Glénat Les Trois Chablais Mode d'emploi
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LES TROIS CHABLAIS DU LÉMAN AUX ALPES RANDONNÉES DÉCOUVERTES ET CURIOSITÉS FRANCO-SUISSES VALAIS – VAUD – HAUTE-SAVOIE Avant-propos « Nous ne voyageons donc pas en courriers, mais en voyageurs. Nous ne songeons pas Les Alpes ont longtemps fait peur, car elles cumulaient dangers objectifs (fortes pentes, seulement aux deux termes mais à l’intervalle qui les sépare. Le voyage même est un avalanches…) et dangers subjectifs (monstres et légendes). Les traverser a longtemps été plaisir pour nous. Nous ne le faisons point tristement assis et comme emprisonnés dans considéré comme une épreuve. Cette image change à la fin du xviiie siècle : en plus d’un une petite cage bien fermée. … Nous ne nous ôtons ni le grand air ni la vue des objets qui important tournant esthétique, lorsque des scientifiques (notamment de Saussure) vont nous environnent, ni la commodité de les contempler à notre gré quand il nous plaît. … Je ne conçois qu’une manière de voyager plus agréable que d’aller à cheval ; c’est d’aller à pied. On part à son moment, on s’arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d’exercice qu’on veut. On observe tout le pays, on se détourne à droite, à gauche, on examine tout ce qui nous flatte, on s’arrête à tous les points de vue. … Je n’ai pas besoin de choisir des che- en montagne herboriser, étudier roches et faune, et faire diverses expériences. L’avancée du savoir fait reculer les monstres, les esthétiques du pittoresque et du sublime invitent à découvrir de nouveaux espaces. Tout est en place pour attirer les visiteurs dans les Alpes. Le voyage connaît une transformation tout aussi importante. Le Grand Tour, long mins tout faits, des routes commodes, je passe partout où un homme peut passer ; je vois voyage classique ayant pour but l’Italie, mue peu à peu. Raccourci, il découvre de nouvelles tout ce qu’un homme peut voir et ne dépendant que de moi-même je jouis de toute la destinations (dont les Alpes), et deviendra le tourisme au début du xixe siècle. Pour répondre liberté dont un homme peut jouir. » J.‑J. Rousseau, L’Émile, 1762. à ces nouvelles aspirations et décrire des cheminements neufs, on crée une nouvelle forme littéraire : les guides de voyage modernes. Ceux qui évoquent le(s) Chablais s’intitulent souvent Itinéraires de la Suisse ou Manuels du voyageur en Suisse, mais ils traitent d’un espace transnational : la Suisse et les Alpes. La Savoie et les Alpes italiennes y sont toujours présentes, car les Alpes ne s’arrêtent pas aux frontières, mais constituent un but de voyage unifié. Plus autonomes, les voyageurs ont en effet des besoins neufs. Des besoins en savoirs variés, tant historiques que géologiques ou anecdotiques ; des besoins culturels (on veut ressentir des vertiges esthétiques et physiques) ; et des besoins de repérage pratique (trouver la route, l’hôtel…). Les guides de voyage sont pensés comme des outils facilitant l’accès aux lieux et aux connaissances. Sans étonnement, on voit naître la vulgarisation scientifique dans les mêmes années. Ainsi, cet ouvrage consacré aux trois Chablais s’inscrit dans de multiples histoires : celles du voyage, des guides, de la connaissance des Alpes et d’une vulgarisation tant scientifique que culturelle. Lui aussi joue à « saute-frontières » entre les Chablais. Il se veut un facilitateur d’accès à la fois pratique, intellectuel et culturel. Il est interdisciplinaire, se nourrissant tant de géologie que d’histoire ou d’histoire de l’art. Contrairement à d’autres guides enfin, il invite – et ce n’est pas la moindre de ses qualités – à sortir des chemins par trop battus et à quitter la frénésie d’une vie courante qui porte bien son nom pour prendre du temps autrement. Photographies : Antoine Berger Dessin : Bernard Reymond Graphisme et cartographie : Bureau Pi-R-Carré Coordination éditoriale : Béatrice Méténier, explicit(e) Dr Ariane Devanthéry, historienne de la culture 3 S U I S S E L a c L é m a n L’Etivaz Meillerie Evian-les-Bains Les rives du Léman à la Belle Époque page 21 Villeneuve St-Gingolph V A U D Voyage touristique dans les Alpes ! page 33 Thonon-les-Bains Yvoire Glaciers disparus de la vallée du Rhône page 85 Les secrets de l’eau page 93 La Vernaz Hermance De vignobles en châteaux page 43 Du village à l’alpage page 111 V A L A I S Vouvry Bretaye Aigle Chapelle d’Abondance Le Jotty La ronde des fromages page 53 Abondance Bellevaux Des reliefs et des hommes page 121 Bex Les routes des abbayes page 65 St-Jeand’Aulps St-Maurice Val-d’Illiez H A U T E - S A V O I E Morzine F R A N C E 0 Derborence La montagne mystérieuse page 129 Monthey Les Crosets Champéry 5 km Voyage en eaux profondes page 101 Sur les pas des contrebandiers page 77 Les Trois Chablais du Léman aux Alpes Sommaire Propos introductifs À la découverte de l’art de vivre chablaisien 06 Histoire et patrimoine des Trois Chablais 08 Géologie des Préalpes chablaisiennes 12 La tradition du bien manger en Chablais 4 PAT R I M O I N E 14 Mode d’emploi de ce guide 16 Conseils aux randonneurs 18 Les itinéraires de découverte thématiques Saint-Maurice – Saint-Jean-d’Aulps – 5 jours Saint-Maurice – Abondance – 4 jours La route des abbayes 64 Yvoire – Villeneuve – 5 jours Les rives du Léman à la Belle Époque 20 Aigle – Villars – 4 jours Voyage touristique dans les Alpes ! Morzine – Champéry – 2 jours Sur les pas des contrebandiers 76 32 Hermance – Ripaille – 3 jours De vignobles en châteaux Villeneuve – Bex – 3 jours Glaciers disparus en vallée du Rhône 84 42 Abondance – L’Etivaz – 7 jours La ronde des fromages Évian-les-Bains – Meillerie – 3 jours Les secrets de l’eau 92 52 Saint-Maurice – Val d’Illiez – 4 jours Voyage en eaux profondes 100 TERROIR N AT U R E Tour des Cornettes de Bise – 4 jours Du village à l’alpage 110 Tour du mont Billiat – 3 jours Des reliefs et des hommes 120 Bex – Derborence – 3 jours La montagne mystérieuse 128 Lexique 138 Bibliographie 142 Les adresses indispensables 144 5 Propos introductif À la découverte de l’art de vivre chablaisien La découverte de notre « art de vivre », et je ne parle pas que du boire et manger, je Villeneuve. Plus à l’ouest, sur le coteau, s’étend l’appellation viticole du Crépy avec quelques l’ai chinée tel un Ramuz de circonstance. Aujourd’hui c’est un peu de cette quête que je belles maisons fortifiées comme à Marignan, berceau local de la culture de la vigne depuis retrouve avec ces douze itinéraires, habilement dessinés, qui nous emmènent sur les traces les moines de Filly. À souligner sur ce « Pays de la Côte », l’influence sarde au travers des de l’histoire du Chablais. lieux de culte. Ce Chablais, il vous faut le contempler depuis le lac pour en mesurer l’amplitude ; à En remontant la Dranse, c’est le pont du Diable qui intrigue avec ses fantastiques terre, tout sera différent. Déjà depuis la rive, on oublie souvent le « petit Lac » après Yvoire ; effets d’érosion, prétextes aux légendes. En suivant le Brevon, la vallée de Bellevaux revêt en haut, deux « gouilles » se dessinent : l’une jusqu’à l’avancée de Ripaille, dite le « grand un caractère particulier avec les us des moines de Vallon. En amont du Jotty, ce sont deux Lac » et l’autre, centrée sur Meillerie, dite le « haut Lac ». Si Thonon reste la capitale admi- Dranses pour deux vallées aux rites tous différents. L’influence de leurs abbayes respectives, nistrative, marquée par la présence de la dynastie savoyarde, elle a perdu de son aura avec Aulps et Abondance, et des ordres en place aura façonné jusqu’à l’architecture remar- l’habile commercialisation des eaux minérales et la renommée mondiale d’Évian. Meillerie, quable des fermes. On notera encore la différence avec la toute proche abbaye de Saint- elle, symbolise la tradition de la navigation dans ce site prisé autrefois des « Romantiques ». Maurice, si influente sur l’histoire de la Savoie. En amont du Vieux Rhône, c’est la cluse de Saint-Maurice qui ferme notre horizon ; Cette Grande Savoie, selon le discours établi, se serait estompée, faute de ressources faune, flore, maraîchage, richesse des sols, tout ici est un éclairage sur l’évolution géolo- naturelles à extraire de ses territoires ; elle en détient néanmoins et, abstraction faite des gique de notre site glaciaire. anecdotiques mines d’or, ce sont l’eau et l’or blanc et cette extraordinaire nature qui sont En prenant de la hauteur, les alpages fortement marqués par l’empreinte monacale aujourd’hui l’éternel trésor du Chablais. Le potentiel hydraulique, le terrain de jeu hivernal, nous offrent toutes les richesses de ce beau fruit qu’est le lait. Le « Fromage », inventé pour mais aussi source de vie et de bien-être avec le thermalisme, font partie d’un art de vivre conserver ce lait, s’est affirmé sur chaque site avec les échanges de « fruitiers » et leur propre apaisant. savoir-faire. Qu’il soit partagé au couteau ou cuisiné, le fromage reste un symbole de convivialité et un véritable lien en pays chablaisien. Tout semble calme en effet, ou plutôt le rythme est différent en remontant le Rhône. Le paysage ordonné y est sans doute pour beaucoup, comme le respect de la nature, celui des Ce lien entre les communautés est fort. De part et d’autre du pointillé, la vie « en haut » traditions et l’intégration harmonieuse du tourisme. Précurseurs en terme de réseau ferro- a toujours été rude et en conséquence, l’entraide toujours de mise, même quand le « fran- viaire, facilitant ainsi l’accès de la clientèle, les stations de ski ont su trouver chacune leur chissement » était prohibé. Aujourd’hui, il en est tout autre puisque les skieurs vont et vien- style et conserver leur authenticité. nent allègrement sur les pentes tantôt valaisannes tantôt savoyardes du domaine des Portes du Soleil. Sur ces versants abrupts qui plongent dans la vallée se dessinent des sentiers où, jadis, les marchandises circulaient à dos d’homme ou de mulet. Cheminement du bétail en transhumance, du colportage, des ballots de sel de Bex… Ces passages de cols font aujourd’hui la joie des « grands randonneurs ». Au terme de ces périples, vous découvrez qu’ici, comme ailleurs, les hommes ont convoqué leur imagination pour vivre au mieux avec la nature. Quel bonheur de recréer par l’imaginaire et par la transmission de la connaissance cette chaîne du labeur et des produits, d’y trouver l’harmonie et de comprendre pourquoi j’aime tant « vivre ici ». Je suis né des efforts de ces aïeuls, des « savoir-faire » et des coutumes qui enjambent allègrement le pointillé qui sépare des mêmes gens, qu’ils soient savoyards ou romands ! En revenant sur le bassin versant du Gavot, la conscience de la richesse naturelle qu’est l’eau échappe souvent aux autochtones, tant elle abonde en Chablais. En bas, à Meillerie, Claude Dubouloz les « Bacounis »* et les « Sans Souci »* auront au sortir des carrières, jusqu’à l’avènement du rail et du ciment, participé à l’édification des châteaux et de tous les bâtiments, de Genève à 6 7 Propos introductif Histoire et patrimoine des Trois Chablais Le Chablais aujourd’hui… Le nom Chablais fut utilisé pour la première fois en 826, par un voyageur nommé l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune à l’emplacement d’un sanctuaire plus ancien qui abri- Ratleicus. Celui-ci, après avoir passé Saint-Maurice, mentionne un lieu-dit « Caput laci », tait les restes de Maurice et de ses compagnons légionnaires. Le christianisme prend pied et qui en latin signifie « tête du lac ». l’abbaye de Saint-Maurice, la plus ancienne de Suisse, en est le témoignage. La région pas- Actuellement, le Chablais est divisé en trois territoires répartis sur deux pays : le sera successivement aux mains des Francs, des Lombards, puis du Royaume de Bourgogne. À la mort de Rudolphe III survenue en 1032, et avec lui du second royaume de Bourgogne, Chablais savoyard en France, le Chablais vaudois et le Chablais valaisan en Suisse. Le Chablais savoyard, aussi appelé Chablais haut-savoyard ou Chablais français, le Chablais est annexé au Saint-Empire romain germanique avant de devenir une posses- s’étend au nord-est du département de la Haute-Savoie, il est frontalier des cantons de sion du comte Humbert aux Blanches mains, fondateur de la Maison de Savoie. Durant Genève et du Valais. Il comprend 62 communes et couvre un territoire de 870 km . Entre cinq siècles, l’histoire du Chablais se confond avec celle de cette dynastie. 2 lac et montagnes, il se compose de trois entités géographiques bien distinctes : les rives du Le comte Amédée III de Savoie s’empare des provinces du Chablais, puis de la vallée Léman avec les cités de Thonon-les-Bains, Évian-les-Bains, Yvoire ; les plateaux et collines d’Aoste et s’octroie le titre de « duc de Chablais ». Il installe sa cour au château de Ripaille, verdoyants (Gavot, mont de Boisy, collines des Allinges) ; les montagnes du Haut Chablais et ouvre une période faste pour la région en particulier pour les villes de Thonon et d’Évian. structurées en trois vallées, Brevon, Aulps, Abondance et dominées par les Cornettes de En 1128, il agrandit son domaine en ajoutant à son gouvernement la région s’étendant de Bises, le mont de Granges et le roc d’Enfer. l’Arve jusqu’à la Dranse d’Abondance, formant ainsi le « Nouveau Chablais », dont Saint- Du côté suisse, le Chablais se situe à l’extrémité vaudoise et valaisanne du lac Léman, Maurice d’Agaune devint la capitale et un haut lieu de pèlerinage. Les princes de la Maison au début de la haute vallée du Rhône. Ce territoire d’environ 77 000 hectares est formé de 29 de Savoie séjournaient sur les lieux réclamant leur présence, notamment au château de communes sur 3 districts. C’est une région entourée par de nombreux sommets alpins dont Chillon, dans le pays de Vaud, et au château de Ripaille, près de Thonon. les fameuses Dents du Midi qui culminent à 3 257 m. Ses principales villes sont Monthey, En 1475, les Valaisans, suite à la victoire de la Planta, acquièrent une partie du « Vieux Aigle, Bex et Saint-Maurice. Le Rhône constitue une véritable artère qui traverse le Chablais Chablais ». Alors que Monthey et le Bas-Valais demeurent sous l’autorité de la Maison de et forme une frontière naturelle qui sépare les cantons du Valais sur la rive gauche, et de Savoie, les Bernois occupent l’année suivante le Chablais vaudois, qu’ils doivent rétrocéder Vaud sur la rive droite. à la Savoie en 1478, tout en conservant Aigle, Bex, Ollon et les Ormonts. En 1536, Genève, menacée par Charles II, sollicite le secours des Bernois qui envahis- Histoire des Trois Chablais… sent le Chablais jusqu’à la Dranse et déclarent la guerre au duc de Savoie. La région passe De tout temps, le Chablais apparaît comme une terre de passage. Les premiers habi- au protestantisme. Les troupes bernoises traversent le pays de Vaud sans rencontrer de tants s’y installèrent à l’époque préhistorique. À l’âge du fer, la région du Bas-Valais fut résistance et occupent tout le « Nouveau Chablais » jusqu’à Thonon en passant par Genève. occupée par l’une des quatre tribus celtes qui se partageaient alors le Valais : les Nantuates. Les Valaisans reçoivent mal cette nouvelle et craignent que Berne n’envahisse Monthey et Leur capitale était Massongex. Le territoire fut ensuite incorporé au sein de l’Empire romain la région lémanique de la Savoie. C’est pourquoi, ils décident d’occuper le territoire entre par l’empereur Auguste et était rattaché à la province de Rhétie-Vindélicie. La région pros- Saint-Maurice et Évian, qui restera catholique. père jusqu’au v siècle, lorsque les Barbares attaquent l’Empire romain en plein déclin et En 1553, Emmanuel-Phillibert de Savoie tente de récupérer les territoires perdus par que les Burgondes s’y installent. C’est en 515 que Sigismond, futur roi burgonde, fonde son père, mais ses anciens sujets du canton de Vaud ne désirent plus redevenir Savoyards e 8 9 et encore moins catholiques. Néanmoins, il recouvre la Savoie du Sud par le traité de Les temps modernes, de 1800 à nos jours, montrent une diversification liée au destin Cateau-Cambrésis (25 avril 1559), et le Chablais par les traités de Lausanne (30 octobre toujours plus dissocié du Chablais. Après l’ère révolutionnaire, les églises néoclassiques de 1564) et Thonon (1569). Le Valais restitue au duc de Savoie les gouvernements d’Évian et de Haute-Savoie attestent d’un renouveau religieux, alors que le Valais peine à se développer, Saint-Jean-d’Aulps, mais garde celui de Monthey jusqu’à Saint-Maurice. Berne restitue le et que le jeune canton de Vaud se cherche une identité neuve. Dès la seconde moitié du Chablais occidental (ou baillage de Thonon) avec le pays de Gex et Gaillard, mais conserve xixe siècle, ses possessions en territoire vaudois. Désormais le Chablais est politiquement et religieuse- constructions monumentales d’un caractère inédit : le thermalisme, le climatisme et le tou- ment séparé. Un traité, ratifié à Sion le 23 mars 1569 et à Chambéry le 4 avril, fixe définiti- risme transforment le paysage bâti par leurs créations monumentales, palaces et hôtels en vement la frontière des deux États à la Morge de Saint-Gingolph. tête. L’Art Nouveau en France, le « Heimatstil » en Suisse, trouvent là un domaine d’expres- la Savoie étant devenue française en 1860, de nouveaux facteurs suscitent des sion privilégié, dans un essor édilitaire auquel l’éclatement de la Première Guerre mondiale, Patrimoine artistique des Trois Chablais… L’intérêt culturel de cette région périphérique, sans véritable centre, résulte de la diversité des courants qui s’y rencontrent. D’une grande sobriété, le patrimoine architectural du en 1914, a porté un coup d’arrêt dont de nombreux lieux ne se sont jamais remis. Enfin, le xxe siècle, sans ouvrir la région à un modernisme d’avant-garde, voit différents courants dialoguer entre eux, en particulier dans le domaine religieux. Chablais reflète la nature de matériaux locaux qu’on a exploités depuis des temps immémoriaux. Quelques lieux symbolisent l’importance de la région dès le Haut Moyen Âge et Gaëtan Cassina, professeur honoraire d’histoire de l’art (Université de Lausanne) jusqu’au milieu du xve siècle : l’abbaye de Saint-Maurice et son trésor, les peintures murales J. Ticon, Président de l’Académie du Chablais (Thonon-les-Bains) de la chapelle des Allinges, les ruines de l’église de Saint-Jean-d’Aulps, le chœur de celle L. Sbriglione, conservatrice du Musée historique du Chablais (Vouvry) d’Abondance et son cloître aux peintures murales imprégnées de culture piémontaise, l’emblématique château de Chillon, ceux de Ripaille et d’Aigle. À partir du passage à la Réforme des territoires soumis à Berne (1528) et de l’appropriation par les Haut-Valaisans de la rive gauche du Rhône de Monthey à Saint-Gingolph (1536), les disparités confessionnelles marquent l’architecture, le décor et le mobilier des édifices religieux respectifs des Chablais savoyard et valaisan, demeurés catholiques, d’une part, et vaudois, de l’autre. C’est principalement à l’intérieur des bâtiments que s’exprime la richesse ornementale. Les temples protestants quant à eux se reconnaissent par leur austérité. Artistes et artisans lombards et piémontais exercent un quasi-monopole du xvie à la fin du xviiie siècle. Dans le registre profane, civil, le caractère des bâtiments demeure empreint, pour l’ensemble du Chablais, d’une simplicité anoblie par le recours à la pierre de taille pour les éléments architectoniques, que l’on se contente parfois de peindre en trompe-l’œil sur les façades. 10 11 Propos introductif La géologie des Préalpes chablaisiennes, une histoire d’île, de mer et d’océan L’histoire de la naissance des roches des Préalpes chablaisiennes est longue, complexe L’histoire du Jurassique, il y a 140 millions d’années, se termine par une longue mais captivante. Les paléogéographies successives « d’avant les Préalpes » nous racontent et grande inondation de l’île briançonnaise. Tous les passionnés d’escalade connaissent l’évolution d’une grande presqu’île appelée briançonnaise : attachée d’abord au sud de la bien ces grandes barres rocheuses gris clairs qui jalonnent de très nombreux sommets des plaque européenne, elle va s’en détacher, devenir une île, dériver pour venir finalement Préalpes : la dent d’Oche, les Cornettes de Bises, les rochers de Naye, les tours d’Aï, pour n’en s’encastrer sous la plaque africaine avant de devenir des montagnes. citer que quatre. Ce sont des calcaires durs et massifs, déposés lentement dans la Téthys Au début du Trias, il y a 240 millions d’années, la paléogéographie mondiale, dans ses qui avait complètement submergé la presqu’île briançonnaise il y a 140 millions d’années. grandes lignes, est pourtant moins compliquée qu’aujourd’hui. Un seul grand continent existe, la Pangée, entouré par un gigantesque océan nommé Panthalassa. Mais cette géo- Au cours du Crétacé, entre 130 et 65 millions d’années, l’île briançonnaise va graphie ne va pas durer, la Pangée va se briser pour donner naissance à un nouvel océan, suivre son propre chemin en se détachant nettement de la plaque européenne, et se mettre la Téthys, orienté est-ouest sous l’équateur. à dériver pour se rapprocher de l’Afrique. En conséquence, la largeur de la Téthys va cette Au début donc de cette histoire téthysienne, la mer est peu profonde et la chaleur éva- fois diminuer. Le climat est tropical, il fait encore plus chaud qu’au Jurassique. De grandes pore de grandes quantités d’eau ; résultats : beaucoup de sel et de gypse se déposent. Ces rivières boueuses et rougeâtres se jettent dans la mer en déposant des calcaires argi- derniers, blancs, tendres et solubles, vont donner des creux ou des plateaux criblés de trous, leux qui vont donner naissance aux Couches Rouges de la fin du Crétacé et du début du les dolines. Tertiaire. On peut les observer par exemple dans les gorges du Pont du Diable. Au cours du Jurassique, entre 200 et 135 millions d’années, la Téthys va s’agrandir et s’approfondir à coup de tremblements de terre, à la vitesse de quelques centimètres par an ; L’ère tertiaire, entre 40 et 20 millions d’années, va être le théâtre d’un lent mais mais en 60 millions d’années, cela va faire environ 3 000 km de large ! La presqu’île brian- profond bouleversement. L’encastrement puis le soulèvement de l’Europe sous l’Afrique, çonnaise est encore solidaire de la plaque européenne, mais sa bordure sud, limite instable avec entre les deux les sédiments de la mer Téthys, vont donner naissance aux Alpes. Les au nord de la Téthys, va s’écrouler dans la mer. Ces effondrements de falaises vont donner Préalpes sont donc le résultat d’une raclure marine et océanique coincée entre deux conti- des roches très typiques faites de blocs et gravillons de toute taille, cimentés par du cal- nents. Il faut au moins trois acteurs et beaucoup, beaucoup de temps pour former des caire : un béton naturel sous-marin de 160 millions d’années ! On rencontre « ces roches à montagnes ! débris d’autres roches » dans de nombreuses montagnes du Chablais comme le roc d’Enfer, le mont de Grange, les parois dominant le lac de Montriond et les falaises d’Avoriaz. D’autres sommets plus doux nous révèlent des roches encore plus extraordinaires : il Michel Marthaler Professeur de géologie (Université de Lausanne) s’agit de laves basaltiques sous-marines en forme de coussin et datant aussi de 160 millions d’années. On les rencontre dans la région du col des Gets. Ces roches témoignent cette fois du fond de l’océan téthysien disparu, une autre preuve que la matière première des Préalpes s’est formée sous la mer ! 12 13 Propos introductif La tradition du bien manger en Chablais, une vraie gastronomie de terroir Je range la “fondue savoyarde”, le “petit ramoneur” et “étoile des neiges” au placard état sauvage jalousement préservé. Le prince du Lac reste l’omble Chevalier avec l’inimi- des clichés ! Question patrimoine culinaire, la cour de Savoie utilisait la fourchette quand table finesse de sa chair ; la truite était déjà recensée dès le Moyen Âge dans le chasse- on mangeait encore avec les doigts chez le roi de France. Le homard est au menu à Ripaille marée pour Lyon, c’est à belle taille (3 à 4 kg) qu’elle offre une “mâche” juteuse à souhait ; dès le xiii siècle, tout comme les rôts piqués d’anchois ! e la féra est unique ! Ses arômes de noix fraîche et de fumée exhalent quand elle rissole ; ce Si les produits de luxe n’étaient pas le quotidien, le Chablaisien se nourrissait toute- corégone, comme les précédents salmonidés, sont pêchés de mi-janvier à mi-octobre. La fois de produits sains. Peu d’ouvrages regroupent des recettes mais, au bonheur du vieux perche, absente en mai, fait l’objet d’une vénération le reste de l’année. On pêche le bro- cahier calligraphié, à en pâlir, par une tante ou une grand-mère, on osera de surprenants chet, la lotte, la carpe, le gardon, plus rarement la brème et la tanche ; l’ablette et le goujon sucrés-salés, quelques gastrites dosées et, omniprésente, cette recherche de l’amer avec le ont pratiquement disparu des bords pour faire place aux écrevisses. rissolage. On grille souvent à la limite du “burn” avant de cuire ; les pâtes et le riz bien bru- Les épices sont très présentes dans la confection des plats, les saveurs d’Orient dans nis avant mouillement, les pommes de terre cuites à la peau (au barbot) avec évapora- des endroits aussi reculés sont l’écot versé par les marchands rejoignant à travers les Alpes tion complète et début de brûlé, les haricots fricassés et puis les liaisons avec le sang frais. les grandes foires d’Europe du Moyen Âge ; présentes aussi toutes les herbes sauvages. Le porc et sa tuerie restent une fête ; seuls les abats sont consommés frais, la corée en Toutes les variétés de champignons ; tous les petits fruits rouges sauvages ; les noix, les châ- atriaux*, le sang en boudin, la saigne en sauce « coffe* », une partie en longeoles* et sau- taignes… On retrouve les fruits rouges en culture mais également les cerises, les prunes, les cisses aux choux, pour le reste c’est le saloir, la tête qui passe en gelée, séchage et fumage pommes, les poires et le célèbre abricot du Valais. Mangés crus, ils sont aussi conservés au pour les pannes souvent roulées, les saucissons et les jambons. Sans oublier le saindoux sirop, en confiture, en boissons tels les cidres et les vins de fruits, en liqueurs et en alcools qui sert à frire, à conserver et que l’on trouve dans les pâtes à tarte pour les rendre friantes. distillés à la “machine à goutte”. Les chèvres élevées pour le lait finissent au sel puis bouillies ou en gelée ; les moutons élevés pour la laine subissent la même fin. Depuis peu on redécouvre la qualité gustative Et puis il y a la crème ! Ces éléments du lait, tout comme le beurre, trop souvent banalisés par la pasteurisation, pourront encore être appréciés dans des fermes d’alpage. de ces races “Valais” ou “Thônes et Marteau” qui offrent une chair ferme et goûteuse. Il en Pour les fromages, il est à retenir la touche unique de chaque estive. Amertume pour va de même pour les bovins, “Hérens” et “Abondance”, prisés pour leur qualité de boucherie. les uns, touche plus florale pour les autres, l’exemple à suivre aura été celui d’Etivaz qui, de Le gibier complète la gamme ; plus rare aujourd’hui, sa consommation reste une tradition par son strict cahier des charges, aura su le mieux garder son authenticité. La tomme est à l’automne : sanglier, cerf, chevreuil, lièvre, garenne et toute la “plume” jusqu’aux grives et différente du fromage, encore un autre monde, c’est elle qui nous manque le plus quand aux étourneaux pilleurs de vendange. nous sommes loin. La vigne, c’est surtout du blanc et l’originalité du cépage Chasselas. Plus vif côté savoyard, il prend le nom de Fendant en Valais. Le patrimoine culinaire des Trois Chablais est extrêmement riche, aussi bien divers d’un endroit à l’autre, aussi bien partageant une identité commune. D’une volonté de valo- Le maraîchage apporte des légumes au fil des saisons ; le plus remarquable étant riser ce vaste patrimoine de la part d’artisans du cru passionnés des saveurs, est née l’asso- le cardon, blanchi religieusement durant l’automne pour être servi, comme plat à part ciation Chablais Gourmands qui aujourd’hui vous invite à découvrir savoir-faire ancestral entière, lors des repas de fin d’année. ou fraîche innovation. Repas de fêtes où l’on trouve souvent le poisson ; apport en protéine des gens modestes 14 en d’autres temps, il est devenu un luxe. La qualité des poissons d’eau douce du Léman a Claude Dubouloz peu d’égale car cet immense réservoir n’a rien d’un fjord et confère à la faune lacustre un Auberge d’Anthy-sur-Léman et Beatrix Hurst, Chablais Gourmands 15 Informations pratiques Mode d’emploi de ce guide Un guide et un site Internet Les itinéraires : Durée – Difficultés – Étapes Toutes les informations utiles à votre randonnée pédestre se trouvent dans ce guide. Pour préparer votre sortie étape par étape, vous êtes invités à consulter le site internet : www.123chablais.com À l’exception de quelques étapes, les itinéraires ont été conçus pour permettre la vi‑ site de sites culturels et naturels durant la journée de randonnée. En moyenne, les temps de marche varient de 3 à 4 heures. Les durées qui figurent dans ce guide sont purement indicatives ; elles ne comprennent pas les temps de pause et dépendent évi‑ demment de la vitesse de marche. La progression a été estimée à 4 km/h et pondérée en fonction du dénivelé. Pour un pas rapide, il faudra compter 5 à 6 km/h ; pour un pas lent, de l’ordre de 3 km/h. Les étapes ont été définies en fonction de l’accès aux transports et aux services. Elles offrent en règle générale le gîte et le couvert. Les randonnées étant proposées sur plusieurs jours, il est conseillé de se rendre au point de départ en transports publics et d’y retourner par le même moyen. Certains re‑ tours au point de départ nécessitent toutefois de nombreux changements ou d’utiliser plusieurs moyens de transport. Toutes les informations détaillées concernant les horaires, les adresses d’héberge‑ ment, les restaurants, les musées et autres visites, sont recensés dans le site Internet www.123chablais.com Légende Itinéraire Alternative PAGE DU SITE À VENIR Point de départ Etape Texte Point d’intérêt thématique « nature » Texte Point d’intérêt thématique « pâtrimoine» Texte Point d’intérêt thématique « terroir » Légende cartographique Légende Itinéraire 16 Alternative Présence d’adhérant(s) « Chablais Gourmands » Point de départ Voie ferrée Etape Cours d’eau Texte Point d’intérêt thématique « nature » Voie de communication routière Texte Point d’intérêt thématique « pâtrimoine» Connexion aux transports publics Texte Point d’intérêt thématique « terroir » Présence d’adhérant(s) « Chablais Gourmands » 17 Itinéraire Alternative Informations pratiques Point de départ Conseils aux randonneurs Etape Balisage Texte Point d’intérêt thématique « nature » Texte Point d’intérêt thématique « pâtrimoine» Cartographie Le parcours des itinéraires se base en règle générale sur le balisage officiel mis en place Point d’intérêt Texte thématique « terroir » le randonneur suivra ce balisage. dans chaque région. Sauf mention contraire, Présence d’adhérant(s) Dans les cantons de Vaud et du Valais, le balisage est identique, de couleur jaune. « Chablais Gourmands » Il indique la direction, la ou les destinations, le temps de marche et parfois le lieu-dit et l’altitude. Ce balisage est parfois complété d’un carré vert indiquant le nom et le Voie ferrée numéro des itinéraires de randonnée nationaux et internationaux inscrits dans Suis‑ semobile. Cours d’eau En Haute-Savoie, vous rencontrerez un balisage beige, indiquant en vert et brun le lieu-dit, l’altitude, la direction les temps de routière marche jusqu’à la destination choisie. Voie de et communication Ce balisage principal est couplé avec trois types de signalétique inscrits sur des sup‑ ports naturels ou des poteaux : les itinéraires de Grande Randonnée (ex. : GR 5) rouge Connexion aux transports publics et blanc, les GR de Pays, rouge et jaune et les itinéraires pédestres jaunes. Par endroits, vous trouverez aussi un ancien type de balisage avec des symboles vous indiquant la direction à suivre. Balisage en Suisse Chemin de randonnée Balisage en France Chemin de randonnée de montagne Itinéraire pédestre G.R. G.R. de pays 18 Les cartes illustrées de ce guide sont schématiques et ont valeur d’information gé‑ nérale. Pour vos randonnées sur le terrain, il convient de vous référer aux cartes de randonnée officielles plus précises et plus détaillées (cartes de randonnées pédestres établies sur la base des données de l’IGN en France et de Swisstopo en Suisse) : IGN 3528 ET Morzine - Massif du Chablais - Les Portes du Soleil 1 h 25 000 IGN 3428 ET Thonon-Évian Le Léman 1 h 25 000 Carte Chablais vaudois AVTP - MPA Verlag 1 h 25 000 Carte Chablais valaisan - Entre Lac Léman et Dents du Midi - MPA Verlag 1 h 25 000 Carte Leysin - Les Mosses - AVTP - MPA Verlag 1 h 25 000 Les recommandations d’usage aux randonneurs Afin que vos randonnées se déroulent le plus agréablement possible, rappelez-vous les quelques conseils suivants : – renseignez-vous, avant le départ, sur les conditions météorologiques pour la durée du séjour et sur l’état de l’enneigement en début de saison ; – réservez vos hébergements ; – pour votre sécurité (et aussi pour partager les bons moments), évitez de randonner seul ; – équipez-vous bien. En montagne, de bonnes chaussures de randonnée à tige haute s’imposent. Le temps change vite : ayez toujours des vêtements chauds et imper‑ méables dans votre sac à dos. Une frontale et une couverture de survie pourront vous être utiles ; – pour chaque étape : emportez de l’eau, le casse-croûte, une trousse de secours de première urgence. La qualité de l’eau trouvée en chemin ne peut être garantie. Empor‑ tez des comprimés ou un filtre pour la rendre potable ; – emportez-la (ou les) carte(s) à jour, une boussole ; – lunettes, chapeau, crème solaire vous protégeront du soleil. En été, évitez de mar‑ cher aux heures les plus chaudes ; – ne surestimez pas vos capacités. Les étapes, conçues pour privilégier la découverte, sont en principe réalisables par tous. Calez votre rythme sur celui des plus lents : en‑ fants, personnes âgées ou non entraînées ; – respectez la nature : emportez vos déchets, n’effrayez pas les animaux et ne cueillez pas de fleurs ; – respectez les propriétés privées et les riverains : ne traversez pas les cours de ferme sans autorisation expresse, ne garez pas votre véhicule n’importe où et n’importe ­comment ; si vous ouvrez une barrière, refermez-la. 19 Yvoire – Villeneuve Les rives du Léman à la Belle Époque >> Au xixe siècle, la Riviera lémanique est l’une des villégiatures mondaines les plus en vue d’Europe. De demeures en châteaux, de port de pêche en station thermale, cette excursion pédestre ou lacustre propose de découvrir le Chablais sous l'angle de l’aristocratie de la Belle Époque. La Belle Époque s’étend de la fin de la Grande dépression, en 1896, jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Cette période de paix généralisée se caractérise par une forte crois‑ sance économique et la foi dans le progrès technique. Les rives lémaniques, qui ont de tout temps attiré l’Homme, n’échappent pas à cette conjoncture favorable. Le tourisme de luxe se développe intensément, notamment grâce à la proximité des Alpes, destination à la mode, en particulier pour la bourgeoi‑ sie anglaise. Le paysage riverain se voit complètement trans‑ formé par cette nouvelle dynamique que rien ne semble pouvoir arrêter. À la Belle Époque, de nombreuses villas de maître et des palaces sont construits, des châteaux médiévaux sont rachetés et rénovés par de riches familles et de nouvelles voies de com‑ munication, terrestres ou lacustres, voient le jour. Le patrimoine architectural garde la mémoire de cette expansion régionale et européenne. Le voyage dans le passé commence au bourg médié‑ val d’Yvoire et s’achève par la visite de Villeneuve, créée par la Maison de Savoie au xiiie siècle. Entre les deux, les vestiges de la Belle Époque jalonnent l’itinéraire : villas et châteaux, hôtels, thermes, mais aussi funiculaire, casinos, théâtres et embarca‑ dères… En effet, la navigation n’est pas en reste, les bateaux à vapeur deviennent à ce moment-là de véritables palaces flot‑ tants ! Certains, restaurés, circulent encore de nos jours. 21 L A V A U X R I V I E R A V A U D O I S E L a c L é m a n Station thermale Réserve naturelle du Delta de la Dranse Évian-les-Bains s e de tagn 8 m Mon ises 159 m Mé Funiculaire Hôtel de la Plage Mo nt 14 d’He 13 rm m on e Le Vio n D903 N5 Val d’Ab ondance H A U T E - S A V O I E 3 km Réserve des Grangettes Accès : Par la route ou le bateau depuis Nyon ou Thonon-les-Bains. Les parkings à Yvoire sont payants. Villeneuve ide Fro u a L’E Le Grammont 2172 m Lac de Taney Cornettes de Bise 2432 m V A L A I S e hôn Le R La P am phio t ulps e d’A Vallé ron Le Fo de nt Mo isy Bo don Le Re Domaine de Coudrée Gor D902 ges de l aD ran se Va llé ed uB rev on D26 1 orge La M Dent d’Oche 2221 m D25 St-Gingolph Hôtel Aiglon Hôtel du Parc Domaine de Rovorée Château de St-Gingolph N5 Thonon-les-Bains Cité médiévale Yvoire Meillerie Prieuré Domaine de Ripaille 0 Barque La Savoie IGN 3528 ET Morzine - Massif du Chablais - Les Portes du Soleil 1 : 25 000 IGN 3428 ET Thonon-Évian Le Léman 1 : 25 000 Carte Chablais valaisan - Entre Lac Léman et Dents du Midi - MPA Verlag 1 : 25 000 L’itinéraire, pas à pas Retour : Par le train jusqu’à Nyon puis le bateau Nyon-Yvoire. Suggestion : Tout ou partie de l’itinéraire peut se faire en bateau. Horaires auprès de la Compagnie Générale de Navigation (CGN). Cartes : IGN 3528 ET Morzine – Massif du Chablais – Les Portes du Soleil 1/25 000 IGN 3428 ET Thonon-Évian Le Léman 1/25 000 Carte Chablais valaisan – Entre Lac Léman et Dents du Midi – MPA Verlag 1/25 000 ITINÉRAIRE & Étapes : 1er jour Yvoire – Thonon-les-Bains Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 18 km 195 m 178 m 4 h 30 6 h 30 2 jour Thonon-les-Bains – Évian-les-Bains 27 km 666 m 715 m 3e jour Évian-les-bains – Meillerie 14,5 km 711 m 708 m 3 h 40 4e jour Meillerie – Saint-Gingolph 12 km 896 m 895 m 5 h 20 5e jour Saint-Gingolph – Villeneuve 13,5 km 223 m 224 m 3 h 30 e 22 Distance 1er jour : Yvoire – Thonon Sortir du bourg médiéval d’Yvoire en suivant la voie verte le long de la route départementale. Au bout de celle-ci, prendre à gauche le chemin conduisant au domaine de Rovorée. Visite recommandée des vestiges de ce site médiéval fortifié (compter 30 mn). Revenir à l’entrée principale de La Chataignière. Rejoindre et traverser la départementale D25. Emprunter le sentier traversant un cordon boisé sur environ 100 m puis partir à gauche sur route jusqu’aux Mottes. Suivre le balisage menant à Excenevex. Après avoir traversé la plage, poursuivre jusqu’à la Fattaz, traverser le Rau Vion et prendre à gauche en suivant le balisage jaune-rouge. Le chemin rejoint Excugefattaz et le domaine de Coudrée. Après le panneau Domaine de Guidou, prendre un sentier à droite avant le panneau marquant l’entrée au domaine de Coudrée. Longer le domaine et suivre le parcours balisé en direction du bois de Buis. Traverser le bois et atteindre les rives du lac au port de Sciez. Suivre la route jusqu’au port de Séchex. Après le débarcadère, continuer en longeant la rive jusqu’à la plage 23 d’Anthy-les-Bains. Continuer en longeant la rive du lac jusqu’à port Chantrel et prendre la route menant à Corzent. Laisser la première route vers Thonon-les-Bains sur la gauche, poursuivre la montée dans Corzent en passant devant une chapelle à gauche pour emprunter la route du haut vers Thonon-les Bains, que l’on suit jusqu’au centre. 2e jour : Thonon – Évian Du centre ville de Thonon-les-Bains, descendre vers les rives du lac et le débarcadère, (possibilité d’emprunter le funiculaire). Longer ensuite le port de Rives, puis suivre le quai en direction du château de Ripaille. Avant celui-ci, prendre à gauche. Suivre le balisage du GR de pays Littoral du Léman jusqu’au parc de la Châtaigneraie-Saint Disdille. Remonter ensuite sur Vongy toujours en suivant le balisage. Franchir la Dranse par le pont de Dranse, puis prendre à droite sous la nationale N5. En suivant le balisage, contourner Marinel par la droite, passer à Fontanex, continuer sur la droite vers Cutlaz, longer la forêt en montant vers les Roinsettes et rejoindre la route asphaltée peu avant les Ecuries de Gavot. Laisser les Ecuries à droite et prendre le chemin rejoignant Champanges en contournant le Fond des Prés, toujours en suivant le balisage. Traverser Champanges en prenant la direction de Saint-Martin. Arrivé à Larringes, longer la rue centrale jusqu’à la sortie du village ; prendre à gauche la route menant au château. À hauteur de ce dernier, prendre le chemin menant à Chez Crosson. Après 24 l’église, prendre à droite, traverser la forêt et suivre le chemin jusqu’à Chez les Laurents. Descendre vers Évian-les-Bains par le chemin menant à Pierre Grosse – du nom d’un bloc erratique – puis Chez Potruz à travers le parc de Neuvecelle. Chez Rebet, prendre à droite le chemin et poursuivre la descente en suivant le balisage. À la Verniaz, prendre à gauche, puis à droite pour longer le funiculaire jusqu’à la gare d’Évian-les-Bains. 3e jour : Évian – Meillerie Du centre d’Évian-les Bains, rejoindre la gare et prendre la route longeant le funiculaire, en suivant le balisage du GR de Pays littoral du Léman. Monter par la Verniaz jusqu’à Chez Rebet. Suivre le chemin emprunté la veille à flanc de coteau, vers le parc de Neuvecelle, le traverser, franchir la départementale D24, passer au-dessus de Montigny, puis à Curtenay et suivre le chemin vers Presles puis Chez les Servoz. Traverser la départementale D321 et rejoindre Véron. Prendre à droite le chemin menant aux Combes et continuer à flanc de coteau par la Grande Côte jusqu’aux Chaufours. Passer au Cotelet pour rejoindre Meillerie et son prieuré. 4e jour : Meillerie – SaintGingolph Prendre le chemin des Bacounis en longeant les rives du lac jusqu’à Locum. Monter aux Plantés ; prendre le chemin à flanc de coteau pour traverser le torrent du Locum et descendre en direction des Noirettes. Poursuivre jusqu’à Chez Monnet et gravir la pente pour le Plan de Bret. Suivre le chemin en forêt, à flanc de coteau, traverser le ruisseau de la Chéniaz, puis dans la forêt de Sous Blanchard, descendre vers Saint-Gingolph. Au-dessus de Séchaud, contourner le lacet de la route de Novel et prendre en contrebas la route de la carrière de la Chéniaz pour aboutir à Grand Champ, au sommet du village de Saint-Gingolph France. Rejoindre ensuite la rive du Léman en passant devant le château qui abrite le musée des barques et traditions du Léman, franchir la Morge qui fait office de frontière au centre du village. 5e jour : Saint-Gingolph – Villeneuve Le chemin de Saint-Gingolph au Bouveret se parcourt dans le versant au-dessus de la route principale. Suivre le balisage en direction du Bouveret. Rejondre tout d’abord Le Cheney, après avoir traversé le route et le chemin de fer. Laisser la route asphaltée sur sa droite et prendre le chemin pédestre. Au Chéney, suivre la route jusqu’à Vignolles. Prendre le chemin pédestre au-dessus de la route et le suivre jusqu’à Grande Forêt. Dans le virage de la route asphaltée, prendre le chemin pédestre menant à flanc de coteau jusqu’à La Fremy, Les Esserts. Descendre en pente douce jusqu’au Plan du Baril puis retrouver la route principale peu avant d’entrer au Bouveret. Traverser la route et la ligne du Tonkin pour suivre les rives du lac jusqu’à la gare du Bouveret. De la gare, longer le port et rejoindre les rives du Rhône, traverser tout d’abord le canal Stockalper*, construit au xviie siècle pour transporter le sel. Longer le camping puis la zone résidentielle pour remonter ensuite le cours du Rhône jusqu’à la passerelle des Grangettes. L’environnement change en atteignant la rive droite, traverser la forêt du Vieux-Rhône, ancien cours du fleuve, passer à Chaux Rossa, puis longer deux petits lacs. Franchir ensuite le Grand Canal et le suivre jusqu’à son embouchure dans le lac Léman aux Grangettes. Longer ensuite la rive, passer le domaine des Grangettes, et toujours le long de la rive, atteindre Villeneuve après avoir traverser l’Eau Froide. Longer la rivière et le camping pour aboutir sur les quais de Villeneuve. Suggestion : La totalité du parcours peut s’effectuer en empruntant les bateaux de la CGN. Ce mode de transport permet de découvrir les rives du lac et leur patrimoine tout en profitant du voyage, avec des arrêts possibles à Excenevex, Sciez et Séchex entre Yvoire et Thonon-les-Bains. Il en est de même pour rallier Thonon-les-Bains à Évian-les-Bains. Pour poursuivre le parcours en bateau jusqu’à Villeneuve et Saint-Gingolph, il faudra traverser le lac depuis Évian-les-Bains, pour rejoindre la rive suisse à Lausanne. Il faudra alors emprunter le bateau qui longe le Lavaux, vignoble en terrasses nouvellement inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, puis la Riviera vaudoise, Villeneuve et enfin Saint-Gingolph. Les destinations, les traversées et horaires de la CGN varient au cours de l’année. Se renseigner après de la CGN ou des offices de tourisme lémaniques. 25 Le lac Léman abrite aujourd’hui une trentaine d’espèces de poissons, dont l’emblématique perche qui se déguste en filets. La population de féra*, pratiquement exterminée par la surpêche, s’est reconstituée grâce à l’introduction d’alevins provenant du lac de Neuchâtel. La recette de la féra du Léman est simple à réaliser. Préchauffer le four à 250 degrés. Déposer une féra de 700 g salée et poivrée dans un plat à gratin préalablement beurré. Saupoudrer le poisson de farine avant de déposer quelques noix de beurre. Hacher grossièrement un oignon et en parsemer le plat en ajoutant 4 cuillères à soupe de tomates concassées. Arroser avec du vin blanc de Crépy jusqu’à mi-hauteur. Porter à ébullition et laisser au four pendant 20 minutes. Arroser régulièrement. À mi-cuisson, ajouter 4 cuillères à soupe de crème fraîche. Laisser gratiner avant de déguster. Régal assuré ! Les découvertes, chemin faisant Préambule médiéval à Yvoire Convertie au début du xive siècle en bourg fortifié par le comte de Savoie, Amédée V, la cité d’Yvoire est stratégiquement située entre le Petit et le Grand lac Léman. Son château et ses fortifications étaient déjà visités à la Belle Époque. De nos jours, classé au rang des plus beaux villages de France, Yvoire accueille chaque année environ un million de visiteurs ! Pour compléter la découverte : La Maison de l’Histoire et le Jardin des Cinq sens, d’inspiration médiévale. Les palaces des années vingt L’après Première Guerre mondiale fut une période faste pour le tourisme savoyard. À l’image de l’hôtel de la Plage à Excenevex, toujours en activité de nos jours, les établissements de grand standing étaient pris d’assaut. Mais l’affluence n’était pas celle que l’on connaît aujourd’hui. Les bords du lac n’étaient alors qu’une immense roselière, jalonnée de « trous d’eau », de l’embouchure du Vion, jusqu’à l’hôtel de la Plage, et même au-delà. Ce paradis sauvage pour les canards, grèbes et autres foulques était un véritable vivier pour la pêche. Au fil du temps, une nouvelle clien‑ tèle est apparue, sensible aux vertus de la baignade dans les eaux vivifiantes du lac, une pratique jusqu’alors peu prisée par les touristes mondains. Elle a pris d’assaut la plage d’Excenevex, unique plage naturelle de sable fin des rives du Léman. Les belles demeures et l’Art Nouveau Construites par de riches familles de banquiers ou de soyeux lyonnais et genevois, les demeures, telles Rovorée ou la Châtaignière, sont représenta‑ tives d’un style éclectique. La tendance architecturale de la Belle Époque, l’Art Nouveau*, se caractérise par son emprise. La structure des bâtiments comme les éléments décoratifs et le mobilier, tirent parti des nouvelles possibilités techniques. Les créateurs de cette génération travaillent le verre, le fer, le béton, et les matériaux issus de la production industrielle. Inspirées de la nature, les formes sont sinueuses, les arabesques florales, les courbes végétales. Enfin, cette architecture éclectique mélange fré‑ quemment différents styles : le néo-classique cohabite avec le byzantin, le néo-gothique, le florentin, etc. 3 Entré dans le domaine public en 1974, le domaine de Rovorée-La Châtaignière est classé au rang des Espaces Naturels Sensibles. Il abrite une forêt de châtaigniers séculaires, des grottes à tufs* et des vestiges médiévaux sur les rives du lac. Le port d’Yvoire. 4 3 L’hôtel du Parc, situé au numéro 16 du boulevard de la Corniche, à Thononles-Bains, faisait jadis partie du prestigieux complexe thermal. Il est désormais composé de résidences de tourisme. Des châteaux remaniés De beaux châteaux du Moyen Âge connaissent un nouveau destin à la Belle Époque. Rachetés par de riches industriels, ils sont revisités et to‑ talement remaniés intérieurement, avec une autre perception de la mo‑ dernité et du confort. Le château de Coudrée, datant de 1245, devient propriété de la famille Bartholoni, alors que celui de Ripaille, construit au xve siècle par Amédée VIII, premier duc de Savoie, est acquis par la famille Engel Gros. 7 Le château de Ripaille, idéalement situé en bordure du lac Léman, ouvre ses portes de février à octobre. Ses trésors de l’Art Nouveau peuvent se découvrir en compagnie de guides. 26 27 Un funiculaire pour les « baigneurs » de Thonon-les-Bains d’aménagement est lancé : un établissement thermal est construit, des palaces luxueux et des villas somptueuses voient le jour. Les distractions ne sont pas en reste. Pour satisfaire cette clientèle huppée, les divertis‑ sements se succèdent : concerts et spectacles, jeux de table, fêtes nau‑ tiques, feux d’artifice… Le Royal Golf Club est inauguré en 1904 ; l’hôtel Royal, considéré alors comme le plus bel hôtel d’Europe, ouvrira ses portes cinq ans plus tard. Son architecte, Jean-Albert Hébrard, est l’auteur d’un autre chef-d’œuvre de l’Art Nouveau, la buvette de la source Cachat (1903), ainsi que du nouveau Casino (1912). La grande époque d’Évianles-Bains durera jusqu’aux années trente. On y croisera des personnalités célèbres de la politique et des arts parmi lesquelles Marcel Proust, Anna de Noailles, Maurice Barrès, Frédéric Mistral ou encore Jean Cocteau. Les traces de la Belle Époque sont nombreuses dans la capitale historique du Chablais français : l’hôtel du Parc et celui des Bains, les villas Norris (1900) et Livraghi (1902) signées par l’architecte thononais Louis Moynat, ainsi que le casino ou l’ancien embarcadère du port de Rives. La clien‑ tèle thermale constituait alors une manne touristique qu’il convenait de choyer. Même si la pratique de la marche était déjà recommandée par les instances médicales et thermales, les curistes fortunés, appelés « bai‑ gneurs », réclamèrent un moyen de locomotion jusqu’à la promenade du port. C’est ainsi, qu’en 1888, fut construit le funiculaire de Thonon-les-Bains qui fonctionnait alors grâce à un système propulsé par eau. Équipé de ca‑ bines de première et deuxième classe, il n’était néanmoins pas réservé aux curistes. En effet, le funiculaire servait aussi à acheminer, jusqu’au centre de la ville, les marchandises arrivées par bateau et débarquées au port. La naissance d’Évian-les-Bains, station mondaine La station thermale ne prend son véritable essor que sous le Second Em‑ pire, après le rattachement de la Savoie à la France en 1860. C’est avec la création du port et l’aménagement du quai, puis la construction de la gare, que la ville deviendra un lieu de villégiature à la mode, prisée par une clientèle aristocratique et internationale. Au tournant du siècle, sous l’impulsion de la Société des eaux d’Évian, un vaste programme Le palais Lumière : Évian est rebaptisée Évian-les-Bains en 1864. 4 La Savoie est un objet patrimonial de très grande valeur pour le Chablais. Dans les années trente, une centaine de barques à voile latine de ce type naviguaient encore sur le lac Léman. Leur développement est lié à celui des carrières de Meillerie : elles servaient à acheminer les pierres nécessaires à l’aménagement et l’embellissement des grandes villes du lac. La Savoie est le seul vestige de cette très longue période. Elle représente un conservatoire des savoir-faire, en matière de menuiserie et de charpente, de techniques de manœuvre et de gréement ainsi que de navigation. Gérée et entretenue par des bénévoles de l’association Mémoire du Léman, la barque est basée à Évian-les-Bains. Il est possible de naviguer à son bord pour un voyage sur le lac et… dans le temps. La navigation sur le Léman, « océan de poche » La situation privilégiée du Léman, au débouché des vallées alpines, en a fait un axe majeur du trafic commercial, attirant les hommes sur ses rives dès la Préhistoire. L’histoire de la navigation sur le lac a plus de 2000 ans. Elle a vu se succéder des périodes fastes et d’autres plus sombres. Les Ro‑ mains l’avaient déjà largement développée en construisant de nombreux ports (Nyon, Vidy, Villeneuve, Thonon-les-Bains et Genève). Le commerce lacustre atteint son apogée à la fin du Moyen Âge, lorsque l’essentiel des marchandises d’Orient transitent par les cols alpins. Les barques du Léman sont des navires de charge de 30 mètres de long surmontés de voiles latines. Issues des galères imaginées par les Gênois pour la flotte des comtes de Savoie, elles transportaient des marchandises diverses : du sel, du bois et des pierres. Leur ancêtre est la « cochère », bâtie sur le mo‑ dèle des embarcations gallo-romaines, sans quille mais munie de voiles. La dernière disparut du Léman en 1915. En 2000, à l’initiative de l’Asso‑ ciation de la Cochère, un spécimen parfaitement conforme aux modèles 28 29 Le château de Saint-Gingolph abrite aujourd’hui le Musée des traditions et des barques du Léman, car c’est dans cette commune que se trouvait le principal chantier naval des barques du lac. Ce musée retrace l’histoire de la navigation lémanique et présente des objets et des documents ayant trait aux cochères ainsi qu’aux anciennes barques de charge. Il évoque également la vie et les activités qui se sont développées autour de la navigation. De nombreuses maquettes illustrent d’ailleurs la diversité des barques qui peuplaient le Léman entre le xve et le xxe siècles. d’antan fut construit et lancé sur le lac. Le sel a longtemps voyagé sur les célèbres « bacounis », les barques à fond plat et grande voile. Celles-ci suivaient un chemin de halage le long du lac. Si les barques ont disparu, le terme de « bacounis » a survécu. Les personnes âgées appellent encore ainsi les chalands d’aujourd’hui qui accostent dans le « Go », le dernier port marchand du Léman au Bouveret. Ces bâteaux rouges, à l’emblème de la Suisse, draguent le lac et transportent principalement du sable et du gravier. Qualifié « d’océan de poche », « de mer intérieure », ou familièrement « de gouille », le Léman a vu arriver en mai 1823, le Guillaume Tell, premier bateau à roues ayant une vocation touristique et doté d’un restaurant. Il fallait alors compter six heures de navigation pour rallier Genève depuis Lausanne ! Aujourd’hui, les rives lémaniques sont desservies par la CGN (Compagnie générale de navigation sur le lac Léman). Figure légendaire du patrimoine lémanique, la CGN naît en 1873 et débute avec huit ba‑ teaux qui assurent le transport des voyageurs. La Belle Époque marque son apogée, mais cette période de prospérité touchera à sa fin avec le conflit mondial. Dans les années cinquante, au sortir de la guerre, la com‑ pagnie en profite pour remplacer ses bateaux à vapeur par des installa‑ tions électromécaniques. Les services reprennent alors de l’ampleur. 4 30 La réserve des Grangettes offre une véritable mosaïque de milieux naturels. Son intérêt écologique réside en effet dans l’incroyable diversité des biotopes qui s’y entremêlent : roselière lacustre préservée, forêts, zones humides et marécageuses… Vital pour de nombreuses espèces, ce lieu héberge une faune et une flore d’une extraordinaire richesse. C’est l’habitat unique de deux espèces de rousserolles, un lieu de frai de nombreux poissons et batraciens. On y recense des sangliers, des castors, des cormorans, les célèbres martins-pêcheurs ainsi que des stations d’iris et d’orchidées. En 1971, le site est classé zone humide d’importance internationale, et en 1990, il est inscrit à l’inventaire des zones humides d’importance nationale. Aigle – Villars Voyage touristique dans les Alpes ! Grande image : affiche d’époque de Villars (à venir) >> Pastoralisme et tourisme ont marqué le paysage chablaisien depuis des décennies. Tout comme les visiteurs des xviiie et xixe siècles, c’est une nature spectaculaire qui attend le randonneur du troisième millénaire. Les Alpes vaudoises, d’Aigle à Villars, présentent toutes les facettes du tourisme décrit par les premiers voyageurs. Si la vie pastorale y tient une place fondamentale, chemins de fer, hôtels historiques et infrastructures modernes ont généré un afflux de visiteurs. Grâce à eux, les passants se sont faits résidents pour plusieurs semaines. Né au début du xixe siècle, le tourisme est un type de voyage particulier. D’abord pratiqué en diligence sur les grands axes, en chars à bancs, à dos de mulet ou à pied, il profite du dévelop‑ pement rapide du chemin de fer et de la navigation à vapeur. Au milieu du xixe siècle, les vallées latérales des Alpes, restées longtemps autarciques, offrent aux touristes de nouvelles desti‑ nations. Les anciens chemins muletiers sont de plus en plus fré‑ quentés. Alors qu’en vallée du Rhône la ligne de chemin de fer atteint Aigle, on bâtit les premières routes pour rejoindre les sta‑ tions des Alpes vaudoises : Le Sépey dès 1839-1840, Gryon à la fin des années 1850, Les Diablerets dès 1871 et Leysin en 1875. La fin du siècle marque l’arrivée des chemins de fer de mon‑ tagne. La région peut se targuer de posséder encore trois lignes historiques : la ligne Aigle-Leysin depuis 1900, celle reliant Aigle aux Diablerets depuis 1914, et le Bex-Villars-Bretaye. À la même époque, Aigle est relié au Valais et au Val d’Illiez par l’AOMC, Aigle-Ollon-Monthey-Champéry. La Belle Époque, période de grande confiance dans le pro‑ grès et d’une belle insouciance, voit l’apogée de ce voyage bourgeois. 33 V A U D Mont d’Or 2175 m ve l ’Ar td on M au L’E ide Fro L’itinéraire, pas à pas Chemin historique pavé Tour d’Aï 2331 m La Gr an de Ea u Le Sépey Station climatérique Leysin La Para 2540 m Pic Chaussy 2351 m Les Diablerets Musée des Ormonts Tête de Meilleret 1938 m Le Chamossaire 2112 m CFF AL Château Pyramides de gypse Col de la Croix ASD Aigle lerets Les Diab A9 Villarssur-Ollon AOMC e hôn Le R 0 1 BVB e nn ryo G La 3 km çon an ’L Av e tin n rge L’A Carte de randonnée : Chablais vaudois AVTP - MPA Verlag 1 : 25 000 Leysin - Les Mosses - AVTP - MPA Verlag 1 : 25 000 Accès : Par les lignes de train CFF Lausanne-Simplon et Aigle-Ollon-Monthey-Champéry. Possibilité de parking à Aigle (payant). Retour : Par la ligne du Bex-Villars-Bretaye avec correspondance sur la ligne Lausanne-Simplon à Bex. Cartes : Carte Chablais vaudois AVTP – MPA Verlag 1/25 000 Carte Leysin – Les Mosses – AVTP – MPA Verlag 1/25 000 ITINÉRAIRE & Étapes : 1er jour Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 6 km 890 m 23 m 2 h 50 1 jour Aigle – Leysin (par Veyges) 7 km 913 m 36 m 3 h 00 2e jour Leysin – Le Sépey 9 km 303 m 612 m 2 h 30 2 jour Leysin – Le Sépey (par la télécabine de La Berneuse) 11 km 260 m 1 316 m 3 h 20 3 jour Le Sépey – Les Diablerets 10,5 km 545 m 362 m 3 h 00 4e jour Les Diablerets – Villars/Bretaye 11 km 820 m 181 m 4 h 05 er e e 34 Aigle – Leysin (par Ponty) Distance 1er jour : Aigle – Leysin Quitter le centre-ville d’Aigle et rejoindre le hameau de la Fontaine sur l’autre rive de la Grande Eau. Gravir la pente dans les vignes le long du chemin de fer Aigle-Leysin jusqu’à Fontaney. À la sortie du hameau, deux possibilités permettent de rejoindre Leysin. La première par Drapel et Veyges sur une pente plus forte mais offrant une vue sur la vallée du Rhône ; l’autre en longeant le coteau sous la ligne de chemin de fer par Ponty et Les Bans. Les deux se rejoignent au centre de Leysin. Les deux parcours sont balisés. 2e jour : Leysin – Le Sépey Du centre de Leysin, rejoindre le sommet du village et suivre le balisage en direction du Cerf par Essert d’Amont, Tresseleire et Vers Bas. Du Cerf, redescendre vers Solepra par Choulet et rejoindre le Sépey le long de l’ancien chemin entièrement pavé par La Perrause. Alternative par la télécabine De Leysin, prendre la télécabine de la Berneuse pour gagner les hauts de la station. Du sommet, prendre le chemin menant à Mayen par le lac d’Aï, puis rejoindre Dessus Corbex pour passer au pied de la tour de Famelon en restant sur le versant sudest. Parvenir à la pierre du Moëllé. De là, rejoindre Audon puis Solepra pour retrouver le chemin historique pavé conduisant au Sépey. 3e jour : Le Sépey – Les Diablerets Du Sépey, descendre vers les Planches et prendre le chemin montant à la Forclaz par La Gouflanèche. Traverser le village au bâti traditionnel et suivre la route menant à Vers L’Église par Les Aviolats. Longer la ligne de chemin de fer jusqu’à Vers l’Église, où se visite le musée des Ormonts, traverser la ligne de l’ASD et monter jusqu’à la route cantonale. La traverser, passer devant l’imposant collège des Jeans et rejoindre à l’arrière le chemin qui mène aux Diablerets et qui surplombe la route cantonale le long du coteau de la chaîne de Chaussy. 4e jour : Les Diablerets – Villars/Bretaye Traverser le village des Diablerets jusqu’à Corba en remontant la Grande Eau. La suivre ensuite en bifurquant au sud pour suivre le balisage indiquant le col de la Croix. Monter au Jorat puis à Tréchadèze par Les Séleyres. L’ancien chemin se poursuit jusqu’au col. Au col, passer devant les pyramides de gypse et prendre à flanc de coteau le sentier menant à Bretaye par Ensex et le Crêt des Moulettes. Aboutir au terminus du chemin de fer Bex-VillarsBretaye et l’emprunter pour regagner la station de Villars. 35 et servir de point de départ aux touristes qui, de là, peuvent rayonner, par les chemins de fer et les bateaux à vapeur, dans la vallée du Rhône et dans le bassin du Léman ; par chars et voitures dans les vallées des Alpes vaudoises, valaisannes et bernoises ; à dos de mulet jusque sur les plus hauts pâturages et, à pied, escalader les hardis sommets des Alpes. … Comme chaque année voit s’augmenter le nombre des étrangers qu’attirent à Aigle sa position exceptionnellement avantageuse, la douceur et la salubrité de son climat, son commerce et ses industries et l’excellence de ses vins, nous croyons combler une lacune et rendre service aux voyageurs et touristes en publiant le présent guide… ». (M. Dulex-Ansermoz, Guide du touriste à Aigle, Payerne, 1864) Relais sur la grande voie de communication nord-sud, Aigle voit passer de nombreux voyageurs, pèlerins, soldats, fonctionnaires, mar‑ chands et prêtres. Suite au développement des infrastructures dès la fin du xviiie siècle, la commune se dote d’hôtels et de pensions pour répondre aux besoins de cette vague de touristes. C’est alors que voient le jour le Grand-Hôtel, l’hôtel Beausite, l’hôtel Victoria, l’hôtel du Nord et l’hôtel des Messageries, pour n’en citer que quelques-uns. 3 Les découvertes, chemin faisant Aigle, nœud ferroviaire : trois chemins de fer pour trois stations Le château d’Aigle et son vignoble. Bienvenue dans le Chablais vaudois Le Chablais vaudois est conquis par les Bernois en 1476. Appelé Gou‑ vernement d’Aigle, il est le premier territoire francophone à intégrer la Confédération helvétique et à se convertir à la Réforme. Dès lors et durant plus de trois siècles, les gouverneurs bernois résident au château d’Aigle. Son architecture et son décor intérieur témoignent de cette époque. Le savoir-faire vinicole est de nos jours à l’honneur dans ce site d’exception situé au cœur du vignoble. Le Musée de la vigne et du vin met en valeur de manière didactique, interactive et gustative l’environnement naturel et le patrimoine culturel lié à la production du raisin. Face au château, la maison de la Dîme accueille les œuvres du peintre chablaisien Frédé‑ ric Rouge. Ces deux espaces patrimoniaux forment avec le quartier du Cloître, situé en contrebas, un ensemble pittoresque. Aigle, carrefour touristique « Aigle, à 8 lieues E.S. de Lausanne, à 2 lieues du lac Léman, dans la vallée du Rhône et à l’entrée de la vallée des Ormonts, en plaine et au centre des hautes Alpes, est exceptionnellement placé pour fixer le séjour des étrangers 36 4 Si la construction de la première ligne ferroviaire helvétique est tardive par rapport aux pays voisins, le développement du réseau s’est réalisé ensuite de façon étonnamment rapide. À partir de la fin du xixe siècle, les initiatives privées en faveur des chemins de fer de montagne se multi‑ plient. Il s’agit de répondre au fort engouement pour une montagne pourvoyeuse « d’émotions et de santé ». Localité de plaine, mais au dé‑ bouché de plusieurs vallées, Aigle va tirer parti de cette situation. La ligne du Simplon, qui a atteint la ville en 1857, est très vite perçue comme la co‑ lonne vertébrale sur laquelle pourraient se greffer des lignes secondaires reliant vallées latérales et futures sta‑ tions. Soutenues par des comités d’ini‑ tiative parfois concurrents, les lignes à voie étroite reliant Aigle à Leysin (AL) dès 1900, à Monthey et Champéry via Ollon (AOMC) dès 1908, et enfin au Sé‑ pey puis aux Diablerets (ASD) dès 1914, prennent forme dans les esprits et sur le terrain. C’est l’époque de la « fièvre du chemin de fer ». Si ceux-ci profitent évidemment aux touristes, ils n’en sont pas moins utiles aux habitants. Le train apporte aussi une réponse aux difficul‑ tés de l’économie de montagne. 37 3 Leysin, station climatérique Sur un plateau orienté plein sud, Leysin a longtemps été un village de montagne isolé car difficilement accessible jusqu’à la création de la route et de la ligne de train. Son destin bascule dans la seconde moitié du xixe siècle, lorsque des médecins s’avisent d’y envoyer des patients tuber‑ culeux profiter de l’air pur et de l’ensoleillement. La tuberculose est alors un mal souvent mortel contre lequel on ne découvrira d’antibiotique ef‑ ficace qu’après la Seconde Guerre mondiale. Au point de rencontre de motivations aussi bien économiques que philanthropiques, Leysin va se développer au tournant du siècle comme un lieu de cure en aérothéra‑ pie* puis en héliothérapie*. Sur les hauteurs du village traditionnel, les bâtiments destinés aux malades se partagent entre sanatoriums pour les gens du peuple, hôtels et Grand Hôtel pour les riches. La station compte‑ ra jusqu’à 80 cliniques ! L’élément architectural typique de la fonction mé‑ dicale de la station dans les premières décennies du xxe siècle est visible dans les larges et profonds balcons où les patients passaient de longues heures, à l’air pur et au soleil. Vers 1950, les antibiotiques éradiquent la tuberculose et la station doit opérer une deuxième mue pour s’orienter vers le tourisme que l’on connaît aujourd’hui. Les sanatoriums devien‑ nent des hôtels, pensions, résidences et grandes écoles internationales. Outre l’offre touristique traditionnelle, Leysin propose des compétitions de snowboard, de VTT, une via ferrata, sans oublier son restaurant tour‑ nant au sommet de la Berneuse (2 048 m). 38 7 Les tours d’Aï, de Mayen et de Famelon dominent magistralement Leysin. Elles sont constituées essentiellement de calcaires déposés dans l’océan alpin*. Aux alentours de la tour de Famelon, les eaux ont sculpté la roche, créant un magnifique champ de lapiaz, avec des grottes et de nombreux réseaux souterrains. Au pied de la tour d’Aï s’amorce le glissement de la Frasse, une vaste surface instable d’environ 1 km2. Le panorama offert est certainement l’un des plus spectaculaires du Chablais : il englobe le lac Léman, la chaîne du Mont-Blanc, le Grand Combin, les dents du Midi, Les Muverans, Les Mischabels et Les Diablerets. La Forclaz, village traditionnel À 1 260 m d’altitude sur le flan nord du Chamossaire, La Forclaz est un des rares villages anciens des Ormonts, une vallée caractérisée par son habitat traditionnellement dis‑ persé. La nouvelle route, construite au milieu du xixe siècle, puis le chemin de fer Aigle-Le Sépey-Les Diablerets en 1914, laissent La Forclaz à l’écart. Ce village conserve ainsi son caractère paysan et sa belle architecture de bois. Les habitations, ainsi que les greniers qui les accompa‑ gnent, sont faits de madriers* d’épicéa. Presque toutes les constructions portent des dates et des inscriptions gravées, la plus ancienne remontant à 1618. L’art des char‑ pentiers traverse les siècles : la chapelle, toujours en bois, est édifiée en 1946. Plusieurs toits sont encore couverts de minces planchettes, les tavillons*. 39 Parmi les nombreux sites remarquables, le lac Retaud, situé à moins d’1 km au nord du col du Pillon, est niché dans une petite cuvette à 1 700 m sur le versant sud de la Palette. Les sommets du Scex Rouge, des Diablerets (le plus haut sommet vaudois), du Nägilhorn ou encore de l’Oldenhorn se reflètent dans ses eaux paisibles. Le massif des Diablerets, situé entre les cantons de Vaud, du Valais et Berne, a depuis longtemps suscité l’intérêt des scientifiques pour sa grande richesse naturelle. La réserve naturelle de Creux de Champs occupe un immense cirque glaciaire tapissé de dépôts morainiques* et entouré de parois impressionnantes. La Grande Eau y prend sa source, alimentée par les glaciers surplombant le cirque. Voyage dans la mémoire au musée des Ormonts Le musée des Ormonts se trouve à Vers L’Église, chef-lieu historique de la commune d’Ormont-Dessus. Situé sur la rive gauche de la Grande Eau, à l’abri des avalanches qui menacent tout le versant sud de la chaîne de Chaussy, le village était le centre religieux, politique, judiciaire et écono‑ mique de la commune. Composé d’une douzaine de bâtiments parmi lesquels la cure (1784), l’auberge communale (1833) et la maison de commune (1873-74), Vers L’Église doit son nom à la chapelle Saint-Théo‑ dule (xive siècle), filiale de l’église Saint-Maurice à Cergnat et paroissiale après la Réforme. Installé depuis 2008 dans la maison de ville, le musée des Ormonts présente sous forme d’expositions attractives les nombreux aspects de l’histoire, de la géographie et la vie quotidienne de la vallée. 40 3 À proximité du col de la Croix, les pyramides de gypse sont d’étonnantes formations karstiques façonnées par l’eau et le vent. À propos de Villars… Idéalement située, la station de Villars accueille ses premiers visiteurs au milieu du xixe siècle. Elle devient l’une des premières stations de ski des Alpes et rapidement les chambres d’hôtes sont transformées en pensions et en hôtels luxueux. La réputation de Villars comme station touristique repose non seulement sur ses pistes de ski, mais également sur sa pati‑ noire. Elle sera d’ailleurs la première et, durant longtemps, la seule station suisse à posséder une patinoire couverte. Au cours de ses glorieuses an‑ nées, le HC Villars remportera d’ailleurs trois titres de champion suisse. Outre les sports d’hiver, la station diversifie son offre touristique en dé‑ veloppant le tourisme d’été. Sa clientèle plutôt huppée apprécie le golf de dix-huit trous sis à 1 600 m d’altitude, ainsi que les palaces et la vie mondaine à la montagne. Une des cartes de visite de la station est la ran‑ donnée, un salon lui étant consacré chaque année. On y vient pour les nombreuses possibilités de randonnées qu’offrent les Alpes vaudoises et la beauté des lieux. Il y a plus d’un siècle, Villars figurait déjà en bonne place dans les pre‑ miers guides touristiques : « Villars (…) Environs charmants et ressemblant à un parc, avec beaucoup de bancs à tous les points de vue et aux endroits ombragés ; air de montagne doux et fortifiant et pas de vents du nord ni de l’est. Vue magnifique, sur une partie des Diablerets, le Grand et de Petit-Mœveran, la Dent aux Favres, la Tête-Noire, la Dent de Morcles, le massif N. du Mont-Blanc, avec le glacier de Trient ; la Dent du Midi, la vallée du Rhône, etc. Excursion principale : au Chamossaire … Panorama excessivement pittoresque, embrassant surtout la vallée d’Ormont, les Alpes Bernoises… ». (La Suisse et les parties limitrophes de la Haute-Savoie et la Haute-Italie. Manuel du voyageur, K. Baedeker éd., 20e éd, Leipzig, 1896). Le Bitter des Diablerets a été inventé en 1876 par François Leyvraz. Son appellation évoque les nombreuses légendes rapportées par Alfred Cérésole* dans ses Légendes des Alpes vaudoises, puis reprises également par Charles Ferdinand Ramuz* dans Derborence. Cet apéritif est composé d’une trentaine de plantes dont l’une des principales est la gentiane. Produit par macération, cet alcool affiche actuellement 18°, contre 22° par le passé. Le Bitter des Diablerets se consomme d’ordinaire avec de la glace et parfois de l’eau minérale, ou accompagné de liqueur de cassis. Comme digestif, il se boit sec. Les bars et les restaurants des Diablerets le servent mélangé à du soda au cola, sous l’appellation « surf ». 41 Hermance – Ripaille De vignobles en châteaux >> Plantés depuis l’époque romaine, les vignobles chablaisiens sont bien présents dans le paysage. Cet itinéraire nous emmène à la découverte de trois d’entre eux, entre châteaux et maisons fortes, vestiges d’une histoire houleuse entre les fiefs du Chablais, du Faucigny et du Genevois depuis le Moyen Âge. Les archives du bourg d’Yvoire attestent la présence de vignes et de celliers sur les rives du Léman dès 1334. Introduit dans la première moitié du xve siècle, le chasselas est à l’origine des vins blancs de Crépy, Marignan et Ripaille. Contrairement au vignoble suisse, c’est l’unique cépage cultivé en ces lieux. Les vignobles se développent sur des sols issus du retrait du glacier du Rhône, présentant chacun ses spécificités. Les coteaux bien exposés du Crépy, sur des terres caillouteuses lessivées par les eaux, profitent des conditions thermiques générées par la proxi‑ mité du lac Léman. Le vignoble de Marignan, bien exposé, est planté sur des moraines* riches en argile et en calcaire. Celui de Ripaille, sur le premier delta de la Dranse, est constitué de galets calcaires de couleur claire qui reflètent la lumière du soleil. D’un vignoble à l’autre, châteaux et maisons fortes sont nombreux sur les routes qui reliaient, avant l’époque romaine, le nord au sud de l’Europe par les cols alpins. Ceux qui jalonnent cet itinéraire témoignent surtout des guerres endémiques entre les familles des sires de Faucigny, des comtes de Genève et de la Maison de Savoie. 43 L’itinéraire, pas à pas Lac Léman Domaine de Ripaille Thononles-Bains N5 Allinges D25 D225 D60 Vignoble de Crépy Bourg médiéval Forêt de Planbois Ballaison D35 Eglise néo-classique sarde Château de la Rochette Château de Buffavens N5 N206 Redon N.-D. des Pierre à Vignes Martin D20 Le Foran Hermance Château d’Allinges Tour de Marignan D20 Mont Forchat 1539 m Château d’Avully Col du Saxel 943 m 1er jour : Hermance – Ballaison Traverser le bourg d’Hermance en direction de la rivière, franchir la frontière sur le Vieux Pont et poursuivre vers la forêt. Laisser le chemin menant à Veigy-Foncenex par les Cabrettes sur la droite et franchir la route nationale 5 près de Marival. Poursuivre dans le bois de Corsy vers Loisin par les Tattes et les Barzilles. Suivre la route, traverser la nationale 206 et rentrer dans le village de Loisin, longer la route jusqu’à la sortie en direction de Crépy puis monter vers Ballaison par l’ancienne route dans le vignoble de Crépy. Passer par Senoche et aboutir au centre de Ballaison. 2e jour : Ballaison – Allinges Du centre de Ballaison, suivre les panneaux pour Notre-Dame des Vignes et la Pierre à Martin en direction de Boisy. Emprunter la route asphaltée avant de bifurquer pour monter sur l’esplanade Notre-Dame des Vignes offrant un superbe panorama sur le lac Léman, le jet d’eau de Genève et les vignes du Bas Chablais. Emprunter l’allée d’arbres et prendre au bout à gauche jusqu’à la Pierre à Martin. Depuis la Pierre à Martin, prendre la sente de terre qui monte jusqu’au mont de Boisy par les champs du Gravier. Longer la crête par le bois Martin et descendre ensuite vers la chapelle de Chavannex, poursuivre et traverser D903 0 1 3 km Carte de randonnée : IGN 3428 ET Thonon-Evian Le Léman 1 : 25 000 Accès : Par le bateau ou le bus depuis Genève (TPG ligne de bus E Rive-Hermance) logo Site. Possibilité de parking au bord de l’Hermance en direction du camping. Retour : Par le bateau ou la ligne de bus Évian-Bas-Chablais-Douvaine (arrêt Chens). Suggestion : À vélo ou en voiture, vous pourrez découvrir d’autres vestiges et le patrimoine des églises néo-classique sarde autour de Bons-en-Chablais. Carte : IGN 3428 ET Thonon-Évian Le Léman 1/25 000 Dénivelée Temps de positive négative marche 263 m 40 m 2 h 30 622 m 633 m 4 h 40 293 m 2 h 15 Distance 1 jour Hermance – Ballaison 9,5 km 2e jour Ballaison – Allinges 18 km 3e jour Allinges – Thonon/Ripaille 9 km 114 m er 44 Dénivelée ITINÉRAIRE & Étapes : 45 Les découvertes, chemin faisant la départementale 1, rejoindre le Foron au moulin Gorjux et remonter sur l’autre rive jusqu’à la Citadelle. Obliquer à droite et suivre le ruisseau des Combes dans le bois Quiézart en suivant le balisage du GR de pays Littoral du Léman. Franchir la départementale 6 et longer la route asphaltée menant à Choisy. Laisser le village à gauche au carrefour du manège et prendre la route menant à Margencel par les Longeraies. Continuer tout droit par le chemin de terre jusqu’au moulin Pinget. Franchir le Redon et monter vers Ronsuaz, continuer tout droit par la route des Mouilles et arriver à Margencel au terrain de sport. Suivre ensuite la départementale 133, à droite de l’église, avant d’obliquer à gauche quelques centaines de mètres plus loin pour rejoindre Mésinges. Suivre le balisage, traverser la voie de chemin de fer. À Mésinges, traverser le village, puis franchir la Hermance fait partie des villes neuves créées entre le xiiie et le xive siècle dans le bassin lémanique par les seigneurs de l’époque. Sa situation au bord du lac en faisait un port important notamment pour les marchan‑ dises en provenance d’Italie. Le bourg changea plusieurs fois de mains au cours des guerres féodales avant de rejoindre définitivement la Mai‑ son de Savoie en 1355. De cette époque, Hermance a conservé l’hôtel de ville et une maison forte datant de la fin du xive siècle. Dans sa partie haute, la tour classée monument historique et les parties basses d’une courtine sont les seuls éléments architecturaux qui restent du château d’Hermance, édifié avant 1247. 3e jour : Allinges – Ripaille Du village d’Allinges, suivre le balisage du GR de pays Littoral du Léman. Passer à Noyer puis descendre en pente douce vers l’Ermitage par La Boivaz et le bois de Lonnaz. Le GR de Pays rejoint le GR5, suivre celui-ci jusqu’à Thonon-les-Bains par le Morillon et de la gare, traverser la ville en direction des rives du lac. Descendre vers le débarcadère pour emprunter les quais de Ripaille jusqu’au domaine où se situe le château du même nom. Alternative par la route de Bons-en-Chablais Depuis le centre de Ballaison, rejoindre Bons-en-Chablais par la RD 20. Sur l’axe Bons-en-Chablais – Perrignier (RD 903), nous vous invitons à faire une halte aux châteaux d’Avully, Buffavent, de la Rochette qui se trouvent de part et d’autre de l’axe principal. Ce détour routier se terminera au centre de la commune de Perrignier par la visite de son église de style néo-classique sarde. 46 Le bourg médiéval d’Hermance départementale 903 à hauteur d’un grand rond-point pour prendre en face la route menant à Commelinges par la Repentance. Grimper ensuite la colline menant aux châteaux d’Allinges. Longer la crête, profiter du point de vue et redescendre de l’autre côté pour rejoindre le village. 3 Notre-Dame des Vignes protège le vignoble contre le phylloxéra*. D’une hauteur de 2,15 m, en pierre de taille, elle fut érigée en 1875, sur un tumulus préhistorique. L’imposante statue est supposée protéger le vignoble, si toutefois les fidèles suivent à la lettre ce qui est prescrit sur un parchemin : le repos dominical est obligatoire et en aucun cas, il ne faut blasphémer ! Le vignoble de Crépy L’Appellation d’Origine Contrôlée* Crépy est l’une des plus anciennes : elle date de 1948. Le Crépy est obtenu à partir de chasselas sur les terroirs des communes de Ballaison, Douvaine, et Loisin. Situé sur un coteau, le vignoble fait face au lac Léman et bénéficie de sa réverbération. Il fut créé par les moines de l’abbaye Notre-Dame-de-Filly au xiiie siècle. Ce sont ces mêmes religieux qui mirent au point le procédé d’élaboration du Crépy perlant, en soutirant le vin en bouteilles avant sa fermentation pour le laisser reposer sur des lies* fines jusqu’à la mise en bouteilles définitive. Les vins de Crépy sortirent de la crise due au phylloxéra* en 1875, et ob‑ tinrent un diplôme d’honneur à l’Exposition universelle de 1894. Ce vin sec présente une robe jaune pâle puis dorée. Il est léger et diurétique, avec des senteurs d’amande douce et d’aubépine. Perlant naturellement, le Crépy est fruité, avec une saveur de noisette et un goût caractéristique, qualifié par les amateurs de « pierre à fusil ». 47 Situés à 700 mètres d’altitude, les châteaux-Neuf et Vieux sont distants d’une centaine de mètres. Le premier appartenait au comte de Savoie, le second au sire de Faucigny. Le château-Neuf d’Allinges a joué le rôle de citadelle catholique lors des guerres de religion*, dans la seconde moitié du xvie siècle. Alors que le Chablais était devenu protestant, François de Sales* s’y installa pendant quelques mois afin de reconvertir les brebis égarées et de les remettre sur le droit chemin. La colline réserve une vue imprenable sur le Léman et les montagnes alentour. Rétrocédé à la commune qui le gère, le site abrite toujours les missionnaires de Saint-François de Sales*. Il est devenu un lieu de pèlerinage salésien important. 3 Le vignoble et le château de La Tour de Marignan Le château de La Tour de Marignan, gardien de l’ancienne route de Tho‑ non-les-Bains, fut construit par Jean de La Tour au xie siècle. Il fut vendu en 1258 aux moines de l’abbaye de Filly, de l’ordre de Saint-Augustin, par l’une des plus anciennes familles féodales du Chablais : la famille de Rovorée. Dès lors, les moines n’auront de cesse de développer la vigne déjà existante. Alliés aux conditions écologiques à maints égards idéales, leur travail de défrichement et leurs talents de cultivateurs permettront d’étendre le vignoble sur l’intégralité du mont de Boisy. C’est en 1873 que Jean-Marie Suchet, viticulteur local, achète aux Tu‑ rettini, une famille lombarde installée à Genève, une partie du domaine ainsi que la maison séculaire. La tour semi-cylindrique du château-Neuf d’Allinges récèle la plus vieille peinture murale de Savoie. Représentant un Christ en majesté avec les quatre évangélistes, la fresque a été retrouvée intacte. Le château de la Tour de Marignan réalise la fermentation en bouteille de la Chèvre. Derrière ce nom insolite, se cache une boisson à base de jus de pommes ou de raisin fermenté, servie généralement sous forme de mousse à la sortie du tonneau. Le nom du produit provient peut-être de la ressemblance entre l’aspect du lait sortant du pis de la chèvre et celui de cette boisson mousseuse qui s’écoule grâce à un robinet spécial. La Chèvre est idéale en apéritif ou pour accompagner les desserts. Le château de La Tour de Marignan 4 Les descendants, la famille Canelli-Suchet, continuent de cultiver et de vinifier sur les lieux. C’est lors d’une visite dans le chai que l’on pourra admirer les ancestrales poutres de chêne taillées à la main. Le vin blanc de Marignan, perlant et fruité, bénéficie d’une Appella‑ tion d’Origine Contrôlée*. Ses arômes de noisette et de fleurs blanches, avec une note minérale de « pierre à fusil », lui confèrent sa notoriété. Il est vendu directement à la propriété, dans la cave. La culture de cépages rouges tel que le pinot noir et la mondeuse, un cépage typiquement sa‑ voyard, apporte une diversité. Le domaine de Ripaille Habité depuis l’Antiquité, Ripaille est un lieu chargé d’histoire. Ce site où furent découverts les vestiges d’une villa gallo-romaine devint le centre politique du duché de Savoie. Le château de Ripaille, bâti au xve siècle, fut la résidence d’Amédée VIII, comte puis duc de Savoie. De fameux écrivains, musiciens et miniaturistes y rencontraient des princes, des rois et même un empereur. La cour de Savoie se régalait des succulentes re‑ cettes de Maître Chiquart, cuisinier d’Amédée VIII, et savourait déjà du vin de Ripaille. L’amateur de belles histoires peut le regretter, mais la dénomination Ripaille n’a absolument rien à voir avec l’expression « faire ripaille », n’en déplaise à Voltaire. Plus prosaïquement, elle rappelle que ce lieu était au‑ trefois couvert de « ripes », c’est-à-dire de broussailles. Le château devint ensuite un monastère chartreux avant de renouer définitivement avec la vie laïque au xixe siècle, ne conservant que quatre des sept tours qui garnissaient sa façade d’origine. C’est vers 1430 que la vigne fut introduite en ces lieux. Le château abrite l’unique lieu de production de ce vin réputé qui bénéficie depuis 1973 de l’Appellation d’Origine Contrôlée* « Vin de Savoie, cru Ripaille ». Ici aussi, le Chasselas est bien, le cépage roi qui donne un vin sec, au nez d’aubépine et à la saveur d’amande douce, d’acacias et de noisette. 7 Grâce à son vin, le château de Ripaille a été désigné en 1994 par le Conseil national des arts culinaires comme l’un des 100 « Sites remarquables du goût » de France. 48 49 Sur la route de Bons-en-Chablais Le château d’Avully, une histoire mouvementée Possession des seigneurs d’Avully, puis de la famille de Saint-Michel, ce château de plaine a résisté aux attaques des Bernois, des Français et des Genevois en 1603, quand Antoine de Saint-Michel abjure la religion pro‑ testante. Pillé par les troupes de Louis XIV, occupé au xviiie siècle par les Es‑ pagnols, son donjon démoli à la Révolution, il accueillera Bonaparte en 1798, avant d’être transformé en exploitation agricole. Il tombera ensuite en ruines jusqu’à son rachat en 1970 par Monsieur J. M. Guyon qui enga‑ gera sa restauration. Le château d’Avully. Construites entre 1815 et 1860, à l’époque où la Savoie redevient propriété du roi de PiémontSardaigne, les églises de style néo-classique sarde* témoignent du retour à la religion d’État, après 23 ans d’occupation française. Les ducs de Savoie vont œuvrer pour asseoir leur pouvoir, tout en se montrant populaires. Ils vont rétablir l’enseignement des jésuites, récupérer les biens d’église au profit des diocèses et des paroisses, recruter des curés proches du peuple qui a connu les persécutions de l’ère révolutionnaire. L’édifice religieux, lieu de culte au centre du village, doit symboliser le prestige et la puissance catholique. Les églises seront construites sur des promontoires et inspirées de l’Antiquité dans les proportions, la symétrie et la composition. À l’extérieur, leur aspect est monumental, avec portail d’entrée en pierres calcaires appareillées, des flèches de clochers accentuant les bulbes du baroque, des fenêtres semi-circulaires et des frontons* triangulaires, couronnant le tout. À l’intérieur, les décors sont peints, ornés de corniches de guirlandes de fleurs et de peintures murales en trompe-l’œil sur tous les emplacements disponibles. De grands architectes tel Mélano* qui se vit confier la restauration de l’abbaye d’Hautecombe ont œuvré à la construction de ces églises. 4 Les châteaux de Buffavent et de la Rochette L'église de Perrignier. La légende veut que la fée Mélusine ait été enfermée au château de Buf‑ favent. L’origine de ce nom n’est, quant à elle, nullement sujette à cau‑ tion. En 1461, le chevalier François de Langin, emmena un corps de 800 hommes d’armes savoyards sur l’île de Chypre pour secourir le duc Louis Ier de Savoie. C’est à son retour et en souvenir de l’illustre résistance de la forteresse de Buffavent de Chypre que sa famille fit construire le châ‑ teau et le baptisa. Il fut assiégé et bombardé par les Genevois en 1590, à l’image du château de la Rochette, brûlé par sa propre garnison pour échapper à leur attaque pendant les guerres de religion*. Construit sur le modèle typique du carré savoyard, dont le crénelage est en partie conservé, c’est une possession de la famille de Cervens, qui participa à la fondation des monastères de Vallon, d’Aulps et d’Abondance. Il gardera ses murailles jusqu’au xixe siècle, époque où il servira de carrière. 4 L’église néo-classique sarde de Perrignier Au milieu du xviie siècle, le château d’Avully fut apporté en dot par Françoise de SaintMichel à son époux, le comte piémontais de Verrua Savoia. Leur fils épousa la tumultueuse fille du duc de Luynes, surnommée par Voltaire « la dame de volupté », à laquelle Alexandre Dumas consacra un livre. Devenue la maîtresse de Victor-Amédée II, elle donna au duc de Savoie deux filles et un garçon. Ce dernier n’est autre que le grand-père du général d’empire chablaisien, Pierre-Louis Dupas, qui acquit le château de Ripaille avant son rachat par la famille Engel-Gros. 50 L’édifice qui domine le village de Perrignier est l’exemple le plus carac‑ téristique du riche patrimoine d’églises de style néo-classique sarde* du Chablais. Dessiné à Turin par Mélano*, le premier architecte du roi de Pié‑ mont-Sardaigne, le bâtiment est de grandes dimensions. Il est construit sur un plan basilical, doté de trois nefs de trois niveaux sous trois toitures différentes. Sa façade est un véritable édifice, qui comprend trois étages séparés par des corniches et trois volets structurés par des pilastres*. Au premier niveau, la porte, en position centrale, est encadrée par quatre pi‑ lastres supportant un entablement* complet inspiré de l’Antiquité. Au se‑ cond niveau, on retrouve le seul type de fenêtre propre au style néo-clas‑ sique sarde*, la fenêtre semi-circulaire. L’intérieur est orné de peintures en trompe-l’œil. Avec celles d’Allinges, de Lyaud, d’Orcier, de Cervens, de Draillant, l’église de Perrignier s’impose dans le paysage chablaisien. 51 Abondance – L’Étivaz La ronde des fromages >> Au printemps, les bêtes retrouvent les pentes fleuries de mille graminées. Leur lait devient abondant et prend une légère couleur bouton d’or : le moment est venu de stocker cette manne passagère. Nos ancêtres chablaisiens eurent l’idée de faire cailler cet or lacté, sous la forme de nombreux fromages. Cet itinéraire est une invitation à la découverte et à la dégustation ! Le Chablais, essentiellement montagneux, se prête à l’éle‑ vage. De tout temps, les paysans ont su tirer le meilleur parti des saisons et des altitudes pour nourrir leur bétail. Avec un sens inné de la prévision et de l’adaptation, ils ont « remué »* du fond des vallées aux alpages. Ils ont appris à maîtriser les techniques de conservation et de salage. Ils ont su mettre en valeur le lait en fabriquant des fromages qui font honneur aux traditions de chaque région. Outre quelques spécialités au lait de chèvre, plus rarement de brebis, la matière première est essentiellement bovine. Les petits fromages à pâte molle, tommes et vacherins sont plu‑ tôt fabriqués hors saison estivale. Le gros de la production se concentre toujours en été, quand les troupeaux en alpage four‑ nissent un lait abondant et savoureux. Il est transformé sur place en fromages à pâte dure ou mi-dure, qui développent tout leur arôme grâce à un affinage soigné. Ces produits se transportant et se conservant facilement, sont consommés au loin et fournis‑ sent un revenu appréciable aux montagnards. Pour protéger la spécificité de leur savoir-faire, les paysans fromagers se sont unis en coopératives pour obtenir l’Appella‑ tion d’Origine Contrôlée*. Le fromage d’Abondance en bénéficie depuis 1900, L’Etivaz l’a reçue en 2000. Comme un signe, par delà les vallées des Chablais, de la reconnaissance du bon sens et de l’obstination de producteurs attachés à la tradition ! 53 Lac Léman Roch ers d e Na ye Maison de L’Etivaz Lac de l’Hongrin L’Etivaz V A U D N5 D21 Mon d D52 Pays ta de gne s Mé mis es Mo au L’E e Gavot L’Ugine D902 La D rans e Col de Vernaz V A L A I S Le Rh ôn e CFF Habitat traditionnel Lac du Jotty ][ Maison du Val Abondance L M aD or ra zin ns e ed e 1 3 km Mont de Grange 2432 m Châtel Lac des Plagnes Tour de Don 1998 m Col de la Croix r La G e yonn Pointe de Nantaux 2170 m Bex La Vièze de Morgi ns Pas de Cheville 2038 m r L’A ge n e tin nçon L’Ava Monthey Lac de Morgins Grand Muveran 3051 m Haut de Cry 2969 m Carte de randonnée : IGN 3528 ET Morzine - Massif du Chablais - Les Portes du Soleil 1 : 25 000 Carte Chablais valaisan - Entre Lac Léman et Dents du Midi - MPA Verlag 1 : 25 000 Carte Leysin - Les Mosses - AVTP - MPA Verlag 1 : 25 000 L’itinéraire, pas à pas Suggestion : Les deux dernières étapes peuvent s’effectuer sur une seule journée afin de réduire le périple à 6 jours. Cartes : IGN 3528 ET Morzine – Massif du Chablais – Les Portes du Soleil 1/25 000 Carte Chablais valaisan – Entre Lac Léman et Dents du Midi – MPA Verlag 1/25 000 Carte Leysin – Les Mosses – AVTP – MPA Verlag 1/25 000 Abondance – Châtel Les Diablerets 3210 m Mines de sel Abbaye de AOMC Salaz Carrière de gypse Pas de Morgins 1371 m Retour : Par la ligne de bus conduisant au Sepey par le col des Mosses (changer de bus) puis rejoindre Aigle par le train. Depuis Aigle, emprunter la nouvelle ligne de bus Aigle-Abondance. 1er jour Col du Pillon CFF La D ran se d ’Ab ond anc D22 e Accès : Par la ligne de bus Thonon-les-Bains – Châtel. Possibilité de parking à Abondance. ITINÉRAIRE & Étapes : Arnensee La Grande Eau AL D22 D902 Lac Lioson Pic Chaussy 2351 m Le Sépey Panex La Vi èz e Le Br ev on Mont Chauffé 2093 m Col du Corbier 1237 m 54 Tour d’Aï 2331 m ASD Le Fossau D26 Distance Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 14 km 476 m 209 m 3 h 45 2 jour Châtel – Monthey 13 km 284 m 1 048 m 4 h 15 3e jour Monthey – Bex 9,5 km 144 m 140 m 2 h 30 4e jour Bex – Panex 12 km 728 m 220 m 3 h 50 5e jour Panex – Le Sépey 9 km 465 m 426 m 3 h 20 6e jour Le Sépey – Les Mosses 7 km 510 m 44 m 2 h 20 7e jour Les Mosses – L’Étivaz 8,5 km 207 m 512 m 2 h 30 e ide Fro Les Mosses Col des Mosses Mont d’Or 2175 m Lac de Taney Cornettes de Bise 2432 m 0 ve l Le Grammont 2172 m Dent d’Oche 2221 m Mont Billat 1894 m nts r d’A 1er Jour : Abondance – Châtel Après la visite de la Maison du Val à Abondance, sortir du village en direction du haut de la vallée par la route départementale. (Avant son ouverture en 2012, prendre le bus entre Abondance et La Chapelle d’Abondance). Au hameau des Carres, traverser la Dranse sur le pont et remonter la rive gauche du torrent en passant par les Ogay et Chez les Meuniers. Arrivé à Miolène, rester en rive gauche de la Dranse et passer devant la station d’épuration. Remonter toujours la rivière pour arriver vers le Clos au pied des remontées mécaniques du Crêt Béni. Toujours en remontant la Dranse, poursuivre en direction du Clos Naz et du Moulin. Rejoindre le Moulaz à proximité de la zone sportive et commerciale (tennis et terrain de foot, supermarché). Prendre à droite la route forestière, la suivre ainsi que le sentier du Chatellan sur une courte distance. Franchir la Dranse au pont de la Béchigne et monter en direction de Châtel. 2e Jour : Châtel – Monthey De Châtel, suivre la route menant en Suisse jusqu’à la douane, à la 55 sortie du village. Quitter la route un peu plus loin pour retrouver l’ancien chemin menant au pas de Morgins. Au col, franchir la frontière près des anciennes bornes et prendre le chemin qui contourne le lac de Morgins en suivant le balisage suisse conduisant au centre de Morgins. Sortir du village en suivant la route principale jusqu’à Bayèse, puis au carrefour d’Arche, prendre la petite route menant à Pia de Sex et descendre par l’ancien chemin creux vers Thiésaz, puis Les Cortes. Ce chemin historique* a conservé sa forte valeur patrimoniale : son pavage et sa forme en font un des plus beaux chemins du Chablais. À Chemex, poursuivre vers Monthey et rejoindre la place centrale par l’ancien chemin de la vallée (chemin du du Gros-Bellet) passant devant le château, construit à la fin du xive siècle, et la sculpture du Gros-Bellet avec son cheval. 3e Jour : Monthey – Bex De Monthey, prendre la direction de la Vièze et la longer jusqu’au Rhône, le franchir par la passerelle Ciba-Geigy et remonter brièvement son cours ; prendre ensuite la direction de Bex en suivant le balisage de la ViaFrancigena. Remonter la Gryonne jusqu’à une passerelle de bois et prendre à droite la direction de Bex ; après avoir traversé la route, emprunter le chemin gravissant la colline de gypse du Montet. Suivre le chemin dans la forêt et rejoindre le centre de Bex par les vignes surplombant la petite ville. Suggestion Profiter de cette étape brève pour visiter les salines de Bex au Bouillet. Il est possible d’y accéder directement en poursuivant la remontée de la Gryonne sans gravir la colline des Montets et en rejoignant Bex ensuite par le Sentier du Sel. 4e Jour : Bex – Panex Du centre de Bex, remonter le cours de l’Avançon en suivant le balisage en direction du Bouillet (mine de sel). Au Bévieux, poursuivre dans la direction du Bouillet, passer à Plantex puis à la Forêt. Poursuivre à travers les vignes vers les Vélaires et arriver au Bouillet. Laisser à droite l’ancienne mine et descendre la Gryonne jusqu’à une passerelle, la franchir et monter ensuite vers Antagnes, par le Crêtel. Gravir le coteau en direction de Panex par Glutières puis Tassonnaire. En suivant l’ancien chemin du sel, traverser le bois de Confrêne et aboutir à Panex. Suggestion Le long du parcours des panneaux présentent l’histoire du sel, ce sont les éléments du Sentier du Sel que l’on emprunte dans le sens inverse de son balisage. 5e Jour : Panex – Le Sépey Du centre du village, prendre la direction du nord et suivre le chemin menant à Salin. Laisser celui de Plambuit sur la droite et descendre vers le cours de la Grande Eau pour longer la ligne de chemin de fer Aigle – Le Sépey – Les Diablerets (ASD) à partir de l’arrêt de Plambuit. La suivre jusqu’au Sépey par le chemin pédestre, passer par Exergillod, puis Les Planches. Laisser sur la droite la ligne menant aux Diablerets et suivre celle menant au Sépey. 56 6e Jour : Le Sépey – Les Mosses Du Sépey, prendre le chemin en direction de La Combe passant audessus de la route du col des Mosses, la franchir puis la rejoindre pour la longer sur quelques centaines de mètres aux Caudreys. Traverser la route et monter vers La Comballaz. Suivre ensuite la vallée après avoir franchi à nouveau la route ; passer aux Drauzines, puis aux Parchets et rejoindre le col des Mosses. 7e Jour : Les Mosses – L’Étivaz Suivre le balisage menant à La Lécherette par le Commun de l’Arsat et les Anteinettes. Descendre vers la Lécherette et suivre le balisage de la Via Alpina jusqu’à L’Étivaz, en longeant la route asphaltée jusqu’au premier virage en lacet. Descendre ensuite vers Siernes Raynaud et suivre à flanc de coteau le chemin vers l’Étivaz par les Vieux Bains et la Maison de l’Étivaz. Suggestion Profiter de cette dernière étape pour aller, de bon matin, avant votre départ, visiter un chalet d’alpage pour découvrir la fabrication du fromage. Se renseigner la veille auprès de la Maison de l’Étivaz ou de l’auberge du Chamois. 57 Des sources d’archives de la fin du Moyen Âge font état de pratiques culinaires évoquant la célèbre raclette. En 1574, le fait de fondre le fromage devant un feu, est également attesté en Valais. Et c’est bien à partir du Valais que le terme raclette, dans cet usage spécifique, est entré dans la langue française. En Haute-Savoie, elle n’en est pas moins souvent proposée comme une spécialité savoyarde. Des deux côtés de la frontière, elle se déguste généralement accompagnée de petites pommes de terre cuites, d’oignons et de cornichons, pour le plus grand plaisir des gastronomes ! Les découvertes, chemin faisant L’Abondance De la famille des pâtes demi-cuites, comme le vacherin fribourgeois ou l’Appenzell, ce fromage porte le nom de la vallée qui l’a vu naître. Créé au xive siècle par les moines de l’abbaye d’Abondance, il fut proposé aux convives du conclave réuni en Avignon pour l’élection du Pape en 1381. Le fromage Abon‑ dance acquiert alors ses lettres de noblesse. Il deviendra plus tard un mets très apprécié à la cour de Savoie. L’Abondance est fabriqué de façon arti‑ sanale par une soixantaine de producteurs fermiers, dans de petits ateliers de fabrication (les fruitières), qui regroupent le lait de plu‑ sieurs éleveurs. Tous les sites de production et d’affinage sont obligatoirement situés dans la zone géographique définie par l’Appellation d’Origine Contrôlée*. Tout au long de son éla‑ boration, c’est le savoir-faire de chaque pro‑ ducteur, fromager et affineur, qui s’exprime pour donner naissance à un produit unique. Le lait cru et entier est versé dans un chaudron en cuivre. Sous l’action de la pré‑ sure, le caillé se forme. Il est ensuite découpé, puis chauffé. Le producteur fermier effec‑ tue la découpe manuellement à l’aide d’un « tranche-caillé ». Avec une toile de lin nouée autour du cou, il prélève ensuite les grains de caillé, en laissant le petit lait. Le fromage est disposé dans un « cercle » qui va donner à son talon cette forme concave si caractéristique. Une fois salée, la meule est placée en cave d’affinage fraîche et humide, sur des planches en épicéa, pendant au moins trois mois. En période de forte production, la meule pèse de 6 à 12 kg. Si elle est d’un poids inférieur, le fromage sera privé de la prestigieuse appellation. Il sera alors qualifié de « tomme », et identifié par son lieu de production. Sa croûte fine, légèrement ambrée comme celle de son grand frère l’Abon‑ dance, la distingue des tommes grises, sur lesquelles on laisse pousser le mucor* (long duvet gris sombre, appelé communément poil de chat). Frottée dès son plus jeune âge à intervalles réguliers, avec un torchon humidifié d’eau très salée, sa croûte demeure en effet à l’abri des parasites de surface. Pour compléter la découverte : le centre d’interprétation de la Maison du Val à Abondance. 58 Les fermes de la vallée d’Abondance Les maisons traditionnelles qui jalonnent la vallée abritaient en général deux familles de paysans et leur bétail. En été, une partie de la famille res‑ tait sur place pour « faire les foins » ; l’autre rejoignait les chalets d’alpage avec le troupeau. Ces vastes fermes sont bâties à partir de matériaux locaux : pierres calcaires pour le soubassement et bois pour les parties supérieures, y compris la toiture en tavaillons*. La façade principale est exposée au sud pour éclairer l’habitation familiale, tandis que l’arrière est réservé aux bêtes. Au niveau inférieur, la nourriture était jadis stockée dans les caves, alors que la grange abritait le foin, à l’étage supérieur. Un petit édifice jouxtant la maison, le grenier, protégeait les biens précieux en cas d’in‑ cendie. En façade, les galeries ouvragées sont ornées de palines peintes, une caractéristique locale. Elles représentent des formes géométriques ou des végétaux. 4 3 59 Le Chevrotin La réputation du Chevrotin remonte au xviie siècle. Depuis cette époque, le savoir-faire des hommes et les conditions naturelles montagnardes – climat rude et relief escarpé – ont dessiné le terroir du Chevrotin. Depuis 2002, il est protégé par une Appellation d’Origine Contrôlée*. Avec le Chablais, trois massifs sont habilités à le produire : le Mont-Blanc, les Ara‑ vis et les Bauges. Au printemps et en été, les chèvres se nourrissent obli‑ gatoirement dans les prés et les alpages. Principalement de race alpine, elles sont choisies pour leur aptitude au pâturage et pour les qualités fromagères de leur lait. De forme cylindrique d’une hauteur de 9 à 12 cm, le Chevrotin pèse entre 250 et 350 g. Après affinage, sa pâte pressée non cuite à croûte lavée et fleurie, présente de la moisissure, principalement constituée de géotrichum. Issu du petit lait, le sérac de chèvre est mis à coaguler par chauffage, puis égoutté sur une étamine* dans un moule. En principe consommé frais, il est parfois conservé en alpage par fumage dans la cheminée. Très répandue en France pour la production de lait, l’Alpine chamoisée est originaire des Alpes. Elle doit également son nom à sa ressemblance avec le chamois. Son pelage brun roux, plus ou moins foncé, arbore une ligne noire sur le dos. 4 3 Les mines de sel de Bex Les incontournables vignobles En contrebas de Troistorrents, sur les coteaux dominant la ville de Mon‑ they, apparaissent quelques vignes, derniers vertiges d’un important vignoble qui s’étendait jusqu’en plaine. Au xviie siècle, Monthey s’affirme cité viticole ; en 1921, la vigne s’étend encore sur 53 hectares. La dispari‑ tion progressive des vignes durant les premières décennies du xxe siècle, autour de la ville en extension, est favorisée par l’urbanisation, l’expan‑ sion démographique et l’industrialisation. Une fois franchi le Rhône, les vignes semulitplient. Beaucoup de familles patriciennes vécurent dans le Chablais, sous le régime bernois*. Toutes possédaient, au nombre de leurs biens, des vignobles dont plusieurs sont restés entre les mains de leurs descendants. Aujourd’hui, les jeunes vignerons s’intéressent à toute une gamme de cépages blancs et rouges ; ils produisent quelques grands vins issus de cépages de renommée internationale. 60 Au pas de Morgins, le lac glaciaire abrite une faune et une flore très riches. Il y a environ 40 000 ans, le glacier du Rhône pénétrait dans le val d’Illiez, franchissant le col et descendant la vallée d’Abondance. Ce petit lac suspendu sur la frontière s’est développé en arrière d’un cordon morainique* laissé par le glacier lors de son retrait de la vallée. Des panneaux explicatifs sont en place sur la rive. 3 Le sel est un ingrédient essentiel à la fabrication et à la conservation de nombreuses productions de terroir. Celui qui est issu des mines de Bex entre en particulier dans la confection des fromages et des charcuteries vaudois. Il est également présent sur les tables sous forme de sel de cui‑ sine. Le sel du gisement de Bex date d’environ 200 millions d’années. À cette période, ce territoire était situé en bordure d’un vaste continent : la Pangée, à peu près à la latitude des tropiques. Un climat chaud et humide régnait alors dans ces zones côtières où de vastes lagunes favorisaient l’évaporation de l’eau de mer et le dépôt de sel. Selon la légende, la source fut découverte par un jeune berger qui menait paître ses chèvres vers Panex, non loin d’Ollon, et au Fondement, au-dessus de Bex. Pour s’abreuver, ses bêtes marquaient une nette pré‑ férence pour l’eau de deux sources. Par curiosité, le berger la goûta. La trouvant salée, il en fit bouillir un plein chaudron. En s’évaporant, l’eau laissa au fond une mince couche de sel. L’exploitation des salines de Bex débuta en 1680. Plus d’un siècle avant, la découverte d’un gisement à Panex avait déjà engendré la construction d’une conduite d’eau salée jusqu’à Aigle, puis Roche. Cette précieuse ressource est également utilisée pour ses vertus thérapeu‑ tiques. Au xixe siècle, les eaux de Bex-les-Bains étaient réputées soigner des maladies, dont les rhumatismes, l’arthrose et l’anémie. Pour achemi‑ ner la saumure, on a construit, voilà plus de deux cents ans, un aqueduc en bois de mélèze long de 7 500 m. Les méthodes d’exploitation des mines de Bex ont beaucoup évolué au fil des siècles. De nos jours, le sel est toujours extrait, sous la marque déposée de Sel des Alpes. Pour compléter la découverte : visite des mines de sel, informations www.mines.ch 61 Sur votre chemin, vous apercevrez l’abbaye de Salaz, dont les origines remonteraient à l’aube du deuxième millénaire. Le domaine était alors directement rattaché à l’abbaye de SaintMaurice. Simple domaine rural, l’abbaye de Salaz se transforme au fil des siècles en véritable seigneurie. Ses terres étaient entretenues par des fermiers, tandis que la maison abbatiale remplit le rôle de centre administratif avec tribunal et prison ; au xviie siècle, elle abritait un hospice. La pomme et la poire Comme le raisin, la pomme et la poire se marient très bien avec le fro‑ mage. Le Chablais a toujours été une région traditionnelle d’arboriculture fruitière. En 1260, il est fait mention d’un poirier Reschoz (poire rêche) lors de la vente d’une vigne à Ollon. Appelées Botsérin ou Creusson dans la ré‑ gion, les pommes sauvages, petites et acides, ont un ancrage millénaire. Elles étaient récoltées et leur pulpe mélangée à la farine de seigle pour confectionner, sans autre ingrédient, des galettes appelées « cougnous » qui, une fois cuites, étaient séchées en prévision du carême. Jusqu’au xixe siècle, ce sont plutôt les coteaux qui accueillent les arbres fruitiers, l’assèchement de la plaine n’étant pas encore intervenu. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que d’importants vergers de pommiers et de poiriers sont implantés à Bex, Aigle ainsi qu’à Vion‑ naz, Vouvry et Massongex. Même si les surfaces ont connu une certaine régression, l’arboriculture est aujourd’hui encore bien présente dans la région. Le paysage au col des Mosses À 1 445 m d’altitude, sur la ligne de partage des eaux, le col des Mosses, dont le nom est issu du roman moss, « terrain marécageux, moussu », relie le Pays-d’Enhaut à la vallée des Ormonts. Comme ailleurs dans la vallée, les maisons paysannes en madriers* parsèment les prés. Les paysans « re‑ muaient » de l’une à l’autre pour nourrir les bêtes avec le foin engrangé. Plus haut, s’étendent de vastes alpages. En Lioson, on fabrique toujours du fromage qui est affiné dans les caves coopératives de L’Étivaz. C’est en 1868 qu’une route carrossable a desservi le col. La première auberge a aussitôt ouvert ses portes. Les citadins découvrent alors le calme du site et d’intéressantes excursions, notamment vers le lac Lioson. L’église est construite en 1911, par la volonté commune des habitants et des vacanciers. Dès le milieu du xxe siècle, le développement des sports d’hiver engendre la multiplication des résidences secondaires, modifiant peu à peu la physionomie du lieu. 62 7 Le col des Mosses à La Lécherette 4 L’Étivaz des Alpes et Préalpes vaudoises Dans la vallée de la Sarine, propriété du comte de Gruyère jusqu’en 1555, le Pays-d’Enhaut a connu dès le xvie siècle, une importante production de fromage à pâte dure qui était exportée au loin. En 1934, afin d’enrayer un certain déclin, les paysans se sont unis en une coopérative et ont construit des caves à L’Étivaz pour y affiner leur fromage d’alpage. Celui-ci doit sa notoriété et l’octroi de son Appellation d’Origine Contrôlée* au strict respect des traditions que ses producteurs s’imposent. L’Étivaz est fabriqué, uniquement entre la fin du mois de mai et le début du mois d’octobre, dans le chalet où les vaches sont traites, après s’être nourries dans les pâturages, jusqu’à plus de 2000 m d’altitude. Le lait est chauffé dans une grande chaudière en cuivre obli‑ gatoirement sur un feu de bois. Grâce au savoir-faire et aux gestes adroits du froma‑ ger, les pièces de ce fromage à pâte dure se conservent longtemps. Une fois amenées à L’Étivaz, elles sont plongées 24 heures dans un bain d’eau salée, avant d’être déposées sur des planches d’épicéa. Tout au long des sept mois que dure leur maturation, les meules seront régulièrement retournées et brossées. Un certain nombre de pièces choi‑ sies, placées verticalement dans le grenier, sècheront pendant trois ans pour devenir les fameuses « rebibes » de l’Étivaz, préle‑ vées à l’aide d’un rabot. Elles se dégustent accompagnées d’un vin blanc vif et fruité dont Vaud et Valais ont le secret. Pour compléter la découverte : Maison de L’Étivaz, dans le village du même nom. 63 Saint-Maurice – Saint-Jean-d’Aulps Saint-Maurice – Abondance Les routes des abbayes >> Sur le chemin emprunté autrefois par les pèlerins et les marchands qui rejoignaient l’un des sites monastiques, cet itinéraire évoque l’influence des abbayes au fil des siècles. Comme un pèlerinage au temps où tout le Chablais était sous l’influence de la puissante Maison de Savoie. L’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune doit son origine au tom‑ beau de saint Maurice et de ses Compagnons, soldats thébains martyrisés vers 300. En 515, le roi burgonde Sigismond fonde le monastère, les moines y gardent le sanctuaire et accueillent les pèlerins. Au ixe siècle, les chanoines succèdent aux moines et adoptent la Règle de Saint Augustin. L’abbaye devient un centre spirituel du second royaume de Bourgogne, puis de la dynastie des Savoie. Malgré des vicissitudes, elle peut prétendre être le plus ancien monastère de l’Occident continuellement habité. En 1108, des chanoines venus de Saint-Maurice fondent un prieuré dans la vallée d’Abondance. Il devient une abbaye quelques décennies plus tard. Ses bâtiments, véritable trésor de l’art gothique, abritent une statuaire importante et des fresques du xve siècle, représentant la vie de la Vierge, qui ornent le cloître. La décadence gagne l’abbaye et en 1606, les augustins sont rem‑ placés par des cisterciens. Leurs mœurs peu édifiantes poussent le pape à fermer l’abbaye en 1761. Dans la vallée voisine d’Aulps, ce sont des bénédictins venus de Molesme qui fondent l’abbaye Sainte-Marie en 1097. Elle se rattache au nouvel ordre de Cîteaux en 1136 et devient très rapi‑ dement une puissante seigneurie ecclésiastique. L’abbatiale, consacrée en 1212, est majestueuse, ses ruines en témoignent. Après son apogée, l’abbaye connaîtra de nombreuses difficultés, mais elle subsistera jusqu’à l’arrivée des révolutionnaires français qui la ferment en 1793. En 1823, c’est le coup de grâce, les habi‑ tants font sauter l’abbatiale pour en réutiliser les pierres. 65 Le Grammont 2172 m Cornettes de Bise 2432 m CFF Le Linleu 2093 m Haut Sex 1961 m Abondance La D CFF Tour de Don 1998 m rans e d’A bon dan ce AOMC e lèv Ma Le nne La Gryo Lac des Plagnes Alpage de Lens St-Jean-d’Aulps Col de Bassachaux Pte de Nantaux 2170 m Lac de Montriond s rgin e Mo d e z iè La V Troistorrents Lac Vert Col de Chésery Lac d’Avoriaz 3 km AOMC Chemin historique La Poya Les Crosets Dents du Midi 3210 m Dents Blanches 2759 m Pte d’Angolon 2090 m 0 1 Abbaye ][ La Dr an se de Mo r Pte de Nyon zin e 2019 m StMaurice Toits en sifflets Lac de Chésery Montriond Moulins de la Tine La V ièze Abbaye d’Aulps de Eau La Gran V A L A I S Col de Vernaz Abbaye d’Abondance L’itinéraire, pas à pas CFF Lac de Taney Col du Jorat Lac de Salanfe Carte de randonnée : IGN 3528 ET Morzine - Massif du Chablais - Les Portes du Soleil 1 : 25 000 Carte Chablais valaisan - Entre Lac Léman et Dents du Midi - MPA Verlag 1 : 25 000 Accès : Par les lignes de chemin de fer Saint-Gingolph – Saint-Maurice ou Lausanne – Saint-Maurice. Possibilité de parking sur le tunnel de l’autoroute à proximité du pont de Lavey sur le Rhône. Suggestion : En fonction du temps réservé à la visite et la découverte des lieux d’étape, on pourra consacrer 3, 4 ou 5 jours à ce parcours qui s’achève, au choix, à Abondance ou Saint-Jean-d’Aulps. Retour : Par la ligne de bus Abondance-Thonon depuis Abondance ou Morzine-Thonon depuis SaintJean-d’Aulps ; puis en prenant le bateau jusqu’à Lausanne et le train Lausanne – Saint-Maurice Cartes : IGN 3528 ET Morzine – Massif du Chablais – Les Portes du Soleil 1/25 000 Carte Chablais valaisan – Entre Lac Léman et Dents du Midi – MPA Verlag 1/25 000 ITINÉRAIRE & Étapes : Distance Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 1er jour Saint-Maurice – Troistorrents 780 m 440 m 12,5 km 4 h 10 2e jour Troistorrents – Les Crosets 1 023 m 109 m 10 km 3 h 50 3e jour Les Crosets – Lac Vert 463 m 146 m 5 km 2 h 00 4 jour Lac Vert – Abondance 155 m 1 233 m 15 km 3 h 50 e 1er jour : Saint-Maurice – Troistorrents De la gare de Saint-Maurice, prendre à gauche et longer les voies en direction du nord. Emprunter le passage sous-voie près du tunnel du chemin de fer et rejoindre l’hôpital en longeant la paroi de rocher. Au passage, laisser à droite le chemin menant à l’ermitage de Notre-Dame du Scex, un haut-lieu spirituel bâti au cœur de la paroi surplombant Saint-Maurice et Véroliez, la plaine où la légende situe le martyr de la légion thébaine. Rejoindre ensuite le village des Cases et prendre l’ancien chemin carrossable franchissant la paroi jusqu’à Bassays. Suivre le balisage vers Aussays puis La Doey. Descendre ensuite jusqu’à Daviaz par Vésenau et Le Bioley et prendre le chemin forestier jusqu’aux Combes. Poursuivre vers Choex, passer devant le Vieux Manoir et rejoindre Massillon. Longer la route menant à Chenarlier et prendre le chemin du Pont du Diable, franchir la Vièze et remonter sur Troistorrents à hauteur des ponts et moulins de la Tine. 2e jour : Troistorrents – Les Crosets Du centre du village, rejoindre le bas du village et emprunter l’ancien chemin de la vallée, passer au Pas. Après avoir traversé le torrent du Fayot sur un ancien pont de pierre et continuer vers Buchelieule. De Buchelieule, où surgissent les sources ayant donné naissance aux bains, monter au village de Val d’Illiez et prendre la direction des Crosets, toujours en suivant le balisage. Passer par Teurny, Le Darbelay. Arriver au bas du hameau des Crosets. 3e jour : Les Crosets – Lac Vert Du centre des Crosets, suivre le balisage et prendre la direction de Vaillime puis les Portes du Soleil. Longer la crête jusqu’aux Portes de l’Hiver et descendre sur le lac Vert près du refuge du même nom. 4e jour : Lac Vert – Abondance Du refuge du lac Vert, prendre la direction du col de Chésery, puis emprunter le chemin de Chaux Fleurie balisé par le GR 5, en suivant la direction de Bassachaux. Peu avant de passer sous le télésiège de Chaux Fleurie, laisser à gauche le chemin menant aux Lindarets (direction Les Lindarets-Montriond). Au col de Bassachaux, contourner le col par la route et prendre le chemin du GR5, laisser ensuite ce chemin sur la droite et descendre aux Chalets de Lens. Suivre ensuite la route et après quatre lacets, emprunter à droite le chemin conduisant au lac des Plagnes. Suivre ensuite la route asphaltée par Saint-Guérin, Sur la Ravine et Sur la Fontaine. Peu après ce hameau, prendre à gauche la route rejoignant le fond du val au Plan de Charmy et descendre ensuite la route longeant le torrent de Malève jusqu’à Abondance. Vers Saint-Jean-d’Aulps : 66 4e jour Lac Vert-Montriond 125 m 1 176 m 12 km 3 h 10 5e jour Montriond – Saint-Jean-d’Aulps 205 m 330 m 10 km 2 h 40 67 Les découvertes, chemin faisant 4e jour : Lac Vert – Montriond, par Chaux Fleurie Du refuge du lac Vert, prendre la direction du col de Chésery. Laisser partir à gauche le chemin menant aux Lindarets par la cascade de Brochaux (déconseillé car très fréquenté par les vélos de montagne), suivre le GR 5 jusqu’au-dessous de la pointe de Chaux Fleurie. Laisser partir à droite le GR 5 en direction du col de Bassachaux et prendre à gauche celui conduisant par un lacet aux Lindarets. Passer sous la ligne du télésiège à deux reprises et, de l’arrivée de celui-ci, rejoindre les Lindarets, « le village des chèvres ». Traverser le village jusqu’au parking automobile. Au bout de celui-ci, emprunter le large chemin en direction du lac de Montriond jusqu’aux Grolays. Prendre ensuite à gauche le sentier en direction d’Ardent. Au paravalanche, rejoindre la cascade puis descendre le vallon sur sa rive gauche et longer le lac de Montriond. À son extrêmité, rejoindre la départementale 228, la suivre sur quelques dizaines de mètres en restant en rive droite. Emprunter ensuite, à gauche, le chemin qui longe la Dranse de Montriond. Au pont des Chebourins, traverser la Dranse, remonter la route. À la Ranche, traverser la départementale et suivre la petite route jusqu’au centre de Montriond. 68 5e jour : Montriond – Saint‑Jean-d’Aulps De l’église de Montriond, traverser la départementale 228, prendre à gauche puis tout de suite à droite, le chemin qui rejoint les bords de la Dranse. Traverser la rivière et la suivre en rive gauche jusqu’au pont des Plagnettes. Traverser la route et reprendre le chemin, toujours en rive gauche, jusqu’au pont suivant. Le franchir et suivre tout de suite à gauche, le chemin qui longe la rive droite sous la départementale 902. Au-dessous d’Essert-la-Pierre, repasser en rive gauche jusqu’à Saint-Jean d’Aulps. Pour rejoindre l’abbaye, faire le détour par le Bas-Thex, en poursuivant la descente par la Moussière et le Sofélery. Passer sous le pont de la Tassonière puis l’emprunter. Ensuite, partir à gauche et après avoir franchi la départementale 902, rejoindre le hameau du Bas-Thex. Remonter enfin, sur la droite, la « route du rocher d’escalade » pour revenir jusqu’aux vestiges de l’abbaye de Saint-Jean-d’Aulps. L’abbaye de Saint-Maurice 3 L’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune a été fondée en 515 sur le tombeau des saints martyrs thébains*, Maurice et ses compagnons, mis à mort en raison de leur fidélité à la foi chrétienne. La petite bourgade de‑ vient bientôt un lieu de pèlerinage majeur. C’est Si‑ gismond, roi des Burgondes, qui fonde un monastère destiné à célébrer le culte des martyrs et inaugure la laus perennis, louange perpétuelle (voir ci-après). Les reliques des martyrs y sont conservées dans des châsses qui comptent parmi les œuvres les plus précieuses de l’inestimable trésor d’orfèvrerie qui se constitue au fil des donations. Une communauté de moines est préposée à la garde du sanctuaire et à l’accueil des pèlerins. Ce n’est qu’au ixe siècle que des chanoines succèdent aux moines, et adoptent la règle de Saint Augustin. Le culte des martyrs se développe et se répand à travers l’Europe, faisant de Saint-Maurice un centre spirituel du royaume de Bourgogne d’abord, de la dynastie des Savoie ensuite. Aujourd’hui, l’abbaye est une Congrégation de Chanoines réguliers de saint Augustin active dans la liturgie et le ministère des paroisses, de l’enseignement et des missions. La laus perennis ou « louange perpétuelle » est une coutume originaire d’Orient. Saint-Maurice fut le premier monastère d’Occident à reprendre cette pratique : les moines divisés en chœurs chantent sans interruption, jour et nuit, des hymnes et des psaumes à la louange de Maurice et de ses compagnons. À Saint-Maurice, la prière perpétuelle fut pratiquée sans interruption du vie au viiie siècle, par les chanoines. Au‑ jourd’hui, il est encore possible d’écouter la laus perennis lors d’offices particuliers. En 2015, l’abbaye de Saint-Maurice célèbre ses 1 500 ans de vie monastique. En 990, Sigéric, fraîchement investi du titre d’archevêque de Canterbury, quitte Rome pour l’Angleterre. Tout au long du parcours, il dresse dans son journal, la liste des étapes qu’il effectue. Cette description est en quelque sorte l’acte fondateur de la Via Francigena, l’un des vingt-cinq itinéraires culturels du Conseil de l’Europe. Le journal de Sigéric suit un itinéraire déjà mis en place par les Romains et repris durant le haut Moyen Âge. Vers 40 après J.-C., l’empereur Claude fait établir une route reliant Rome au nord de l’Europe afin de conquérir la Grande Bretagne. Cette route remonte le val d’Aoste, franchit le col du Grand-SaintBernard – l’emplacement d’un temple dédié à Jupiter-Poeninus y est encore bien visible – et redescend dans la vallée du Rhône par l’Entremont. Entretenue et réaménagée – des bornes miliaires jalonnant le parcours attestent les divers travaux – la route devient un des principaux passages alpins figurant sur les cartes et itinéraires de l’empire. À la chute de celui-ci, il sera toujours emprunté. Marchands, soldats, têtes couronnées s’y succèdent. Le trésor de l’abbaye de Saint-Maurice en garde des témoignages. Cette voie des Francs, ou chemin des Romieux connaît son heure de gloire dès 1300 et la proclamation des Années Saintes. Elle devient l’un des principaux itinéraires de pèlerinage entre le nord de l’Europe, Rome et Jérusalem. Suite à son déclin dès le xviie siècle, c’est dans la perspective du jubilé de l’an 2000 que l’itinéraire est remis au goût du jour. Le Chablais est au centre du parcours Canterbury-Rome. 69 Le baron de l’Épée était un homme richissime, grand amateur de musique, qui s’était installé de 1894 à 1899 sur le bord du lac de Montriond. Servi par une nuée de domestiques, le baron se livrait à la chasse et à l’élevage de milliers de canards et de poules. Il fut le premier à vouloir colmater le fond du lac pour l’empêcher de se vider. Dans ses promenades, il se faisait traîner par deux valets et, comble de raffinement, il se déplaçait parfois en montgolfière ! La richesse des oratoires 3 Le lac de Montriond se niche dans une petite vallée glaciaire. Il s’est formé dans la seconde moitié du xve siècle, suite à un écroulement rocheux. Parti en rive droite de la Dranse, sous la pointe de Nantaux, il a barré la rivière. Aussi appelés Pardons, les oratoires sont l’expression de la foi populaire des habitants des Alpes. Ce sont de petits édifices construits sous forme de niches, principalement en pierre. On les rencontre aux détours des chemins, dans les hameaux, du fond des vallées jusqu’en alpage et sur les sommets. Ils sont principalement dédiés à la Vierge, parfois à des saints. Ils expriment un remerciement suite à une maladie, un accident, une ca‑ tastrophe naturelle dont on a été épargné. Ces oratoires se singularisent d’une commune à l’autre par les matériaux utilisés et le savoir-faire des artisans locaux : ainsi recoure-t-on tout naturellement au marbre rose à la Vernaz, ou aux ardoises à Morzine. 4 Les moulins de la Tine La plus ancienne mention des moulins de la Tine date de 1401. Véritable « zone industrielle » du val d’Illiez, le site comptait un moulin à roue hori‑ zontale alimenté par un bisse*, une scierie et une forge avec habitation, des foulons*, un pressoir, des moulins avec habitations ainsi qu’une écurie à chevaux. On l’utilisait pour décortiquer et moudre le grain tout d’abord, puis pour broyer les fruits, les oléagineux et piler le chanvre. En 1980, la commune de Troistorrents devient propriétaire des mou‑ lins. Laissé à l’abandon après la Deuxième Guerre mondiale, le site est restauré depuis 1980 et classé à l’inventaire suisse des biens culturels d’importance nationale et régionale. Les toits en sifflet de Val d’Illiez Le val d’Illiez, une vallée propice à l’élevage du bétail, se caractérise par ses prés verdoyants et son habitat dispersé. Construites en madriers d’épicéa, les maisons paysannes rassemblent l’habitation, la grange et l’écurie. Les toits dits « à sifflet » s’avancent au-dessus de la façade principale afin d’en protéger les galeries aux balustrades en planches découpées. Seulement trois localités ponctuent la vallée : Champéry prisé des touristes, Val-d’Il‑ liez au centre, Troistorrents et ses moulins. 70 71 0 Le statut particulier de l’alpage de Lens L’alpage de Lens est cité dès 1425 à propos de l’impôt sur le fromage, l’auciège*, prélevé par l’abbaye d’Abondance. Il se trouvait sur le chemin que les abbés empruntaient pour rejoindre le val d’Illiez dont ils avaient obtenu le titre de prieur au xive siècle. Le site bénéficie d’un statut particu‑ lier qui lui confère son originalité. En effet, un acte notarié du 25 juin 1503 fit des habitants du hameau de Sous le Pas les propriétaires de cet alpage. D’une superficie de près de 300 hectares, il s’agit donc du plus important alpage privé collectif de la vallée et de l’un des plus étendus du HautChablais. La mappe sarde de 1738 y recensait dix-neuf chalets. À la suite d’un incendie, ils furent presque tous reconstruits dans les années 1890. La guerre des alpages En 1299, une plainte de l’abbaye d’Aulps est déposée contre Abondance devant le juge du Chablais et Genevois, au motif que les montagnes d’Ardens et l’Aulps de Coutti, qui appartiennent à l’abbaye d’Aulps, sont revendiquées par l’abbaye d’Abondance. « Les hommes d’Abondance sont 4 On pourrait imaginer que le lieu-dit montagne de l’Hiver est la Sibérie du Valais. Il n’en est rien. Cette appellation est une facétie des topographes de la Berne fédérale. En patois franco-provençal, le lac Vert se dit en effet « li vert », d’où l’appellation francisée retenue pour le site. Le plateau du lac Vert est un vaste pâturage de presque 100 hectares, bordé par la pointe de Chésery au nord et la pointe des Mossettes au sud. Il recèle deux paliers abritant chacun un lac. À quelques centaines de mètres au nord, jaillit une importante source, la Fontaine Blanche. L’eau s’infiltre dans le fond du lac de Chésery et chemine lentement dans la roche calcaire par de petits conduits : elle met quatre jours pour franchir 300 m ! La Vièze de Morgins, qui est captée en hiver pour l’alimentation en eau potable de la station du même nom, recueille ces eaux, ainsi que celles qui descendent depuis le col voisin des Portes du Soleil. Le plateau étant constitué de roches schisteuses riches en argiles, les eaux de pluie s’infiltrent mal et donnent naissance à des marais à l’amont du lac Vert et sous la buvette. Ce caractère particulier lui confère son classement en « périmètre de protection de la nature d’importance cantonale ». Du coup, ce paradis naturel est préservé, même en hiver : aucune piste de ski ne traverse la montagne du lac Vert. 73 Dans les années 1950, une statue de la Vierge à l’enfant en bois polychrome est découverte dans les combles de l’église de Montriond. Datée du xiiie siècle, il s’agit probablement de Notre-Dame des Grâces, installée lors de la construction de la chapelle de 1535. Remise en bonne place dans l’église, la statue est volée en 1980. On ne la retrouve qu’en 2005 chez un receleur belge. La même année, Notre-Dame d’Abondance, qui devait être mise sous cloche de protection scellée le lundi… fut volée le vendredi ! Cette statue en bois polychrome du xve siècle, chef-d’œuvre de la sculpture gothique savoyarde, sera retrouvée en même temps au même endroit ! Restaurées, elles sont exposées dans leur église respective, sous bonne protection, bien entendu ! allés en troupe avec armes sur les montagnes d’Ardens et l’Aulps Coutti. Ils ont détruit quatre maisons, jeté le foin dans l’eau, pris et emmené environ 200 vaches. Ils ont violenté et tué des vaches. Ces hommes descendent dans la vallée d’Aulps et vont jusqu’à tuer un homme qui s’était attaché à la croix du grand autel dans l’église de Saint-Jean de la Moussière. » Les deux communautés vont se disputer les montagnes d’Ardens, la Lanche, l’Aulps de Coutti et Chaufleuri jusqu’en août 1301.Des moines des deux abbayes vont alors parcourir les alpages et déposer les bornes après le jugement. Malgré tout, il y aura encore pendant plusieurs années, nombre de représailles de la part des gens d’Aulps et d’Abondance, dans les alpages revendiqués. L’abbaye d’Aulps : excursion dans le Moyen Âge 0 L’abbaye d’Abondance est classée au titre des Monuments Historiques en 1875, grâce notamment à son église d’architecture gothique dont le chœur est entouré d’un déambulatoire et de chapelles rayonnantes, ainsi qu’à son cloître décoré de peintures murales du xve siècle. Dotée par les puissants seigneurs de la région d’un large ter‑ ritoire correspondant à l’actuelle commune de Saint-Jeand’Aulps, l’abbaye Sainte-Marie-d’Aulps vit son église consacrée en 1212 par l’évêque de Genève. Partiellement détruite par les habitants de Saint-Jean-d’Aulps en 1823, elle fut classée au rang des Mo‑ numents Historiques en 1902. L’abbatiale d’Aulps est toujours considérée comme l’un des joyaux de l’architecture cistercienne. À l’intérieur du domaine de trois hectares, l’ancienne ferme monas‑ tique restaurée et transformée accueille désormais un centre d’interpré‑ tation. Sur 650 m d’exposition, la vie quotidienne des moines, leurs fonc‑ tions au sein de la communauté, les rapports entre l’abbaye d’Aulps et la Savoie, l’histoire surprenante de sa destruction et les secrets des plantes médicinales sont expliqués aux visiteurs de manière simple et ludique. Le Domaine de découverte de la Vallée d’Aulps abrite également les celliers, la poterie et le jardin des simples. Adapté à tous les publics, c’est un site idéal pour aborder la vie quotidienne médiévale. 4 74 75 Morzine – Champéry Sur les pas des contrebandiers >> Avant d’être Savoyards ou Valaisans, Suisses ou Français, les autochtones sont des montagnards. Depuis des siècles, les frontières naturelles ou politiques n’ont pas empêché les passages et les échanges entre les hommes. Le randonneur vient aujourd’hui dans ces montagnes pour son seul plaisir ou pour admirer les migrations d’oiseaux et d’insectes. Situé à un point de passage obligé, le col du Cou a vu défi‑ ler des générations de marcheurs. Aux xve et xvie siècles, les pèle‑ rins le franchissaient pour rejoindre l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune en Valais, ou celles d’Abondance et d’Aulps en HauteSavoie. La foire de Morzine attirait aussi de nombreux Valaisans. L’arrivée massive de touristes dès le début du siècle dernier contraint les autorités à y construire un poste de douane en juin 1927, sans stopper pour autant le flux incessant de passeurs. Avec la Seconde Guerre mondiale et le blocus qu’elle engen‑ dra, la région fut le théâtre d’un vaste réseau de contrebande. Il y transitait en fraude du tabac, des allumettes, du papier à cigarette, du sucre, du café, du bétail, des montres, des chro‑ nomètres, des souliers ! Bien qu’illégale, la contrebande était pour ses pratiquants un métier comme un autre, dont le savoirfaire se transmettait de père en fils ; c’était le sport à la mode ! Les périples n’étaient pas dénués de danger : ces contrebandiers transportaient sur les petits sentiers instables des charges pou‑ vant atteindre jusqu’à 30 kg, en toutes conditions météorolo‑ giques et dans l’obscurité la plus totale pour plus de discrétion. On sait aussi que de nombreux Juifs eurent la vie sauve grâce au courage de Morzinois qui les aidèrent à passer la frontière pour se réfugier en Suisse. Aujourd’hui un itinéraire thématique, le sentier des Contrebandiers, retrace l’itinéraire emprunté par ces hommes courageux. 77 Lac des Plagnes se an Dr Lac de Tavaneuse e nc da on b d’A L’itinéraire, pas à pas Pas de Morgins Lac de Morgins Vièze de Morgins Pte Nantaux 2170 m ld eM or gin s Pte d’entre-Deux Pertuis 2176 m Va Tête du Géant 2232 m Pte de Chésery 2249 m Lac de Montriond Architecture Lac de Chésery Pte des Mossettes du XXe 2277 m Ardoisière Pte de l’Au 2152 m Portes du Soleil Lac Vert AOMC Lac d’Avoriaz Morzine Eglise de Morzine Les Hauts Forts 2466 m Cascade de Nyon La Lac des Mines d’or Dr an se de Mo Pte de Nyon rzi 2019 m ne Champéry Architecture du XIXe Croix de Culet 1963 m e z Pte de Ripaille Viè La 1927 m Galerie Défago Les Fornets 2298 m Col de Cou Barme Dents Dentsdu du Midi Midi 3210 m Col de Bretolet Pte d’Angolon 2090 m Dent de Bonavau 2503 m Tête de Bossetan 2406 m Rouleau de Bossetan Dents Blanches 2759 m Col de la Golèse 0 1 Carte de randonnée : IGN 3528 ET Morzine - Massif du Chablais - Les Portes du Soleil 1 : 25 000 Carte Chablais valaisan - Entre Lac Léman et Dents du Midi - MPA Verlag 1 : 25 000 Accès : Par la ligne de bus Thonon – Cluses, arrêt à Morzine. Possibilités de parking en station. Retour : Par la ligne de l’AOMC jusqu’à Aigle, puis le train jusqu’à Lausanne, le bateau pour Thonon-les-Bains et enfin la ligne de bus Thonon-Morzine. Cartes : IGN 3528 ET Morzine – Massif du Chablais – Les Portes du Soleil 1/25 000 Carte Chablais valaisan – Entre Lac Léman et Dents du Midi – MPA Verlag 1/25 000 Suggestion : On peut coupler cet itinéraire avec celui de la Route des abbayes. Depuis Champéry, rejoindre Les Crosets puis le refuge du Lac Vert et suivre l’itinéraire jusqu’à Montriond-Morzine. Compter deux jours. 78 De l’Érigné, emprunter la route, dépasser le Charny et rejoindre à gauche le sentier d’accès au lac des Mines d’Or par la forêt. Contourner le lac et suivre la route d’Alpage jusqu’aux chalets de Fréterolle. Prendre le chemin menant au col de Cou par la forêt comme indiqué sur le balisage. Suivre le GR5, franchir la frontière et derrière le col rejoindre, à plat, la crête de Berroi. Laisser à droite le chemin menant au col de Bretolet où sont dressés les filets permettant l’étude et le bagage des oiseaux migrateurs. Descendre l’arête de Berroi, passez la croix d’Incrène et peu avant la route asphaltée prendre à droite le chemin menant directement sur le plateau de Barme. 2e jour : Plateau de Barme – 3 km ITINÉRAIRE & Étapes : 1er jour : Morzine – Plateau de Barme De l’église de Morzine, franchir le vieux pont, prendre la « rue Bidon » et sortir du village en remontant la Dranse par la rive gauche. Emprunter la passerelle sous la route et à partir de la caserne des pompiers, remonter la vallée en suivant « La promenade du Renard » jusqu’à l’Érigné derrière ; en passant aux abords de la cascade de Nyon puis à la Mouillette. Distance Dénivelée Dénivelée Temps de marche positive négative 1er jour Morzine – Plateau de Barme 15 km 1 045 m 520 m 4 h 50 2e jour Plateau de Barme – Champéry 5,5 km 65 m 504 m 1 h 40 Champéry De Barme, longer la rivière et suivre le balisage jaune pour rejoindre le Champ de Barme, suivre la route jusqu’aux Clous et au Grand Paradis. Du Grand Paradis, il est possible de prendre à droite le chemin menant à la Galerie Défago et d’effectuer une boucle pour découvrir cette attraction aménagée dans la roche. Le chemin rejoint ensuite Champéry en longeant la Vièze puis en suivant le coteau jusqu’à Champéry. Suggestion Au passage, en profiter pour découvrir les panneaux du chemin des contrebandiers. 79 Les découvertes, chemin faisant Les ardoisières de Morzine Les premières ardoises ont été découvertes en 1734 dans la vallée de Sous-le-Saix, aujourd’hui vallée des Ardoisières. Une centaine de mines ont été exploitées, dont on peut encore distinguer les nombreuses ou‑ vertures dans la paroi rocheuse. Au xixe siècle, les paysans morzinois exploitaient les carrières en hiver, la neige interdisant tous travaux dans les champs. Cette exploitation a réduit considérablement l’émigration saisonnière, et a apporté une cer‑ taine prospérité à Morzine. Ces ardoises étaient utilisées autrefois principalement pour les toi‑ tures. De nos jours, on a su diversifier leur production en fabriquant dal‑ lages, tables, plans de travail, cheminées, assiettes… En 2010, une seule ardoisière est encore en activité, et d’anciens ar‑ tisans se livrent à leur passion. L’attrait actuel pour la construction et la restauration avec des matériaux traditionnels devrait assurer la pérennité du métier d’ardoisier. 3 Avoriaz et Champéry En 1690, la chapelle de Morzine, dédiée à sainte Marie Madeleine, est remplacée par une église qui sera le premier bâtiment à recevoir une toiture en ardoises, ces dernières étant produites depuis peu. Remaniée entre 1803 et 1805, elle deviendra aussi la première église chablaisienne décorée à l’intérieur dans le style néo-classique sarde*. L’architecte Jean-François Amoudruz, qui réalisa 32 clochers à bulbe en Savoie, dessine un édifice de style baroque à l’extérieur. Peintures et sculptures sont l’œuvre des frères Baud. Originaires de Morzine, ces deux garçons sont issus d’une famille de menuisiers, ébénistes et sculpteurs. Leur père, Jean-François (1782-1860), est déjà un maître sculpteur et doreur reconnu dans le Chablais et jusqu’à Chambéry. Antoine Baud (1810-1850) a été l’élève de Paul Delaroche à Paris avant d’enseigner lui-même le dessin et la peinture à Chambéry. Laurent Baud (1827-1907) suit les traces de son frère dans la carrière artistique. Il perfectionne sa formation en suivant les cours de l’école des Beaux-Arts de Turin. On retrouve des œuvres de ces deux artistes à travers tout le Chablais et les terres de la Maison de Savoie, chez les particuliers mais surtout dans les églises. 80 La rue centrale de Champéry. 4 L’une est accessible par le câble, l’autre par le rail : Avoriaz est une station de troisième génération sans voitures, Champéry présente l’architecture traditionnelle des premières stations d’hiver. Réalisée par l’architecte Jacques Labro (grand prix de Rome, membre de l’académie d’architecture) assisté par Jean-Marc Roques et JeanJacques Orzoni, Avoriaz se distingue par son intégration dans le site, l’uti‑ lisation bien pensée des matériaux, de la pente et de l’exposition au so‑ leil… Depuis 2003, certains de ses bâtiments, dont l’hôtel des Dromonts et la chapelle des Résistants, sont labellisés « patrimoine du xxe siècle ». Son téléphérique, construit en 1962 au fond de la vallée des Ardoisières, est resté pendant longtemps l’unique moyen d’accéder à la station. Accessible depuis 1908 par le chemin de fer, Champéry est une sta‑ tion touristique de première génération vouée à l’origine au tourisme contemplatif et au climatérisme*. Au début du xxe siècle, la station comp‑ tait déjà six hôtels. Le village s’est développé le long de la rue centrale. Comme d’autres stations alpines, elle connut le confort des villes euro‑ péennes avant les cités de la plaine du Rhône. Le guide Bädecker en 1913 la décrit comme « un beau site très fréquenté comme séjour d’été et pour les sports d’hiver. » Un premier téléphérique est bâti dès 1939 et la saison hivernale devient prépondérante. Le domaine skiable s’étend dans les années 1960. Champéry et Avoriaz, avec Les Crosets, proposent alors un premier forfait de ski transfrontalier, prémisse à la naissance de l’associa‑ tion des Portes du Soleil en 1974. Ce territoire est de nos jours l’un des plus grands domaines skiables au monde. Ignorant la frontière francosuisse, les skieurs peuvent parcourir pas moins de 650 km de pistes ! 81 0 Un site idéal pour observer les migrations Le col de Bretolet et le col de Cou constituent l’un des plus importants lieux de passage des Alpes. Ils sont survolés chaque automne par des milliers d’oiseaux migrateurs (pinsons des arbres, rouges-gorges, tarins des aulnes, accenteurs mou‑ chetés…), de rapaces (milan noir, faucon pèlerin, gypaète barbu…), de chauves-souris, de papillons de nuit et de syrphes*. Ce site offre des conditions uniques pour une surveillance à long terme du déroulement de la migration des oiseaux et des insectes. La station ornithologique du col de Bre‑ tolet, gérée par le centre de Sempach, permet de collecter depuis 1958 de nombreuses données scientifiques (état de santé, métabolisme, étude de mue, évolution à long terme du comportement migratoire et corré‑ lation avec le réchauffement climatique…) à l’aide de filets de capture et d’une station de baguage. Les jeunes amateurs peuvent se former en ces lieux et s’initier à cette pratique en tant que bénévoles. Le nom de Barme est issu de « balma », mot de l’ancien français signifiant grotte ou caverne. Par rhotacisme (un phénomène phonétique qui consiste à transformer en « r » la consonne « l »), ce mot devient en patois Barmaz, et signifie hameau d’alpage. Dans le cas du cirque de Barme, la deuxième hypothèse semble la plus appropriée. Le massif des Dents du Midi fait partie des hautes Alpes calcaires, vaste série de roches sédimentaires*. Déposés au cours de l’ère secondaire, il y a plus de 125 millions d’années, sur la marge continentale nord de l’océan alpin* aujourd’hui disparu, ces sédiments se sont fortement plissés sous l’effet des forces colossales en jeu dans la formation des Alpes. La face nord des dents du Midi laisse apparaître deux plis couchés superposés visibles dans le paysage, Ils témoignent des puissances phénoménales déployées pour former cet imposant massif à la ligne de crête déchiquetée par l’érosion, qui contraste avec les lignes plus douces des sommets voisins. 4 Commerce illicite à « saute frontières » Entre Champéry et Morzine, transitaient en fraude des marchandises taxées, mais également du bétail, des montres, des chronomètres et de l’or. Le passage des contrebandiers se faisait par le pas de Chavanette et le col de Cou. Le poste de douane suisse était situé au col de Cou, alors que les douaniers français disposaient d’une cabane à l’alpage de Fréterolle. Quel que soit le chemin choisi, le trajet se faisait de nuit pour plus de discrétion. L’hiver, les passeurs chaussaient les skis. On raconte d’ailleurs qu’un contrebandier français passait des lingots d’or dans une cache aménagée dans la semelle de ses skis en bois ! Les chalets de la vallée de la Manche étaient utilisés comme « milieu », étape vers les alpages. Mais ils servaient aussi de base arrière aux contrebandiers. En ce 2 juillet 1826, on inaugure l’orgue en bois qui achève l’aménagement de l’église de Montriond. L’instrument avait été commandé à un facteur d’orgue de Naters, près de Brig dans le Haut-Valais. Une fois achevé, il avait été acheminé en contrebande à travers la montagne durant l’hiver, certaines de ses pièces étant même restées prisonnières de la neige jusqu’au printemps ! L’orgue de Morzine fut construit au début du xixe siècle par le valaisan Carlen. Il aurait été également importé de Suisse en contrebande par le col de Cou. Lors de son transport, le buffet aurait été perdu et remplacé ensuite par une pièce achetée aux Barnabites* de Thonon-les-Bains. L’orgue a été restauré en 1970. 82 83 Villeneuve – Bex Glaciers disparus de la vallée du Rhône >> Cet itinéraire propose un saut de géant dans le passé, lorsque le Chablais et le pourtour alpin étaient recouverts d’énormes glaciers. Il offre les clés pour comprendre l’évolution du paysage de la vallée du Rhône, jusqu’à la plaine alluviale fertile que l’on découvre aujourd’hui. La plaine du Rhône chablaisienne possède un patrimoine glaciaire important : gigantesques blocs de pierre déposés ça et là, roches polies et striées par le passage du glacier, deltas for‑ més à une époque où le lac Léman était bien plus grand qu’au‑ jourd’hui, mystérieuses petites collines… Sur quelques kilomètres, ce cheminement parcourt plu‑ sieurs dizaines de milliers d’années, de la dernière grande gla‑ ciation il y a 40 000 à 50 000 ans, aux premières tentatives de canalisation du Rhône au xixe siècle. Les blocs erratiques ont une grande valeur patrimoniale. C’est en tentant d’expliquer l’origine de leur dépôt que les scientifiques de l’époque, Venetz, Charpentier, Agassiz, ont éla‑ boré et diffusé la théorie glaciaire au début du xixe siècle. Cette thèse selon laquelle les glaciers avaient connu une importante extension par le passé ne fut pas adoptée sans mal, les nom‑ breux opposants préférant l’explication diluvienne du dépôt de ces rochers. Les plus grands penseurs de l’époque sont ainsi 0 EmdslfkHillabo. Et as volor ad ea paritatis consequis unde 1 volorest eum repra con rem. Nequi simolenet dia volestem dignim re aut quia conem. Hicit, imodis venus sur le terrain erratique du Chablais et du Jura avant de se convertir les uns après les autres ! C’est grâce à cette avancée de la connaissance que les premiers mouvements de protection du paysage ont vu le jour, pour sauvegarder les blocs erratiques. Ces géants d’un autre temps étaient en effet menacés de disparition par l’exploitation intensive de la pierre dans la région. 85 Lac Léman Lac de l’Hongrin V A U D de roi uF a L’E Vieux Rhône L’itinéraire, pas à pas Mont d’Or 2175 m Tour d’Aï 2331 m Collines de Chessel-Noville Le Grammont 2172 m Château de la Porte du Scex CFF au eE nd a r G La au Le Foss CFF Le Chamossaire 2112 m A9 Rigoles de Vionnaz Haut Sex 1961 m Pte de Bellevue 2042 m e ôn Rh Le Tour de Don 1998 m AOMC onne La Gry çon L’Avan Blocs erratiques orgins e de M Pierre des La Vièz Marmettes V A L A I S 0 1 3 km Pte des Savolaires 2294 m 2e jour : Vouvry – Monthey ièze La V Verrou glaciaire de St-Maurice Carte de randonnée : Carte Chablais vaudois AVTP - MPA Verlag 1 : 25 000 Carte Chablais valaisan - Entre Lac Léman et Dents du Midi - MPA Verlag 1 : 25 000 Carte Leysin - Les Mosses - AVTP - MPA Verlag 1 : 25 000 Accès : Par le train ligne Genève-Lausanne-Brigue et par les bateaux de la CGN. Possibilité de parking aux abords de Villeneuve. Retour : Par la ligne de train régionale Bex-Villeneuve. Cartes : Carte Chablais vaudois AVTP – MPA Verlag 1/25 000 Carte Chablais valaisan – Entre Lac Léman et Dents du Midi – MPA Verlag 1/25 000 Carte Leysin – Les Mosses – AVTP – MPA Verlag 1/25 000 ITINÉRAIRE & Étapes : 1 jour Villeneuve – Vouvry 2e jour Vouvry – Monthey 3e jour Monthey – Bex er 86 1er jour : Villeneuve – Vouvry Des bords du Léman à Villeneuve, suivre le balisage officiel en direction des Grangettes. Longer le quai puis franchir l’Eau Froide, suivre ensuite les rives du lac, traverser Les Grangettes, puis remonter le cours du Grand Canal jusqu’au pont, le franchir et rejoindre le Vieux Rhône à Chaux Rossa. Poursuivre jusqu’au cours actuel et remonter le Rhône jusqu’à la Porte du Scex. Traverser le Rhône puis le canal Stockalper*, laisser le château sur la droite et longer la route principale jusqu’aux premières maisons de Vouvry. Franchir les 3 voies prudemment et gagner le bas du versant en suivant le balisage officiel. Entrer dans le centre de Vouvry. Distance Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 13 km 44 m 23 m 3 h 10 13,5 km 361 m 329 m 3 h 40 13 km 594 m 591 m 3 h 55 Du centre de Vouvry, suivre le balisage en direction de Vionnaz. Longer le bas du versant par Pierre à Perret puis traverser le village de Vionnaz, longer la route jusqu’à Crébellay, franchir le torrent qui irrigue les rigoles de Vionnaz et rejoindre le versant pour passer derrière Coquet par Châble Croix et suivre le chemin jusqu’à Muraz. Suivre brièvement la route dans le village et poursuivre en suivant le balisage en direction de Monthey. Traverser le nant Neuf et suivre ensuite le chemin de l’ancienne carrière passant devant le bloc Studer. Gravir le versant audessus de Collombey par Maison Blanche puis par Malévoz atteindre Monthey. 3e jour : Monthey – Bex De la place centrale de Monthey, prendre la direction du sud, franchir la Vièze par le vieux pont de bois et longer la route cantonale en suivant le balisage. Passer par Marendeu puis le Grand Clos pour rejoindre le carrefour des Combes, laisser à gauche le chemin menant à Fontany et Champ-Bovey (d’où l’on peut aussi rejoindre le verrou de SaintMaurice en suivant le balisage de la Via Francigena et longer de belles roches moutonnées). Prendre le chemin gravissant le versant vers Daviaz puis entamer la descente par Le Bioley puis Vers-chez-Combe. Suivre le balisage pour atteindre le verrou de Saint-Maurice, descendre le chemin du château, de la grotte aux Fées et des forts récemment équipé de panneaux didactiques. Au parking du château, revenir sur vos pas le long de la route jusqu’au pont du xiie siècle, le franchir et gagner la rive vaudoise. Emprunter la passerelle gravissant la colline de Chiètres par les fortifications Dufour. Poursuivre en passant au-dessus des Caillettes où se trouve la plus grande marmite glaciaire de Suisse et continuer en tournant derrière La Pelouse puis en descendant sur Bex par L’Allex. Franchir L’Avançon et gagner le centre-ville. 87 Les découvertes, chemin faisant 3 Le Rhône, un fleuve domestiqué La vallée du Rhône à l’amont du lac Léman était autrefois une vaste plaine marécageuse où divaguait un fleuve sauvage et dynamique, modifiant constamment la configuration du paysage et bouleversant les équilibres économiques et sociaux. L’Homme a essayé d’endiguer le fleuve pour se protéger de ses crues et gagner du terrain. La première correction du Rhône, de 1863 à 1893, marque un tournant dans l’histoire de la vallée, même si de précédentes tentatives, certes moins ambitieuses et plus ponctuelles, avaient déjà été entreprises auparavant. La plaine du Rhône est assainie, change de visage : de Camargue elle devient peu à peu Cali‑ fornie. Toutefois, le lit se comble de sédiments et le fleuve déborde à nou‑ veau. Une seconde correction est effectuée de 1930 à 1960 afin d’aug‑ menter la puissance de charriage du fleuve. À l’instar de Sisyphe* qui remontait sa pierre, les habitants de la val‑ lée doivent inlassablement composer avec le fleuve et évacuer les roches tombées des versants. Suite notamment aux inondations de l’an 2000, une troisième correction est aujourd’hui en cours. Celle-ci a pour but de rendre au fleuve une partie de la place qu’il occupait naturellement et de creuser son lit tout en lui restituant sa fonction écologique et un paysage plus harmonieux. 88 Le vieux Rhône. Les rigoles de Vionnaz, classées en 1994 à l’inventaire fédéral des bas-marais d’importance nationale, représentent actuellement le plus grand marais de la plaine du Rhône en Bas-Valais. D’une superficie de 14 hectares, il comprend des forêts humides, des roselières et une tourbière, ce qui en fait un écosystème riche et diversifié. 3 légende Go ego et vessit L. Sa menihic auciam prit? Patum ingultore, notatimorum quod aus ips, et? Vocae mo tam se con sus hus horae cata, qua int. Les deltas perchés, une curiosité du paysage lémanique Après le retrait des glaciers qui remplissaient toute la vallée du Rhône jusqu’à une hauteur d’environ 1 500 m dans le Chablais, le lac Léman oc‑ cupait une vaste région et venait baigner les pieds du verrou rocheux de Saint-Maurice. La ligne de rivage était plus haute de 30 m. Des deltas se développèrent à la convergence des vallées latérales avec la vallée prin‑ cipale. Avec le retrait des glaciers, le niveau du lac baissa et les eaux se retirèrent. Les accumulations de sédiments formant les deltas se sont re‑ trouvées émergées, dévoilant leur forme caractéristique en éventail. Au‑ jourd’hui fossiles – les processus à la base de leur formation n’étant plus en activité – elles subsistent bien au-dessus du niveau du lac actuel : ce sont les « deltas perchés ». C’est ainsi que sur une de ces terrasses qui bor‑ daient le lac autrefois au-dessus de Villeneuve, on a retrouvé dans l’abri du Scex du Châtelard des vestiges préhistoriques d’une tribu qui vivait notamment de ce que le lac lui offrait. 89 Les blocs erratiques, vestiges du passage des glaciers du Rhône provenant des flancs du Grammont. La masse rocheuse, en s’enfonçant dans la plaine encore marécageuse, a formé un vaste cratère, poussant les sédiments en avant et les soulevant, créant de petits monti‑ cules de quelques mètres de hauteur. Le volume des sédiments soulevés peut être estimé à 30 millions de mètres cubes ! Ce mystère étant aujourd’hui élucidé, la question au centre des dé‑ bats est celle de la datation de cet évènement. Bon nombre de scienti‑ fiques évoquent le célèbre éboulement historique du Tauredunum de Un glacier transporte tout ce qui se trouve sur ou à l’intérieur de sa masse de glace. Cette charge, constituée de blocs, graviers, sable et autres troncs d’arbre, se déplace avec le mouvement continu du glacier. Elle est déposée telle quelle lors de la fonte de la glace ou lorsque la limite fron‑ tale ou latérale du glacier est atteinte. Les blocs erratiques se retrouvaient ainsi dans des positions parfois étonnantes et sur des environnements géologiques étrangers, ainsi un bloc de granite posé sur du calcaire. Ils ont constitué une énigme pour les scientifiques jusqu’au milieu du xixe siècle et l’émergence de la théorie glaciaire. Les blocs erratiques les plus impressionnants et représentatifs se situent à Monthey (pierre des Marmettes, pierre à Dzo, pierre à Mu‑ guet, bloc Studer) et dans la forêt du Montet à Bex (bloc Monstre, pierra Bessa). 563, rapporté par Marius d’Avenches et Grégoire de Tours. Cette hypo‑ thèse a fait couler beaucoup d’encre, certains situant le Tauredunum dans la cluse du Rhône à la hauteur du bois Noir. Comme en témoigne le paysage, les sédiments déposés par le glacier et par le fleuve favorisent l’agriculture. Dans cette plaine fertile, on pra‑ tique notamment la culture maraîchère, fruitière et arboricole. 3 Le verrou de Saint-Maurice Le château de la Porte du Scex, situé en un passage obligé sur la route entre le sud Léman et le Valais, était un poste de péage de la Maison de Savoie puis de l’évêché de Sion (1476) et de l’abbaye de Saint-Maurice (1671). Il jouxte la route cantonale qu’il contrôlait, mais aussi le Rhône et le canal Stockalper*. Propriété de l’État du Valais, le château abrite aujourd’hui le Musée historique du Chablais où diverses expositions sont organisées chaque année. Une partie du musée est consacrée au Rhône et à son histoire. Le site abrite aussi la plus ancienne station de mesure sur le fleuve. Modifié en 1815, les murs et le pont-levis furent supprimés, le château subit les crues du Rhône et son aile flanquant le canal fut détruite. Devenu poste de gendarmerie, il fut ensuite entièrement restauré en 1967. Il est géré par la commune de Vouvry qui le confie aux bons soins de la Fédération des associations et fondations historiques du Chablais. D’une manière générale, un verrou est constitué de roches plus résis‑ tantes que celles situées devant et derrière lui ; le glacier va donc creuser plus profondément la roche entre chaque verrou présent sur son chemin. Celui de Saint-Maurice, formé des plateaux de Chiètres et de Vérossaz, est un magnifique exemple. Il émerge de 100-150 m au-dessus du niveau de la plaine, mais mesure en réalité plus de 600 m de haut ! Il peut donc être comparé à un iceberg largement dissimulé par les sédiments. Le sur‑ creusement* à l’amont et à l’aval du verrou est très important, le fond rocheux se trouvant plusieurs centaines de mètres sous le niveau actuel de la plaine. 4 L’énigme des collines de Chessel-Noville L’origine de ces collines a intrigué les scientifiques dès le milieu du xixe siècle et a fait l’objet de très nombreuses publications : s’agissait-il de moraines* du glacier local des Évouettes ou de celui du Rhône, d’un reste d’éboulement ? Ces hypothèses ont été définitivement écartées au début des années 1990 lorsque la profondeur du fond rocheux a été détermi‑ née. Ce dernier se situant à 790 m sous le niveau de la plaine, à hauteur de Crébelley, il était donc impossible qu’une moraine puisse émerger ! Aujourd’hui, après de nombreuses études, on sait que les collines se sont formées suite à l’impact d’un immense éboulement dans la plaine 90 91 Évian – Meillerie Les secrets de l’eau >> Du Léman aux Mémises, la terre et l’eau se rencontrent dans des paysages doux et ronds. Ils abritent une source d’eau minérale naturelle, des sources vagabondes, des gisements de pierre de construction. Ces trésors vous livrent leurs secrets au fil de cet itinéraire. Les vertus de l’eau sont connues de longue date, comme certains sites archéologiques en attestent. Le thermalisme se pratique depuis plus de 5 000 ans : l’eau est nécessaire non seu‑ lement pour soigner les maladies, mais aussi et surtout pour le bien-être de l’Homme. En 1789, alors que le bourg d’Évian faisait encore partie du duché de Savoie, le comte de Laizer, gentilhomme auvergnat souffrant de la « gravelle », des calculs rénaux, vint prendre les eaux à Amphion en même temps qu’il fuyait les tumultes de la Révolution française. Au cours d’une promenade à Évian, il se désaltéra à l’eau d’une source qui jaillissait dans le jardin de M. Gabriel Cachat. La jugeant « agréable, légère et bien passante », il décida d’en boire régulièrement… et s’en trouva bientôt guéri ! Il vanta autour de lui les mérites de cette eau « miraculeuse ». Dès lors, la réputation d’Évian ne cessa de croître : après des analyses, les vertus de l’eau furent attestées, les médecins la prescrivirent et les curistes affluèrent. Ainsi débuta la notoriété de l’eau miné‑ rale naturelle Évian® et de la ville. Faiblement minéralisée, équilibrée en minéraux, l’eau miné‑ rale naturelle Évian® est toujours administrée à ceux qui vien‑ nent soulager différentes affections. Elle peut être bue par tous, tout au long de la vie, y compris par les organismes les plus fra‑ giles comme ceux des nourrissons et des femmes enceintes. 93 L’itinéraire, pas à pas Lac Léman Évian-lesBains Jardins du Pré Curieux Buvette Cachat Source Cachat (evian) Meillerie Prieuré N5 Pierre de Rousseau Carrière de Meillerie Point de vue du Hucel Parc de Neuvecelle D11 D24 RN D21 Château de Larringes Sources vagabondes Mt César 1548 m D52 Larringes D21 D32 Lacs de la Beunaz et zones humides D121 ine L’Ug Pic Boré 1974 m Bernex Table d’orientation de Champellant Dra nse s mise s Mé e de n g ta Mon Mt Bénand 1284 m Bois de l’Envers Dent d’Oche 2221 m Mt Baron 1560 m 2e jour Larringes – Bernex D32 D121 ce an nd bo d’A nse Dra Pte de Tréchauffex 1627 m Vallée d’Aulps 0 nse Dra von Bre 1 Val d’Abondance 3 km Carte de randonnée : IGN 3528 ET Morzine - Massif du Chablais - Les Portes du Soleil Accès : Par la ligne de bus depuis Thonon-les-Bains et par les bateaux de la CGN depuis la rive suisse. Retour : Par la ligne de bus reliant Meillerie à Évian. Carte : IGN 3528 ET Morzine – Massif du Chablais – Les Portes du Soleil 1/25 000 94 1er jour Évian – Larringes Depuis les bords du lac Léman, rejoindre le palais lumière et prendre la route le longeant à gauche, pour suivre le balisage du GR de pays littoral du Léman. Monter par la Verniaz jusqu’à Chez Rebet. Poursuivre vers le parc de Neuvecelle, le remonter, traverser Chez Potruz, Pierre Grosse, Chez les Laurents, Chez Crosson et poursuivre en direction du château de Larringes. Passer devant celui-ci et rejoindre Larringes. ITINÉRAIRE & Étapes : Distance Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 1er jour Évian-Larringes 586 m 165 m 11 km 3 h 30 2e jour Larringes-Bernex 576 m 412 m 16 km 4 h 30 3e jour Bernex-Meillerie 398 m 970 m 11 km 3 h 15 Devant l’église de Larringes, prendre à gauche la route menant à Curninges. Suivre la piste à gauche jusqu’à une porcherie et prendre à droite le chemin menant Chez Divoz. À l’entrée du hameau, prendre à gauche vers Chez Portay. Traverser le village par la départementale 21 pour prendre ensuite à droite la direction du nord et rejoindre la table d’orientation près de la chapelle de Champeillant. Descendre au hameau de Sur les Crets et prendre à gauche la piste qui rejoint les Granges. Poursuivre par une petite route qui va plein est, traversant les villages de Les Clouz, Théry, et la Divey. Derrière la dernière maison, s’engager sur la piste. Rester au plus près de l’Ugine sur un petit chemin qui traverse la route départementale 32 à Grange Blanche avant de remonter aux Faverges. Prendre à gauche après la Chapelle et suivre le chemin balisé qui remonte à Frenay puis à la Beunaz et passe entre le lac Noir et le lac de la Beunaz. Emprunter à droite la route de la Gottetaz puis remonter à travers forêt et prés jusqu’à Benand, puis redescendre jusqu’à Bernex. 3e jour Bernex – Meillerie De Bernex, prendre la route de Creusaz puis, à gauche, les chemins qui coupent ses virages. Passer à droite de la chapelle de Chez Buttay et remonter jusqu’à la chapelle puis au col de Creusaz. Au col, prendre le chemin menant dans le bois de la Corne et passer sous le pic des Mémises pour rejoindre la télécabine des Mémises. Descendre jusqu’à son point de départ, traverser la route et descendre jusqu’à Maravant. Suivre à gauche la petite route qui conduit au Hucel ; continuer avec la variante du Littoral du Léman, passer sous le point de vue du Hucel et descendre vers Troubois. Bien avant d’arriver au village, prendre le chemin à droite qui passe devant le piège à loup et rejoindre le Cottelet. À l’amont de Meillerie, prendre à gauche le chemin menant au prieuré et rejoindre le centre du village. Suggestion : du carrefour au sommet de Meillerie, possibilité de prendre à droite pour aller découvrir la pierre de Jean-Jacques Rousseau au-dessous de la carrière des Etalins. 95 Le plateau de Gavot, modelé par l’activité des glaciers, possède le plus bel ensemble de zones humides du département de la Haute-Savoie, en raison de la surface de ses marais et tourbières, de leur diversité biologique exceptionnelle et de leur bon état de conservation. Cette richesse est illustrée par une grande variété d’habitats naturels (étangs, prairies humides, bas-marais, tourbières…) et d’espèces présentes. Parmi les plus remarquables, le Liparis de Loesel est une orchidée reconnue d’intérêt européen. La faune y est également riche et de grand intérêt, comme la libellule Agrion de Mercure ou le papillon Fadet des Tourbières. Depuis 1992, en concertation avec les acteurs locaux (communes, agriculteurs, associations…), Évian® a créé l’Association pour la Protection de l’Impluvium de l’Eau Minérale Évian (APIEME), visant à garantir la pureté de l’eau. Les actions de protection menées dans ce cadre et le site de d’impluvium sont reconnus en 2009 au niveau international. Évian® s’est également engagée à gérer durablement la ressource en ne prélevant jamais plus que ce que la nature peut renouveler. Pour compléter la découverte des zones humides : sentiers d’interprétation du Maravant et des lacs de la Beunaz. Les découvertes, chemin faisant À l’origine de l’eau minérale naturelle Évian® La première goutte d’eau minérale naturelle Évian® est apparue il y a environ 15 000 ans et sa pureté est restée intacte durant les siècles. Elle est issue d’un site naturel exceptionnel, constitué il y a plus de 45 000 ans. Le glacier du Rhône recouvrait alors la région, sur près de 1 000 m d’épaisseur, où il déposa différents types de moraines* nommées loca‑ lement « dîots ». Les avancées et les reculs du glacier entraînèrent la for‑ mation d’un mille-feuille où alternent sables, graviers, blocs et argiles. Aujourd’hui, ces dépôts glaciaires peuvent dépasser 400 m d’épaisseur dans la région d’Évian-les-Bains. Le plateau de Gavot, d’une superficie de 35 km2, constitue l’implu‑ La plus grande usine d’embouteillage d’eau minérale naturelle au monde se visite à travers une galerie interactive qui surplombe les lignes d’embouteillage. Sur réservation uniquement en s’adressant au hall d’information situé dans l’ancienne buvette Cachat. 4 vium* naturel de l’eau minérale naturelle Évian®. L’eau de pluie et de la fonte des neiges profite des reliefs peu marqués du plateau et des zones humides pour s’infiltrer très lentement avant d’atteindre les niveaux plus sableux en profondeur. L’eau chemine ensuite, préservée de la pollution, à travers les sables et graviers, à une vitesse moyenne de 300 m par an. Elle effectue un long parcours de plus de 15 ans au cours duquel elle acquiert son équilibre minéral unique et sa pureté naturelle. Les différents types de fragments de roches alpines présents dans les moraines et les sables lui confèrent sa teneur en calcium, magnésium et silice. Depuis son captage jusqu’à sa mise en bouteille, l’eau minérale naturelle Évian® ne subit aucun trai‑ tement ; elle est protégée de toute pollution et n’est jamais en contact direct ni avec l’homme, ni avec l’air ambiant. Les sources vagabondes Le mont Bénant et les Mémises cachent derrière leur apparence tranquille des mystères où les eaux se jouent de notre bon sens. Celles qui s’infil‑ trent sur le mont Bénant ressortent, entre autres, à l’ouest, aux sources des Roseires et à l’est, au Lain. La particularité, c’est que les eaux qui émer‑ gent au levant s’infiltrent au couchant et inversement ! Et ces divagations durent environ six mois. Sous les aspects ronds et doux du mont Bénant, modelé par le passage du glacier, se dissimulent des roches aussi fractu‑ rées que celles de mont César. Les eaux circulent dans ces fractures en se croisant sans se rencontrer. Dans le cœur du synclinal perché* des Mémises, la plaisanterie est tout autre. Un ruisseau s’écoule vers Bernex, mais il n’atteint jamais le col du Pertuis. Il s’infiltre avant, les eaux repartant dans l’autre sens dans le sous-sol calcaire, avant de ressortir de 3 à 15 jours plus tard au nord-est du pic Blanchard, soit prêt de 4 km plus loin ! Les eaux circulent très rapidement car elles rejoignent un réseau de cavités dont la pente est l’inverse de celle de la topographie de surface. 3 4 Sur le site des anciens thermes d’Évian, la buvette Cachat, réalisée par l’architecte de la Belle Époque JeanCharles Hébrard, date de 1903. 0 Point de vue depuis la table de Champellant 96 97 Le Hucel : voie de passage Pour rejoindre leur site de nidification, quelque quinze mille rapaces et des milliers de passereaux empruntent ce couloir de passage. Les oiseaux migrateurs remontent la vallée du Rhône pour rejoindre l’Europe Centrale et de l’Est, évitent la traversée du lac Léman et longent sa rive sud au-dessus du Hucel. Au printemps, vous pourrez observer des milans noirs, des faucons crécerelles ou encore des pigeons ramier. Pour compléter la découverte à toute saison : parcours de découverte sur les oiseaux migrateurs. « O Julie, voilà la pierre où je m’asseyais Les beignets de pommes de terre Ingrédients (pour 4 personnes) : 8 belles pommes de terre (bintje), 2 œufs, 5 à 6 cuillerées de farine, sel, poivre, noix de muscade. Râper les pommes de terre à cru et égoutter dans une passoire afin d’extraire le plus de jus possible. Mélanger avec la farine jusqu’à obtenir une préparation ni trop sèche ni trop coulante. Ajouter les deux jaunes d’œuf. Saler, poivrer et râper un peu de muscade. Faire chauffer l’huile dans une poêle à frire. Constituer de petites quenelles avec deux cuillérées de mélange avant de les faire rissoler de chaque côté. Servir ces beignets chablaisiens avec une salade verte et de la charcuterie fumée du pays. Bonne dégustation ! Pour contempler de loin ton heureux séjour (…) » Le lac Léman restera toujours cher au cœur de JeanJacques Rousseau*, qui l’associera à sa ville natale, Genève. Les promenades au bord du lac l’inspirent et lui donnent l’occasion de méditer. Même s’il n’a jamais séjourné à Meillerie, sauf pour une brève excursion en 1754, Rousseau a immortalisé le lieu en le choisissant pour cadre d’un célèbre épisode de son unique roman, Julie ou La Nouvelle Héloïse. C’est en effet ici que Saint-Preux y imagine de loin les allées et venues de son ancienne élève, Julie, sur l’autre rive, à Clarens. La citation ci-dessus est inscrite sur la pierre de Rousseau. Le prieuré de Meillerie Le prieuré de Meillerie fut fondé au xiiie siècle par des chanoines réguliers de Saint- Augustin. Il dépendait de l’hospice du Grand-Saint-Bernard qui conserva le contrôle spirituel et temporel sur un vaste territoire jusqu’à sa suppression en 1752. L’ancien prieuré et sa chapelle sont utilisés à partir de 1803 comme église et presbytère. Des origines, subsistent le chœur de l’ancienne cha‑ pelle et le clocher. Consacré à la protection de l’eau et des zones humides en France et dans le monde, le jardin du Pré Curieux se rallie en catamaran solaire. Cette balade sur le lac permet de découvrir autrement les paysages traversés lors de votre randonnée. 4 98 4 L’utilisation des pierres de Meillerie est attestée depuis le Moyen Âge, pour la construction des châteaux de Chillon (1285) et de Ripaille (1381). Plus tard, les pierres seront utilisées pour l’édification renouvelée de la fortification de Genève. Mais c’est surtout dans la deuxième moitié du xixe siècle que le développement urbain sur le pourtour du Léman provoque l’explosion de la demande : des bâtiments publics et privés – écoles, résidences, grands hôtels – seront construits aussi bien à Genève qu’à Lausanne à l’aide de ce matériau. Sur la rive sud, il sera utilisé pour réaliser le port de Thonon-les-Bains, tout comme ceux d’Évian-les-Bains et de Nernier. Mais les carrières de Meillerie n’alimentent pas seulement les constructeurs de bâtiments ; le site fournira aussi des pierres ou de l’enrochement aux communes de l’est lausannois lors de la réalisation du chemin de fer reliant Paris à l’Italie, par le Jura et le Simplon. La grosse maçonnerie et les enrochements des talus qui défendent les bords du lac et de l’Arve en sont également constitués. La pierre de Meillerie est partout présente aux alentours des rives lémaniques. 4 99 Saint-Maurice – Val d’Illiez Voyage en eaux profondes >> Le Chablais – dont l’origine latine signifie tête du lac – est un pays d’eau par excellence. Cet élément a marqué tout le paysage, il l’a bien souvent structuré, en surface comme en profondeur. Des mystères de la grotte aux Fées aux bains de Val d’Illiez, l’eau est votre guide au fil de cet itinéraire. La géologie tourmentée des Alpes est à l’origine de nom‑ breuses curiosités. C’est souvent l’eau qui engendre des phé‑ nomènes spectaculaires, en tailladant ou épousant les contours des roches en surface ou en s’infiltrant pour constituer de gigan‑ tesques grottes. Toutes les facéties de l’eau et ses richesses se dévoilent au fil de ce parcours. Au cœur de la paroi rocheuse surplombant SaintMaurice, une cascade et un lac souterrains constituent une des merveilles de la Suisse. L’entrée de la grotte surplombe le Rhône qui surgit du rocher sous la dent de Morcles. Détourné sous la montagne pour être turbiné, le fleuve produit l’électricité de la ville de Lausanne. Non loin, des sources d’eau chaude, les plus chaudes de Suisse, sont à l’origine des bains de Lavey. En remontant le torrent du Saint-Barthélémy – rebaptisé ainsi après une des nombreuses catastrophes dont il fut la cause – le randonneur découvre le merveilleux cirque de Salanfe. Un lac de barrage qui ne se remplit jamais y jouxte une retenue naturelle dont le torrent se perd tout d’un coup dans la mon‑ tagne, pour ressortir on ne sait exactement où. À proximité de cette disparition énigmatique, une mine d’or et des traces de dinosaures sont visibles. Les eaux du barrage s’infiltrant elles aussi, elles sont certainement à l’origine des sources qui jaillirent peu après sa mise en eau à Buchelieule, près de Val d’Illiez. But ultime de ce périple aux sources de l’eau ! 101 CFF çon van L’A AOMC Vièze de Morgins e hôn Le R ze Viè La La Truche 1901 m Grotte aux Fées T. d e Bains de Val-d’Illiez Val-d’Illiez Eglise Signal de Soi 2054 m es rêt es C T. d Pte de l’Au 2152 m Usine hydroélectrique Dent de Valère 2267 m Cime de l’Est 3178 m Dents du Midi a ufl Sa Col du Jorat Pas d’Encel Glacier du Mt-Ruan Tour Salière 3257 m Dent du Salantin 2482 m Salanfe La Salanfe Lac de Salanfe 3 km 1er jour : Saint-Maurice – Mex À Saint-Maurice après la visite de la grotte aux Fées, traverser le bourg et rejoindre les bords du Rhône. Longer celui-ci en rive droite jusqu’aux Bains de Lavey. Franchir à nouveau le fleuve et suivre le balisage à travers le bois Noir par Choume en direction de Mex. Passer sous la voie de chemin de fer et monter le cône du bois Noir jusqu’à hauteur de La Rasse, laisser la chapelle Saint-Barthélémy sur l’autre rive et prendre le chemin de la Liardère d’en Haut pour monter à Mex. 2e jour Mex – Salanfe Cabane de Susanfe 1 A9 Glacier de Plan Névé Haute Cime 3257 m 0 Bois-Noir L’Aiguille 1866 m Mex V A L A I S Signal de Bonavau 1817 m Bains de Lavey Torrent du St-Barthélémy Croix de Culet 1963 m Bonavau St-Maurice Dent de Valerette 2046 m la T ille L’itinéraire, pas à pas Vallon de Van Ancienne Mine d’or Glacier Noir Carte de randonnée : Carte Chablais valaisan - Entre Lac Léman et Dents du Midi - MPA Verlag 1 : 25 000 De Mex, suivre le balisage du Tour des Dents du Midi en remontant le torrent de Saint-Barthélémy, le franchir et suivre les lacets menant à l’alpage du Jorat. Poursuivre la montée jusqu’au col du Jorat et plonger sur Salanfe pour rejoindre le barrage et l’auberge qui le surplombe. 3e jour Salanfe – Bonavau De l’auberge, longer les rives du lac jusqu’à Creux Château, prendre alors le chemin du col de Susanfe pour le franchir et rejoindre la cabane du même nom. De cette dernière, le chemin descend jusqu’au pas d’Encel par Giétroz du Fond, puis arrive à Bonavau. 4e jour Bonavau – Val d’Illiez Du refuge de Bonavau, le sentier serpente dans la forêt de Bonavau et aboutit au Grand Paradis par Les Clous. Suivre alors le parcours menant à Champéry, traverser tout le village pour emprunter l’ancien chemin carrossable de la vallée à Chavalet puis Vanise, passer un vieux pont de pierre puis une ancienne roue à aubes qui servait à actionner une scierie et par La Cour, arriver à Val d’Illiez. Accès : Par les lignes de train Lausanne-Simplon et Saint-Gingolph – Saint-Maurice. Possibilité de parking gratuit à proximité du pont de Lavey sur le Rhône. Retour : Rejoindre Monthey par l’AOMC puis Saint-Maurice par la ligne du Tonkin Saint-Gingolph – Saint-Maurice. Carte : Chablais valaisan – Entre Lac Léman et Dents du Midi – MPA Verlag 1/25 000 ITINÉRAIRE & Étapes : Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 1er jour Saint-Maurice – Mex 8 km 746 m 48 m 3 h 10 2e jour Mex – Salanfe 9 km 1 227 m 408 m 4 h 10 3e jour Salanfe – Bonavau 10,5 km 756 m 1 131 m 4 h 15 4 jour Bonavau – Val d’Illiez 9 km 125 m 728 m 2 h 35 e 102 Distance 103 3 Les découvertes, chemin faisant Prendre les eaux à Lavey-les-Bains La mode n’est pas récente : il y a deux mille ans les Romains prenaient déjà les eaux, tout comme Montaigne à la fin du xvie siècle. Le therma‑ lisme a connu, à l’image de la cure d’air, un développement particulier au xixe siècle. Captée tout près des bains actuels, à une profondeur variant entre 200 et 600 m, l’eau de la source de Lavey sort à une température allant de 62 à 70 °C. Le Guide du baigneur à Lavey-les-Bains (édité par Cor‑ baz & Comp, Lausanne, 1886) dresse la liste des maladies que l’on venait y soigner : « (…) la scrofule, les rhumatismes, la chorée, les maladies de la peau, l’anémie, la « débilité générale », les maladies de la vessie, du foie et de l’utérus, les adénites péri-bronchiques, les dyspepsies, la cicatrisation, les ulcères, les catarrhes et la syphilis… » ! 104 « Il y a quelques années, M. Ravy, le directeur actuel des bains de Lavey, étant occupé avec son domestique à lever des nasses qu’il avait jetées la veille dans le lit du Rhône, celui-ci s’écria tout à coup : – Maître, je brûle ! - Si tu m’en contes une de cette force, lui répartit M. Ravy, tu n’y auras gagné que des taloches. Voyons. Là-dessus, M. Ravy s’approcha, il porta la main sous l’eau à l’endroit du lit que l’homme lui indiquait, et s’étant assuré qu’en effet une vive chaleur s’y faisait sentir il planta là ses nasses et s’en fut conter la chose à M. de Charpentier. C’était se remettre en bonnes mains. Tout à l’heure la source fut constatée, analysée, encaissée, tout à l’heure le gouvernement s’en mêla, un acte fut passé, des constructions s’élevèrent et aujourd’hui il est constant que, comme toutes les eaux thermales du monde, les eaux de Lavey guérissent de tous les maux. » Rodolphe Töpffer, Souvenirs de Lavey, 1843, Derniers voyages en zigzag, p. 229-230, éditions A. Jullien, Genève, 1911). 3 Vue du cône et cime de l’est depuis la route de Morcles. Le bois Noir et le torrent du Saint-Barthélémy La pinède du bois Noir, réserve naturelle d’une grande biodiversité, s’est développée sur l’imposant cône de déjection* du torrent du Saint-Bar‑ thélémy. D’une largeur de plus de 3,5 km sur plus d’1,5 km de long, il rejette complètement le Rhône sur le versant opposé. Ce torrent a depuis fort longtemps posé des problèmes à l’Homme, les premiers témoignages de catastrophes datant de l’époque romaine. En 1635 et 1636, suite à un important éboulement suivi de laves torren‑ tielles qui ont obstrué hermétiquement le Rhône, les habitants ont même changé son nom. Initialement torrent de la Marre, il fut baptisé torrent du Saint-Barthélémy, et une chapelle en son nom fut construite pour apaiser son caractère destructeur. En vain. Ce n’est qu’au xxe siècle que le torrent sera dompté grâce à d’importants travaux d’aménagements. Les dents du Midi et ses cabanes Le tour des Dents du Midi, pionnier des tours pédestres valaisans, doit aussi sa réputation au marathon couru de 1962 à 2000, et resté dans les mémoires comme la première course pédestre de haute montagne au monde ! Cette randonnée permet de faire le tour complet du massif. D’une longueur totale de 42,5 km, avec un dénivelé positif-négatif d’envi‑ ron 6 000 m, elle n’est certes pas à la portée de tous. Mais les nombreuses cabanes installées tout au long du parcours permettent d’organiser son tour à son propre rythme, avec la possibilité d’y loger une ou plusieurs nuits. 105 L’huile de millepertuis Cette huile de massage naturelle est excellente contre les maux de dos, la fleur du millepertuis étant reconnue pour tonifier les coussinets se trouvant entre les vertèbres. On peut aussi l’utiliser sur la peau en cas de rougeur ou de coup de soleil ou pour apaiser les inflammations dues à des contusions ou entorses. On peut facilement la confectionner, avec les fleurs cueillies dans le val d’Illiez, à partir de 2 300 m d’altitude. Rassembler les fleurs de millepertuis, sans les tiges. Les déposer dans un récipient que l’on remplit aux trois-quarts. Compléter avec de l’huile d’olive pressée à froid. Laisser reposer au soleil pendant un mois en dynamisant tous les jours. Filtrer l’huile devenue rouge et la transférer dans une bouteille foncée pour la protéger de la lumière. 0 Des glaciers voués à la disparition Le barrage de Salanfe L’alpage de Salanfe est mentionné dans des écrits, dès le début du xive siècle. Son histoire est pour le moins mouvementée. De tout temps, on s’est en effet querellé pour sa possession. Il est aujourd’hui sous la juri‑ diction de la commune d’Évionnaz. En 1945, Énergie Ouest Suisse s’asso‑ cie à Lonza SA et entreprend l’étude de la création d’un bassin de retenue d’une capacité d’environ 40 millions de mètres cubes sur le plateau de Salanfe. À la mise en eau du barrage, on s’aperçoit que les pertes, dont le risque était connu, sont relativement impor‑ tantes. Au début des années 2000, un voile de béton dans le soubassement rocheux fut réa‑ lisé afin d’améliorer l’étanchéité du lac. Différents petits glaciers sont encore présents autour des dents du Midi, mais ils sont malheureusement condamnés à disparaître. En effet, la ligne d’équilibre glaciaire, limite théorique séparant la partie amont d’un gla‑ cier (la zone d’accumulation) et sa partie aval (la zone d’ablation) se situe grossièrement entre 2800 et 3200 m dans les Alpes. Le « bilan de masse » du glacier correspond à la différence entre ces deux zones. De ce fait, un glacier situé au-dessous de cette limite va enregistrer davantage de fonte que d’accumulation neigeuse annuelle. À terme, il est destiné à dispa‑ raître. C’est le cas des glaciers entourant les dents du Midi, qui se situent tous en dessous de 3 000 m. Rochers près de la mine, au lac des Ottans. 4 3 La mine d’or de Salanfe Voici l’une des nombreuses particularités et richesses du site de Salanfe. Cette mine d’or est creusée dans le socle cristallin à 2 200 m d’altitude. Elle surplombe le lac des Ottans. On y accède par sa rive droite, sur le chemin qui se dirige vers le col de la Golette. Suite à des prospections faites à la fin du xixe siècle, le syndicat de prospection du Luisin extrait, entre 1904 et 1907, quelque 720 tonnes de minerai ayant une teneur to‑ tale de 331,8 tonnes d’arsenic et 23,8 kg d’or. L’exploitation est reprise de 1920 à 1928 ; une trentaine de kilos d’or et 378 tonnes d’arsenic sont mis au jour. Il ne reste, aujourd’hui, que des vestiges, et le souvenir d’une mine qui fut l’une des plus importantes de Suisse pour l’ex‑ traction de l’or. Dans les gravats, à l’entrée des galeries, peut-être verrez-vous briller encore un peu du précieux métal. Autre trésor : des traces de dinosaures sont visibles en ces lieux. 106 Le village de Val d’Illiez est historiquement le centre politique, commercial et paroissial de la vallée. Ses habitations en partie modernisées se serrent près de l’église dont les bases du clocher sont médiévales. La partie supérieure de la tour se rattache au baroque savoyard. La nef a été reconstruite en 1687. Tout près, la cure couverte d’un toit à quatre pans date de 1711. 7 107 La flore des environs des dents du Midi, très riche et diversifiée, dépend de l’étagement de la végétation, de l’orientation et du type de sol notamment. Une fois la limite supérieure de la forêt dépassée, on atteint la pelouse alpine et son explosion de couleurs due aux nombreuses variétés de fleurs qui s’y développent : gentianes, edelweiss, orchidées, saxifrages, etc. Le versant sud-est des dents du Midi, recouvert presque neuf mois sur douze de neige, ne permet pas à la flore de bien s’épanouir et la végétation se limite aux pelouses à saules en espalier avec le saule à réseau, la gentiane de Bavière ou la renoncule alpestre. La flore est également limitée au col de Susanfe du fait de la géomorphologie locale, où seules les plantes d’éboulis vont survivre : tabouret à feuilles rondes, saxifrages faux aïzoon et à feuilles opposées ou encore le génépi. Sur les anciennes moraines du glacier de Plan Nevé se trouvent des plantes rares, comme la pensée éperonnée. Notons encore que l’on utilise la racine de la gentiane jaune, abondante sur les pâturages, pour fabriquer l’alcool de gentiane, avec lequel on soigne le bétail et également… les humains ! 3 La grotte aux Fées Connue depuis le xve siècle, la grotte est explorée dès 1831. Tout d’abord dénommée trou aux Fayes (brebis), elle devient, au XIXe, la grotte aux Fées. Œuvre d’un chanoine de l’abbaye de Saint-Maurice, son ouverture au public date du 15 août 1864. Désireux d’assurer un revenu à l’orpheli‑ nat qu’il vient de fonder à Vérolliez, sur l’emplacement même du martyr de la légion thébaine*, le chanoine Gard achète en effet le terrain sur le‑ quel se trouve l’entrée, fait équiper la grotte et organise les visites. Rapi‑ dement, il en fait une attraction touristique incontournable du Valais de la Belle Époque. Afin d’assurer l’attrait du site et d’en faciliter l’accès, diverses actions sont menées : on poursuit les explorations du réseau, on assure la sécurité du passage, on équipe la grotte, on aménage le chemin conduisant au lac et à sa cascade. Des légendes racontent que la grotte de Saint-Maurice était le palais de la bonne fée Frisette. Elle assurait la protection de la noble famille Duin qui vivait au château du même nom situé au-dessus de Bex. Un jour, la fée Turlure, une vraie sorcière, perdit son repaire situé aux Diablerets suite à un éboulement de rochers. Sans maison, elle vint demander l’aide de Frisette qui, généreusement, l’accueillit dans sa demeure. Toutefois, Fri‑ sette lui fit promettre de ne nuire à personne. Pendant quelques temps, Turlure tint sa promesse, mais un jour, alors que les enfants du château de Duin jouaient au bord du Rhône, elle s’en approcha et les précipita dans le fleuve. Fée Frisette assista au drame depuis son belvédère. En un coup de baguette magique, elle arriva sur les lieux et réussit à sauver les pauvres enfants. Puis, elle frappa Turlure de sa baguette et l’envoya rouler dans les flots tumultueux qui l’engloutir. Malheureusement, Frisette avait frappé si fort que sa baguette se brisa et tout son pouvoir disparu. Elle en fut si triste qu’elle quitta la région pour toujours. 108 3 Le Rhône comprend ici deux cours, dont l’un a été réalisé pour canaliser ses eaux à travers la montagne vers l’usine hydroélectrique de Lavey. Cette dernière appartient à la ville de Lausanne qui a acheté en 1898, la « Concession des Forces Motrices du Rhône à Saint-Maurice » et mis en fonction l’usine du Bois Noir. L’usine actuelle est entrée en service en 1950. La grotte aux Fées. 7 Le tour des Cornettes de Bise Du village à l’alpage >> Les voies millénaires empruntées vers les alpages situés aux alentours du Grammont, de la dent d’Oche et des Cornettes de Bise relient des sites aux panoramas époustouflants. D’autres trésors, archéologiques et naturels, vous seront révélés au fil de votre randonnée. Dans le Chablais, la montée à l’alpage est appelée emmontagnée en France et inalpe en Suisse. Pendant l’été, c’est la remuée d’un côté de la frontière et le remuage de l’autre, avant d’enta‑ mer la démontagnée ou la desalpe pour fuir les premières neiges. L’activité pastorale est bien entendu importante au cœur de ces montagnes. Les hommes et leurs bêtes, chèvres, vaches, moutons, ont imprimé et imposent aujourd’hui encore leurs marques dans le paysage. Ici, les forêts gagnent peut-être moins qu’ailleurs sur les alpages, les paysages sont ouverts. Le che‑ min réserve en permanence une perspective différente sur un vaste territoire s’étendant du lac Léman au mont de Grange, de la plaine du Rhône aux tours d’Aï, en passant par le roc d’Enfer. Vos pas vous conduiront dans des vallons glaciaires qui ont préservé des vestiges archéologiques uniques comme ceux de Taney. La faune et la flore sont très riches dans ce monde miné‑ ral qui épouse la frontière franco-suisse. Si le loup peut y faire quelques apparitions de nos jours, ce domaine était celui des ours des cavernes il y a quelque 30 000 ans. En ces lieux, vous viendrez à la rencontre des alpagistes, dans un environnement où le vert des alpages et le bleu du lac tranchent avec la blancheur des parois verticales des mon‑ tagnes. Ouvrez l’œil : dans les chaos de blocs laissés par les écrou‑ lements rocheux, les marmottes se dorent au soleil ! 111 L’itinéraire, pas à pas Lac Léman St-Gingolph Cité franco-suisse Pic Boré 1974 m Dent d’Oche 2221 m Accès : Saint-Gingolph – Novel (2 h 15) Du débarcadère côté suisse, gagner la rive française et remonter le village pour rejoindre l’ancienne route de Novel le long de la Morge. L’ancienne route en terre battue est large et suit le parcours du GR 5, il suffit de la suivre jusqu’à Novel. Le Rh ôn e Pointe de l’Aritte 1626 m CFF Novel Eglise Le Grammont 2172 m Les Jumelles 2215 m Mt Gardy Vallon de Taney 2201 m Col de la Croix Lac de 1757 m Lovenex Bouquetins Col de Pavis 1944 m Taney Pas de Col de Bise Lovenex ] [ 1915 m 1850 m Col de Floray Montagne de l’Au 1955 m Pte de Bénévent Cornettes 2069 m Rochers de Chaudin de Bise 2278 m Lac de Taney Lac de Darbon Refuge de Bise Alpage de Bise Col de Taney Blancsex 1747 m Col de Verne Vouvry Le Flon Alpage de la Jeur Le Fossau Ancien bourg romain Pte d’Arvoin 2021 m Pas de la Bosse 1816 m Lac d’Arvouin Rau Chalets de Chevenne Mont Chauffé 2093 m Haut Sex 1961 m Eglise Dranse d’Abondance 0 1 3 km Tour de Don Carte de randonnée : IGN 3528 ET Morzine - Massif du Chablais - Les Portes du Soleil Carte Chablais valaisan - Entre Lac Léman et Dents du Midi - MPA Verlag Accès : Saint-Gingolph en train, bus ou bateau ; à Vouvry en train ; à La Chapelle d’Abondance par la ligne de bus Thonon – Châtel. Parking possible sur les 3 sites. Suggestion : Le tour des Cornettes de Bise peut s’envisager au départ de Saint-Gingolph, Vouvry ou La Chapelle d’Abondance. Cartes : IGN 3528 ET Morzine – Massif du Chablais – Les Portes du Soleil 1/25 000 Carte Chablais valaisan – Entre Lac Léman et Dents du Midi – MPA Verlag 1/25 000 ITINÉRAIRE & Étapes : 112 Distance Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 1 045 m 520 m 4 h 50 1er jour Novel – Tanay 15 km 2e jour Tanay – Chalets de Chevennes 5,5 km 65 m 504 m 1 h 40 3e jour Chalets de Chevennes – Refuge de Bise 3 km 548 m 318 m 3 h 10 4e jour Refuge de Bise – Novel 9 km 633 m 1 167 m 4 h 40 1er jour : Novel – Tanay Du village de Novel, suivre le chemin du GR 5 jusqu’au Dèlevi puis prendre la route menant du côté suisse de la Morge, franchir la frontière et remonter le torrent par l’Haut de Morge. Longer la frontière puis bifurquer en direction de l’est et gravir le col de la Croix, laisser à gauche le chemin menant à Lovenex puis au Grammont et suivre à droite le chemin des cols alpins par le pas de Lovenex puis la montagne de Loz. Passer aux anciens chalets de l’Au et descendre sur Tanay par les Echerches. Accès : Vouvry – Miex (1 h 50) De Vouvry, suivre le balisage officiel jaune conduisant à Miex. Remonter le cours du Fossau, passer au plan du Chêne et aboutir à Vésenand puis en suivant la route rejoindre Le Flon au bas de la combe de Verne ou du chemin menant à Tanay. 2e jour : Tanay – Chalets de Chevenne Des bords du lac de Tanay, prendre la direction du col du même nom, laisser à gauche le chemin menant au Flon (Miex) et prendre à droite celui conduisant dans le vallon de Verne au plan de l’Ortie. Remonter le vallon par Verne jusqu’au col du même nom et plonger sur les chalets Toper puis les chalets de Chevenne en suivant le ruisseau de Chevenne. Accès : La Chapelle d’Abondance – Chalets de Chevenne (1 h 00) De La Chapelle d’Abondance, remonter le ruisseau de Séchet en suivant le balisage du GR5 et aboutir aux chalets de Chevenne d’où partent les deux chemins menant au pas de la Bosse ou au col de Verne (Vernaz). 3e jour : Chalets de Chevenne – Refuge de Bise Des chalets de Chevenne suivre le balisage du GR 5 pour rejoindre tout d’abord les chalets de la Chenau, puis franchir le Pas de la Bosse et descendre jusqu’au chalet-refuge de Bise. 4e jour : Refuge de Bise – Novel Des bords du lac, remonter en direction du col de Bise toujours en suivant le balisage du GR5 et l’indication col de Vernaz puis pas de la Bosse. Quitter le GR 5 pour prendre la direction du col de Floray, longer le lac de Darbon, et franchir le col de Pavis pour accéder aux chalets de Neuteu. Longer ensuite la frontière franco-suisse depuis le plan des Fontaines jusqu’à la Planche et descendre jusqu’à Novel puis Saint-Gingolph. 113 Les découvertes, chemin faisant Saint-Gingolph, cité franco-suisse Depuis 1569, le village de Saint-Gin‑ golph est divisé en deux par la Morge, rivière qui marque la frontière entre la France et la Suisse. Cette frontière, bien que réelle, n’empêche pas les habitants de vivre au sein d’un même village. Le cimetière et l’église sont si‑ tués sur le territoire français, il en est de même pour la cantine, bien qu’il y ait deux écoles. Les pompiers d’Évianles-Bains sont loin ; en cas d’urgence, c’est le service du Feu suisse qui in‑ tervient. Les eaux usées sont traitées en Suisse. Le patrimoine foncier et forestier de Saint-Gingolph est géré par l’institution bourgeoisiale : cette institution pluriséculaire rassemble les descendants des familles bourgeoises de la cité. S’il y a bien un comité de chaque nationalité, il n’y a qu’une seule assemblée. De tout temps, la solidarité a joué entre les deux parties du village. 3 3 Alpages éternels… Ainsi le 23 juillet 1944, lorsqu’en représailles à une offensive menée par la Résistance, les SS Allemands brûlèrent le village français. Le président de la commune côté suisse, André Chaperon, dérogea alors aux ordres et ouvrit la frontière aux ressortissants français. Tanay : un petit coin de nature brute ! Tanay occupe un petit vallon, situé à mi-chemin entre la plaine du Rhône, au départ de Vouvry (387 m), et le sommet du Grammont (2 172 m). Lors de la dernière grande avancée glaciaire, il y a environ 40 000 à 50 000 ans, le Chablais était recouvert de glace jusqu’à une hauteur de 1400 à 1600 m. Les hommes de Néanderthal occupaient alors la grotte de Tanay, si‑ tuée à 1 800 m d’altitude. Celle-ci a livré des ossements d’animaux et quelques éclats en silex et en quartzite, faisant de ce lieu l’unique site va‑ laisan occupé à cette période et témoignant du paléolithique en général. Issu du retait des glaciers, le lac de Tanay (1 408 m) est aujourd’hui l’un des plus beaux exemples de lac alpin du Chablais. Entouré de pâtu‑ rages et de forêts, il est classé site fédéral protégé depuis 1965. Aujourd’hui, dans les alpages de Tanay et des alentours est produit, entre autres, du fromage à raclette confectionné avec le lait aux effluves de prairies alpines. 114 4 3 Les paysages du vallon de Novel contrastent avec les autres ambiances de cet itinéraire. Dans ce vallon, les dépôts morainiques* abandonnés par le retrait des glaciers masquent en partie la roche. Ils ont permis le développement de sol propice à la forêt. Prenez le temps de vous arrêter à l’église de Novel, elle recèle un Christ en croix singulier : il est imberbe ! Dans les vallons du Flon et de Tanay, de mai à septembre, le bétail et les alpagistes suivent le développement de la pelouse alpine. Après l’inalpe au Flon, le remuage intervient vers les alpages de la Jeur (1 350 m), puis vers celui de Loz, situé à 1 840 m d’altitude. À chaque fois, ce sont quatrevingts vaches laitières, autant de génisses, des chèvres, quelques poules et une quarantaine de cochons qui se déplacent ! Depuis des siècles, les pratiques ont en effet peu évolué dans ces alpages. Le développement de l’agro-pastoralisme* est dû à l’altitude et aux conditions climatiques. À la fin du printemps, les agriculteurs quittent leur ferme et gagnent les prai‑ ries d’altitude avec leur troupeau, réservant le foin des vallées à l’hiver. La montée à l’alpage est un réel cérémonial. Les vaches sont parées de leur plus belle cloche et de couronnes de fleurs. Au fil de la saison, les trou‑ peaux sont déplacés ou remués, au fur et à mesure de la croissance de la végé‑ tation. Durant tout l’été, le lait est trans‑ formé chaque matin en fromage dans le chalet d’alpage. À l’automne, les trou‑ peaux regagnent la plaine. Aujourd’hui, l’agropastoralisme préserve les pay‑ sages montagnards. Si la modernisation a rendu les alpages plus accessibles, la vie y est restée très proche de celle d’au‑ trefois. Certains alpagistes vendent sur place fromages et charcuteries issues des porcs élevés au petit-lait. 115 Le Berthoud est une recette locale très ancienne, rapidement et facilement réalisable. Se munir de petites assiettes à feu, dites à Berthoud, ou de petits plats ou encore de ramequins qui feront l’affaire. Frotter le fond des assiettes avec de l’ail, y déposer 100 g de fromage d’Abondance coupé en lamelles, une pointe de couteau de muscade, 3 cl de vin blanc. Mettre au four à 180 °C. Surveiller de près la fonte du fromage jusqu’à ce qu’il ondule, pas plus. Renouveler l’opération car mieux vaut en faire deux petits successivement. Servir le Berthoud accompagné de pommes de terre en robe des champs ou de dés de pain, comme pour la fondue. De nos jours, au cœur de l’été, une quinzaine de vaches laitières, une trentaine de génisses, une dizaine de veaux et une trentaine chèvres y séjournent. Ces bêtes appartiennent à trois alpagistes. Ce site est l’un des derniers du Chablais à être géré de manière traditionnelle. Ici, point de fils, ni de barbelés qui découpent la montagne et entravent le chemin. Les bêtes sont conduites et surveillées par les bergers dans les différents secteurs de l’alpage. Si vous avez la chance d’arriver aux chalets en fin Le col de Verne, passage commercial Jusqu’au début du siècle dernier, les Savoyards et les Valaisans com‑ mercent en empruntant les chemins et les passages dans la montagne. d’après-midi, vous verrez le chevrier, assis sur son tabouret ou « botte à culs » en train de traire ses chèvres au milieu du hameau. L’alpage de Bise, site classé Natura 2000, bénéficie d’un plan de ges‑ tion pastorale dont la vocation est de « préserver et valoriser la biodiversité des surfaces pastorales tout permettant une meilleure exploitation de ­l’alpage. » Comme le Pas-de-Morgins, les cols de Verne et de Recon voient défiler les troupeaux transitant vers les foires aux bestiaux. Les beaux fourneaux en pierre ollaire* de Bagnes y franchissent la frontière à dos de mulets. Malgré les interdictions, les Savoyards vendent toute une panoplie d’us‑ tensiles en bois et des échalas* pour les vignes. La contrebande y connaît de belles heures. Seules les épizooties* interrompent les transactions ­bovines. Les couleurs des Cornettes de Bise L’alpage de Bise : une histoire singulière Dans le cirque glaciaire des Cornettes de Bise, le vert des alpages tranche de manière saisissante avec le gris et le rouge de la roche. Vous rencontre‑ rez en effet à plusieurs reprises des roches rouges. Vieilles de 50 à 70 mil‑ lions d’années, elles évoquent une période où l’océan alpin* se ferme. La température moyenne de la Terre est alors supérieure d’environ 12 degrés et le site est un bassin sédimentaire situé à près de 4 000 m sous le ni‑ veau de la mer ! C’est dans ce contexte que se sont formés ces marnes cal‑ caires riches en fer oxydé, qui explique leur teinte rouge. Aujourd’hui, ces roches subissent l’érosion. Les eaux du « lac de Bise » se perdent dans les lapiaz et, après être passées sous le mont-Chauffé, ressortent quelques heures plus tard dans la vallée d’Abondance à près de 4 km de là. Les abbés d’Abondance possédaient plusieurs chalets sur l’alpage de Bise, situés à mi- chemin sur l’itinéraire les menant le plus directement au Léman par Saint-Gingolph. De là, en franchissant le lac, ils se rendaient à Salins dans le Jura où ils possédaient des droits de perception de sel. Ils détenaient cette juridiction depuis 1203. Bien que situé sur le territoire de la commune de La Chapelle d’Abondance, l’alpage appartient à Vache‑ resse. En effet, en 1846, la commune acheta une partie de la montagne de Bise pour y placer 120 vaches sur ses 333 allas (droits d’herbe), l’unité de mesure pour évaluer la superficie de pâturage par bête. Petit à petit, Vacheresse est devenue la seule propriétaire de l’alpage. 4 116 4 117 La Chapelle d’Abondance Jusqu’au xie siècle, le village de la Chapelle d’Abon‑ dance, appelé alors Chapelle des Frasses, était pro‑ bablement le seul village de la vallée. Un siècle plus tard, l’installation des religieux à Abondance fait tomber la paroisse sous leur coupe et elle perd son autonomie. Elle mettra six cents ans à la retrouver et prend son nom actuel en 1618. C’est suite aux lettres de patente* pour l’établissement de nou‑ velles communautés, publiées le 12 juillet 1740 par le roi Charles-Emmanuel III, que les communes de La Chapelle d’Abondance et de Châtel voient le jour dans leur périmètre actuel. Avant de quitter La Chapelle d’Abondance pour poursuivre votre périple, un arrêt s’impose pour visiter l’église Saint-Maurice surmonté de son magnifique clocher à triple bulbe. L’édifice de style néo-classique sarde* a été entièrement restauré en 2008. Il faut admirer, entre autres, les huit puis‑ santes colonnes doriques sur piédestaux qui sup‑ portent une voûte d’arêtes. La tribune, le chemin de croix, les retables, œuvres de la famille Baud père et fils de Morzine, le baptistère et la chaire sculptée en noyer sont inscrits à l’inventaire des Monuments historiques. Les peintures de Henri Modena datent de 1936. 3 Un monde minéral Entre les alpages, le chemin nous emmène au cœur des Préalpes cal‑ caires. Les parois verticales dominent les vallées formant des escarpe‑ ments impressionnants : Grammont, Cornettes de Bise, Tombeaux des Allemands dans le vallon de Novel. Les chutes de pierres et les écroule‑ ments rocheux ont engendré des chaos de blocs impressionnants, para‑ dis des marmottes, qui débouchent dans de petits lacs nichés dans des cirques glaciaires : Lovenex, Darbon, lac au nord du col de Bise. Chacun d’entre eux nous raconte une histoire : le lac de Lovenex s’est formé en arrière d’un pointement rocheux préservé de l’érosion glaciaire ; celui du col de Bise, un peu comme le lac de Darbon, a une origine plus complexe. Ce dernier s’est développé suite à la dissolution des calcaires, puis d’un écroulement descendu des Aiguilles (ou Dents) de Darbon. Initialement, il existait un petit lac d’ombilic*. Puis, l’écroulement a barré l’exutoire na‑ turel et le plan d’eau s’est étendu. Enfin, une perte s’est peu à peu déve‑ loppée, accompagnée de la formation d’une doline*, abaissant ainsi la cote du lac à son niveau actuel. 118 Sur ce site d’estivage pour les chèvres, leur cousin, le bouquetin (capra ibex) a bien failli disparaître définitivement de la région au xixe siècle. Chassé avec facilité, sa viande était consommée, alors que sa corne une fois broyée était sensée avoir des vertus contre l’impuissance et son sang soigner les calculs urinaires. C’est la Maison de Savoie qui le plaça sous protection en Italie, notamment dans sa réserve de chasse royale du Grand Paradis. De là, il reconquit peu à peu les Alpes, parfois de façon cocasse. Ainsi en 1906, c’est un braconnier valdotain qui s’introduisit dans la réserve royale pour kidnapper deux femelles et un mâle qui furent à l’origine de la première colonie helvétique. Aujourd’hui au col de Pavis, il n’est pas rare, au printemps, d’observer un troupeau avoisinant les 200 têtes. 3 Vouvry Inscrit à l’inventaire des sites bâtis, le village de Vouvry est un ancien bourg romain. Devenu chef-lieu de la commune, il compte plusieurs édi‑ fices qui méritent une visite. Outre son bourg, ses ruelles piétonnes et son château édifié à l’aube du xvie siècle, il est possible d’admirer au centre du village une imposante église. Reconstruit à trois reprises, l’édifice ac‑ tuel date de 1822. Le clocher de pierre hexagonal, qui remonte quant à lui à 1488, fut l’œuvre d’un architecte local, Jean de Nucé. À l’intérieur de l’église, il est possible de contempler des vitraux qui témoignent du savoir-faire des artisans vouvriens de l’époque. Un vitrail en particulier représente Saint-Hippolyte, patron de Vouvry. À noter que le territoire de la commune de Vouvry compte également le vallon de Tanay, un site alpestre protégé d’environ 1 500 hectares. 119 Tour du mont Billiat Des reliefs et des hommes >> Issue du passage des glaciers et, plus récemment, de l’action des eaux vives, l’érosion a ciselé les paysages, donnant naissance aux gorges du Pont du Diable, au lapiaz de Nifflon, ou encore aux curiosités de Vailly… Autant de découvertes spectaculaires ou insolites vous attendent dans ces vallées habitées. L’histoire géologique des Préalpes du Chablais, qui débute il y a 245 millions d’années, a engendré un cloisonnement des basses vallées et l’ouverture d’espaces d’altitude où des alpages parfois arides sont dominés par des aplombs rocheux. Durant le dernier millénaire, les habitants de la montagne se sont effor‑ cés de prendre en compte les contraintes de cet environnement dans leur quotidien. Ils se sont adaptés, en s’installant à l’abri des glissements de terrains et des chutes de blocs ; en exploitant les ressources naturelles. Le massif du Chablais est constitué de roches sédimentaires, principalement d’origine marine, déposées dans l’océan alpin*. Les roches les plus anciennes datent de l’ouverture de celui-ci. Il s’agit entre autres de gypse, la matière première utilisée dans la fabrication du plâtre. À la fin du xixe siècle et au début du siècle dernier, le Chablais en fut d’ailleurs l’un des premiers produc‑ teurs de France. La géologie des Préalpes du Chablais est com‑ plexe. Les roches sédimentaires, autrefois déposées dans des bassins océaniques, se sont superposées, empilées, plissées, lors de la fermeture de l’océan et de la surrection alpine. Dans cette région, les roches dominantes sont des calcaires : parois de Mévonne, mont Billiat, pointe d’Ireuse… Parmi eux, les marbres de La Vernaz ornent certains oratoires et les escaliers de l’église de Bellevaux. 121 D902 D22 L’itinéraire, pas à pas M on td ’H er m an ce Dranse d’Abondance von Bre Le La Vernaz D26 Eglise de la Vernaz Gorges du Pont du Diable D22 Vailly Gde Pointe des Tournées 1722 m D22 forêt ivre Mt Billiat 1894 m Le Jotty Lac du Jotty Mt Ouzon 1882 m Barrage du Jotty ][ Col du Corbier Marbre D36 La Baume Pointe d’Ireuse 1890 m D26 Le Bre vo n Chemin des Chartreux La Foll az Rau Col de la Buchille D32 Roc du Château Bellevaux de Se ytr ou x Lappiaz de Nifflon D22 D902 To rre nt Col de la Balme Tourbière des Mouilles d’Hirmentaz de nse e Dra orzin M Eglise N.-Dame Pointe de la Gay 1801 m D32 D236 0 1 3 km Lac de Vallon Carte de randonnée : IGN 3428 ET Thonon-Evian Accès : Par la ligne de bus Thonon – Cluses, arrêt au Jotty – gorges du Pont du Diable. Possibilité de parking aux gorges du Pont du Diable. Suggestions : Avant votre départ visiter les gorges du Pont du Diable. Depuis Bellevaux, possibilité d’effectuer une étape supplémentaire en allant découvrir le lac de Vallon par La Clusaz (aller-retour). Cartes : IGN 3428 ET Thonon-Évian Le Léman 1/25 000 IGN 3429 ET Bonneville-Cluses le Faucigny 1/25 000 Dénivelée Temps de positive négative marche Distance 1 jour Le Jotty – La Baume 3,2 km 217 m 181 m 1 h 15 2e jour La Baume – Bellevaux (matin) ?????? 1 183 m 1 015 m 4 h 30 3e jour Bellevaux – Le Jotty 21 km 724 m 942 m 4 h 30 er 122 Dénivelée ITINÉRAIRE & Étapes : 1er jour : Le Jotty – La Baume Du Jotty, point de départ pour la visite des gorges du Pont du Diable, rejoindre la rive droite de la vallée et longe le lac jusqu’au plan du Moulin. Emprunter ensuite la route sous les Fayets pour la suivre jusqu’au pont de Gys, puis franchir la Dranse de Morzine pour atteindre le village de la Baume. 2e jour : La Baume – Bellevaux Le lendemain, quitter La Baume par le cimetière pour prendre la route menant à l’alpage des Druzes, en passant par la Voazière puis la Goutreuse. Au carrefour du réservoir, poursuivre à droite pour gravir les lacets des Plagnes. Du hameau des Druzes, le chemin mène ensuite à Seytrouset puis au col de Setrouset. Du col, laisser à gauche le chemin menant au col de la Balme pour gravir le Grand Rocher de Nifflon et rejoindre Nifflon-d’en Haut, son refuge non gardé et sa chapelle. Entamer alors la descente sur Nifflond’en Bas, en découvrant au passage de nombreuses tannes. Par la forêt de la Pierre Plate, atteindre ensuite le hameau de L’Ermont à 1 041 m. Suivre alors la route jusqu’au Frêne, puis prendre à droite vers le bas du hameau le chemin pédestre menant aux Places dans la vallée du Brevon. Suivre alors la route jusqu’à l’église de Bellevaux. 3e jour : Bellevaux – Le Jotty Quitter le centre de Bellevaux par l’ancienne route carrossable jusqu’à Sur-le-Saix, traverser la départementale 26 et monter jusqu’à Jambaz de Cà. Prendre ensuite à droite et suivre l’ancien chemin jusqu’aux Mouilles. Passer alors non loin de la chapelle, puis depuis Chez Martin, suivre la départementale 32. La quitter dans le lacet pour prendre l’ancien chemin des Chartreux longeant le versant droit de la vallée, en passant tout d’abord à Talonay, puis Chez le Rey. Poursuivre jusqu’aux Granges et emprunter la route menant à Lullin. De la sortie du village, obliquer à droite pour traverser le torrent et prendre la départementale 36 jusqu’à chez Jacquin. Poursuivre ensuite par le chemin menant au Lavouet, traverser le village pour descendre vers le Brevon, et la forêt ivre en contrebas de Vailly. Franchir, ensuite le torrent pour rejoindre les Aix en rive droite. Dans le lacet, prendre à gauche le chemin menant aux Excoffions, puis à flanc de coteau, par la route, rejoindre la départementale 22 et la suivre jusqu’à Outre Brevon. À la sortie du hameau, prendre à droite, les lacets menant à la Grange, puis le chemin conduisant au Linage. Suivre alors la route jusqu’à la Vernaz. Au centre de la localité, tourner à droite sur la départementale 22. La quitter peu après pour descendre les lacets de Trélachaud. Au bas du village, prendre à droite pour rejoindre à nouveau la départementale et la suivre jusqu’au Jotty, à l’entrée des gorges du Pont du Diable. Les deux piliers au pied du rocher de la Garde constituent les derniers vestiges de la porte qui marquait la limite inférieure des terres de l’abbaye d’Aulps. 123 Les découvertes, chemin faisant Les gorges du Pont du Diable : un spectacle « géologique » Situées sur le parcours de la Dranse de Morzine, les gorges de Bioge et du Pont du Diable sont des obstacles naturels difficilement franchissables, qui isolent pour partie la vallée d’Aulps du reste du Chablais. Chaque fois que la rivière traverse les barres calcaires résistantes de la vallée, elle est resserrée dans des défilés. Les eaux de la Dranse s’infiltrent alors dans les fractures des calcaires et les altèrent, approfondissant progressivement le lit de la rivière. L’essentiel de l’érosion s’est produit pendant les périodes glaciaires. 3 Les tannes de Nifflon : recueillir l’eau du ciel à tout prix Les eaux de fontes, froides et peu minéralisées, sont très corrosives pour les calcaires. Les marmites de géant*, ou chaudrons de sorcière, particu‑ lièrement remarquables, peuvent mesurer jusqu’à 4-5 m de diamètre. Elles ont été creusées dans les calcaires, par des galets entraînés lors de tourbillons d’eau. Le Pont du Diable est né d’un écroulement des rochers de la Garde en rive gauche de la Dranse. En descendant dans les gorges, vous traver‑ serez un chaos de blocs issu du même événement. Le site doit son nom à une légende : les habitants de la Vernaz et de la Forclaz souhaitaient construire un pont, mais n’y parvenaient pas du fait de la profondeur des gorges. Le diable proposa un marché à un habitant : il posera un pont si la première âme qui le franchit lui appartient. Le pacte fut conclu et, une fois le pont construit, l’homme fit passer une chèvre… Les gorges du Pont du Diable sont aménagées pour la visite touris‑ tique depuis 1893, le site étant classé depuis 1908. Les lapies, dolines et cavités de Nifflon sont issus de la dissolution des carbonates de calcium constitutifs des roches calcaires, par l’action de l’eau, légèrement acidifiée par la présence de dioxyde de carbone. Les Chamois « lécheurs » de pierres ! Depuis la terrasse des gorges du Pont du Diable, jetez un œil à la paroi rocheuse qui se situe de l’autre côté de la Dranse. Vous remarquerez une zone claire où l’eau suinte d’une fissure de la roche. Il n’est pas rare de voir des chamois s’y désaltérer, l’eau étant sans doute riche en éléments minéraux, principalement en magnésium. Le nom de Nifflon vient du latin « nec fluere » signifiant « lieu où l’eau ne ruisselle pas ». Sur ce plateau calcaire, les eaux de pluie altèrent les cal‑ caires, formant des lapies*, des dolines*, des cavités appelées localement tannes (gouffres). Au total, plus d’une centaine de tannes ont été réperto‑ riées et exploitées. Si le gouffre Pascal se développe sur 220 m, la majorité de ces tannes mesurent entre 10 et 30 m. Elles peuvent être remplies de neige neuf mois sur douze. Jusqu’au milieu du siècle dernier, elles ser‑ vaient pour l’alimentation en eau des alpages. En l’absence de source, les bergers et troupeaux devaient en effet se contenter de l’eau des toits, pré‑ cieusement recueillie dans de grandes cuves appelées toenes (citernes). Lorsque la provision d’eau était épuisée ou que les pluies se faisaient trop rares, les alpagistes récupéraient la neige dans le fond des tannes. La cha‑ pelle de Nifflon est dédiée à Notre-Dame des Neiges, en référence aux névés utilisés pour abreuver les troupeaux. Chaque année, un pèlerinage a lieu le premier dimanche d’août. Dans le secteur du Nifflon et du roc d’Enfer, vous aurez peut-être la chance d’admirer le vol de l’aigle royal. 4 Le barrage du Jotty : quand la géologie fait bien les choses Au Jotty, l’Homme a su faire d’une étroiture, d’une difficulté de pas‑ sage, une richesse économique en construisant un barrage, entre 1946 et 1949. Le barrage du Jotty est un barrage-voûte, d’une hauteur de 57 m, construit sur un solide escarpement calcaire. Son fin mur de béton est arqué vers l’amont. La poussée de l’eau est reportée sur les flancs de la vallée, contribuant à maintenir l’ouvrage en place. La longueur de son lac de retenue est de 1,5 km. Ce barrage alimente en électricité quelque 30 000 habitants. 124 3 125 0 La forêt ivre de Vailly Lac de Vallon. Il y a 27 000 à 30 000 ans, le glacier du Rhône, qui allait jusqu’à Genève, barrait le cours des Dranse et du Brevon. Dans les vallées, des lacs se sont alors formés, où des argiles se sont déposées. Ces dépôts sont à l’ori‑ gine de glissements de terrain. Les basses vallées du Brevon, d’Aulps et d’Abondance subissent toujours de nos jours ces phénomènes localisés, mais importants. Les premiers écrits relatant des mouvements de terrain dans ce sec‑ Détour par le lac de Vallon Derrière ses berges herbeuses et boisées, le lac de Vallon cache une his‑ toire récente. En 1943, un glissement de terrain est parti de Vallonnet, sous la pointe de la Gay, en rive droite du lac actuel. La coulée de boue très visqueuse a barré le cours du Brevon, emportant sur son passage une dizaine de chalets et deux scieries. En amont du barrage ainsi formé, les eaux sont montées, donnant naissance au lac actuel. Dans un premier temps, ce lac s’appelait de Chauronde ou de l’Écon‑ duit. Ce sont les noms des deux hameaux disparus. Le premier a été em‑ porté par la coulée de boue et le second englouti par la montée des eaux. Mais le lac fut rebaptisé lac de Vallon dès 1946, en référence au nom de la vallée. Aujourd’hui, une faune et une flore caractéristiques des zones humides et protégées s’y sont installées. Cet écosystème évoluera avec le temps vers le comblement progressif du lac. Pour compléter la découverte : le musée de l’histoire et des traditions de Bellevaux présente notamment un film d’époque. 126 Reconnaissable à son clocher à bulbe surmonté d’une flèche, l’église Notre-Dame de l’Assomption de Bellevaux, de style néo-classique sarde* avec des réminiscences baroques, a été construite en 1826. À l’entrée, les escaliers sont en marbre de la Vernaz. Lorsque les marches sont mouillées, vous pouvez y observer quelques ammonites ! Plus discrets dans le paysage, les oratoires sont nombreux dans la vallée du Brévon. 3 teur datent de 1733 ; depuis, le glissement dit « de Vailly » est l’un des plus étudiés de France. C’est le plus grand de Haute-Savoie, d’une surface de 400 ha. En descendant depuis le Lavouet jusqu’au Brevon, vous consta‑ terez que les pentes des prés ondulent. Ce sont les premiers indices du glissement de terrain. On voit aussi que certains troncs d’arbres penchent bizarrement, dans toutes les directions, produisant ce que l’on appelle une forêt ivre. Quand les glissements concernent la partie supérieure du terrain, l’arbre reste en place et les racines sont étirées. On dit alors que les racines sont en cordes de guitare. Pour réduire ces phénomènes, des ouvrages d’art ont été réalisés : barrages et contre-barrages en cascades se succèdent. Ils ont été construits à partir de 1937. Lavouet : la carrière de marbres de la Vernaz Le calcaire dit « marbre de la Vernaz » est une brèche noduleuse de teinte rouge à brun vert, datée d’environ 150 millions d’années. Ce calcaire a servi à réaliser des éléments sculptés dès le xiiie siècle. En finition polie, la plus ancienne réalisation répertoriée est une cheminée qui se trouve au château de Vullierens et qui date de 1713. Les pierres d’angle et le tabernacle* de l’église néo-classique sarde* de la Vernaz, les marches et la balustrade du chœur de l’église Saint-Hippolyte de Thonon-les-Bains (1725) et de nombreuses pierres des oratoires de la vallée en sont issus. Exploité jusqu’en 1994, le site de Lavouet est généralement méconnu et l’ancienne carrière est peu visible. 3 À 1 105 m d’altitude, la tourbière des Mouilles d’Hirmentaz conserve d’anciennes fosses d’exploitation de tourbe*. Elle offre une des plus belles stations départementales de polémoine bleue, une espèce végétale protégée. Autres curiosités naturelles sur ce parcours : à l’aval du Lavouet, les pelouses à Molinie hébergent une vingtaine d’espèces d’orchidées, dont le célèbre sabot de Vénus. La faune bénéficie de la quiétude du site et de la diversité des biotopes : le castor d’Europe côtoie le chevalier guignette, la pie-grièche écorcheur, la rousserolle verderolle et, dans la mare, le crapaud sonneur à ventre jaune. Pour compléter la découverte : le musée de la Faune à Bellevaux. 127 Bex-Derborence La montagne mystérieuse >> Juste Olivier* et Charles-Ferdinand Ramuz* ont décrit les beautés et mystères de cet itinéraire reliant Bex à Derborence. Les forêts de châtaigniers, les hautes parois calcaires ou la plongée sur le lac de Derborence : tout est source de découvertes et de secrets naturels ou légendaires. « Chaque montagne, avec sa croupe verte, S’efface dans l’ombre. La Nuit Traverse seule, en éteignant le bruit, La rue endormie et déserte. Sa main clôt les yeux vacillants ; Sa robe la ceint de mystère, Et cache même ses pieds blancs, Qui glissent sans toucher la terre. […] » Juste Olivier, Les chansons lointaines. Poèmes et poésies, Lausanne, 1855 (extrait du poème « La nuit ») Les mystères de la montagne ont inspiré des générations d’écrivains. De terres d’accueil au climat rude où vit une popu‑ lation de caractère, les montagnes se transforment sous leurs plumes en espaces maléfiques où sévissent la vouivre ou le diable. Légendes et aventures de voyages ont nourri la littéra‑ ture alpestre, les récits de voyages et aussi motivé les scienti‑ fiques de la première heure. Dans le village historique de Gryon, un monument perpé‑ tue la mémoire du poète Juste Olivier* qui vint finir ses jours en ces lieux. La promenade se poursuit en direction des alpages qui ont conservé un patrimoine fort riche, où la présence humaine reste discrète. La formation des Alpes a laissé ici des traces remarquables. Le pas de Cheville ouvre la porte toute grande aux mys‑ tères et le cirque sauvage de Derborence regorge de curiosi‑ tés, d’évènements contés loin à la ronde par CharlesFerdinand Ramuz*. Au-dessus du lac, on percera les secrets de la dernière forêt vierge de Suisse. 129 L’itinéraire, pas à pas Col du Pillon AL ASD 1er jour : Bex – Gryon De Bex, traverser la ville et remonter l’Avançon en rive droite jusqu’au Plantex (direction le Bouillet), laisser à gauche le chemin du sel et prendre à droite dans les châtaigniers le chemin montant dans les vignes au Chêne en direction de Gryon. Longer la route asphaltée jusqu’à la sortie du hameau et emprunter alors l’ancien chemin. Audessous du Fenalet, bifurquer à droite pour passer à la Rosse. Traverser deux fois la route de Gryon, et à la Croix, poursuivre à flanc de coteau jusqu’aux Posses Dessous. Prendre ensuite le chemin des Posses puis longer la route de Gryon jusqu’à Entremouille, traverser la ligne de chemin de fer et poursuivre en face sur le chemin de terre coupant la route dans un lacet pour monter jusqu’au village de Gryon. Lac des Chavonnes Le Chamossaire 2112 m Lac de Bretaye Col de la Croix 1776 m Réserve naturelle de Taveyanne BVB Glacier des Diablerets rets iable Les D Tête Ronde 3037 m Culan 2788 m La Quille du Diable Anzeindaz Pas de Cheville 2038 m Miroir d’Argentine Gryon Lion d’Argentine 2273 m Eglise Col des Esserts e entin L’Arg Vallon de la Vare Derborence Forêt vierge Châtaigniers Bex Glacier de Paneirosse Les Planssur-Bex Jardin botanique Haut de Cry 2696 m Grand Muveran 3051 m Croix de Javerne 2097 m CFF Réserve naturelle du Vallon de Nant Dent Favre 2916 m Dents de Morcles 2969 m 0 1 Petit Muveran 2810 m 3 km 2e jour : Gryon – Anzeindaz Du centre historique de Gryon, suivre la route menant aux Pars par Rabou. Suivre le balisage en remontant l’Avançon d’Anzeindaz jusqu’à la Benjamine par Matélon. Après avoir suivi la route sur quelque 800 mètres, reprendre le chemin pédestre pour Solalex par le plan de la Roche. À Solalex, le chemin se poursuit jusqu’à Anzeindaz par le trou à l’Ours. 3e jour Anzeindaz – Derborence Du refuge d’Anzeindaz, suivre le balisage pour franchir le pas de Cheville. Le chemin descend ensuite sur Derborence par Le Grenier et Les Penés. Rejoindre le lac de Derborence au bord duquel se trouve l’auberge et l’arrêt du bus postal permettant de rejoindre la vallée du Rhône (ligne Sion – Aven – Derborence). Carte de randonnée : Chablais vaudois AVTP - MPA Verlag 1 : 25 000 Accès : Par la ligne de train Lausanne-Simplon. Possibilité de parking aux abords de Bex. Retour : Par la ligne de bus reliant Derborence à Sion puis le chemin de fer CFF Sion-Bex. Suggestion : Pour les bons marcheurs, l’étape Gryon – Anzeindaz peut être rallongée en passant par le vallon de Nant et le col des Essets. Anzeindaz. 4 Carte : Carte Chablais vaudois AVTP – MPA Verlag 1/25 000 ITINÉRAIRE & Étapes : 1er jour Bex – Gryon 2 jour Gryon – Anzeindaz 3e jour Anzeindaz – Derborence e Alternative 2e et 3e jours pour bons marcheurs par le vallon de Nant De Gryon, suivre la route jusqu’aux Pars par Rabou. Des Pars, suivre ensuite le balisage en direction des Plans sur Bex par Béroud et les Torneresses. Aux Plans, poursuivre vers Pont de Nant, laisser à droite le jardin alpin et prendre la direction du col des Essets par Le Richard, la Vare et le plan des Bouis. Du col des Essets, descendre sur Anzeindaz par la cabane Barraud. Distance Dénivelée Dénivelée Temps de positive négative marche 7 km 700 m 10 m 2 h 20 9,5 km 825 m 68 m 3 h 20 5 km 163 m 569 m 2 h 00 Alternative par le vallon de Nant 130 2e jour Gryon – Pont de Nant 3e jour Pont de Nant – Anzeindaz 6,5 km 484 m 357 m 2 h 30 9 km 845 m 206 m 3 h 30 131 Les découvertes, chemin faisant La forêt garde-manger Entre Lavey, Bex et Aigle, 90 hectares de forêts abritent de nombreux châ‑ taigniers, et parfois uniquement cette espèce. La châtaigne fut longtemps un élément vital de l’alimentation familiale. On appelait le châtaignier « l’arbre à pain », mais aussi « l’arbre à saucisses » car ses fruits servaient également à l’alimentation des porcs. Cuite à l’eau, la châtaigne était consommée matin et soir durant les longs mois d’hiver. Si elle a été un Le vallon de Nant est un étroit vallon glaciaire s’étirant de Pont de Nant jusqu’au glacier des Martinets, cantonné dans un cirque glaciaire orienté au nord, au pied de la paroi des dents de Morcles que l’érosion a mise à nu. Réserve naturelle depuis 1969 et inscrit à l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale depuis 1977, le vallon de Nant abrite une faune très diversifiée (chamois, marmottes, aigles, reptiles, batraciens, etc.). On y recense pas moins de 40 % des plantes de Suisse. On peut les admirer notamment au jardin alpin La Thomasia, créé en 1891 dans le pâturage de Pont de Nant adossé à 1 260 m au nord-ouest de la paroi du Grand Muveran. peu oubliée au xxe siècle, elle fut un aliment de choix, gratuit, qui rempla‑ çait avantageusement les pommes de terre dans les foyers campagnards. Bien que le Chablais soit essentiellement constitué de roche calcaire, la présence de dépôts morainiques* du glacier du Rhône, riches en silice (granites, gneiss…) a permis le développement d’un sol acide propice aux châtaigniers. Gryon s’étire à flanc de coteau à 1 100 m d’altitude. Aux abords du village, on devine encore les terrasses où des céréales étaient cultivées jusque vers la fin du xixe siècle. L’église, avec son clocher à flèche de pierre, remonte à la fin du Moyen Âge. Les maisons d’habitation et leurs granges écuries séparées appartiennent à la belle architecture de bois des Préalpes. Une partie du village a été reconstruite en 1721 à la suite d’un incendie. Le menuisiercharpentier lausannois David Henri Dumayne signe plusieurs bâtiments, ainsi que le plafond en berceau de l’église (1724) et la chaire (1728). La massive fontaine en pierre de Saint-Triphon a été hissée depuis la plaine par toute la population en 1805. L’arrivée de la route carrossable en 1856 suscite l’ouverture de plusieurs pensions. Le poète Juste Olivier* a passé une partie de sa vie à Gryon. de sables et d’argiles va constituer des couches successives. Ainsi le Miroir de l’Argentine est-il une barrière de corail vieille de 100 millions d’années ! Ensuite, lors de la structuration des Alpes, ces sédiments déposés hori‑ zontalement vont être redressés, plissés, fracturés. Lors de ce deuxième temps de l’histoire, les couches constitutives du Miroir de l’Argentine des‑ sinent un grand pli qui se déverse vers le centre de la vallée. Sa forme, dite en rouleau ou en pelure d’oignon, en fait un cousin géologique du rouleau de Bossetan (voir it.6 page XXX). Durant la troisième étape de construction du paysage, la glace et l’eau terminent le travail en érodant, façonnant, sculptant le relief pour donner à la vallée son aspect actuel. Cette dernière phase se poursuit toujours, comme l’atteste les éboulis et les blocs qui recouvrent le pied des parois rocheuses. Le vallon de la Varre permet d’appréhender la formation d’une mon‑ tagne. Son étude a conduit les premiers géologues à franchir une étape importante dans la compréhension des phénomènes qui ont façonné les Alpes. 7 Le paysage du vallon de la Varre Le vallon de la Varre s’étend de Pont de Nant à Anzeindaz. Ces paysages géologiques spectaculaires permettent de traverser le temps sur une période de plus de 100 millions d’années. Il retrace les trois histoires du paysage : la formation, la structuration et l’érosion des roches. Lors de l’ère secondaire, l’accumulation dans l’océan de débris d’organismes marins, 132 133 faisait dire au petit peuple des pâtres des vallées du sud que les démons jouaient aux quilles, d’où le nom « Quille du Diable », donné au rocher en forme de tour que l’on voit au sud du glacier de Tsanfleuron. Ceci explique également les dénominations données au massif des Diablerets et au gla‑ cier des Diablerets. Par extension, le nom des Diablerets a été donné au Grand Hôtel, construit en 1856 au plan des Ifles, puis à la station que l’on connaît au‑ jourd’hui. « Ah ! Derborence (…) » 3 Les grands alpages de Gryon et de Bex Les paysans de montagne ont toujours su jouer avec les altitudes et les saisons. À Gryon par exemple, après l’hivernage, le bétail broute les pâ‑ turages vers les petits chalets qui parsèment les pentes. Puis en juin, on monte en Taveyanne, hameau groupant plusieurs rangées de chalets en bois. Sa célèbre fête de la mi-été a d’ailleurs inspiré le poète Juste Oli‑ vier*. Les habitants de la commune de Bex disposent de plusieurs vastes alpages. Le plus élevé, Anzeindaz, à plus de 1 870 m d’altitude, conserve un groupe de chalets en maçonnerie. On y accède par Solalex, où le troupeau passe quelques semaines en début et en fin d’été. Dans ce pay‑ sage grandiose, le pas de Cheville relie Anzeindaz à Derborence. Déjà au xviiie siècle, la flore émerveillait les botanistes. Que les randonneurs qui leur succèdent respectent le site, le bétail et les bergers ! 3 Quille du Diable Le thème de cet itinéraire prend tout son sens à l’arrivée, à Derborence. Le panorama offert y est tout simplement époustouflant. Le caractère sau‑ vage et mystérieux du site s’exprime pleinement avec le lac entouré de sapins au premier plan, l’imposant massif des Diablerets au nord et, entre les deux, le dépôt des différents éboulements qui ont rendu le site cé‑ lèbre. Mais laissons la plume au célèbre écrivain poète vaudois, CharlesFerdinand Ramuz* : « Ah ! Derborence tu étais belle, tu étais belle, en ce temps-là, te parant dès la fin de mai pour les hommes qui allaient venir. … Et … la vie reprenait, avec ces toits posés non loin des uns des autres comme des petits livres sur un tapis vert, tous ces toits reliés en gris ; avec deux ou trois petits ruisseaux qui brillaient par place comme quand on lève un sabre ; avec des points ronds et des points ovales qui bougeaient un peu partout, les points ronds étant les hommes, les points ovales étant les vaches. Quand Derborence était encore habitée, c’est-à-dire avant que la montagne fût tombée. Mais à présent elle vient de tomber. » C. F. Ramuz, Derborence, Gallimard, Paris, 2005, tome ii, p. 962. 4 Le domaine de Satan et de ses sujets ! Le sommet des Diablerets, situé entre les beaux pâturages d’Anzeindaz au sud et de la vallée des Ormonts au nord, a de tout temps été considéré comme un site dangereux et maudit. Maudit, il le fut depuis le jour où un berger au cœur avare et dur fit une mauvaise action. Dès lors, les beaux pâturages de Transfleuron (Blumlisalp ou Champ fleuri) se transformè‑ rent et le splendide champ fleuri d’autrefois devint le froid désert d’au‑ jourd’hui. De l’Oldenhorn au Scex Rouge et du Sanetsch aux Diablerets, les chants des armaillis* se turent, de même que le carillon des troupeaux. Ces lieux devinrent le repère d’esprits maléfiques, un vrai carrefour des enfers, point de rendez-vous du sabbat des démons, des damnés et de tous les mauvais génies assemblés. Le bruit de leurs jeux avec les rochers 134 3 Plan de Bex. 135 L’éboulement et sa légende Ramuz s’est inspiré de la légende miraculeuse qui s’est répandue suite aux catastrophes du xviiie siècle pour écrire, en 1934, l’un de ses plus beaux ro‑ mans : Derborence. Il y relate l’histoire d’un berger enseveli par l’énorme éboulement survenu le 23 septembre 1714, vers 15 h 00 un dimanche après-midi. Jouant sur le côté mystérieux et dangereux de la montagne, où le diable se cache, comme en attestent les noms de lieux : Les Diable‑ rets, la Quille du Diable, Ramuz fait de l’éboulement un caprice du Malin et de la montagne une force à la fois cruelle et protectrice, puisqu’elle va épargner la vie du berger. « On a calculé plus tard que l’éboulement avait été de plus de cent cinquante millions de pieds cubes ; et ça fait du bruit, cent cinquante millions de pieds cubes, quand ça vient en bas. Ça avait fait un grand bruit qui avait été entendu dans toute la vallée, encore qu’elle ait plus d’une lieue de large et au moins quinze de long. Seulement on n’avait pas su tout de suite ce que ce bruit signifiait. Maintenant on allait le savoir, parce que la nouvelle allait, allant très vite, bien qu’il n’y eût alors ni télégraphe, ni téléphone, ni automobiles. C’est bientôt dit. On dit : « C’est la montagne qui est tombée. » » C. F. Ramuz, Derborence, Gallimard, Paris, 2005, tome ii, p. 992-993. Le premier éboulement de 1714, qui a tué 15 personnes et du bétail en nombre, provient en effet de l’effondrement de la falaise inférieure sous le glacier des Diablerets, au lieu-dit de la Quille du Diable. Cet écrou‑ lement déstabilisa le sommet de la tête de Barme, dont l’une des deux arêtes tomba 35 ans plus tard, le 23 juin 1749. L’énorme éboulis engendré par ces deux catastrophes mesure 5 km de long et son volume est es‑ timé à environ 50 millions de mètres cubes ! Le lac de Derborence s’est formé suite au second éboulement, qui a fait office de barrage naturel 136 La forêt vierge de Derborence, dite de l’Écorchia (ou Écorcha), est l’une des trois dernières forêts vierges de Suisse. Négligée par les hommes en raison de son accès difficile, elle se trouve par définition dans un état d’équilibre, c’est-à-dire qu’elle s’auto-régénère : les arbres morts formant l’humus pour de nouvelles pousses. Elle se passe ainsi de l’intervention de l’Homme, se contentant du seul libre jeu des forces de la nature, et joue un rôle important de témoin des effets de la pollution de l’air à long terme. Tous les arbres y sont d’ailleurs répertoriés pour des observations scientifiques. Son sous-bois est le plus riche en espèces végétales de Suisse, ses sapins pouvant atteindre 450 ans et plus de 40 mètres de haut. La faune et la flore du site sont tout aussi spectaculaires, avec de nombreuses plantes et fleurs rares comme le cerfeuil musqué ou le lys orangé, et d’une diversité impressionnante (sabot de Vénus, edelweiss, campanules, bonsaï de Derborence, renoncule des glaciers, etc.). La faune y est également très bien représentée avec les « classiques » bouquetins, chamois, cerfs, marmottes, aigles royaux, hiboux moyen-duc, mais aussi avec des espèces rares comme la salamandre noire et l’imposant gypaète barbu. Ce dernier, qui avait disparu des Alpes au début du xxe siècle, victime des persécutions humaines, a été réintroduit au début des années 1980. Gilde et Pablo, le couple introduit dans la vallée de Derborence, semble s’y plaire, comme en témoigne la seconde naissance naturelle en Suisse : celle de Arys au printemps 2007. En 1959, la bourgeoisie* de Conthey a cédé à la Ligue suisse pour la protection de la nature un territoire de 50 hectares afin d’y créer une réserve naturelle. La protection y est absolue, la chasse étant interdite. Depuis 1977, le site de Derborence est inscrit à l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale. 3 aux différents torrents s’écoulant dans le vallon ; c’est le lac naturel le plus jeune d’Europe. Mais ce dernier n’est pas totalement étanche. Cette ca‑ ractéristique, conjuguée à son comblement progressif par les nombreux alluvions apportés par les torrents, en font une beauté éphémère dont les jours sont comptés… Autant s’y baigner pendant qu’il est encore temps ! Scex Rouge ou la montagne au rubis En cherchant une brebis égarée, Jeannette découvrit une grotte mer‑ veilleuse taillée dans l’améthyste et le rubis : la demeure du génie de la montagne. Sous la promesse de ne dévoiler à personne ce secret, notre bergère put emporter trois gros rubis. Elle tint parole et quitta la vallée. Jamais on ne retrouva l’entrée de la grotte fabuleuse. Quant au génie, il ne se fâche vraiment que si l’on approche trop de sa demeure, mais alors toute la montagne tremble ! Retrouvez le conte du Scex Rouge, et bien d’autres, sur www.diablerets.ch. 137 lexique DES MOTS DU CHABLAIS A B 138 Aérothérapie (it.2) : traitement des maladies, en particulier les affections pulmonaires chroniques par le grand air (air de la montagne, air marin). Agro-pastoralisme (it.10.) : pratique de l’économie alpestre encore présente en Chablais consistant à se livrer simultanément à l’élevage et à l’agriculture. Appellation d’Origine Contrôlée (ou A.O.C.) (it.3) : label officiel qui garantit l’origine des produits alimentaires traditionnels français ou suisses. Armaillis (it.12) : désigne les fromagers et les vachers actifs dans les grands alpages des Préalpes vaudoises et fribourgeoises. Art Nouveau (it.1) : courant artistique international qui caractérise la Belle Époque et qui se développe entre 1890 et 1914. Les artistes du mouvement Art Nouveau voulaient abolir la distinction entre « Arts Majeurs » et « Arts Mineurs ». Atriaux : abats, viande de porc et herbes hachés et envelopes dans de la crépine (variante crépinette). Auciège (it.5) : au Moyen Âge, redevance due aux seigneurs pour la jouissance des alpages, consistant en une certaine quantité de fromages. Bacounis (it.1) : voir page XXX Balnéothérapie (it. 2) : traitement médical par les bains. Barnabites (it.6) : religieux de l’ordre des clercs de SaintPaul, dont les fondateurs s’assemblèrent dans l’église de Saint-Barnabé de Milan, au xve siècle. Bernois (régime) (it.4) : désigne la conquête et l’occupation du Pays de Vaud par Berne. Durant cette période (1536-1789), la République de Berne organise ses nouvelles terres et divise le Pays de Vaud en douze bailliages, rangés en trois catégories selon leurs revenus. Bisse (it.5) : dans le Valais, long canal amenant de l’eau pour l’irrigation. Bourgeoisie (it.12) : en Suisse, droit de cité, citoyenneté dans une commune. C Cérésole Alfred (it.2) : (18421915) auteur suisse né à La Chiésaz sur Vevey. Il fit des études de théologie à l’Université de Lausanne avant de devenir pasteur à Ormont-Dessus, Vevey et SaintLégier-La Chiésaz. Secrétaire du conseiller fédéral Constant Fornerod, lors de l’occupation de Genève (1864). Il participe à la fondation de la revue littéraire Au Foyer romand. Ses œuvres touchent aux traditions populaires et au parler vaudois. Chemin historique (it.4) : chemin classé à l’inventaire des voies de communication historiques de la Suisse. Climatérique (station…) (it.2) : lieu où l’on envoie les malades pour les vertus curatives du climat. Cône de déjection (it.9) : alluvions accumulés par les apports d’un torrent ou d’une rivière de montagne et présentant une forme triangulaire. Cordon morainique (it.4) : dépôts morainiques qui prennent la forme d’une crête allongée. Le cordon morainique est constitué des matériaux abandonnés par les glaciers sur ses flancs ou à son front. D E F Dépôts morainiques ou moraine (it.2) (it.10.) (it.12.) : dépôts constitués des blocs, sables, graviers, argiles, transportés par les glaciers, puis abandonnés par ceuxci lors de leur retrait. Doline (it.10.) (it.11.) : dépression circulaire caractéristique de l’érosion des calcaires par dissolution. Elles présentent une mesure variant entre quelques mètres et plusieurs centaines de mètres. Dans les Chablais, leur diamètre n’excède généralement pas 10-15 m. Échalas (it.10.) : piquets auxquels on attache les sarments de la vigne. Entablement (it.3) : en architecture, partie supérieure d’un ordre superposant généralement une architrave, une frise et une corniche. Couronnement d’une porte ou d’une fenêtre. Épizootie (it.10) : maladie contagieuse qui atteint un grand nombre d’animaux. Étamine (it.4) : fine étoffe qui sert à cribler ou à filtrer, sur laquelle le lait caillé s’égoutte lors de la préparation de certains fromages. Exutoire (it.10.) : secteur d’évacuation des eaux d’un plan d’eau. Féra (it.1) : poisson du lac Léman qui appartient à la famille des salmonidés. De chair blanche mesurant 40-50 cm, très effilé, il est recouvert de grosses écailles argentées. Son poids de capture oscille entre 500 g et 1 kg. François de Sales (it.3) : (1567-1622) prêtre qui se consacra à la conversion des calvinistes du Chablais, il devint évêque de Genève et fonda l’ordre de la Visitation. Fronton (it.3) : en architecture, couronnement de forme triangulaire, plus large que haut et fait d’un tympan qu’entoure un cadre mouluré. Foulon ou moulin à foulon (it.5) : machine servant au foulage des étoffes de laine, des cuirs. G mouvement de rotation par les eaux. C’est ce mouvement de rotation qui a entraîné une érosion progressive de la roche. Mélano Ernest (it.3) : (17921867) architecte italien et ingénieur civil sarde de la cour de Turin, il fut le premier architecte de Charles-Albert de Sardaigne. Ce dernier lui confia de nombreux travaux de construction ou de rénovation de châteaux et monuments religieux. Il fut le chef de fil de l’art italien néo-gothique troubadour du xixe siècle. Moraine (it.8) : voir dépôts morainiques. Mucor (it.4) : moisissure qui apparaît à la surface des fromages à pâte molle. Guerres de Religion (it.3) : conflits armés qui, en France, opposèrent catholiques et protestants entre 1562 et 1598. Cette période de troubles fut l’aboutissement d’un état de tension dû à la fois aux progrès du calvinisme et à la répression systématique de la Réforme, qui caractérisa la fin du règne d’Henri II. H Héliothérapie (it.2) : traitement médical par le soleil. I Impluvium (it.7) : bassin qui sert à recueillir les eaux de pluie. L Lapies ou lapiaz (it.11) : forme la plus caractéristique du karst, rainures plus ou moins profondes dans les roches calcaires résultant de la dissolution de cette roche en surface. Lie (it.3) : dépôt qui se forme au fond des récipients contenant des boissons fermentées. Longeoles : saucisses à cuire, couenne et chair de porc carvi (et/ou fenouil). N Néo-classique sarde (style) (it.3) (it.10.) (it.11.) : le néo-classicisme est un mouvement artistique, architectural et graphique qui se développe en Europe et en Amérique du Nord dans la première moitié du xviiie siècle. Il se caractérise par un renouveau des styles classiques grec et romain. En Savoie, ce phénomène apparaît avec un certain retard par rapport au reste de l’Europe, mais s’impose entre 1815 et 1860 dans le contexte de la reconstruction post-révolutionnaire. Presque toutes les églises reconstruites sous la monarchie de PiémontSardaigne appartiennent au style néo-classique sarde. Elles se caractérisent par un plan au sol en forme de croix latine surmontée d’une coupole, de larges et puissants pilastres couronnés d’une large corniche qui supportent la voûte. O Océan alpin (it.2) : océan qui se situait entre l’Europe et l’Afrique à l’époque du Jurassique et du Crétacé. (it.4) : dans M Madrier l’architecture de bois des régions de montagne, poutres empilées et croisées dans les angles. Utilisées à La Forclaz notamment. Marmites de Géant (it.11.) : dépressions cylindriques dans le lit d’un torrent ou d’un ancien torrent. Lorsque le torrent est actif, on y constate en général la présence de cailloux entraînés dans un Olivier Juste (it.11) (it.12) : (1807-1879) écrivain, poète, romancier et érudit suisse. Ses œuvres célèbrent le canton de Vaud et décrivent la paysannerie vaudoise. Divers de ses romans se situent au cœur de la vie rurale de son époque. Ombilic (lac d’) (it.10.) : dépression provoquée par le surcreusement d’une vallée glaciaire limitée à l’aval par un verrou (barre rocheuse). Une fois le glacier fondu, cette dépression peut être occupé par un lac dit lac d’ombilic. P Patente (lettres de…) (it.10.) : écrit émanant du roi, d’un corps qui établissait un droit ou un privilège. Pierre ollaire (it.10.) : serpentine, facile à travailler, durcissant au feu. Pilastre (it.3) : en architecture, membre vertical formé par une faible saillie rectangulaire d’un mur, en général muni d’une base et d’un chapiteau. Phylloxéra (it.3) : le phylloxéra, ou phylloxéra de la vigne, est une espèce d’insecte homoptère, sorte de puceron ravageur de la vigne. Le terme désigne aussi, par métonymie, la maladie de la vigne causée par cet insecte. Originaire de l’est des ÉtatsUnis, il a provoqué une grave crise du vignoble européen à partir de 1863. Elle ne fut surmontée qu’au bout de 30 ans, grâce à l’utilisation de porte-greffes issus de plants américains naturellement résistants au phylloxéra. Pli anticlinal (it.2) : un pli anticlinal est une structure géologique dont les couches présentent une courbure issue de la déformation des roches. Un pli est dit anticlinal quand les roches les plus anciennes sont au cœur de la structure plissée. 139 R Ramuz Charles Ferdinand (it.12.) : (1878-1947) écrivain suisse originaire de Lausanne. Ses œuvres sont ancrées dans le canton de Vaud et, dans ses essais, il célèbre une sagesse terrienne et spiritualiste. Il dépeint des images réalistes toujours liées aux mœurs du pays romand. Remuée (it.5) : passage d’un alpage à l’autre au cours de la période estivale. Rousseau Jean-Jacques (it.7) : (1712-1778) écrivain et philosophe de langue française, né à Genève. Auteur de nombreuses ouvrages de linguistique, politique et philosophie, il a également rédigé un roman intitulé Julie ou la Nouvelle Héloïse, ainsi que des œuvres autobiographiques (Confessions, Rêveries du promeneur solitaire). S Sans-soucis : nom donné aux pêcheurs et carriers du Léman. Sauce Coffe : la saigne (partie de la gorge du porc où l’on a plongé le couteau pour le saigner) ne se conserve pas (car souillée par le sang frais). Elle est détaillée en cubes et préparée comme un civet ; c’est le seul morceau du cochon que l’on mange frais. Sédiments (ou dépôts sédimentaires) (it.6) : accumulation d’éléments provenant de la désagrégation, de la dissolution de roches préexistantes, transportés et déposés par les eaux, le vent, ou encore de matières d’origine organique. 140 Sisyphe (it.7) : dans la mythologie grecque, roi légendaire de Corinthe, célèbre pour son ingéniosité et sa ruse. Il fut condamné après sa mort à rouler éternellement sur la pente d’une montagne un rocher retombant sans cesse avant d’avoir atteint le sommet. Stockalper, Gaspard Jodoc (it.4) (it.7) : (1609-1691) marchand, banquier, politicien, militaire et entrepreneur suisse. Surnommé le « Roi du Simplon », il érigea un empire commercial en profitant du col du même nom pour importer et exporter des marchandises. En 1648, il devint le maître du sel en Valais, titre attribué par la Diète et qui lui offrait un quasi-monopole sur cette denrée. Le Bas-Valais était alors approvisionné par le sel français ou espagnol et pour en faciliter l’acheminement, Stockalper lança un projet de canal, le canal Stockalper (1651-1659), qu’il fit creuser près du Rhône et qui reliait Vouvry à Collombey-Muraz. Surcreusement (it.7) : en géographie, creusement prononcé des vallées glaciaires à certains endroits. Synclinal perché (it.8) : un pli est dit synclinal quand les roches les plus jeunes sont au cœur de la structure plissée. Le synclinal est dit perché quand ses flancs forment les reliefs. Syrphe (it.6) : insecte aux antennes courtes, mouche à abdomen jaune et noir, au vol rapide. T Tabernacle (it.11.) : petite armoire fermant à clé, qui occupe le milieu de l’autel d’une église et contient le ciboire. Tavaillons (en Savoie)/ Tavillons (en Suisse romande) (it.2) : bardeaux, fines planchettes de bois recouvrant traditionnellement les toits, surtout dans les régions de montagne. Thébaine (légion) (it.5) (it.9) : légion romaine commandée par Maurice, martyr de la foi mort en 302 ou vers la fin du iiie siècle. Elle fut envoyée par l’empereur Maximien pour combattre les Bagaudes (des paysans gaulois). Les chrétiens de cette légion auraient été massacrés dans la plaine d’Agaune (aujourd’hui Saint-Maurice), pour avoir refusé de sacrifier aux dieux païens. Cet épisode, attesté par des écrivains ecclésiastiques à partir du ive siècle, est réfuté par de nombreux historiens. Tourbe (it.11.) : matière spongieuse et légère, qui résulte de la décomposition de végétaux à l’abri de l’air, et utilisée comme combustible. Tuf (ou Travertin) (it.1) : roche présentant de très petites cavités qui se forment à l’air libre par précipitation des carbonates dissous dans l’eau. V Verrou glaciaire (it.7) : le verrou glaciaire est un terme de géomorphologie qui désigne un rétrécissement de la largeur d’une vallée glaciaire au droit de barres rocheuse. Bibliographie POUR EN SAVOIR PLUS SUR LE PATRIMOINE ET LA NATURE DES TROIS CHABLAIS Patrimoine naturel jj Badoux H., Feuille de Montreux, Atlas géologique de la Suisse 1/25 000, Montreux (1965) jj Badoux H., « De quelques phénomènes sédimentaires et gravifiques liés aux orogenèses. » Eclogae Geologicae Helvetiae 60 (2) : 399-406, (1967) jj Blavoux B., Les sources minérales d’Évian, Étude climatologique, hydrologique et hydrochimique des formations fluvio-glaciaires quaternaires du Bas-Chablais. Centre de Recherche (1965) jj Géodynamiques de Thonon. Paris, Université de Paris : 366 jj Charollais J., Plancherel R., et al., Carte Géologique au 1/50 000. Annemasse. Paris, BRGM. Service de la carte Géologique de France (1998) jj Charollais J., Badoux H., Suisse lémanique, Pays de Genève et Chablais, Masson, Paris (1990) jj Chazal V. et Grange S., Le Quaternaire dans le Bas-Chablais : Les phases glaciaires dans le bassin lémanique au cours du Würm. Rapport interne. 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