense de justice pénale et de surveillance des procès, cela commence par une bonne compréhension du processus judiciaire, y compris des rôles des juges et des parties ainsi que 198 DÉFENSE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET SURVEILLANCE DES DÉCISIONS JUDICIAIRES des droits des suspects et de l’accusé. Ceci inclut également les structures et les concepts du droit pénal international : la juridiction de la CPI ; le principe de complémentarité du Statut de Rome ; ce qui constitue de véritables enquêtes et poursuites dans le cadre du Statut de Rome ; la connaissance de la manière dont une affaire pénale internationale est structurée ; les définitions des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide ; et une présentation des différentes formes de responsabilité. Etant donnée la quantité d’informations qu’une organisation doit comprendre afin d’être en mesure d’entreprendre une défense efficace des politiques et une surveillance efficace des décisions judiciaires, il n’est pas surprenant de constater qu’il est plus facile d’inciter les organisations de la société civile à en savoir plus sur le droit pénal international dans les pays où un tribunal international est déjà actif ou un mécanisme judiciaire national a déjà été établi. Inclusion des communautés touchées. Dans de nombreux conflits, les communautés victimes et les autres populations très touchées ne sont pas principalement situées dans la capitale mais plutôt dans des régions éloignées. Les membres de la communauté parlent souvent des langues ou dialectes minoritaires et ont généralement des niveaux d’éducation plus bas que leurs homologues habitant la capitale. Afin de renforcer les capacités de défense et de surveillance des décisions judiciaires des ONG en relation avec les procédures impliquant les crimes internationaux, ces défis supplémentaires doivent être confrontés si l’effort consiste à inclure ceux qui ont les plus grands enjeux dans le processus. Sensibilités politiques et sécurité. Dans de nombreux pays, les restrictions juridiques sur les ONG et la pression exercée par l’État représentent des problèmes généraux pour les défenseurs des politiques. La nature souvent sensible des affaires pénales internationales peut signifier que les organisations de la société civile menant une défense ou une surveillance des décisions judiciaires en relation avec le processus pourraient faire l’objet d’examen et de répression. Les sensibilités peuvent également introduire de graves risques sécuritaires pour les personnes impliqués dans la défense et la surveillance des décisions judiciaires avec des menaces possibles de la part des acteurs de l’État ou d’autres partisans du conflit sous-jacent. Certains chefs de la société civile, en particulier ceux engagés dans la défense de positions impopulaires ou contre des personnalités puissantes, peuvent courir des risques graves. Grâce à son soutien et à ses interventions, la communauté internationale peut servir de bouée de sauvetage. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 199 Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds En Sierra Leone, les bailleurs de fonds ont soutenu les ONG internationales pour qu’elles s’engagent avec la société civile nationale à la suite du conflit. Comme mentionné dans le chapitre sur l’assistance, l’organisation No Peace Without Justice a lancé les efforts en 2001, avant la fin officielle de la guerre, et a contribué à créer une organisation générique pour continuer à satisfaire le besoin en sensibilisation. Elle a développé ses activités dans le but d’inclure une fonction de surveillance des décisions judiciaires une fois que le Tribunal spécial a ouvert sa propre section de sensibilisation. Au moyen d’un partenariat avec l’International Center for Transitional Justice, qui a fourni formation et conseils, l’effort a lancé plus tard un « Programme spécial de surveillance des décisions judiciaires », qui a fait appel aux activistes et aux défendeurs locaux des ONG pour surveiller et faire des rapports sur les procès en cours. Le programme est devenu une organisation, aujourd’hui appelée « Centre for Accountability and Rule of Law », et elle est dirigée par un ancien responsable des programmes de sensibilisation du Tribunal spécial. Tout en suivant et en commentant le procès final de Charles Taylor dans le Tribunal spécial à La Haye, l’organisation surveille désormais également des procès nationaux de différentes sortes et le travail de la Commission anti-corruption. Elle est devenue un défenseur principal pour le secteur de la justice et la réforme des droits de l’homme.152 La Coalition pour la Cour pénale internationale, avec 64 coalitions nationales et plus de 2 500 membres d’ONG, a constitué un tremplin important pour différentes initiatives de défense en relation avec le Statut de Rome. Au Honduras, la CCPI a dispensé une formation sur le Statut de Rome aux ONG et aux journalistes après que le procureur de la CPI a annoncé que le pays était dans une situation « faisant l’objet d’une analyse ». Aux Philippines, les organisations membres nationales de la CCPI ont défendu avec succès la transposition en droit interne de plusieurs crimes du Statut de Rome en décembre 2009. Le Programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’Institut d’études de sécurité en Afrique du Sud, Human Rights Watch et International Center for Transitional Justice ont coordonné avec succès un réseau informel d’organisations de la société civile sur le continent qui prépare et traite les développements principaux sur la justice internationale et la CPI en Afrique. Ainsi, les trois organisations ont collaboré avec des partenaires de la société civile africaine afin de les aider à se préparer à la Conférence de révision de la CPI, faire pression sur leurs gouvernements concernant les principaux problèmes à l’ordre du jour de la conférence et élaborer des procédures actuelles concernant le crime d’agression. La feuille d’information qui a été préparée sur la conférence était le seul document mis à disposition du public de ce type distribué 200 DÉFENSE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET SURVEILLANCE DES DÉCISIONS JUDICIAIRES sur le continent. Des lettres (signées par plus de 60 groupes africains) ont également été préparées et appelaient à un engagement solide lors de la conférence des États africains parties et insistaient sur l’importance de la représentation gouvernementale de haut niveau à Kampala. Cette action de réseau a permis de s’assurer que les gouvernements africains étaient bien représentés (largement au niveau du ministère) lors de la conférence. En avril 2011, Human Rights Watch a organisé un atelier dans l’Est de la RDC destiné aux organisations de la société civile de tout le pays. Le groupe a été en mesure de produire une déclaration commune identifiant les préoccupations courantes au sujet du tribunal mixte spécialisé proposé par le gouvernement de la RDC pour les crimes internationaux.153 Le document exposait les bases d’un effort de défense concerté et coordonné. Directives relatives au soutien de la défense et de la surveillance des décisions judiciaires de la société civile Évaluer organisations de la société civile concernées : • Ont-elles démontré une activité de défense ou de surveillance des décisions judiciaires dans le domaine ? • Les organisations sont-elles respectées par le public et ont-elles un large suivi ou un suivi spécifique important parmi les communautés touchées ? • Les organisations sont-elles bien reliées aux publications médiatiques ou aux représentants nationaux et internationaux ? • Les organisations ont-elles démontré la formation de coalitions pour informer un public plus large sur les questions de justice, par exemple en collaborant avec des écoles, des syndicats ou des organisations culturelles ? parti pris potentiel parmi les organisations intéressées ; le climat de la défense en relation avec la justice pénale internationale : • Le gouvernement dispose-t-il d’un cadre juridique propice à des activités de défense solides par les organisations nationales de la société civile ? • Les organisations locales de la société civile sont-elles autorisées à accéder aux procédures pénales et sont-elles en mesure de publier librement les critiques des procédures ? CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 201 • À part le cadre juridique, le gouvernement harcèle-t-il ou décourage-t-il autrement l’activité indépendante de la société civile ? • Les activistes de la société civile engagés dans les questions de justice internationale sont-ils confrontés à des menaces de la part de tout segment gouvernemental ou non gouvernemental de la société ? connaissances et compétences techniques : • Les activistes de la société civile ont-ils une compréhension solide du processus judiciaire ? • Ont-ils une compréhension solide des institutions et des concepts de la justice pénale internationale ? • Possèdent-ils de bonnes compétences écrites et orales ? Parlent-ils les langues des communautés les plus touchées et celles les plus utilisées par les décisionnaires nationaux ? • Les organisations peuvent-elles participer efficacement aux réseaux nationaux et internationaux de la société civile sur la justice pénale internationale ? • Le personnel de la société civile possède-t-il les compétences nécessaires pour utiliser les technologies de l’information ? les ressources disponibles : • Les organisations de la société civile peuvent-elles fournir une rémunération appropriée à leur personnel ? • Les activistes de la société civile ont-ils la capacité de se déplacer comme ils le souhaitent (frais de taxi, véhicules, essence, billets d’avion, indemnités journalières...) ? • Les organisations de la société civile possèdent-elles un matériel de bureau adéquat (notamment des bureaux, des chaises, des téléphones et des photocopieuses) ? • Des technologies de l’information sont-elles disponibles ? Planifier identification des organisations de la société civile pour le soutien : 202 • Tenir compte de leur motivation et de leurs compétences. • S’assurer que les organisations de victimes sont bien représentées. DÉFENSE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET SURVEILLANCE DES DÉCISIONS JUDICIAIRES confrontation aux problèmes de partialité des organisations de la société de civile : • Encourager le renforcement ou la création d’une coalition nationale pour travailler sur la défense de la justice, le monitorat judiciaire et encourager la réunion des organisations issues de différents groupes identitaires. • Faire dépendre le soutien de la diversification du personnel et de la limitation de la partialité. • Refuser de soutenir des organisations ayant des penchants chauvins. promotion de l’appropriation nationale : • Mener de vastes consultations avec les organisations de la société civile, notamment les organisations de victimes, pour solliciter les opinions locales avant d’élaborer les directives relatives aux subventions. promotion du statut des donateurs pour l’efficacité et la crédibilité de la société civile : • Appeler les organisations soutenues à coopérer et former des réseaux de défense efficaces, en faisant de cela une condition du soutien si nécessaire. • Faciliter l’accès des organisations soutenues aux agents internationaux compétents. • Organiser des forums sur la justice pénale internationale auxquels les représentants du gouvernement et ceux de la société civile sont invités et indiquer clairement aux gouvernements que les opinions de la société civile pèsent beaucoup dans les considérations des donateurs. apport de ressources et de compétences : • Identifier les lacunes en matière de compétences techniques et d’approvisionnement en ressources, ainsi que leur importance. • Déterminer quelles lacunes représentent les plus grands obstacles et quelles mesures doivent être prioritaires. • Déterminer si des programmes de loi existants, mis en place par un bailleur de fonds, comblent déjà des lacunes similaires. Le cas échéant, déterminer si cela peut être modifié afin de répondre directement au besoin d’améliorer la capacité de défense et de surveillance des décisions judiciaires de la société civile. • Déterminer la meilleure façon de mesurer la réussite des activités de renforcement des capacités. • Identifier quels bailleurs de fonds sont les plus aptes à répondre à quels besoins. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 203 • Identifier l’assistance technique et les prestataires de formation. • S’assurer que les bailleurs de fonds coordonnent constamment l’aide qu’ils apportent afin de combler toutes les lacunes prioritaires et d’éviter toute duplication. Ressources Avocats sans Frontières (Lawyers without Borders, www.asf.be) : forme, assiste et soutient les ONG des victimes et donne des conseils aux ONG locales quant à la surveillance des procès nationaux pour crimes internationaux. Coalition pour la Cour pénale internationale (www.iccnow.org) : un réseau de plus de 2 500 ONG de 150 pays, qui offre aux organisations internationales, régionales et nationales une plus grande plateforme de défense et l’accès à une expertise technique et institutionnelle. Human Rights Watch (www.hrw.org) : facilite les coalitions de défense de la société civile et travaille avec les ONG partenaires locales sur la surveillance des décisions judiciaires. Institute for International Criminal Investigation (www.iici.info) : organise des ateliers permettant aux membres de la société civile de se familiariser avec les concepts fondamentaux des enquêtes sur les crimes internationaux. International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : fournit une formation pour les activités de défense et de surveillance des décisions judiciaires des ONG qui se rapportent à la justice pénale internationale. Programme ICAP (International Crime in Africa Programme) de l’Institut d’études de sécurité (http://www.issafrica.org/pgcontent.php?UID=18893) : organise des ateliers de sensibilisation sur le droit pénal international, la défense des politiques et les litiges pertinents pour les organisations africaines de la société civile. Aide également à coordonner un réseau africain informel de plus de 30 ONG concernées par la justice pénale internationale en Afrique. No Peace Without Justice (www.npwj.org) : fournit une formation sur le droit pénal international pour les organisations de la société civile. Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations et des formations sur le droit pénal international pour les organisations de la société civile. 204 DÉFENSE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET SURVEILLANCE DES DÉCISIONS JUDICIAIRES Redress (www.redress.org) : forme les organisations de victimes à la défense des politiques concernant les mécanismes de justice nationale. Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (www.ohchr.org) : offre des formations sur la surveillance des décisions judiciaires. Women’s Initiatives for Gender Justice (www.iccwomen.org) : offre des formations sur les questions de justice pour les organisations féminines dans les pays concernés par la CPI. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires Roger Duthie, Building Trust and Capacity: Civil Society and Transitional Justice from a Development Perspective, Centre international pour la justice transitionnelle, novembre 2009, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.ictj.org/static/Publications/Devt_CivilSociety_Full.pdf. Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH), Trial-Monitoring: A Reference Manual for Practitioners, 2008, disponible à l’adresse internet suivante : http://www. osce.org/odihr/31636. Programme de surveillance des tribunaux sierra-léonais, Court Monitoring Training Manual, 2009, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.carl-sl.org/ home/images/stories/docs/SLCMPTraining_manual.pdf. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 205 Infrastructures et équipement Pourquoi Garantir des installations sûres et fonctionnelles pour les procédures pénales internationales. Quoi Salles d’audience et technologie judiciaire. Centres de détention et prisons. Salles d’archives. Qui Représentants du gouvernement et parlementaires. Entrepreneurs en bâtiment. Conseillers experts. Les infrastructures judiciaires comprennent principalement les salles d’audience et les cabinets, ainsi que les centres de détention, les prisons et les salles d’archives. Outre le matériel de bureau de base indiqué dans les sections précédentes, ces installations peuvent nécessiter plusieurs autres outils et technologies. Liens avec les priorités actuelles en matière d’État de droit. Le type d’infrastructure et d’équipement exigé pour les procédures impliquant des crimes internationaux est le 207 même que celui demandé pour les autres procédures pénales. Les investissements issus de la priorisation de la justice pénale internationale offriront en héritage de meilleures infrastructures et équipements à l’ensemble des systèmes de justice pénale. En quoi les poursuites impliquant des crimes internationaux sont-elles différentes ? Sécurité dans les salles d’audience. Si les juges et les autres auxiliaires de justice font face à un danger (comme au Haut tribunal irakien) en raison de la nature sensible des procédures pénales internationales, la construction ou la rénovation des salles d’audience devra tenir compte de la sécurité, par exemple en installant des détecteurs de métaux pour contrôler les personnes qui entrent dans le palais de justice et des vitres pare-balles pour séparer les auxiliaires de justice du public. Cependant, il ne faut pas en déduire que ces mesures seront nécessaires pour l’ensemble des procédures impliquant des crimes internationaux. Elles doivent être déterminées par les évaluations des risques. Mesures de protection à l’audience. De même, des mesures renforcées pour la protection des témoins sont exigées dans les procédures impliquant des crimes internationaux. Si les évaluations générales des risques montrent que c’est le cas, les salles d’audience peuvent demander un équipement pour pouvoir déformer les voix des témoins ou pour leur permettre de déposer par vidéoconférence. Les tribunaux doivent également avoir la possibilité d’empêcher le public de voir les témoins, sachant qu’il est possible d’y arriver à faible coût, en utilisant par exemple de simples paravents médicaux. Un espace privé doit servir de salle d’attente pour les témoins, et la salle d’audience doit également disposer d’entrées séparées pour l’accès des témoins et des accusés. Systèmes de gestion de la cour. Les affaires internationales complexes peuvent demander un équipement plus conséquent pour l’enregistrement et l’organisation des dossiers de la cour. Cependant, cet équipement n’a pas forcément besoin d’être à la pointe de la technologie. (Malgré un investissement important de la part des États parties, les technologies de cour électroniques ont été difficiles à maintenir à la CPI elle-même.) Dans certains contextes nationaux, les tribunaux exerceront dans des endroits où les coupures d’électricité se produisent fréquemment et où le personnel n’est pas très familier avec les technologies de l’information modernes. Dans ces situations, une approche plus traditionnelle serait souhaitable. Les évaluations sont essentielles pour déterminer les systèmes de gestion de la cour les plus judicieux dans l’immédiat et les plus fiables à long terme. Si un nombre important d’affaires complexes est prévu et que le personnel local peut développer la capacité à utiliser des systèmes de haute technologie, l’investis- 208 INFRASTRUCTURES ET ÉQUIPEMENT sement supplémentaire peut améliorer l’efficacité judiciaire. Par exemple, les bases de données électroniques permettent de retrouver rapidement les preuves et les pièces à conviction présentées devant la cour tandis que les logiciels peuvent conserver les transcriptions électroniques organisées afin d’en faciliter la consultation. Les sténotypistes et interprètes auront besoin de microphones et d’un matériel d’enregistrement. Si les donateurs fournissent du matériel, ils doivent également assurer une formation quant à son utilisation correcte.154 Si cela a été fait avec succès, le matériel et les compétences peuvent servir à obtenir également des procédures plus transparentes et équitables dans d’autres affaires pénales. Emplacement des centres de détention et des prisons. Concernant leur construction et leur équipement de base, il n’y a aucune exigence particulière pour les centres de détention et les prisons utilisés dans le cadre des procédures pénales internationales. Mais la nature sensible de ces procédures peut accorder une plus grande importance à l’emplacement des centres de détention et des prisons. Si les procédures sont particulièrement litigieuses ou si les détenus et prisonniers suscitent une forte loyauté ou hostilité de la part d’une partie de la population, l’emplacement des centres de détention et prisons nouvellement construits ou rénovés est plus susceptible d’avoir des conséquences pour la sécurité. Si l’emplacement de ces installations est aussi en étroite corrélation avec les endroits dominés par certains groupes identitaires, il peut y avoir une plus grande inquiétude pour la sécurité des détenus ou des prisonniers face aux groupes identitaires perçus comme rivaux. Ce danger peut s’étendre aux avocats de la défense, aux membres de la famille et à d’autres visiteurs de la personne incarcérée. Emplacement et sécurité des archives. En ce qui concerne les archives, il y a peu d’exigences pour les infrastructures et l’équipement qui soient propres aux procédures pénales internationales. Comme dans les autres domaines, la nature sensible des crimes risque d’accroître les inquiétudes en matière de sécurité. Cela doit être pris en compte lors du choix de l’emplacement des salles d’archives et des systèmes de sécurité dont elles auront besoin. Comme les affaires internationales sont susceptibles d’intéresser un plus grand nombre de parties prenantes que les affaires pénales (comme discuté dans le chapitre sur la gestion des archives), les plans de construction ou de rénovation doivent comprendre des dispositions pour un meilleur accès du public, tant au niveau de l’espace physique disponible que de l’équipement permettant d’accéder à distance aux archives. Exemples de soutien apporté par des bailleurs de fonds Les tribunaux mobiles en RDC administrés par American Bar Association Rule of Law Initiative et Avocats sans Frontières ont adopté une approche efficace pour les infrastruc- CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 209 tures en se contentant en grande partie des structures existantes et en employant une approche traditionnelle dans le déroulement des procès. La législation congolaise permet aux tribunaux de siéger dans n’importe quelle localité relevant de leur juridiction. Avec le soutien international, certains tribunaux ont fonctionné ainsi. Parmi ces tribunaux, certains sont des tribunaux militaires, pour l’instant seuls compétents pour juger les crimes internationaux. Les audiences prévues dans des lieux distants ont lieu dans des bâtiments existants, voire sous des arbres, avec très peu de technologies judiciaires de pointe hormis des ordinateurs portables et des microphones. Pendant toute la durée des procédures pénales, les accusés sont hébergés dans des centres de détention spéciaux qui sont gardés par la police congolaise ou des Casques bleus. Les tribunaux mobiles ont pu envoyer les condamnés dans des prisons rénovées de différents districts de l’est, où les infrastructures pénales représentent un des plus grands besoins de toute la chaîne judiciaire. À l’autre extrémité du spectre se trouve le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, où les procédures impliquant des crimes internationaux ont été planifiées pour plusieurs années mais où aucune infrastructure physique ni équipement n’existait sur place. Les donateurs ont soutenu financièrement le développement d’un complexe judiciaire entier qui comprend des bureaux, un palais de justice pouvant accueillir deux procès en même temps, un centre de détention et un périmètre de sécurité, ainsi que l’ensemble du matériel de bureau et des fournitures nécessaires à son fonctionnement. Dans le cadre de son programme d’héritage, le Tribunal spécial cédera l’ensemble des infrastructures et équipements au gouvernement sierra léonais. Ainsi, le soutien des donateurs aux procédures pénales internationales profitera directement au système judiciaire national. Directives relatives à l’investissement dans les infrastructures physiques et l’équipement Évaluer sécurité : • Quelles sont les menaces potentielles que rencontrent les auxiliaires de justice et les infrastructures ? • Quel est le niveau des besoins des témoins en matière de protection à l’audience ? facteurs jouant un rôle dans le choix de l’équipement de gestion de la cour : • 210 Combien de procès pour crimes internationaux sont prévus et quelle sera leur ampleur et leur complexité ? INFRASTRUCTURES ET ÉQUIPEMENT • L’alimentation électrique est-elle fiable ? • Le personnel de gestion de la cour possède-t-il déjà les compétences de base en matière de technologies de l’information ? demande anticipée d’accès aux archives • (Pour les questions liées au contexte et à l’évaluation, consultez le chapitre sur la gestion des archives.) Planifier détermination du soutien en fonction des véritables besoins : • Si la charge de travail prévue ne justifie pas un grand investissement dans des infrastructures spécialisées, il convient de trouver des alternatives plus simples. • Envisager des procédures avec plus d’options solides lorsque celles-ci peuvent également être utilisées pour d’autres besoins judiciaires sensibles (tels que les tribunaux anti-corruption). • Envisager des procédures avec plus d’options solides lorsque le soutien lié aux procédures pour crimes internationaux coïncide avec des initiatives de développement existantes. mise à disposition efficace d’équipement : • S’assurer qu’une formation adéquate accompagne le don de tous les équipements. • S’assurer que des consultations préalables au sujet de la construction ou de la rénovation des salles d’audience sont organisées avec les utilisateurs des salles d’audience, notamment les juges, les procureurs, les avocats de la défense, les agents de protection des témoins, les responsables des centres de détention, les sténotypistes et les interprètes. • S’assurer que les équipements sont opérationnels, tant au niveau des infrastructures (notamment l’alimentation électrique) que des compétences nécessaires à leur utilisation. satisfaction des besoins courants pour les salles d’audiences, notamment : • Une salle d’attente pour les témoins. • Une entrée par laquelle les témoins et victimes participantes peuvent passer en toute discrétion. • Une pièce sécurisée dans laquelle les accusés peuvent se réunir avec leurs avocats. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 211 • Une cellule de détention pour les accusés si le centre de détention est loin du tribunal. gestion des problèmes de sécurité : • S’assurer que la sécurité de la salle d’audience est adaptée aux conditions données. • S’assurer que les lieux sélectionnés pour les centres de détention et prisons nouvellement construits ou rénovés sont sûrs et que la sécurité des détenus et prisonniers est garantie. • S’assurer que les salles d’archives se trouvent dans un lieu sûr et bénéficient d’une sécurité appropriée. • Gestion des problèmes d’archivage : • S’assurer que les salles d’archives nouvellement construites ou rénovées disposent d’un accès et d’un espace approprié pour les utilisateurs prévus. Ressources Public International Law and Policy Group (www.publicinternationallaw.org) : organise des évaluations et offre des conseils sur les besoins en infrastructures et équipement pour les procédures impliquant des crimes internationaux. International Center for Transitional Justice (www.ictj.org) : organise des évaluations et offre des conseils sur les besoins en infrastructures et équipement pour les procédures impliquant des crimes internationaux. D’autres organisations, notamment des organisations régionales ou locales, peuvent avoir de l’expérience dans ce domaine. Si possible, les bailleurs de fonds doivent chercher à s’engager auprès d’organisations locales jouissant d’une bonne réputation. Lectures complémentaires : Robin Vincent, An Administrative Practices Manual for Internationally Assisted Criminal Justice Institutions, International Center for Transitional Justice, 2007, disponible sur : http://www.ictj.org/images/content/9/3/931.pdf. 212 INFRASTRUCTURES ET ÉQUIPEMENT Conclusion L’établissement de la volonté et de la capacité nationales à engager des procédures véritables pour les crimes internationaux constitue incontestablement un défi majeur. Ceci implique de faire face à des obstacles politiques et à l’intégration d’une quantité impressionnante d’informations techniques. Cela peut poser des problèmes de sécurité sur le court terme et ajoute une priorité supplémentaire à la liste de mesures toujours plus conséquente de la communauté internationale du développement. Cependant, il s’agit également d’une mission dans laquelle les principales organisations mondiales et les donateurs d’aide bilatérale les plus importants se sont déjà engagés. Ces engagements découlent de la conviction que les crimes heurtant la conscience humaine ne peuvent pas restés impunis. Ces engagements sont également fondés sur les indications que l’impunité des crimes internationaux engendre les conflits et la misère économique, alors que la justice pénale internationale sert la cause de la paix et du développement économique. Comme les chapitres de ce manuel l’expliquent, la communauté internationale du développement sait déjà comment remplir la plupart des conditions essentielles pour faire fonctionner la justice pénale internationale au niveau national. Si les décisionnaires et les exécutants du développement doivent être informés de certaines considérations relatives aux procédures impliquant des crimes internationaux, ce manuel s’est attaché à souligner les problèmes qui leurs sont liés. Il s’est également attaché à fournir des directives pouvant être appliquées de manière flexible dans divers contextes, ainsi que des références aux organisations et aux ouvrages complémentaires. 213 En parcourant ce manuel, les décisionnaires, les agences de développement, le personnel des ambassades, les responsables des organisations internationales, les représentants de la société civile, les entrepreneurs et les autres membres de la communauté internationale du développement reconnaîtront de nombreux points de départ pour son application sur le plan politique et technique. Que ce soit dans leur engagement avec des parlementaires à propos du cadre juridique, avec les représentants de la justice au sujet des questions techniques dans la chaîne judiciaire ou avec des activistes de la société civile pour créer une volonté politique nationale, ces acteurs ont la possibilité de multiplier les efforts et d’acquérir de l’expérience. Le secteur de la justice pénale internationale est encore jeune et il est certain qu’un grand nombre d’enseignements supplémentaires seront tirés des nouvelles tentatives pour soutenir son application nationale. 214 CONCLUSION Glossaire Assemblée des États parties : l’organisme remplissant la fonction de surveillance et la fonction législative pour la Cour pénale internationale. Chapeau : (voir l’entrée « Éléments contextuels » ci-dessous). Responsabilité du supérieur hiérarchique : une forme de responsabilité selon laquelle une personne est responsable d’un acte criminel commis par un subordonné sur son ordre, ou si la personne était informée ou aurait du être informée du crime commis par un subordonné mais n’a pas empêché ni puni l’acte. Complémentarité : une limitation de la compétence de la Cour pénale internationale lorsque les gouvernements nationaux remplissent leurs obligations à mener de véritables enquêtes et poursuites sur les crimes internationaux. Éléments contextuels : éléments devant être prouvés pour pouvoir qualifier un crime de crime de guerre, crime contre l’humanité ou génocide (voir les entrées ci-dessous pour chaque type de crime). Crime contre l’humanité : divers actes criminels commis de manière généralisée ou systématique. Faits incriminés : actes criminels commis par les auteurs directs. Génocide : divers actes criminels commis avec l’intention d’éradiquer, entièrement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. 215 Crimes internationaux : crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide (voir les entrées pour chaque type de crime). Droit international humanitaire : le droit des conflits armés, établi par le droit des traités (notamment les conventions de Genève et leurs protocoles additionnels) et la codification nationale du droit coutumier. Le droit international humanitaire est un terme plus restrictif que le droit pénal international et ne porte pas sur les crimes contre l’humanité ou les crimes de génocide (qui ne doivent pas forcément être commis lors d’une situation de conflit armé). Héritage : les avantages durables des procédures pour crimes internationaux, comprennant le renforcement des institutions et les gains de capacité, mais également l’encouragement d’une mémoire historique collective dans les sociétés déchirées, de la réconciliation, du respect de l’État de droit et de la paix. Liens : les connexions devant être prouvées entre les auteurs directs des crimes et les auteurs indirects présumés si ces derniers doivent être considérés pénalement responsables. Formes de responsabilité : les moyens légaux utilisés pour qu’une personne soit poursuivie en tant qu’auteur d’un crime. Les formes de responsabilité courantes pour les crimes internationaux incluent : la perpétration directe, la responsabilité du supérieur hiérarchique et l’entreprise criminelle commune. Sensibilisation : dialogue entre le mécanisme judiciaire et le public. La sensibilisation implique de faire circuler des informations sur les mandats, processus et activités juridiques tout en écoutant les opinions et les attentes des communautés. Complémentarité positive : aider les États à remplir leur obligation de mener de véritables enquêtes et poursuites sur les crimes internationaux qui est prévue par le Statut de Rome. Principe de complémentarité : voir l’entrée « Complémentarité ». Principe de légalité : le principe selon lequel une personne ne peut pas être poursuivie pénalement pour un acte qui n’était pas illégal au moment où il a été commis. Principe de proportionnalité : le principe selon lequel les mesures de protection et de soutien des témoins doivent être accordées uniquement pour des menaces et besoins réels Crime de guerre : une violation du droit international humanitaire (voir l’entrée « Droit international humanitaire »). 216 GLOSSAIRE Notes 1. Le Conseil de sécurité des Nations unies peut également rapporter à la CPI des situations survenues dans des États non parties, comme ce fut le cas de la Libye et du Darfour, au Soudan. 2. La liste des organismes-ressources n’est pas exhaustive et n’évoque pas nécessairement une approbation. Pour des raisons d’espace, de nombreuses organisations se consacrant à des pays ou des régions individuel(le)s ont été omises. 3. La République démocratique du Congo constitue un cas extrême, et présente dans l’ensemble d’importantes lacunes en termes de capacité. Voir Eric A. Witte : Putting Complementarity into Practice: Domestic Justice for International Crimes in DRC, Uganda, and Kenya, Open Society Foundations, janvier 2011, pp. 18–57, disponible sur : http://www.soros.org/initiatives/justice/focus/international_justice/articles_publications/publications/complementarity-in-practice-20110119 [ci-après dénommé : « Witte : Putting Complementarity into Practice”]. 4. La conduite de ces évaluations peut sembler difficile, mais l’on observe un recoupement important avec les aspects du système judiciaire qui ont probablement fait l’objet d’une évaluation à d’autres fins, et il n’est pas nécessaire de recommencer depuis le début lorsque l’on considère les poursuites impliquant des crimes internationaux. Le projet des Nations Unies des indicateurs de l’État de droit, par exemple, cherche à établir un modèle pour l’évaluation des institutions de législation et de justice pénale dans les pays bénéficiant d’une assistance ; consulter le site http://www. unrol.org/doc.aspx?d=2880. De la même manière, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a créé la Compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale (http://www.unodc.org/unodc/en/ justice-and-prison-reform/Criminal-Justice-Toolkit.html) et a collaboré avec l’US Institute of Peace pour mettre au point le guide Réforme de la justice pénale dans les États sortant d’un conflit (http:// www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/11-83015_Ebook.pdf) qui donnent tous deux des conseils sur l’évaluation des systèmes de justice pénale. 217 5. L’Union soviétique et ses pays satellites ont également poursuivi de nombreuses personnes coupables d’atrocités pendant la Seconde Guerre mondiale, mais nombre de ces procès comportaient de profonds vices de procédure. 6. Les racines directes de la CPI s’étendent à une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptées en décembre 1948. La planification d’une cour pénale internationale permanente a été mise en suspens pendant la guerre froide. 7. Préambule du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (ci-après dénommé le « Statut de Rome »), document des Nations Unies A/CONF.183/9, adopté le 17 juillet 1998 et disponible sur : http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/EA9AEFF7-5752-4F84-BE94-0A655EB30E16/0/Rome_ Statute_English.pdf. 8. Article 17(1)(a) du Statut de Rome. 9. Article 17(1)(b) du Statut de Rome. 10. Voir, par exemple, un rapport d’expert informel : Le principe de complémentarité en pratique, CPI, doc ICC-01/04-01/07-1008-AnxA, 30 mars 2003, (ci-après dénommé : « le rapport d’expert »), disponible sur http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc654724.PDF. 11. La CPI n’a pas compétence sur les crimes commis avant son entrée en vigueur en juillet 2002. 12. Pour plus d’informations sur la complémentarité en RDC, en Ouganda et au Kenya, voir Witte, Putting Complementarity into Practice. 13. Voir l’Assemblée des États parties, Rapport du Bureau sur le bilan de la situation : « Bilan de la situation sur le principe de complémentarité : éliminer les causes d’impunité », (« Éliminer les causes d’impunité »), doc ASP ICCASP/8/51, 18 mars 2010, en particulier les paragraphes 30, 32, 34-35 et 39 ; disponible sur : http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP8R/ICC-ASP-8-51-ENG. pdf. L’Afrique du Sud et le Danemark étaient les coordinateurs chargés d’élaborer les matériaux et discussions théoriques portant sur la complémentarité, l’un des quatre thèmes pressentis pour la Conférence de révision (les autres thèmes étaient la coopération, l’impact du système du Statut de Rome sur les victimes et les communautés touchées, et la paix et la justice). 14. Voir l’Assemblée des États parties de la CPI, Résolution sur la complémentarité (exemplaire préliminaire), ASP Doc. RC/Res.1, adoptée par consensus le 8 juin 2010 ; disponible sur http:// www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/Resolutions/RC-Res.1-ENG.pdf, paragraphe 3. 15. Voir RC/9, « Engagements », Conférence de révision du Statut de Rome, 15 juillet 2010, disponible sur : http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/18B88265-BC63-4DFF-BE56-903F2062B797/0/ RC9ENGFRASPA.pdf. 16. En RDC, par exemple, lorsque certains crimes internationaux font l’objet de poursuites par l’intermédiaire du système judiciaire militaire, les plus hauts gradés de l’armée ne peuvent être poursuivis car au moins un juge du jury saisi de l’affaire doit être un officier de grade supérieur. Voir Witte, Putting Complementarity into Practice, p. 20. 17. L’International Center for Transitional Justice a organisé la conférence. Voir ICTJ, Meeting Summary of the Retreat on « Complementarity after Kampala: The Way Forward, » octobre 2010 ; disponible sur : http://www.ictj.org/static/Publications/ICTJ_Complementarity_GreentreeSummary_Nov2010.pdf. 218 NOTES 18. Préambule du Statut de Rome. 19. Ibid. 20. Par exemple, l’accord paraphé par le gouvernement ougandais et l’Armée de résistance du Seigneur en juin 2007, jetant les bases des poursuites ultérieures devant la Division des crimes internationaux du pays, évoque « les crimes graves, les violations des droits de l’Homme et les impacts socio-économiques et politiques négatifs du conflit, ainsi que la nécessité d’honorer la souffrance des victimes en encourageant une paix et une justice durables. » Voir le préambule de l’Accord sur les principes de responsabilité et de réconciliation, Juba, Soudan, 29 juin 2007 ; disponible sur : http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc589232.pdf. 21. Human Rights Watch, Selling Justice Short: Why Accountability Matters for Peace, juillet 2009, pp. 76–77, disponible sur : http://www.hrw.org/node/84264 [ci-après dénommé : Human Rights Watch, Selling Justice Short]. Voir aussi Diane Orentlicher, That Someone Guilty Be Punished: The Impact of the ICTY in Bosnia, Open Society Justice Initiative et International Center for Transitional Justice, juillet 2010, [ci-après dénommé : Orentlicher, That Someone Guilty Be Punished], pp. 40–41, disponible sur : http://www.soros.org/initiatives/justice/focus/international_justice/articles_publications/publications/that-someone-guilty-20100707. 22. Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 77–81. 23. Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 82–86. Après le génocide, l’échec de l’attribution des responsabilités juridiques nationales et internationales des atrocités commises par les Tutsis et l’APR au Rwanda ont pu susciter le ressentiment et la déstabilisation future. 24. Witte, Putting Complementarity into Practice, pp. 58–59. 25. Laura Davis et Priscilla Hayner, Difficult Peace, Limited Justice: Ten Years of Peacemaking in the DRC, International Center for Transitional Justice, mars 2009, pp. 31–32, disponible sur : http://www.ictj.org/sites/default/files/ICTJ-DRC-Difficult-Peace-2009-English.pdf. Voir également Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 125–126. 26. Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 126–127. 27. « Battling Warlords Try Civility, » The Christian Science Monitor, 9 mai 2002, disponible sur : http://www.csmonitor.com/2002/0509/p01s03-wosc.html. Voir également Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 123–124. 28. « UN reports improvement in Côte d’Ivoire conflict with hate messages ending, » Service d’information de l’ONU, 16 novembre 2004, disponible sur : http://reliefweb.int/node/158368. 29. Voir l’International Crisis Group, War Criminals in Bosnia’s Republika Srpska: Who Are the People in Your Neighborhood? Balkans Report 103, 2 novembre 2000, disponible sur : http://www. crisisgroup.org/~/media/Files/europe/Bosnia%2039.ashx. 30. Voir Diane Orentlicher, Shrinking the Space for Denial: The Impact of the ICTY in Serbia, Open Society Justice Initiative, mai 2008, [ci-après dénommé : Orentlicher, Shrinking the Space for Denial], pp. 31–32, disponible sur : http://www.soros.org/initiatives/justice/focus/international_justice/articles_publications/publications/serbia_20080520/serbia_20080501.pdf. 31. Voir Eric A. Witte, « Beyond ’Peace vs. Justice: Understanding the Relationship between DDR Programs and the Prosecution of International Crimes, » dans Patel, De Greiff et Waldorf (ed.) : Disarming the Past: Transitional Justice and Ex-combatants, Social Science Research Council, New CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 219 York, 2009, [ci-après dénommé : Witte, Beyond « Peace vs. Justice »], disponible sur : http://www.ssrc. org/workspace/images/crm/new_publication_3/%7B465ede38-0c0d-df11-9d32-001cc477ec70%7D. pdf. 32. Au-delà des raisons évoquées plus haut, dans certains cas, le fait de considérer des actes comme des crimes internationaux plutôt que comme des crimes ordinaires présente des avantages techniques. Pour en savoir plus, consulter la section « Crimes nationaux contre crimes internationaux » du chapitre consacré aux poursuites ci-dessous. 33. Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 117–122. 34. Pour consulter une discussion portant sur les questions de justice entourant l’application de la justice traditionnelle en complément de la justice pénale internationale dans le contexte de l’Ouganda, voir Beyond Juba, Tradition in Transition: Drawing on the Old to Develop a New Jurisprudence for Dealing with Uganda’s Legacy of Violence, juillet 2009, (Document de travail n° 1), disponible sur : www.beyondjuba.org/working_papers/BJP.WP1.pdf. 35. Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 93–100. Pour plus d’informations sur l’impact du TPIY sur la réforme juridique bosnienne, voir Orentlicher, That Someone Guilty Be Punished et Fidelma Donlon, « Justice: From the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia to the War Crimes Chamber of Bosnia, » dans Dina Haynes (ed.), Deconstructing the Reconstruction of Bosnia, Ashgate Publishing, 2008. Pour en savoir plus sur l’impact du TPIY sur la réforme juridique serbe, voir Orentlicher, Shrinking the Space for Denial. Pour plus d’informations sur la manière dont l’établissement des chambres spécialisées pour les crimes internationaux a affecté les systèmes de justice pénale de la Bosnie et de la Serbie, voir Bogdan Ivanišević, « Power of Persuasion: Impact of Special War Crimes Prosecutions on Criminal Justice in Bosnia and Serbia, » dans Michael Reed Hurtado et Amanda Lyons (ed.), Contested Transitions: Dilemmas of Transitional Justice in Colombia and Comparative Experience, International Center for Transitional Justice, 2010, pp. 300–321, disponible sur : http://es.ictj.org/images/content/2/4/2485.pdf. 36. En vertu de l’article 50(2)(n) de la nouvelle constitution, approuvée par les électeurs en août 2010, les actes qui constituaient des crimes en vertu de la loi internationale (mais pas nécessairement en vertu de la loi nationale) au moment où ils ont été commis peuvent toujours faire l’objet de poursuites. Dans l’article 2(5), la nouvelle constitution intègre le droit international coutumier en stipulant que « les règles générales du droit international feront partie des lois du Kenya. » 37. Witte, Putting Complementarity into Practice, pp. 83–114. Le 30 mai 2011, la Chambre préliminaire II de la CPI a rejeté la contestation du gouvernement kenyan, basée sur la complémentarité, de la recevabilité des deux affaires (chacune concernant trois personnes) devant la CPI parce que le Kenya n’avait pas mené d’enquête sur les six suspects nommés par le procureur de la CPI. Le Kenya a fait appel de la décision devant la Chambre d’appel de la CPI et, à la date de rédaction de ce document, aucune décision n’avait encore été rendue. 38. Witte, Putting Complementarity into Practice, p. 21. 39. Le projet de loi adopte la responsabilité pénale individuelle définie dans l’article 25 du Statut de Rome. Entretien avec David Donat-Cattin, Parliamentarians for Global Action. 40. La Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2011 : conflits, sécurité et développement ; disponible sur : http://wdr2011.worldbank.org/. 41. 220 Witte: Putting Complementarity into Practice, p.44. NOTES 42. Entretien avec Caitlin Reiger, ICTJ. Pour plus d’informations sur le projet CCJAP, visiter le site http://www.ccjap.org.kh/index.asp. 43. Lors du procès de l’ancien président libérien, Charles Taylor, au Tribunal spécial pour la Sierra Leone, un témoin de l’intérieur a indiqué qu’un effort coordonné avait été mis en œuvre pour compromettre l’enquête menée par le TSSL au Liberia grâce à la diffusion délibérée de fausses informations qui exagéraient considérablement l’autorité du tribunal. Des rumeurs soutenaient que le Tribunal spécial allait également poursuivre les crimes commis au Liberia ou même que tous les anciens combattants libériens seraient arrêtés. Lorsque des programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) sont en cours ou prévus, les activités de sensibilisation aux mécanismes de justice internationale sont essentielles pour s’assurer que les deux initiatives ne se heurtent pas l’une à l’autre. Voir Witte, Beyond « Peace vs. Justice », pp. 99–100 et notamment la note de bas de page 60. 44. Entretien avec trois anciens fonctionnaires des CETC. Pour plus d’informations sur le Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam), visiter le site www.dccam.org. Voir également Clara Ramírez-Barat, Making an Impact: Guidelines on Designing and Implementing Outreach Programs for Transitional Justice, International Center for Transitional Justice, janvier 2011, p. 22, disponible sur : http://www.ictj.org/static/Publications/ICTJ_MakingAnImpact_pb2011.pdf. 45. Entretien avec Michael Reed Hurtado, ICTJ. 46. C’est le cas de la Division des crimes internationaux de la Haute Cour de l’Ouganda, par exemple. 47. Cela peut être particulièrement utile lorsque des poursuites engagées par le biais des systèmes nationaux sont liées à des affaires jugées par des tribunaux internationaux. Voir Fidelma Donlon, « Complementarity in Practice: ICTY Rule 11bis and the Use of the Tribunal’s Evidence in the Srebrenica Trials before the Bosnian War Crimes Chamber, » dans Dr. Carsten Stahn (ed.), The International Criminal Court and Complementarity: From Theory to Practice, (Cambridge University Press, 2011). 48. Concernant la RDC, voir Witte, Putting Complementarity into Practice, p. 29. 49. S/RES/1960 (2010), disponible sur : http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/ N10/698/34/PDF/N1069834.pdf?OpenElement. 50. Witte, Putting Complementarity into Practice, pp. 60–61. 51. Les définitions des crimes internationaux peuvent varier selon la législation nationale spécifique. 52. Par exemple, la Communauté de développement de l’Afrique australe dispose de protocoles en matière d’entraide judiciaire parmi ses États membres. Voir : www.sadc.int/index/browse/ page/121. Le Secrétariat du Commonwealth a contribué à la création de trois programmes d’entraide judiciaire informels auxquels les États membres du Commonwealth peuvent volontairement adhérer. Voir http://www.thecommonwealth.org/Internal/190714/190928/international_agreement_between_countries/. 53. En RDC, la communauté internationale a efficacement soutenu la rédaction d’un projet de loi généralement solide sur l’application du Statut de Rome. Le projet de loi reflète, dans une large mesure, une appropriation nationale, ce qui est caractéristique des efforts les plus réussis. Et CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 221 pourtant, il semble que des obstacles politiques empêchent l’adoption du projet de loi à l’Assemblée nationale. L’International Center for Criminal Justice, Avocats sans Frontières et la Coalition pour la Cour pénale internationale ont tous donné des conseils sur le projet de loi. Grâce à ses membres siégeant à l’Assemblée nationale, l’organisme Parliamentarians for Global Action a joué un rôle de pivot dans l’établissement du soutien au projet de loi entre les différents partis politiques. Voir Witte : Putting Complementarity into Practice, pp. 22 et 37–38. 54. Par exemple, le projet de loi de mise en œuvre du Statut de Rome au Ghana et au Lesotho, rédigé sur les conseils techniques de l’ONG No Peace Without Justice n’a pas été envoyé aux parlements des deux pays. Entretien avec Alison Smith, No Peace Without Justice. Voir également Max du Plessis et Jolyon Ford (ed.), Unable or unwilling? Étude de cas sur la mise en œuvre nationale des dispositions de la CPI dans différents pays africains, collection monographique de l’ISS n 141, mars 2008, Pretoria, disponible sur : http://www.iss.co.za/uploads/MONO141FULL.PDF. 55. Le Kenya et plusieurs autres pays africains ont également utilisé comme référence la législation sud-africaine sur l’intégration du Statut de Rome. Entretien avec David Donat-Cattin, Parliamentarians for Global Action. 56. Voir Edward H. Warner et Davis Jeffery, « Reaching Beyond the State: Judicial Independence, the Inter-American Court of Human Rights and Accountability in Guatemala, » Journal of Human Rights 6, no. 2 (2007), pp. 233–255, disponible sur : http://digitalcommons.wcl.american.edu/cgi/ viewcontent.cgi?article=1033&context=stusch_lawrev. 57. Ces questions d’évaluation auront souvent déjà été traitées lors de la conception des autres aspects du soutien du système de justice pénale. 58. Voir également les Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs à l’indépendance de la magistrature, disponibles sur : http://www2.ohchr.org/english/law/indjudiciary.htm, et les Principes directeurs applicables au rôle des magistrats du parquet adoptés par les Nations Unies, disponibles sur : http://www2.ohchr.org/english/law/prosecutors.htm. 59. Voir Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo), résolution 45/110 de l’Assemblée générale des Nations Unies, 14 décembre 1990, disponible sur : http://www2.ohchr.org/english/law/tokyorules.htm. 60. Voir la cinquième procédure de la résolution 1989/60 du Conseil économique et social des Nations Unies, Règles pour l’application effective des Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature : « Les États doivent prêter une attention particulière aux ressources nécessaires au bon fonctionnement du système judiciaire, notamment en nommant un nombre suffisant de juges compte tenu de la charge de travail, en mettant à la disposition des tribunaux le personnel de soutien et l’équipement nécessaire, et en offrant aux juges une sécurité personnelle, une rémunération et des émoluments appropriés. » 61. Le droit international coutumier évolue dans un sens tel que les affaires portées devant les tribunaux militaires sont de plus en plus considérées comme problématiques. 62. Ces domaines du droit comprennent de nombreux traités importants dont certains ont une portée régionale. Pour consulter la liste des traités applicables, visiter le site : http://www2.ohchr. org/english/law/. 63. Par exemple, le système de justice militaire de la RDC et le projet de loi congolais visant la mise en œuvre du Statut de Rome contiennent des dispositions qui prévoient qu’un responsable de 222 NOTES l’armée ou de la police ne peut être poursuivi que si le jury saisi de l’affaire comprend un officier de grade supérieur. Les hauts gradés bénéficient ainsi d’une immunité indirecte. Voir Witte, Putting Complementarity into Practice, pp. 20, 22. 64. Pour plus d’informations, voir l’encadré « Lutter contre l’obstruction politique », dans l’introduction de ce manuel. 65. La CPI ne peut être saisie que si les crimes présumés ont été commis après juillet 2002. 66. Pour plus d’informations sur ce sujet, veuillez consulter le chapitre « Protection et prise en charge des témoins ». 67. Entretien avec un ancien fonctionnaire des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens. Au Cambodge, avant l’établissement des CETC, une vaste documentation pertinente a été rassemblée et classée par le Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam). 68. Entretien avec Trudy Huskamp Peterson, archiviste agréé et président du Groupe de travail sur les droits de l’Homme du Conseil international des archives. Voir également : Trudy Huskamp Peterson, Archives against Amnesia, Politorbis, Dealing with the Past (Nr. 50), numéro 3/2010, disponible sur : http://www.eda.admin.ch/etc/medialib/downloads/edazen/doc/publi/publi2. Par.0099.File.tmp/Politorbis%2050%20-%20Dealing%20with%20the%20Past_3%20.pdf 69. Cette pratique est trop répandue. Au Timor oriental, les enquêteurs ont reçu des produits chimiques destinés à un laboratoire de toxicologie qui n’existait pas. Entretien avec Luis Fondebrider de l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale. 70. En Colombie, les enquêteurs avaient accumulé 40 000 déclarations manuscrites de victimes et de témoins avant qu’un effort ne soit fait pour les numériser et les organiser. Entretien avec un procureur international. 71. Les ordonnances de protection judiciaire délivrées par des tribunaux internationaux peuvent donner des orientations utiles sur la manière dont les procédures nationales peuvent être adaptées pour assurer la protection des témoins. 72. Ces formes de coopération sont prévues par l’article 93(10) du Statut de Rome. 73. Voir OTP Weekly Briefing #65, 23-29 novembre 2010, disponible sur : http://www.icc-cpi.int/ NR/rdonlyres/7105B39A-2F30-43FF-9222-D7349BF15502/282732/OTPWBENG.pdf. 74. Voir Witte, Putting Complementarity into Practice, p. 26. 75. Entretien avec John Ralston, directeur exécutif de l’IICI (Institute for International Criminal Investigations), enquêteur en chef de l’enquête sur le Darfour et ancien chef des enquêtes du TPIY. L’IICI a également organisé des formations destinées aux enquêteurs en Ouganda, au Rwanda et au Cambodge, ainsi que des formations régulières à La Haye qui ont attiré des enquêteurs venus du monde entier. 76. Entretiens avec John Ralston, IICI, et Alison Smith, NPWJ. 77. Les enquêtes criminelles nationales menées sur les violences post-électorales manquaient cruellement d’ambition mais un nouvel élan a été donné au lancement de poursuites nationales. Voir Witte : Putting Complementarity into Practice, pp. 83–114. 78. Entretien avec Alison Smith, NPWJ. Pour plus d’informations sur la Commission afghane indépendante des droits de l’homme, visiter le site www.aihrc.org.af. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 223 79. Voir Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo, août 2010, disponible sur : http://www.ohchr.org/Documents/Countries/ZR/DRC_MAPPING_REPORT_ FINAL_EN.pdf. 80. Entretiens avec John Ralston de l’IICI, qui siège également au conseil d’administration de Justice Rapid Response, et avec Alison Smith de No Peace Without Justice, qui a assuré le secrétariat provisoire de Justice Rapid Response. 81. Conformément à l’article 17 du Statut de Rome, la CPI n’a compétence que lorsque les États refusent ou sont incapable de mener de « véritables » enquêtes et poursuites sur des allégations de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Les gouvernements des États qui relèvent potentiellement de la compétence de la CPI et qui cherchent à échapper à toute responsabilité en faisant semblant de mener des enquêtes et d’engager des poursuites nationales peuvent se heurter à l’exigence prévoyant que leurs efforts soient « réels », mais ils peuvent tenter leur chance dans tous les cas, soit par ignorance, soit pour gagner du temps et pour trouver un motif vraisemblablement plausible à leur refus de coopérer avec la CPI. 82. Le gouvernement du Timor oriental a souvent manifesté un certain malaise face aux poursuites engagées contre les auteurs de crimes internationaux par le Groupe des crimes graves, puis a gracié certaines personnes qui avaient été condamnées. 83. Voir « African Union still wants Habre tried in Senegal, » Agence France Presse, 29 janvier 2011, et « Chad says it favours Habre extradition to Belgium, » Reuters, 22 juillet 2011. 84. Voir Recent Developments at the Extraordinary Chambers in the Courts of Cambodia: June 2011, Open Society Justice Initiative, disponible sur : http://www.soros.org/initiatives/justice/focus/international_justice/articles_publications/publications/cambodia-eccc-20110614. 85. Voir Witte, Putting Complementarity into Practice, pp. 83–114. 86. Les définitions des crimes internationaux peuvent éventuellement différer des descriptions présentées, en fonction de la manière dont le droit pénal international a été intégré dans l’État en question. 87. Pour consulter une étude approfondie sur la poursuite des « crimes commis dans des systèmes complexes », voir OHCHR, Instruments de l’État de droit dans les sociétés sortant d’un conflit, [ci-après dénommé : OHCHR, Instruments de l’État de droit dans les sociétés sortant d’un conflit] disponible sur : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/RuleoflawProsecutionsen.pdf, pp. 11–17. 88. Pour une étude approfondie des problèmes liés à la sélection des affaires pénales internationales, notamment la manière dont la sélection est gérée dans différentes juridictions, voir Morten Bergsmo (ed.), Criteria for Prioritizing and Selecting Core International Crimes Cases, International Peace Research Institute, 2009, disponible sur : http://www.prio.no/upload/FICHL/090326%20FICHL%20Publication%20Series%20 No.%204%20(2009)%20(criteria).pdf. 89. Pour plus d’informations sur la cartographie du conflit, voir OHCHR, Instruments de l’État de droit dans les sociétés sortant d’un conflit] disponible sur : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/RuleoflawProsecutionsen.pdf. 224 NOTES 90. Consulter le chapitre précédent sur la sensibilisation. 91. Pour plus d’informations, consultez « The International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia: Transitional Justice, the Transfer of Cases to National Courts, and Lessons for the ICC » de David Tolbert et Aleksander Kontic dans l’œuvre The Emerging Practice of the International Criminal Court, Brill N.V., 2009, éditée par Carsten Stahn et Goran Sluiter. 92. Entretien avec un enquêteur et procureur expérimenté dans le domaine des crimes de guerre internationaux. Les poursuites et procès dans le cadre de crimes internationaux en Irak ont présenté de graves lacunes, en partie dues au manque de formations disponibles. De nombreux donateurs ont eu peur d’offrir leur aide en raison des circonstances politiques très controversées qu’il y avait autour de l’occupation internationale de l’Irak et à cause de l’applicabilité de la peine de mort. Le problème de la jonction peut également susciter des inquiétudes. Le TPIR, contrairement au TPIY, a établi que la jonction risque de prolonger la durée des procès plutôt que de la réduire. Le fait de joindre des affaires par événements puis de les juger consécutivement peut également causer des problèmes. Par exemple, en Irak, Saddam Hussein a été jugé, condamné et pendu pour des crimes liés à une affaire jointe avant que des preuves ne puissent être examinées concernant les autres chefs d’accusation. 93. Entretien avec Caitlin Reiger, ICTJ. 94. Entretiens avec Caitlin Reiger et Michael Reed Hurtado qui travaillent à l’ICTJ. Pour plus de détails sur les procédures judiciaires en Argentine, consultez le rapport de Leonardo Filippini intitulé Criminal Prosecutions for Human Rights Violations in Argentina (ICTJ Briefing), publié en novembre 2009 et disponible à l’adresse internet suivante : http://www.ictj.org/static/Publications/ briefing_Argentina_prosecutions.pdf. 95. Pour plus d’informations, veuillez consulter la zone de texte « Lutter contre l’obstruction politique » figurant dans l’introduction. 96. Pour plus de détails, consultez le chapitre séparé sur la mise à disposition de personnel international. 97. Consultez le chapitre séparé sur la défense de la société civile et la surveillance des décisions judiciaires. 98. Cela représente un défi pour l’idée d’une chambre mixte en charge des crimes internationaux en RDC. Voir Witte, Putting Complementarity into Practice, p. 54. 99. Pour plus de détails, consultez le chapitre séparé sur le soutien par le biais de la mise à disposition de personnel international. 100. Les définitions des crimes internationaux peuvent éventuellement différer des descriptions présentées, en fonction de la manière dont le droit pénal international a été intégré dans l’État en question. 101. Consultez également le chapitre séparé sur la représentation des victimes. 102. Voir OHCHR, Instruments de l’État de droit dans les sociétés sortant d’un conflit, pp. 24–25. 103. Cela a constitué un problème dans le long procès de Slobodan Milosević au TPIY lorsque le président du tribunal Richard May est décédé. À la suite de cela, le TSSL a ajouté un juge suppléant à la cour pour le procès de Charles Taylor. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 225 104. La détention provisoire doit se limiter aux situations dans lesquelles il y a des motifs raisonnables de penser que l’individu a commis les infractions présumées et risque de s’enfuir, de commettre d’autres infractions graves ou d’interférer avec la procédure judiciaire. Voir Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo), résolution 45/110 de l’Assemblée générale des Nations Unies, Règles 5 et 6, 14 décembre 1990, disponible sur : http://www2.ohchr.org/english/law/tokyorules.htm. 105. Consultez le rapport de David Tolbert et Aleksandar Kontić intitulé Final Report of the International Criminal Law Services (ICLS) Experts on the Sustainable Transition of the Registry and International Donor Support to the Court of Bosnia and Herzegovina and the Prosecutor’s Office of Bosnia and Herzegovina in 2009, ICLS, publié le 15 décembre 2008 et disponible à l’adresse internet suivante : http://www.iclsfoundation.org/wp-content/uploads/2009/05/icls-bih-finalreportwebsitecorrected. pdf. 106. Pour plus d’informations, consultez le document RC/ST/CM/INF.2 issu de la Conférence de révision du Statut de Rome, Compilation par les points focaux d’exemples de projets visant à renforcer les juridictions nationales appelées à connaître de crimes visés dans le Statut de Rome, Exemple H, publié le 30 mai 2010 et disponible à l’adresse internet suivante : http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ RC2010/Stocktaking/RC-ST-CM-INF.2-FRA.pdf. 107. Cela peut paraître élémentaire mais sans ces connaissances, certains juges risquent de demander aux interprètes ce qu’a voulu dire un témoin ou risquent de les interrompre fréquemment, ce qui peut créer le chaos dans les procédures et les transcriptions. Ces problèmes ont été rencontrés au Timor oriental. Les juges doivent également s’assurer que les procureurs, les avocats de la défense et les témoins collaborent comme il se doit avec les interprètes judiciaires. 108. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Article 14(3)(d). 109. Entretien avec Caitlin Reiger, ICTJ. 110. Human Rights Watch, Judging Dujail: The First Trial before the Iraqi High Tribunal, novembre 2006, p. 20 et 21, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.hrw.org/sites/ default/files/reports/iraq1106webwcover.pdf. 111. Witte, Putting Complementarity into Practice, pp. 65–66. 112. Statut de Rome, article 55. 113. Ce qui suit est basé sur un rapport interne pour Open Society Justice Initiative d’octobre 2006. 114. Consultez le chapitre sur l’assistance via la mise à disposition de personnel international. 115. Au Rwanda, de nombreux témoins de la défense ont refusé de revenir dans le pays pour témoigner. La Chambre d’appel du TPIR a cité cela parmi ses raisons motivant le refus de transférer les affaires à la juridiction rwandaise. 116. Pour plus d’informations, consultez le chapitre séparé sur la sensibilisation. 117. Stjepan Gluščić, et al., Procedural protective measures for witnesses – Training manual for law-enforcement agencies and the judiciary, Conseil de l’Europe, 2006, p. 30, disponible (à l’achat) à l’adresse internet suivante : http://book.coe.int/EN/ficheouvrage.php?PAGEID=36&lang=EN&produit_aliasid=2130. 226 NOTES 118. Consultez l’Article 6(d) de la Déclaration des principes fondamentaux de justice pour les victimes de la criminalité et les victimes d’abus de pouvoir, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 40/34 du 29 novembre 1985, disponible à l’adresse internet suivante : http:// www2.ohchr.org/english/law/victims.htm. 119. Consultez les Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels, adoptées par le Conseil économique et social des Nations Unies dans sa résolution 2005/20 du 22 juillet 2005, disponible à l’adresse internet suivante : http:// www.un.org/docs/ecosoc/documents/2005/resolutions/Resolution%202005-20.pdf. Pour obtenir le modèle de loi quant à sa mise en œuvre développé par l’ONUDC et l’UNICEF, consultez http:// www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/Justice_in_matters...pdf. 120. Voir Witte : Putting Complementarity into Practice, pp. 96–103. 121. Consultez le communiqué de presse « Special Court Launches Witness Protection Training Programme » publié le 6 novembre 2009 et disponible à l’adresse internet suivante : http://www. sc-sl.org/LinkClick.aspx?fileticket=kJu0OgoLU2E%3d&tabid=214. Le Tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone disposera également d’un petit nombre d’employés qui s’occuperont des problèmes de protection des témoins une fois son mandat achevé. 122. OHCHR, Instruments de l’État de droit dans les sociétés sortant d’un conflit, pp. 18–19 123. Entretien avec deux anciens fonctionnaires des CETC. 124. Entretien avec Michael Reed Hurtado, ICTJ. 125. Voir Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Instruments de l’état de droit dans les sociétés sortant d’un conflit : Programmes de réparation, 2008, p. 5 à 8, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.unrol.org/files/ReparationsProgrammes[1].pdf. 126. UN Doc. E/CN.4/2005/102/Add 1, 8 février 2005, Report of the Independent Expert to Update the Set of Principles To Combat Impunity, Diane Orentlicher, disponible à l’adresse internet suivante : http://daccess-ods.un.org/TMP/7819111.34719849.html. 127. Résolution 60/147 de l’Assemblée générale du 16 décembre 2005, disponible à l’adresse internet suivante : http://www2.ohchr.org/english/law/remedy.htm. 128. Consultez http://www.trustfundforvictims.org/projects. 129. Open Society Justice Initiative, Recent Developments at the Extraordinary Chambers in the Courts of Cambodia : Version actualisée de décembre 2010, p. 16 à 17, disponible à l’adresse internet suivante : http://www.soros.org/initiatives/justice/focus/international_justice/articles_publications/ publications/cambodia-report-20101207/cambodia-khmer-rouge-report-20101207.pdf. 130. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Article 14(3)(f). 131. Entretien avec Caitlin Reiger, ICTJ. 132. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Article 14(1). 133. Informations tirées d’un rapport interne pour l’Open Society Justice Initiative depuis octobre 2006. 134. Entretiens avec les représentants de la CPI. 135. Voir les Principes de conduite du personnel de la cour, Rapport de la quatrième réunion du CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 227 groupe d’intégrité judiciaire, UNODC, Annexe A, pp. 18–21, disponibles sur http://www.unodc.org/ pdf/corruption/publication_jig4.pdf. 136. Pour les questions d’évaluation détaillées visant à savoir si l’introduction de systèmes de gestion de la cour automatisés aurait du sens, voir le Centre USAID pour la démocratie et la gouvernance, Case Tracking and Management Guide (série de publications techniques), septembre 2001, disponible sur : http://www.usaid.gov/our_work/democracy_and_governance/publications/ pdfs/pnacm001.pdf. 137. Sauf indication contraire, cette section est largement basée sur un entretien avec Trudy Peterson, archiviste agréé et président du Groupe de travail sur les droits de l’Homme du Conseil international des archives. 138. Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme, Report of the independent expert to update the Set of principles to combat impunity, Diane Orentlicher, Addendum: Updated Set of principles for the protection and promotion of human rights through action to combat impunity. E/CN.4/2005/102/Add.1, 8 février 2005, principes 2 et 5. 139. L’affaire de la Sierra Leone en est un exemple. Les procès du Tribunal spécial pour la Sierra Leone et, en particulier, le procès de l’ancien président de la république du Liberia, Charles Taylor, ont mis en lumière une quantité énorme d’informations non seulement sur l’implication du Liberia dans la Sierra Leone mais aussi sur la propre guerre civile du Liberia. 140. Pour plus d’informations sur le Centre de documentation du Cambodge, voir www.dccam. org. 141. Voir également le chapitre séparé sur l’infrastructure physique et l’équipement. 142. L’infrastructure des centres de détention et des prisons est évoquée dans le chapitre séparé sur l’infrastructure physique et l’équipement. 143. Voir Witte : Putting Complementarity into Practice, p.32. 144. Concernant le procès de l’ancien président de la république du Liberia, Charles Taylor, à La Haye, le TSSL a été en mesure de placer l’accusé en détention dans le même établissement néerlandais que celui utilisé à cette fin par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. 145. Robin Vincent, An Administrative Practices Manual for Internationally Assisted Criminal Justice Institutions, International Center for Transitional Justice, 2007, p. 70. 146. PIDCP, Article 7. 147. PIDCP, Article 10(1). 148. PIDCP, Article 10(2). 149. Une liste complète des normes est disponible sur : http://www2.ohchr.org/english/law/treatmentprisoners.htm. 150. Les problèmes de coordination au sein de la communauté internationale sont discutés séparément dans l’introduction de ce manuel. 151. Pour plus d’informations sur le SJMO, le GPD et leur gestion des questions en matière de justice transitionnelle, voir Witte : Putting Complementarity into Practice, pp. 76–80. Voir également Amanda Sserumaga, « Sector Wide Approaches in the Administration of Justice and Promoting the Rule of Law: The Uganda Experience », papier présenté lors du Séminaire sur l’État de droit de 228 NOTES l’Initiative européenne pour la démocratie et les droits de l’homme, juillet 2003, disponible sur : http://www.gsdrc.org/docs/open/SSAJ107.pdf. 152. Voir Mohamed Gibril Sesay et Mohamed Suma, Transitional Justice and DDR: The Case of Sierra Leone, juin 2009, pp. 26–27, disponible sur : http://www.ictj.org/static/Publications/Sesay_ Suma_SL_DDR_SierraLeoneFCS_2009.pdf. Pour plus d’informations sur le Centre for Accountability and Rule of Law, voir http://www.carl-sl.org. 153. Establishment of a Specialized Mixed Court for the Prosecution of Serious International Crimes: Common Position Resulting from the Workshop Held in Goma on April 6–8, 2011, 15 avril 2011, disponible sur : http://www.hrw.org/en/news/2011/04/15/dr-congo-establishment-specialized-mixed-court-prosecution-serious-international-cri. 154. Cela a été un problème au Timor oriental, lorsque l’USAID a fait don de caméras vidéo aux tribunaux mais que le personnel de la cour n’a reçu aucune formation. Des bandes non étiquetées sans aucune trace enregistrée des procédures se sont empilées dans les classeurs, ce qui a rendu au mieux les bandes difficiles à utiliser pour les appels ou à d’autres fins. Entretien avec Caitlin Reiger, ICTJ. CRIMES INTERNATIONAUX, JUSTICE LOCALE 229 Open Society Justice Initiative The Open Society Justice Initiative uses law to protect and empower people around the world. Through litigation, advocacy, research, and technical assistance, the Justice Initiative promotes human rights and builds legal capacity for open societies. We foster accountability for international crimes, combat racial discrimination and statelessness, support criminal justice reform, address abuses related to national security and counterterrorism, expand freedom of information and expression, and stem corruption linked to the exploitation of natural resources. Our staff are based in Abuja, Amsterdam, Bishkek, Brussels, Budapest, Freetown, The Hague, London, Mexico City, New York, Paris, Phnom Penh, Santo Domingo, and Washington, D.C. The Justice Initiative is governed by a Board composed of the following members: Aryeh Neier (Chair), Chaloka Beyani, Maja Daruwala, Asma Jahangir, Anthony Lester QC, Jenny S. Martinez, Juan E. Méndez, Wiktor Osiatyński, Herman Schwartz, Christopher E. Stone, Hon. Patricia M. Wald and Muthoni Wanyeki. The staff includes James A. Goldston, executive director; Robert O. Varenik, program director; Zaza Namoradze, Budapest office director; Kelly Askin, senior legal officer, international justice; David Berry, senior officer, communications; Sandra Coliver, senior legal officer, freedom of information and expression; Tracey Gurd, senior advocacy officer; Julia Harrington Reddy, senior legal officer, equality and citizenship; Ken Hurwitz, senior legal officer, anticorruption; Katy Mainelli, director of administration; Chidi Odinkalu, senior legal officer, Africa; Martin Schönteich, senior legal officer, national criminal justice; Amrit Singh, senior legal officer, national security and counterterrorism; and Rupert Skilbeck, litigation director. www.justiceinitiative.org Open Society Foundations The Open Society Foundations work to build vibrant and tolerant democracies whose governments are accountable to their citizens. Working with local communities in more than 70 countries, the Open Society Foundations support justice and human rights, freedom of expression, and access to public health and education. www.soros.org Pour les victimes de crimes internationaux – les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide – le meilleur espoir de justice peut se trouver localement, au niveau des juridictions nationales. Mais les systèmes de justice pénale nationaux ne veulent pas toujours et ne peuvent pas toujours se charger de cette tâche imposante. La communauté internationale s'engage de plus en plus à aider les E tats à cette fin. E tant donné que la communauté internationale relève les nombreux défis que cela comporte, il est nécessaire de donner des conseils sur la façon dont les décisionnaires, les bailleurs de fonds et les exécutants peuvent mieux soutenir les E tats qui cherchent à traduire en justice localement les auteurs de crimes internationaux. Ce manuel a été élaboré dans le cadre d'un effort constant visant à donner ces conseils. Il est conçu comme une aide pratique et un document de référence qui couvre des questions sur les politiques importantes pour les décisionnaires ainsi que les problèmes techniques rencontrés par les personnes chargées d'élaborer et d'exécuter les programmes de loi. En examinant les besoins, en évaluant les problèmes urgents et en donnant des exemples de réussites passées, International Crimes, Local Justice a pour but d'informer les décisionnaires, les bailleurs de fonds et les exécutants afin qu'ils aident les E tats à développer la volonté et la capacité de rendre justice aux victimes des pires crimes. ">

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