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Manuel de l’initiative citoyenne européenne Premier outil de démocratie directe transnationale La Fondation verte européenne (GEF) est une fondation européenne dont la mission est de contribuer à oxygéner le débat public et à promouvoir la participation des citoyens dans le discours européen. GEF s’efforce d’animer les discussions politiques européennes tant au sein de la famille politique des Verts que dans l’espace public général. Laboratoire de nouvelles idées, ainsi que plate-forme de coopération et d’échange d’expériences au niveau européen, la fondation offre également des formations politiques. Publié par la Fondation verte européenne pour les Verts/ALE au Parlement européen Imprimé en Belgique, décembre 2010 © Initiative and Referendum Institute Europe et Green European Foundation asbl Tous droits réservés Édition et coordination du texte : Leonore Gewessler et Marina Barbalata Édition en langue française : Emmanuelle Lê Thanh et Bruno Nicostrate Production : Micheline Gutman Imprimé sur papier 100% recyclé Image de couverture : © FDFA, Presence Switzerland Les opinions exprimées dans cette publication sont exclusivement celles de leurs auteurs. Elles ne reflètent pas nécessairement celles de la Fondation verte européenne. Cette publication a été réalisée avec le soutien financier du Parlement européen. Le Parlement européen ne peut être tenu responsable du contenu de ce projet. Cette publication peut être commandée à : The Green European Foundation – Bureau de Bruxelles : 15 Rue d’Arlon – B-1050 Bruxelles – Belgique Tél. : +32 2 234 65 70 I Fax : +32 2 234 65 79 E-mail : info@gef.eu I Web : www.gef.eu Green European Foundation asbl 1 Rue du Fort Elisabeth – 1463 Luxembourg Manuel de l’initiative citoyenne européenne Premier outil de démocratie directe transnationale En collaboration avec Auteur principal : Bruno Kaufmann 2 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Table des matières Remerciements Avant-propos de Heidi Hautala Dans les coulisses du processus législatif 1. Introduction : un regard sur l’avenir 1.1 Comment une mère élevant seule ses deux enfants pourra bientôt changer l’Europe 2.Contexte : une démocratie représentative réellement moderne 2.1 Pourquoi la Commission européenne veut-elle « soudain » promouvoir une démocratie réelle 2.2 L’apprentissage par la pratique : « Avant de se propager, la démocratie doit s’enraciner plus profondément là où elle a déjà éclos. » 2.3 Accélérateur et frein : l’expérience suisse 2.4 Perspective globale : des contextes défavorables et des conceptions inadaptées posent encore problème 2.5 Problèmes courants, nouvelles solutions : les priorités vertes et l’importance d’inclure la population 3. Analyse : l’entrée en scène des Européens 3.1 Un jeudi ensoleillé de juin 2003 à Bruxelles 3.2 Une nuit à Amsterdam : la première contribution gouvernementale à l’initiative citoyenne européenne 3.3 Initiatives de définition : vers plus de démocratie, une route semée d’embûches 3.4 Yes, we can ! L’histoire de 25 essais d’initiatives européennes citoyennes 3.5 La dernière ligne droite vers une initiative citoyenne européenne : attitude positive et lutte acharnée 4. Perspectives : enfin en pole position ! 4.1 Quand le New York Times s’intéresse à l’Europe 4.2 Une nouvelle voie : un manuel en dix étapes pour lancer votre initiative citoyenne européenne 4.3 Un outil au seul bénéfice des puissants ? Pas nécessairement 5. Ressources: 5.1 Terminologie : glossaire de la démocratie directe moderne et de l’initiative citoyenne européenne 5.2 Liens et références 5.3 Documentation: opinions citoyennes et vertes sur l’initiative citoyenne européenne Index 4 5 6 15 15 21 21 23 26 40 44 47 47 49 56 60 66 75 75 77 86 89 89 97 99 108 3 Ressources 1) Glossaire 89 2) Liens et références 97 3) Documents : 99 a) Sommet sur l’initiative citoyenne européenne 2009 b) Sommet sur l’initiative citoyenne européenne 2010 c) Position du Groupe Verts/ALE au Parlement européen d) Position sur la mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne (ICE) 4) Biographies de l’auteur et de l’IRI 99 100 102 107 112 Zooms 1 – Les États-Unis d’Amérique : de la pétition à l’initiative 2 – Le vote électronique en Suisse 3 – La typologie générale de la démocratie directe moderne 4 – La démocratie directe moderne en Allemagne 5 – Les think-tanks de la démocratie directe 6 – eurotopia – l’avenir sous le crayon des citoyens 7 – 51 votes populaires sur l’Europe 8 – Pas de solution miracle : comment Le Forum européen des personnes handicapées aborda cette nouvelle opportunité 9 – La démocratie « verte » : transnationale et directe 10 – Le droit de pétition 11 – Le défi des 23 langues officielles dans un processus d’initiative 12 – Vous rêviez d’une signature électronique ? 13 – Le service d’information sur l’initiative citoyenne européenne 14 – L’initiative de Salzbourg pour une infrastructure de soutien à l’ICE 24 28 31 38 43 50 52 61 72 77 80 81 86 88 Traduction française: LUND Verlagsgesellschaft mbH Remerciements Ce manuel est la première publication relative à la nouvelle initiative citoyenne européenne. Il est le fruit de plusieurs dizaines d’années d’expérience pratique, d’observation journalistique et de recherches. Si en tant qu’auteur, je suis seul responsable de l’exactitude des faits et des opinions exprimées dans ce manuel, les conclusions et de nombreuses parties de cet ouvrage résultent d’un travail collectif réunissant confrères, partenaires et amis. Mes remerciements vont en particulier à Rolf Büchi, Paul Carline, Theo Schiller, Heidi Hautala, Andi Gross, Adrian Schmid, Diana Wallis, Martin Bühler, Anne-Marie Sigmund, Gerald Häfner, Carsten Berg, Johannes Pichler, Zoë Felder, Daniel Schily, Christian Weger et Joe Mathews. Chacun d’entre eux a contribué et collaboré activement à l’élaboration de l’initiative citoyenne européenne et de ce tout premier manuel. Je souhaite aussi remercier la Fondation verte européenne, en particulier Leonore Gewessler et Marina Barbalata, pour leur soutien. Enfin, je voudrais exprimer ma gratitude à ma famille, Elisabeth, Wanja et Nina pour leur générosité et leur patience, pour la réussite de ce projet de longue haleine. J’espère que mes enfants comme leurs propres enfants feront bon usage de ce nouvel outil. Bruno Kaufmann, Décembre 2010 5 Avant-propos Heidi Hautala Un grand nombre de pays de par le monde sont gouvernés par des régimes autoritaires qui refusent la diversité politique, étouffent l’opposition ou encore falsifient les élections. En même temps, dans les démocraties, les citoyens expriment le désir croissant de s’impliquer activement dans la prise de décision hors élections, par l’usage d’instruments de démocratie directe moderne. La baisse de participation aux élections dans ces pays s’explique en partie par l’absence de tels droits. De nombreuses démocraties lassées des procédures habituelles souhaitent un renouveau institutionnel. L’Union européenne est une expérience de démocratie unique, avec un parlement élu directement, le premier, bénéficiant de compétences transnationales et de structures de prise de décision quasi-fédérales. Cependant, le fossé entre les citoyens de l’UE et les institutions européennes reste un problème majeur pour sa légitimité en tant que telle. C’est une des raisons pour lesquelles une Convention constitutionnelle de révision des traités de l’Union européenne a été créée en 2001. Le programme de travail de cette Convention incluait le concept de « démocratie participative ». Ces mots innocents n’ont pas échappé à un certain nombre de mouvements et de groupes défendant des propositions concrètes pour une démocratie participative, et ce à tous les niveaux de prise de décision, y compris celui de l’Union européenne. Grâce au travail de tous les amis de la démocratie directe moderne, un nouvel article du Traité sur l’initiative citoyenne européenne était présenté dans les conclusions de la Convention. Les années ont passé et l’adoption du Traité de Lisbonne, nouveau traité fondateur de l’Union européenne, ne s’est pas déroulée sans incident. Seule réelle innovation démocratique du traité, l’article sur l’initiative citoyenne fut maintenu, malgré le scepticisme de plusieurs gouvernements. Pour son auteur, Bruno Kaufmann, qui en fut l’un des principaux protagonistes, ce manuel est étroitement lié aux nombreuses années de lutte pour la concrétisation d’une initiative citoyenne européenne. En tant que président de l’Initiative and Referendum Institute Europe (IRI Europe) il donne des conférences et encourage les citoyens du monde entier, ainsi que leurs gouvernements, à introduire des droits de démocratie directe moderne. Gerald Häfner, personnage emblématique de l’ONG allemande Mehr Demokratie (Plus de démocratie) et auteur de la préface de ce manuel, a aidé à convaincre plusieurs Länder allemands d’introduire les droits au référendum et à l’initiative citoyenne. Élu au Parlement européen en 2009 dans le groupe des Verts/ALE, il devient le garant de la mise en œuvre du droit à l’initiative dans tous ses détails, afin qu’elle devienne un véritable instrument revitalisant notre démocratie européenne, encore et toujours en pleine évolution. Les Verts européens se sont bien sûr impliqués dans la campagne pour le droit à l’initiative citoyenne dès le début. La première édition de ce manuel est publiée à un moment crucial : le Parlement et le Conseil européens finalisent les règles d’utilisation de ce droit en même temps que les premières initiatives citoyennes européennes sont en cours d’élaboration. La Fondation verte européenne est fière de proposer ce tout premier guide destiné à tous ceux que la procédure intéresse ou à ceux qui préparent déjà leurs initiatives citoyennes pour l’Europe. Ce guide sera mis à jour à chaque fois que cela sera nécessaire. Heidi Hautala Co-présidente, Fondation verte européenne Députée européenne, Groupe des Verts/ALE Istanbul, 1er novembre 2010 6 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Dans les coulisses du processus législatif Gerald Häfner L’initiative citoyenne européenne : tigre de papier ou véritable instrument de participation citoyenne ? Au moment de la rédaction de cet article, les négociations sur les modalités de l’ICE en sont au stade final. Presque tous les jours, je me suis appliqué de réunions en réunions à finaliser au mieux les modalités de l’ICE, que ce soit avec mes collègues des autres partis, avec des représentants du Conseil ou de la Commission, avec ceux des ONG ou des gouvernements nationaux ou encore avec des scientifiques, des experts, etc. L’auteur et l’éditeur de cet ouvrage m’ont proposé au beau milieu de cette délicate phase de négociation de rédiger la préface de ce livre, non seulement pour le présenter, mais également pour rendre compte des travaux en cours. Cette introduction offre également un regard personnel sur les coulisses ainsi qu’un aperçu direct et authentique du travail du législateur et de l’élaboration des règles de l’ICE. Nous sommes face à une étape décisive. L’initiative citoyenne européenne sera une nouveauté mondiale : le premier instrument de participation citoyenne transnationale au monde. L’importance grandissante de l’Europe sur le plan politique impose de concevoir une Europe adaptée, moderne, efficace, démocratique et politiquement proche de ses citoyens. Sans que cela signifie pour autant, comme l’affirment certains, la fin des États nationaux, encore moins celle des régions, des départements et des communes. Dans un monde complètement interconnecté, il importe d’être au plus près des gens dans les décisions qui affecteront leur vie et leur travail, et ce de manière directe. Il s’agit de redonner de l’influence aux citoyens : ce qui peut être réglé localement doit être décidé localement. En même temps, le nombre croissant de décisions prises à l’échelon européen reflète qu’aujourd’hui, certaines questions ne peuvent être réglées qu’au plan transnational ou supranational : à peu près deux tiers des actes juridiques (les estimations varient) qui intéressent les citoyens des États membres de l’UE s’élaborent dans les organes et institutions européens et non dans chaque nation. La question de la démocratie européenne semble donc plus que jamais sous le feu des projecteurs. Si des solutions intelligentes et progressistes ne sont pas apportées à ce problème crucial au sein de l’UE, de plus en plus de gens, frustrés, se détourneront de l’Europe au lieu de s’y intéresser. Pour les citoyens, les institutions européennes peuvent apparaître comme trop lointaines et les processus de décision trop opaques, rendant difficile voire impossible leur éventuelle intervention sur les discussions et décisions européennes. De plus, même les débats relatifs à l’Europe se mènent encore et toujours au niveau national. Les débats traversent difficilement les frontières. Or, pour prétendre réguler toujours plus d’aspects de la vie quotidienne, l’Europe se doit de renouveler ses processus de décision et la perception qu’elle a d’elle-même. D’une Europe des gouvernements, elle doit évoluer vers une Europe des citoyens, dans laquelle ceux-ci prennent part aux décisions. Seule cette Europe démocratique est viable à long terme. Au Parlement européen, pour les Verts et pour moi personnellement, l’introduction et le renforcement de la démocratie et de la participation des citoyens au niveau européen sont devenus des priorités politiques incontournables. Dans les coulisses du processus législatif Ouvrez les portes aux citoyens ! Nécessité et opportunités de l’ICE Proposée par la société civile européenne, adoptée par la Convention pour une future constitution européenne et inscrite dans l’article 11 du traité européen modifié – le Traité de Lisbonne – l’initiative citoyenne européenne (ICE) donne pour la première fois aux citoyens de l’Union européenne la possibilité de s’impliquer directement dans sa politique. Dès qu’une initiative aura rassemblé au moins un million de signatures d’un nombre significatif de pays membres, la Commission devra se saisir de la demande formulée par les citoyens et le cas échéant élaborer une proposition de loi correspondante. L’ICE ne donne toutefois pas un pouvoir de décision direct aux citoyens. Il faudra encore du temps et d’importants efforts politiques de persuasion pour que plébiscites populaires ou référendums soient possibles au niveau européen. Cet instrument est nécessaire pour que les citoyens se sentent véritablement souverains et puissent prendre des décisions sur des questions de fond après un débat en bonne et due forme. L’ICE peut attirer directement l’attention de la Commission sur les problèmes, souhaits et propositions des citoyens mais aussi l’obliger à prendre en compte leurs exigences. Ouvrant les institutions européennes aux attentes et aux souhaits des citoyens, l’ICE leur donne enfin la parole sur les questions qui les concernent, obligeant Bruxelles, trop souvent repliée sur ellemême, à ouvrir ses portes aux préoccupations des Européens. L’initiative citoyenne européenne pourra ainsi rapprocher l’Europe des citoyens et les citoyens de l’Europe. Elle contribuera sensiblement à initier des débats européens et à créer une opinion publique européenne, encore trop rare aujourd’hui mais indispensable au futur de l’Europe. D’où viennent les lois ? Le combat pour l’adoption de l’ICE dans le traité constitutionnel Comme tout ce qui advient dans le monde juridique, politique et social, l’ICE s’est construite progressivement. En général, nous n’apprenons l’existence des lois qu’une fois celles-ci publiées au journal officiel. 7 Leur élaboration est occulte alors qu’il serait souhaitable que nous en connaissions plus souvent les antécédents. Telle transparence serait certainement source de surprises, bonnes ou mauvaises, et riche d’enseignements en matière de lois conçues par les conseils d’administrations de certaines entreprises ou par leurs lobbyistes, de celles issues de l’appareil administratif ou encore de celles proposées par des citoyens engagés ou par le peuple. L’histoire d’une loi en dit long sur son esprit, ses objectifs et son contexte. Plus que la conséquence d’actes d’institutionnels, cette élaboration apparaît comme la somme des idées, interventions et actions de personnes spécifiques et nous éclaire sur les possibilités (et la réalité) de l’engagement de certains individus et sur les effets ultérieurs de celui-ci. L’ICE n’échappe pas à cette règle et c’est pourquoi le livre de Bruno Kaufmann tente d’en retracer la conception et l’élaboration. Les protagonistes de cet avènement ne doivent pas être oubliés, ni aujourd’hui pour la structuration de ce document, ni demain quand l’ICE permettra à des millions de citoyens européens d’inscrire dans l’agenda politique européen les sujets qui les préoccupent. Les participants à ce vaste projet furent nombreux mais je souhaite en citer quelques-uns en particulier : outre Bruno Kaufmann, les meneurs en furent surtout Michael Efler, Carsten Berg et Arjen Nijeboer. À leurs côtés, des organisations telles que Mehr Demokratie (D), Referendum Plattform (NL), WIT (B) et l’IRI Europe, qui œuvrent depuis longtemps au développement de la participation démocratique, dont notamment l’introduction d’initiatives et de décisions citoyennes et populaires à tous les niveaux. Mehr Demokratie, la plus grande et la plus influente de celles-ci, a contribué de façon décisive à ce que tous les Länder et les communes d’Allemagne proposent déjà une participation citoyenne directe. Pour ces organisations, l’introduction et le renforcement d’une participation citoyenne directe au niveau communal, régional et national semblaient clairement insuffisants dans une Europe des entreprises à qui sont de plus en plus transférés les pouvoirs de décision. C’est pourquoi il devenait urgent d’élaborer des concepts permettant aux citoyens de jouir de moyens de participation substantiels au niveau européen. 8 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Puis il a fallu promouvoir ces propositions auprès des membres de la Convention pour l’élaboration d’une constitution européenne. En participant à la quasi-totalité des séances, les organisations parviennent à discuter avec tous les membres sans exception et à faire introduire leurs propositions dans les délibérations. Ces échanges ont permis de faire naître et de renforcer progressivement le soutien à la participation citoyenne directe au niveau européen. De toutes les nouvelles propositions, seule l’initiative citoyenne européenne est mentionnée dans le document de clôture de la Convention. Plus vastes et contraignants, les autres droits de participation semblaient trop novateurs, alors que l’initiative citoyenne, moins astreignante, a su trouver une majorité, non seulement au sein de la Convention et de sa présidence (le réel organe décisionnel), mais aussi parmi les chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen suivant. Depuis ce jour, l’initiative citoyenne européenne sommeille dans le texte du traité européen. Telle une « Belle au bois dormant », elle attend celui qui la réveillera. Contrairement au conte, ce n’est pas cent mais dix ans que les citoyens européens ont attendu et son réveil n’en est plus que jamais d’actualité. Le réveil de la « Belle au bois dormant » Le combat pour les modalités légales de l’ICE Ce réveil exige de personnes soucieuses de sa mise en œuvre une grande importance pour l’ICE. Pour ramener l’ICE à la vie, il faut des personnes soucieuses de sa mise en œuvre. Le Traité de Lisbonne laisse presque toutes les questions essentielles en suspens : on peut y répondre en valorisant l’intérêt des citoyens ou par une vision bureaucratique éloignée des préoccupations de ces derniers. L’ICE deviendra-t-elle un instrument effectif de participation ou restera-t-elle une promesse vide et décevante ? Abandonner sa mise en œuvre à l’administration et aux fonctionnaires reviendrait à donner l’avantage à la deuxième hypothèse. Des obstacles majeurs, une procédure trop bureaucratique ou des effets juridiques trop minimes réduiraient cette promesse à une peau de chagrin. Quels citoyens se lanceraient dans une entreprise d’une telle envergure – réunir un million de signatures et ce dans plusieurs pays membres – avec comme seule perspective de réponse une lettre de la Commission les remerciant et les informant qu’elle ne donnera pas suite à cette requête. La raison de ma candidature aux élections du Parlement européen en 2009, était de m’engager activement dans la mise en œuvre imminente de ce droit inédit à l’initiative citoyenne transnationale. En tant que cofondateur des Verts allemands et porte-parole de la politique des droits et de la démocratie de cette formation auprès du Parlement allemand, j’ai passé les trente dernières années à développer intensivement la démocratie directe et la participation citoyenne au niveau communal, régional et fédéral. En tant que fondateur et porte-parole de Mehr Demokratie ainsi que co-initiateur et collaborateur de la Campagne européenne pour le Référendum, de la campagne pour l’initiative citoyenne européenne et de Democracy International, je me suis occupé à bien des égards du développement et du renforcement de la démocratie au niveau transnational et notamment européen, et tout particulièrement de la proposition et de l’application de l’ICE. Une conception plus démocratique de l’UE et de l’ICE en particulier me tenait à coeur. J’étais intimement persuadé que de telles décisions ne devaient pas être confiées aux seuls administratifs mais également à des personnes défendant une perspective citoyenne, possédant une connaissance précise et une expérience tant théorique que pratique des différents systèmes et procédures de participation citoyenne dans différents pays. C’est donc aussi dans le but affiché de m’engager pour une participation citoyenne plus forte et efficace au niveau européen que j’ai décidé de me porter candidat au Parlement européen. L’ICE, un projet bien trop important pour le laisser aux seules mains des Verts Le combat pour le rôle de rapporteur au Parlement Depuis juin 2009, avec le soutien des Verts, je m’occupe des nombreuses questions relatives au renforcement de la participation citoyenne et de celles d’une Union européenne plus transparente et démocratique. Mon élection aux Comités des affaires constitutionnelles, des affaires juridiques et des pétitions du Parlement ainsi que ma nomination comme coordinateur des Verts au Comité des affaires constitutionnelles offrent à mon action des conditions idéales. Dans les coulisses du processus législatif L’implication en faveur d’une ICE efficace était – et est encore – tout sauf facile, la résistance à cette mesure ayant été et restant encore énorme. Celle-ci s’est dans un premier temps manifestée par l’affrontement particulièrement acharné quant à la nomination du rapporteur. Au Parlement européen, un rapporteur est nommé pour chaque projet de loi. Sa tâche consiste notamment à structurer au préalable les débats sur un projet de loi donné, rédiger l’ébauche de la prise de position du Parlement et discuter celle-ci avec tous les protagonistes au sein et à l’extérieur du Parlement (ONG, parties prenantes, députés, groupes politiques, Commission, Conseil, etc.) en vue d’une concertation. Il formule la proposition telle qu’elle doit être votée au final. Ma candidature à ce poste fut rejetée en bloc, non par ceux qui me connaissaient ou avec qui je siège dans les commissions mais, tout naturellement, par des personnes haut placées et influentes. Certains clamaient que Gerald Häfner était bien trop favorable aux citoyens, d’autres que ce rapport était beaucoup trop important pour qu’on le laisse aux mains d’un Vert. L’affaire est devenue l’objet d’un rapport de force politique ; les Verts, quatrième groupe au Parlement, n’avaient plus aucune chance réelle malgré une compétence largement supérieure (ou précisément à cause d’elle ?). Au bout de quelques mois d’efforts vains, j’ai dû reconnaître que, sous cette forme, le combat était voué à l’échec malgré le soutien massif de nombreux collègues. Que les grands partis ne veuillent pas se laisser déposséder du sujet confortait l’idée que l’ICE est de loin le projet le plus vaste et le plus important relevant de la compétence de la commission de la constitution. Suite à ces interventions venues d’en haut, j’ai vite compris que seul un des deux grands partis avait des chances réalistes de devenir rapporteur. Une nouvelle stratégie s’imposait : plutôt que de me battre pour la fonction seule, j’exigeais de la répartir entre plusieurs rapporteurs travaillant de concert. Ce qui est possible exceptionnellement moyennant l’accord des Présidents de la Conférence. La fonction fut donc partagée entre deux rapporteurs issus de commissions différentes. Ce qui ne fut toutefois pas d’un grand secours, les deux grands partis s’étant mis d’accord pour se partager le rapport, avec un rapporteur conservateur et un rapporteur social-démocrate. 9 En cherchant un rapporteur, on trouve un trèfle à quatre feuilles La naissance du « gang des quatre » Seule une procédure exceptionnelle, celle que j’ai défendue pendant des mois et que j’ai finalement réussi à imposer, pouvait encore sauver notre participation influente sur le contenu du rapport. Une méthode inédite qui n’était pas prévue (mais heureusement non plus pas exclue) par le règlement. Elle peut désormais, servir de modèle aux futurs grands rapports législatifs : avec l’approbation de la Conférence des présidents, nous avons partagé le rapport sur l’ICE entre deux commissions, puis entre deux députés différents au sein de chaque commission. Nous sommes donc quatre rapporteurs, originaires de quatre pays différents et représentant les quatre principaux partis du Parlement européen. Ce sont, dans l’ordre d’importance des partis : Alain Lamassoure (PPE, France, AFCO), Zita Gurmai (S&D, Hongrie, AFCO), Diana Wallis (ADLE, Grande-Bretagne, PETI) et Gerald Häfner (VERTS, Allemagne, PETI). Cette procédure exceptionnelle n’était pas uniquement le seul moyen pour les Verts – et donc pour moi – de participer à l’élaboration de ce rapport mais reflétait aussi l’intérêt particulier de mes collègues pour le sujet de l’ICE. Elle est peut être un modèle de coopération transnationale et transpartisane au sein du Parlement européen stimulant. La participation des quatre grands groupes politiques à l’élaboration de ce rapport lui donne un poids considérable (qui aura son importance lors des négociations avec la Commission et le Conseil), et renforce aussi, je l’espère, ses chances d’obtenir le soutien final de l’ensemble du Parlement. Juridiquement et politiquement, cette voie n’était possible qu’à condition que le Parlement confie deux rapports, un à la commission de la constitution (AFCO) et un à la commission des pétitions (PETI). En outre, plusieurs autres commissions participent au processus en formulant des « opinions ». Nous les rencontrons régulièrement, ainsi que les « shadows », les rapporteurs fictifs, pour entendre leur point de vue et en tenir compte. En ce qui concerne notre travail sur les rapports (deux en théorie), Diana Wallis, Zita Gurmai, Alain Lamassoure et moi-même nous sommes rapidement entendus sur un objectif ambitieux : aller le plus loin possible dans le consensus afin de finaliser un seul rapport commun. Notre but est donc 10 Manuel de l’initiative citoyenne européenne de présenter ensemble au plénum un rapport unique, certes imprimé sur deux papiers à en-tête différents pour des raisons juridiques, mais au contenu identique. Si tout se passe bien, il y aura donc à la fin de jure deux rapports mais de facto un seul rapport rédigé et porté de manière commune. En pratique, cela signifie que nous ne nous réunissons pas à deux mais généralement à quatre pour trouver ensemble la meilleure formulation. L’affrontement pour la responsabilité de rapporteur a duré plus d’un semestre. Davantage le fait du pouvoir et des personnes politiques, il a été mené pratiquement sans le moindre argument concret. Seule la proposition de répartir le rapport entre les quatre partis sus mentionnés, contrairement aux procédures habituelles, a enfin permis une issue consensuelle et satisfaisante. Heureusement, au moment de se mettre au travail, ces relations ont changé : il ne s’agissait plus de velléités de pouvoir mais d’argumentation nécessaire sur le fond. La lutte entre les différentes solutions, la recherche de la meilleure procédure possible marquent en pratique les débats des rapporteurs. Les discussions abordant le fond de l’affaire, le climat et l’ambiance se sont améliorées de séance en séance. Le « trèfle à quatre feuilles », comme nous nous appelons à l’occasion (ou le « gang des quatre », comme Alain Lamassoure aime appeler cette troupe très inhabituelle au Parlement européen), travaille de façon constructive et dans un bon esprit. Dès que les portes se ferment et que nous sommes réunis, il n’est plus question de partis et de groupes, plus question non plus de velléités de pouvoir ou de manœuvres d’éviction de l’ennemi, mais bien d’arguments factuels et de propositions de formulation. Et la plupart du temps, même si pas toujours, c’est le meilleur argument qui l’emporte. Ainsi, non seulement le travail est-il devenu de plus en plus agréable, mais notre ébauche de rapport plus épurée, plus efficace et plus favorable aux citoyens. Des négociations tous azimuts Dans les coulisses du processus législatif Au moment où j’écris cette introduction, nous sommes toujours en négociation. En l’absence de résultat définitif à dévoiler, on peut en attendant jeter un coup d’œil aux coulisses. Ce qui peut être passionnant et authentique, mais comprend tou- tefois une part de risque. C’est pourquoi, pas plus que quiconque je ne peux prédire ce qu’il en ressortira. De nombreuses tendances se dégagent mais rien ne dit que nos commissions, nos partis et enfin la séance plénière du Parlement donnent suite aux propositions sur lesquelles nous sommes arrivés à un accord. Et même dans ce cas, il reste à voir comment la Commission et le Conseil les accueilleront. La décision finale n’est pas dans les seules mains du Parlement mais doit être négociée entre le Conseil, la Commission et le Parlement sur base de la proposition de la Commission et du rapport du Parlement européen en cours d’élaboration. En fait, ces débats ne pourront commencer formellement que lorsque le Parlement européen aura finalisé son rapport et l’aura transmis au Conseil et à la Commission. Bien sûr, nous sommes déjà en contact de manière informelle avec ces deux autres institutions et nous essayons de deviner les lignes de division insurmontables ainsi que la préférence pour l’une ou l’autre. Peut-être même parviendrons nous, à obtenir ce vers quoi nous tendons, à savoir un « accord en première lecture » : un compromis atteint par le biais de discussions analogues avec le Conseil et la Commission, que nous pouvons ensuite soumettre directement au vote du Parlement européen. Quelle que soit la manière dont ces négociations finales évoluent, elles comportent encore d’innombrables sources de conflit. Elles peuvent se dérouler de façon très différente voire échouer selon qu’elles tombent sous la présidence belge du Conseil ou sous la présidence hongroise à venir. Car les négociations sont menées pour le Conseil et au sein du Conseil par la présidence. Le résultat est donc en grande partie entre ses mains. Si les négociations sont mal ou maladroitement menées, le projet peut en théorie encore échouer. Un seul pays peut suffire à bloquer longuement le projet ou à le torpiller. Mais si tout se passe bien, nous pourrions voter la version finale du rapport parlementaire avant fin 2010 et faire aboutir positivement ce dialogue à trois avec le Conseil et la Commission. L’Europe aura alors tenu sa promesse un an après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne : donner aux citoyens plus d’influence directe. Dans les coulisses du processus législatif Avec 300.000 signatures la terre commence à trembler Des conditions inappropriées de contrôle d’admissibilité Passons enfin au regard promis sur les coulisses. Le décor est monté et les préparatifs vont bon train. On peut déjà entrevoir une partie du résultat final. Reste à savoir ce que sera l’ICE. Elle peut devenir un instrument efficace de participation citoyenne ou rester une promesse vide et inutile. Elle peut promouvoir les débats politiques européens et encourager les citoyens à intervenir, ou bien décevoir les plus engagés et renforcer la frustration à long terme. Ce sont les enjeux de sa conception. Et en tant que maillon de la procédure législative européenne, il nous appartient de décider si l’ICE deviendra un instrument efficace ou un « tigre de papier ». Avant d’élaborer un règlement pour l’ICE, il est nécessaire que la position à son égard soit claire. Celle adoptée par la Commission et le Conseil est relativement craintive et leurs propositions contiennent mille précautions qui compliquent considérablement l’utilisation de l’ICE. Certaines pourraient même dissuader les citoyens d’utiliser cet instrument. Un bon exemple en est le « contrôle d’admissibilité », une condition que la Commission souhaite instaurer une fois réunies 300.000 signatures. Ce qui signifie qu’une initiative ayant préparé une campagne pendant des mois, avec des centaines voire des milliers de bénévoles dans de nombreux pays membres ayant passé énormément de temps et d’efforts à réunir 300.000 signatures, devrait ensuite tout arrêter pour demander à Bruxelles si elle est bien recevable. Que se passe-t-il si la Commission indique que la demande est justifiée mais irrecevable dans sa forme actuelle et qu’elle doit être reformulée ? Faut-il tout reprendre à zéro ? Les mêmes 300.000 personnes resigneraient-elles la même demande ? Comment savoir quel texte elles ont finalement signé ? Enfin comment les retrouver pour leur demander de resigner ? Tout ceci n’est manifestement pas abouti et révèle une méconnaissance surprenante, voire une ignorance, des conditions d’application de la participation citoyenne active. Ces paragraphes sont formulés par des gens qui n’ont probablement jamais collecté de signatures de leur vie. 11 Aucune raison objective n’explique que la Commission ne puisse pas se prononcer dès le début sur la validité d’un projet. La seule raison qui la retient est la peur du travail, objection qui semble irrecevable. Se dérober à ses propres obligations en transférant le travail supplémentaire sur 300.000 personnes jouant les cobayes va à l’encontre de tout bon sens économique et politique. L’idée du Conseil d’exiger de baisser le seuil de recevabilité à 100.000 signatures au lieu de 300.000 ne change rien à l’affaire. De telles propositions réduisent à néant la capacité de fonctionnement de l’ICE. Un million de signatures pour une lettre ? Mieux encadrer les suites juridiques et procédurales de l’ICE La question est la même si un million de signatures sont collectées. Elle est décisive. C’est le critère central qui détermine si cela vaut la peine de recueillir 100.000 signatures. Aujourd’hui déjà, chaque européen peut par exemple adresser une pétition au Parlement européen. Une seule signature suffit. Il en est de même pour une lettre à la Commission. Quelle est donc la valeur ajoutée de l’ICE ? Que reçoivent en échange les citoyens qui mettent un million de signatures sur la balance ? L’avant projet de la Commission, propose d’envoyer une simple lettre. Après examen de la demande, la Commission informe les initiateurs par courrier de sa décision de se saisir ou non du sujet. Ce qui semble disproportionné en regard de l’engagement et de la passion, des espérances et des attentes du million de personnes qui ont participé à cette initiative. Les initiateurs et les signataires sont en droit d’attendre une suite plus sérieuse. Je crains que si la première douzaine d’initiatives ne mène à rien d’autre qu’un aimable courrier, la population européenne ait vite fait, et à juste titre, de porter un jugement péremptoire sur l’ICE : « Inutile ! », « Rien que de la poudre aux yeux ! », « Une promesse vide ! ». Voilà ce qu’il convient d’éviter, dans l’intérêt des citoyens, dans l’intérêt des institutions et dans l’intérêt de l’Europe. Nous avons besoin d’une ICE forte, efficace et favorable aux citoyens. Un consensus dans cette direction prend forme dans les débats entre les rapporteurs. Si au début existaient encore de nombreuses de craintes et une sympathie assez marquée pour les précautions bureaucratiques pesantes, les 12 Manuel de l’initiative citoyenne européenne quatre rapporteurs se sont progressivement réunis avec l’intention de simplifier l’initiative, de la rendre plus efficace et plus proche des gens que ne l’avait prévu la Commission. Si l’on se remémore les déclarations et les positions du début, c’est un succès inattendu et d’une valeur inestimable. Vaincre les obstacles, allonger les délais, impliquer les jeunes Les étonnants succès des Verts Pour les Verts, il s’agit d’un succès : les positions que j’avais initialement formulées en leur nom, très controversées au début, se sont finalement imposées à l’issue de quatre discussions approfondies et en partie virulentes. À travers des débats intensifs spécialisés entre les rapporteurs et rapporteurs fictifs, les positions, parmi celles les plus favorables au citoyen, sont devenues le fondement de notre travail commun. Les Verts sont le seul groupe politique à s’être imposé si loin dans les débats. Quelques exemples de cette évolution imprévisible mais réjouissante : Où commence le « nombre significatif d’États membres » ? Quel nombre doit être exigé ? Alors que le Parlement, dans la dernière législature, s’était prononcé pour un quart, la Commission et le Conseil avaient opté pour un seuil encore plus élevé, à savoir un tiers des États membres. Les Verts au contraire tendaient vers une toute autre direction. En se basant sur de nombreux bons arguments pratiques et empiriques, ils ont exigé de rabaisser ce seuil à un cinquième des pays membres. Un cinquième, c’est aujourd’hui précisément la position commune des quatre rapporteurs. Sur un autre plan, alors que la Commission et le Conseil souhaitaient que seuls les citoyens bénéficiant du droit de vote dans un État membre puissent signer une ICE (ce qui implique en général qu’ils aient au moins 18 ou 21 ans), nous avions dès le début proposé une autre voie, fondée sur l’argument qu’ICE et référendum sont deux choses différentes. Sans caractère obligatoire, la participation à l’ICE n’a pas à être limitée aux personnes en âge de voter. L’ICE est plutôt une initiative visant à mettre certains sujets à l’ordre du jour, à porter les préoccupations citoyennes au centre du débat. Les jeunes devraient justement en avoir le droit et la possibilité. Pourquoi les jeunes ne pourraient-ils pas adresser leurs souhaits et préoccupations aux politiques et les faire résonner à Bruxelles ? Nous nous sommes donc prononcés dès le début pour permettre à toutes les personnes de plus de 16 ans de participer à une ICE. Ici aussi, les idées des Verts se sont (provisoirement) imposées. Enfin, en ce qui concerne le délai de collecte des signatures, la proposition de douze mois faite par la Commission était bien trop courte. Plausible pour une collecte en ligne, il doit être allongé pour une collecte de papier, dans 27 pays membres en 23 langues différentes. Nous nous sommes donc prononcés pour une extension du délai à 18 mois. Au moment de la rédaction de ce texte (début octobre 2010), il ressort que cette proposition sera également reprise par les rapporteurs des quatre groupes parlementaires. 7 signataires initiaux au lieu de 300.000 Modifications des conditions d’admissibilité Les idées vertes ont aussi fait leur chemin sur d’autres questions, comme celle de la suppression sans compensation de l’obstacle déjà mentionné des 300.000 signatures. Si la proposition du Parlement est retenue, la Commission devra contrôler tous les points nécessaires dès le dépôt d’une ICE, et ne pourra, contrairement à ce qui est prévu, rejeter une initiative que si celle-ci n’est pas sérieuse (...). Si elle touche à un sujet qui ne relève pas des compétences de l’Union européenne, si la Commission n’a pas de droit de proposition sur ce sujet ou si l’initiative constitue une atteinte grave aux valeurs fondamentales de l’UE stipulées à l’article 2 de son Traité. Le contrôle effectif de la demande se déroulera à la toute fin de la procédure, après remise de toutes les signatures récoltées. La Commission a toutefois exprimé sa crainte d’être submergée par d’innombrables nouvelles ICE sans capacité de les contrôler toutes. Celle-ci n’est fondée que si était considérée comme ICE, toute demande envoyée par Internet ou par la poste, d’un seul auteur désireux de transformer sa requête en ICE. C’est pourquoi les rapporteurs vont proposer comme conditions au dépôt d’une ICE la signature d’au moins sept personnes éligibles de sept pays membres différents. Cette précaution favorisera les initiatives sérieuses et les textes réfléchis, formulés et portés par plus d’une personne, jusqu’à leur présentation et à la collecte des signatures. Dans les coulisses du processus législatif L’engagement citoyen : mis au rebut ou estimé à sa juste valeur ? Le sort des ICE réussies Toutefois la question cruciale reste entière : que se passe-t-il après une ICE réussie ? De la réponse à cette question dépend le succès de tout l’instrument. Bien qu’elle soit absolument libre dans sa décision de donner suite ou non à une initiative, comme le stipule le Traité de Lisbonne, la Commission ne l’est pas (et ne doit pas le devenir) quant à la manière de traiter une demande appuyée par 1.000.000 de citoyens qui ne pourraient se satisfaire d’un simple courrier. La procédure se doit d’être claire et publique. C’est pourquoi le rapport du Parlement proposera entre autres que la Commission soit tenue d’écouter les initiateurs de chaque ICE ainsi que leurs propositions, raisons et arguments au cours d’une audience publique. La décision consécutive de la Commission d’accepter ou de rejeter la demande devra être suffisamment motivée et présentée par écrit. De plus, le Parlement pourra s’immiscer dans la procédure à tout moment, en invitant par exemple la Commission, les initiateurs et les éventuelles autres parties prenantes – le médiateur européen par exemple – à une discussion publique de la demande. (Ces propositions se trouvaient déjà dans notre livre vert de prise de position, élaboré avant le rapport). S’engager en faveur d’une bonne ICE Une étape sur la voie d’une Europe des citoyens L’ICE peut devenir la voix des citoyens, condamnés sinon au silence et à l’impuissance. En prenant ainsi la parole de façon active et assurée, ils pourront enfin se faire entendre des institutions. Toute la procédure doit renforcer ce 13 dialogue entre les citoyens et les institutions qui agissent en leur nom et contribuer ainsi à une mutation culturelle progressive, à une ouverture des institutions bruxelloises, de sa pensée et de ses pratiques. Si elle réussit, l’ICE contribuera à instaurer ce dont la démocratie européenne a un besoin vital et urgent : la libération des idées et des initiatives ; la promotion de l’engagement citoyen actif ; la naissance de débats européens ; et celle d’une opinion publique européenne. Nous avons ouvert les frontières aux marchandises, aux services, au transport, au capital et aux personnes et il est plus que temps de les ouvrir aux débats communs, ce qui nécessite une participation citoyenne : l’Europe a besoin de l’ICE ! Le Parlement travaille actuellement intensivement à son rapport. Nous nous sommes fixé un calendrier ambitieux bien que nous n’ayons pas le dernier mot dans la législation européenne – pas encore – et que nous ne soyons pas les seuls à le déterminer. La concrétisation de l’ICE dépendra donc surtout de l’approbation du Conseil et du comportement de chaque pays membre lors de sa mise en œuvre. En tant que rapporteurs du Parlement mandatés par les citoyens européens, nous voulons nous assurer que l’ICE est praticable et favorable aux citoyens, qu’elle encourage l’engagement, les discussions et la démocratie en Europe et qu’elle combatte la frustration et la résignation de nombre d’entre eux. D’ici là, il reste toutefois encore de quoi trembler, espérer et faire pression en faveur d’une ICE juste et favorable aux citoyens, premier pas essentiel vers la construction d’une Europe citoyenne. Bruxelles, octobre 2010 © Gerald Häfner 14 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Gerald Häfner, député européen, est l’un des quatre rapporteurs du Parlement européen qui travaillent actuellement à mettre en place l’initiative citoyenne européenne dans les délais. Il a participé activement à des mouvements citoyens depuis la fin des années 1970 avant de devenir membre du groupe Verts/ALE au Parlement européen en juin 2009. Gerald Häfner est l’un des fondateurs et membres du bureau de l’association Mehr Demokratie e.V. (Plus de démocratie). Il est co-fondateur du parti politique allemand Die Grünen (Les Verts), qu’il a représenté plusieurs fois au Parlement allemand. Il est l’auteur de nombreuses propositions de loi, notamment sur l’introduction de plébiscites, d’initiatives ou de référendums au niveau fédéral ou régional en Allemagne. Au Parlement européen, Gerald Häfner est le coordinateur des Verts/ALE à la commission des affaires constitutionnelles. Il est également membre de la commission des affaires juridiques et membre suppléant de la commission des pétitions, et participe à plusieurs délégations comme celle aux relations avec les pays d’Asie du Sud-Est. Introduction : un regard sur l’avenir 15 1. Introduction : un regard sur l’avenir 1.1 Comment une mère élevant seule ses deux enfants pourra bientôt changer l’Europe. C’est l’histoire récente d’une jeune mère de deux enfants, dans une petite ville du Tyrol du Sud : une mère, capable de changer l’Europe. 2011 déjà, elle avait suivi de près le débat sur les poids lourds, largement couvert par son quotidien local, le « Dolomiten ». L’initiative citoyenne locale lancée à l’époque par les habitants de Brixen appelait leur maire à contester la hausse du poids maximum autorisé pour les poids lourds circulant sur l’A22. Cette nuit-là, Romana Lavagnoli ne parvient pas à dormir. Toutes les deux minutes, un poids lourd traverse son petit appartement de Brixen, le long de l’Autostrada 22, qui relie le nord et le sud de l’Europe. Depuis que l’Union européenne a donné son feu vert à la circulation des super poids lourds en 2013, la qualité de vie à la porte du Val Pusteria, dans le Tyrol du Sud, s’est considérablement dégradée. Les mères de famille comme Mme Lavagnoli s’inquiètent non seulement du bruit qui règne la nuit, mais aussi du surplus de pollution engendrée et des risques pour la santé provoqués par les marchandises de nature souvent inconnue, en transit par Brixen. Cette nuit-là, Signora Lavagnoli prend une décision : « La situation doit changer », se dit-elle en regardant ses deux petites filles dormir dans une pièce un peu plus calme de l’appartement. En Initiative avortée car l’autorisation n’avait été décidée ni dans sa ville, ni dans la capitale provinciale voisine de Bolzano, ni même dans la lointaine Rome mais bien à Bruxelles, par l’Union européenne. Mme Lavagnoli comprend alors que pour changer cette situation, et proposer des alternatives, elle doit approcher cette organisation politique transnationale. Comment une mère célibataire italienne de 35 ans, avec un petit salaire d’infirmière et très peu de temps libre, peut-elle y parvenir ? Sur le site Internet officiel de l’UE, elle trouve une section baptisée « Faites entendre votre voix », présentant les différentes méthodes pour contacter les autorités européennes. À la fin d’une longue liste de pétitions électroniques, de salons de discussion et de services d’assistance, elle remarque un lien intitulé « Prenez l’initiative – devenez un décideur politique européen en dix étapes ». © shutterstock 16 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Poids lourds sur l’autoroute de Brennero Mme Lavagnoli étudie soigneusement le manuel relatif à l’initiative citoyenne européenne, mise en place en 2011, deuxième année d’application du nouveau Traité de Lisbonne. « Un million de signatures provenant d’au moins sept pays, cela fait beaucoup » se dit-elle. Mais dans un regain d’énergie, elle prend la résolution d’y arriver consciente de la nécessité de créer un réseau élargi pour que son initiative aboutisse. Se mettre en relation avec les autorités, chercher du soutien, construire des alliances transfrontalières et enfin élaborer une proposition de loi entrant dans le champ des prérogatives de l’Union européenne seront autant d’étapes nécessaires à l’aboutissement de son projet. Après plusieurs semaines de recherches, elle découvre petit à petit dans quels pays d’Europe la nouvelle réglementation sur les « méga-camions » de 60 tonnes a déclenché des protestations au sein de la population et réalise qu’elle n’est pas seule dans sa lutte contre le bruit et la circulation. Des actions similaires sont menées en Slovénie, dans le sud de la France, aux Pays-Bas, au Danemark, en Allemagne et même en Finlande, où des manifestants anti-poids lourds ont bloqué les routes reliant l’est d’Helsinki à la frontière russe. Par courriel ou par les réseaux sociaux en ligne, elle contacte les personnes concernées, cherche sur Internet les actions et les propositions qu’ils ont élaborées ou encore collecte des informations sur les pétitions, les initiatives et les référendums menés depuis le début des années 2000. Dans la ville bilingue de Brixen/Bressano, elle crée un réseau local de militants, rassemblant des citoyens de tous les horizons politiques et parvient même à s’assurer le soutien du maire, membre du parti conservateur SVP. À partir des guides et formulaires fournis sur le site Internet de la La préparation et l’enregistrement de l’initiative GOT se déroulent sans grande difficulté : le site Internet de l’initiative citoyenne européenne guide Mme Lavagnoli et ses alliés dans les démarches administratives tout en leur fournissant des conseils pratiques. Les experts de l’ECIO de Salzbourg lui indiquent comment rédiger une initiative susceptible de réussir la première vérification effectuée lors de l’enregistrement ainsi que le contrôle ultérieur de recevabilité. Après la collecte des 50.000 premières signatures sur le net et dans les rues de plusieurs régions européennes, l’initiative se qualifie pour l’obtention d’un soutien particulier de la Commission européenne : le texte intégral est alors traduit dans les 23 langues officielles de l’Union. © Bruno Kaufmann Certains droits réservés : wyzik Commission européenne et des conseils donnés par l’Office européen de l’initiative des citoyens (ECIO - European Citizens’ Initiative Office), organisme non gouvernemental fondé à Salzbourg fin 2010, Mme Lavagnoli commence à rédiger un premier texte législatif intitulé « Initiative européenne pour le transport des marchandises sur rail » (The European Goods on Tracks Initiative, GOT). Collecte de signatures pour une initiative citoyenne européenne À la fin de l’année 2014, le projet de proposition législative aura reçu plus de 750.000 signatures et le 15 avril 2015, 16 mois après son lancement, l’ « Initiative européenne pour le transport des marchandises sur rail » réunit 1.211.564 signatures dans 18 États membres de l’UE. Plus de la moitié d’entre elles ont été recueillies en ligne à l’aide du logiciel libre proposé par l’UE et certifié dans chacun des États membres par des instances de l’ICE spécialement mandatées. Ces mêmes instances se chargent également du contrôle d’un échantillon des « déclarations de soutien » (c’est-à-dire des signatures) fourni par l’équipe de l’initiative GOT. Introduction : un regard sur l’avenir Un facteur de succès important pour les initiateurs sera leur capacité à s’assurer le soutien de plusieurs groupes au sein du Parlement européen, notamment des Verts/ALE (Alliance libre européenne) et des libéraux de l’ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe), ainsi que de nombreux députés européens conservateurs du PPE (Parti populaire européen) et socialistes du PSE (Parti socialiste européen). Avant même que le million de signatures nécessaire soit collecté, des auditions, des conférences de presse et des réunions de coordination étaient organisées avec leur aide. En d’autres termes, le Parlement européen partageait une partie de ses infrastructures avec l’initiative citoyenne européenne et contribuait à la diffusion de la proposition dans toute l’Europe. © Alpeninitiative Ce que propose concrètement l’initiative de Romana Lavagnoli est que la Commission élabore une législation à l’échelle européenne imposant qu’au moins la moitié de toutes les marchandises en transit (c’est-à-dire celles qui ne font que traverser le territoire d’un État membre) soient transportées par voie ferroviaire plutôt que par route, et que soit créé un système de bourse pour les autorisations de passage destinées aux poids lourds internationaux. En réalité, l’initiative GOT s’inspire en grande partie d’une action menée hors de l’Union européenne, plus précisément en Suisse, où un groupe de citoyens baptisé Initiative des Alpes était parvenu à imposer au début du XXIe siècle une évolution similaire au transport international de marchandises. Difficulté de mise en oeuvre d’une initiative citoyenne Il faudra quelques mois aux instances mandatées par les États membres pour vérifier l’ensemble des déclarations de soutien. Au début de l’été, l’initiative GOT, installée depuis dans des bureaux mis à disposition par une société de transport locale de Brixen, réunissait toutes les certifications nationales des signatures. Le 1er septembre 17 2015, le jour de la rentrée des institutions européennes, après un nouvel été mouvementé sur la route de Brenner et sur bien d’autres voies de transit du continent, l’initiative est déposée auprès de la Commission à Bruxelles. Après réception et vérification des signatures, l’initiative est validée par la Commission. La suggestion d’une simple citoyenne devient la proposition officielle de tous. Quatre mois supplémentaires seront nécessaires à la Commission pour préparer un rapport et sa propre proposition sur le sujet. Pendant cette période Mme Lavagnoli et les autres organisateurs seront invités à plusieurs auditions au Parlement européen, au Comité économique et social, au Conseil des ministres et à diverses autres Commissions : leurs préoccupations locales ayant été élevées au rang d’affaire européenne importante. Fin 2016, l’Union européenne aura adopté une nouvelle politique des transports, fondée sur deux propositions clés de l’initiative GOT. Une des 36 initiatives citoyennes européennes (sur les 187 lancées) à avoir rassemblé un million de signatures dans plus de sept États membres et l’une des 21 mises en œuvre dans les cinq premières années d’existence de cet instrument inédit de démocratie directe transnationale ! C’est avec satisfaction et fierté que quelques années plus tard, Romana Lavagnoli verra passer aux abords de sa petite maison de Brixen les premiers trains chargés de marchandises. Constatant la diminution du nombre de poids lourds en circulation, elle pourra se féliciter d’avoir amélioré non seulement sa situation locale mais également celle de millions de personnes sur le continent. Ce soulagement et cette conscience d’avoir eu un impact à l’échelle européenne valaient bien les efforts intenses et difficiles, les conférences nocturnes sur Skype et les éternelles collectes de fonds. C’est ce nouvel outil, ce pouvoir donné aux citoyens, qui aura fixé les nouvelles règles en matière de transport de marchandises ! Ainsi se termine l’histoire de cette mère célibataire et de sa grande initiative. Bien que fictifs, ces personnages vivent dans le même monde que nous et font usage d’un nouvel instrument démocratique, actuellement en cours d’élaboration : l’initiative citoyenne européenne. C’est avec cette fiction que s’ouvre ce tout premier manuel d’une démocratie participative transnationale. 18 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Avec l’initiative citoyenne européenne, notre démocratie entre en territoire inconnu. Pour la première fois, nous, citoyens de l’Union européenne, sommes juridiquement sur un pied d’égalité avec les organes représentatifs élus (le Conseil et le Parlement européens) et pouvons définir l’agenda de la Commission européenne. Dans l’optique d’un développement des droits participatifs et démocratiques directs à l’échelle nationale, notamment grâce au recours à des votes populaires sur des questions de fond (référendums), cette nouvelle étape pourrait sembler modeste et limitée. Toutefois au niveau transnational, il s’agit d’un progrès et d’une innovation historiques. Jamais auparavant les citoyens n’avaient eu le droit d’influer directement sur un processus législatif au-delà de leurs propres frontières. Ce nouvel instrument arrive au moment où ne cesse d’augmenter la proportion d’actes législatifs adoptés au niveau transnational, au sein de l’Union européenne notamment. Cependant, le chemin reste long et nous savons peu de chose des conséquences pratiques et du potentiel de l’initiative citoyenne européenne. Cette transparence fait naître des craintes non négligeables : certains groupes extrémistes ou racistes seront-ils capables de détourner le processus ? La démocratie directe transnationale et les bonnes intentions qui l’accompagnent fonctionneront-elles ? L’histoire réelle de l’initiative citoyenne européenne reste encore à écrire. Nous sommes convaincus qu’une démocratie représentative moderne doit être fondée à la fois sur des formes indirecte (parlementaire) et directe (participative). Cette démocratie du XXIe siècle démocratisée doit être portée par tous les moyens vers le futur qu’elle mérite. L’initiative citoyenne européenne, l’ICE, doit être soutenue par une infrastructure appropriée dont la pièce maîtresse est ce guide, publié par la Fondation verte européenne en coopération avec l’Institut européen sur l’initiative et le référendum (IRI Europe), think tank européen sur la démocratie directe. Il contient toutes les clés permettant d’évaluer les possibilités et les limites de ce nouveau processus et vous prépare au rôle essentiel que celui-ci vous confère au sein de la politique européenne. Le guide est divisé en trois parties : dans la première partie, vous découvrirez l’univers en pleine expansion de la démocratie participative et directe. La possibilité pour les citoyens de se prononcer sur certaines questions (par l’in- termédiaire d’initiatives citoyennes, par exemple) est devenue la pierre angulaire de la démocratie représentative moderne dans le monde. Abordant comment et pourquoi les citoyens de toute l’Europe et du monde sont invités à participer à la définition de l’agenda et à la prise de décision, ce manuel dégagera également les bases de la démocratie directe au XXIe siècle qui, pour la toute première fois, se joue au niveau transnational. Enfin, cette première partie vous aidera à relever les principaux défis de l’initiative citoyenne européenne ; dans la deuxième partie, nous vous raconterons l’histoire fascinante de l’ICE, de ses débuts, au milieu des années 1990, jusqu’à son intégration dans le Traité constitutionnel européen au cours de la toute dernière session de la Convention en juin 2003. Quels étaient les acteurs clés, les motivations fondamentales, les idées fortes et les longues batailles de cette innovation démocratique ? À partir de ces informations, nous partagerons avec vous notre analyse de ses caractéristiques essentielles, adoptées en 2010 au cours du processus de mise en œuvre, ainsi qu’une interprétation possible pour vous en tant qu’utilisateur, observateur ou administrateur potentiel de l’ICE ; dans la troisième partie, vous apprendrez comment vous et vos proches, vos sympathisants et vos partenaires pouvez vous préparer à utiliser l’ICE. Une pratique qui pourra changer l’Europe à tout jamais (et espérons pour le meilleur) à condition de tirer les leçons du passé et d’utiliser ce nouvel outil avec prudence et intelligence. Il s’agit d’un bref mode d’emploi de l’ICE qui vous expliquera étape par étape comment préparer, lancer et mener une initiative citoyenne européenne. Comme publication conjointe de la Fondation verte européenne – fondation politique paneuropéenne liée au Parti vert européen et au Groupe des Verts au Parlement européen – et de l’Institut européen sur l’initiative et le référendum (IRI Europe), ce manuel fait la part belle aux questions d’écologie et d’environnement. Cependant, les instruments et processus démocratiques se doivent d’être conçus de manière globale et transpartisane. L’ICE offrira donc une plateforme pour l’expression de perspectives et de points de vue très différents. Elle ne doit et ne peut pas être évaluée simplement du point de vue politique. Il lui reste à prouver sa capacité à mieux informer les citoyens, à favoriser le dialogue entre les citoyens européens et les institutions et, surtout, donner à long terme une plus grande légitimité à l’Union européenne. Introduction : un regard sur l’avenir Vous pouvez considérer le guide de l’ICE comme un tout ou le feuilleter pour trouver des éléments particuliers sur l’ICE ou sur la démocratie directe. Il met également en avant plusieurs faits intéressants, grâce à des encadrés, des cartes et des illustrations. À l’issue de notre collaboration avec les experts et les institutions les plus renommés, nous sommes convaincus que nous vous proposons ici la publication la plus à jour sur l’ICE. Cependant, des erreurs peuvent toujours se glisser et surtout la situation évoluer. N’hésitez donc pas à nous envoyer vos commentaires et à partager avec nous les informations dont vous disposez. Celles-ci seront incluses 19 dans les prochaines éditions du guide GEF/IRI sur les « initiatives citoyennes européennes ». Bruxelles/Marbourg, décembre 2010 Bruno Kaufmann Expert en politique, journaliste, Président de l’IRI Europe Président de la Commission électorale de Falun (Suède) Contexte : une démocratie représentative réellement moderne 21 2. Contexte : une démocratie représentative réellement moderne 2.1 Pourquoi la Commission européenne veut-elle « soudain » promouvoir une démocratie réelle Jamais une proposition de réforme n’avait fait l’objet d’autant d’éloges avant sa mise en œuvre que l’initiative citoyenne européenne. Jamais une innovation institutionnelle, comme celle de l’article 11 du Traité de Lisbonne, n’avait provoqué une telle activité législative au-delà des frontières nationales. Surprenant quand on sait que l’initiative citoyenne européenne annonce « une avancée réelle pour la démocratie directe en Europe » (Margot Wallström, ancienne vice-présidente de la Commission européenne1) et que l’implication directe du peuple dans la définition de l’agenda et dans la prise de décision n’est jamais très populaire au sein des institutions politiques. En fait, des politiciens haut placés, mais aussi beaucoup d’universitaires, experts juridiques et journalistes, ont pendant longtemps essayé de faire croire aux citoyens que la démocratie repré- sentative et la démocratie directe étaient deux principes trop différents pour être compatibles. Or, en réalité cette distinction est erronée. Le terme « démocratie » signifie « pouvoir au peuple » et comme le souligna Abraham Lincoln dans son célèbre discours de Gettysburg, un gouvernement démocratique doit être « du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Cette interprétation se reflète aujourd’hui dans les constitutions de la plupart des pays modernes. Selon ses principes fondamentaux, la démocratie représentative doit permettre aux citoyens d’y prendre part indirectement (par l’intermédiaire de leurs représentants élus) et directement (par l’intermédiaire de votes populaires sur des questions de fond). Combinaison mouvante et dynamique de luttes pour le pouvoir et de projets institutionnels, la démocratie moderne met en jeu des forces importantes pour rester essentiellement indirecte. En Allemagne, par exemple, une minorité parlementaire réussit depuis des dizaines d’années à bloquer l’application de la loi fondamentale et empêche le peuple allemand de s’impliquer directement dans la prise de décision sur des questions de fond.2 1 Margot Wallström, dans un discours à Prague à l’occasion de la journée de l’Europe 2005. 2 La Loi fondamentale allemande (Grundgesetz) stipule à l’article 20 : « Tout pouvoir d’État émane du peuple. Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations [...] ». © istockphoto.com 22 Manuel de l’initiative citoyenne européenne L’omnibus allemand pour la démocratie directe À l’instar des luttes ayant conduit au suffrage universel aux XVIIIe et XIXe siècles, les efforts visant à établir une « pleine démocratie » (terme choisi par l’hebdomadaire The Economist pour désigner un système représentatif moderne basé de manière équitable sur une démocratie indirecte et directe) ont été fortement entravés par les détenteurs du pouvoir et par des intellectuels élitistes. Pourtant, depuis les grands changements géopolitiques après la chute du mur de Berlin, la plupart des pays ont mis en place des instruments participatifs et de démocratie directe afin d’accentuer le caractère représentatif de la démocratie. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui estiment que les démocraties essentiellement indirectes et fondées sur l’État-nation (telles que le système britannique de Westminster) sont tout aussi inadaptées que les anciennes démocraties directes des cités-États à faire face au changement et à l’évolution des défis. Nous abordons aujourd’hui un système de gouvernement réellement moderne et plus représentatif qui intègre des caractéristiques plus marquées de pouvoir par le peuple, à la fois direct (participatif) et transnational (transfrontalier). En d’autres termes : nous sommes au cœur de la constitution d’une super-démocratie ! 3 Avec l’entrée en vigueur en 2011 de l’initiative citoyenne européenne, l’Europe et l’Union européenne mettent en place l’un des premiers instruments « super-démocratiques » de l’histoire du monde. Premièrement, ce nouveau droit populaire est intégré dans un système décisionnel indirect (par le Parlement et le Conseil européens) ; deuxièmement, il crée un lien direct entre les citoyens et les institutions ; et troisièmement, il ouvre une première voie vers la définition de l’agenda politique au niveau transnational. De nombreuses nouveautés pour un instrument, résultat d’une longue préparation, et dont la mise en œuvre sur le plan législatif provoque l’activité intense, déjà mentionnée, des 3 Cf. Lee, Jung-Ok & Kaufmann, Bruno (Séoul, 2010). Avant de l’aborder en détail, il est important de mieux comprendre les fondements et le contexte d’un instrument tel que l’initiative citoyenne européenne en abordant l’évolution, la théorie et l’état actuel de la démocratie en Europe et dans le monde. Nous retracerons tout d’abord l’historique des processus de démocratie directe – tels que les initiatives et les référendums – leur introduction et leur usage. Cette approche nous permettra de mieux évaluer la participation citoyenne directe, ses possibilités et ses limites, présentes comme futures. Nous présenterons ensuite les différents types et formes de vote populaire sur les questions de fond afin de définir clairement la place qu’occupera la nouvelle initiative citoyenne européenne, entre, d’une part, des pétitions non contraignantes, et, de l’autre, des initiatives citoyennes populaires complètes entraînant un vote. Enfin, ce chapitre s’achevera sur un aperçu des prochaines étapes pour les démocraties démocratisées en Europe et dans le monde. Bientôt investis du rôle de premiers super-démocrates, nous aurons la responsabilité de mettre pleinement à profit cette nouvelle mission, au bénéfice de tous ! © Bruno Kaufmann © Omnibus für Direkte Demokratie citoyens à travers toute l’Europe impatients d’en devenir les premiers utilisateurs. La démocratie directe: une multitude de mots La démocratie directe dans le monde Au cours des dernières décennies, les droits démocratiques de participation populaire à la prise de décision politique ont été étendus dans une grande partie du monde. Ils ont aussi été appliqués dans la plupart des cas. Pour une majorité de gens la réalité reste encore en-deça de leurs aspirations. La démocratie directe est encore trop peu répandue, et la lacune qualitative de la démocratie existante est plus importante que la lacune quantitative. 23 © IRI Europe Contexte : une démocratie représentative réellement moderne En bleu, les zones sensibles de la démocratie moderne dans le monde Plus de deux siècles après la Révolution française, un principe simple s’est profondément enraciné dans l’esprit d’une grande partie de la population : le fondement de toute législation et de l’exercice du pouvoir exécutif doit être la volonté du peuple. Ou, comme le soulignait Rousseau : si chaque homme et chaque femme participent à l’élaboration des lois qui les gouvernent, ils ne devront finalement obéir qu’à eux-mêmes. Plus de soixante ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le 10 décembre 1948, le monde s’est rapproché un peu plus des principes participatifs promus par ce document fondateur. En vertu de l’article 21 de la Déclaration, « toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays (...) directement » et « la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ». Au sommet mondial des Nations unies en 2005, chaque gouvernement s’est engagé à respecter le principe démocratique de « pleine participation citoyenne », à la suite de quoi le Secrétaire général de l’ONU a lancé au début de l’année 2010 une décennie pour la « démocratisation de la démocratie ». Au milieu des années 1980, un peu plus de 40 % des états dans le monde respectaient les valeurs démocratiques fondamentales, contre 65 % en 2010. L’augmentation du nombre d’états ayant adopté des procédures participatives est encore plus impressionnante: neuf pays sur dix dans le monde accordent aux citoyens une forme d’influence directe sur l’agenda politique et/ ou de participation aux processus législatifs et décisionnels. Le peuple prend de plus en plus conscience de l’implication qu’exige la démocratie, comme le confirme certains sondages : selon une enquête menée dans 19 pays par l’organisme World Public Opinion au premier semestre 2010, 85% des personnes interrogées pensent que « la volonté du peuple » doit être le fondement de l’autorité des pouvoirs publics et 74% d’entre elles estiment que le principe de souveraineté du peuple n’est toujours pas adéquatement mis en pratique.4 En d’autres termes, les citoyens du monde entier pensent que la démocratie directe doit constituer un pilier central de la vie publique, mais la plupart d’entre eux sont également conscients que la réalité est bien différente. 2.2 L’apprentissage par la pratique : « Avant de se propager, la démocratie doit s’enraciner plus profondément là où elle a déjà éclos. » Quiconque s’intéresse aux événements des dernières années, se rend compte que le processus de démocratisation des sociétés dans le monde est loin d’être linéaire. L’euphorie autour du changement frénétique des années 1990 s’est évanouie. Après la chute du mur de Berlin, on a même parlé 4 http://www.worldpublicopinion.org/pipa/articles/governance_bt/482.php?lb=brglm&pnt=482&nid=&id= 24 Manuel de l’initiative citoyenne européenne de « la fin de l’histoire » et promu la démocratie représentative occidentale comme norme de référence universelle à adopter par tous les pays. Rien de tout cela ne s’est passé : au contraire d’anciens conflits enfouis refirent surface et des confrontations sanglantes secouèrent de nombreuses régions du globe, dans le sud-est de l’Europe, en Afrique centrale et au Moyen-Orient. En raison de la mondialisation et de la montée en flèche du prix de certaines matières premières, des régimes autocratiques (notamment la Chine, la Russie et certains pays arabes) ont même pu consolider leur emprise politique. D’anciennes démocraties, comme les États-Unis ou la GrandeBretagne, se sont vues fragilisées et leurs libertés fondamentales restreintes au nom de la « guerre contre le terrorisme ». Le renforcement de cette mondialisation a sapé dans son sillage les remparts politiques et juridiques de l’État-nation, provoquant des réactions conservatrices aux deux extrêmes du paysage politique : la gauche comme la droite ont manifesté leur opposition à l’intégration, qu’il s’agisse de politique intérieure comme de politique étrangère. La séparation des pouvoirs est née avec la Révolution française et a depuis été formalisée et ratifiée dans les chartes et les constitutions après la Seconde Guerre mondiale. Or son lien supposé avec la souveraineté du peuple, les droits de l’homme et l’état de droit continue d’être remis en cause. Cette situation peut avoir des répercussions sur l’avenir de la démocratisation, comme l’a suggéré avec un certain scepticisme Larry Diamond, rédacteur en chef du Journal of Democracy, dans un article récent publié dans le journal Foreign Affairs : « Avant que la démocratie ne se propage, elle doit s’enraciner plus profondément à l’endroit où elle a déjà éclos ». La question est donc de savoir où et comment la démocratie directe a-t-elle pris racine ces deux derniers siècles. Le référendum constitutionnel a été institué lors des bouleversements de la Révolution américaine ; quant au premier vote populaire sur une question de fond, il s’est tenu en 1639 dans le Connecticut, alors colonie indépendante. Mais le réel élan fut donné avec le processus d’élaboration de la constitution au Massachusetts et dans le New Hampshire entre 1778 et 1880. Depuis, de nombreux états américains ont mis en place des procédures d’initiative et de référendum, fréquemment utilisées aujourd’hui, comme le montre l’encadré qui suit. Zoom 1 Les États-Unis d’Amérique : de la pétition à l’initiative Les États-Unis n’ont pas seulement inventé le vote populaire constitutionnel ; le premier amendement de la Constitution américaine garantit également le droit d’adresser à l’État des « pétitions pour obtenir réparation de torts subis ». Ce principe fondamental ne garantit cependant pas un processus formel par lequel les citoyens peuvent lancer une initiative, un référendum ou un vote populaire sur une question de fond. Dès 1898, le Dakota du Sud est le premier état à reconnaître un droit d’initiative citoyenne à l’échelle de l’état. Depuis, vingt-cinq autres ont habilité les citoyens à déclencher l’élaboration de lois par la collecte de signatures et ont créé une série de procédures leur permettant de s’exprimer par les urnes. Soumises à des lois, des règles, des réglementations et restrictions très variées, ces procédures confèrent aux droits d’initiative des formes très différentes selon les états ainsi qu’une stabilité variable. Avec le développement des pouvoirs publics aux niveaux local, métropolitain, étatique et fédéral, le pouvoir des factions politiques établies s’est également accru vis-à-vis des citoyens. Le gouvernement représentatif traditionnel s’est révélé incapable de faire preuve de retenue, sur le plan constitutionnel comme électoral, souvent au point d’unir toutes les branches des pouvoirs contre ce même peuple qu’il était censé servir. Les institutions de la démocratie directe moderne ont évolué pour aider à rééquilibrer le pouvoir et garantir ainsi le droit « d’adresser des pétitions à l’état ». L’initiative et le référendum sont l’extension et le perfectionnement d’un des principes les plus fondamentaux. Les droits d’initiative et de référendum dans tout l’état sont engendrés par les mouvements « populiste » et « progressiste » de la fin du XIXe et début du XXe. À la même époque la méfiance du citoyen envers le gouvernement et les intérêts financiers qui le contrôlaient s’accentue. Les électeurs avaient compris que seuls l’initiative et le référendum pouvaient restaurer la voix du peuple et permettre la promulgation d’autres réformes, tel le droit de vote des femmes, le secret du scrutin et les élections primaires. Cette volonté forte d’un droit de regard sur le pouvoir des politiciens a conduit plusieurs états, notam- 25 © IRI Europe Contexte : une démocratie représentative réellement moderne États-Unis – les initiatives d’état autorisant les initiatives citoyennes aux niveaux législatifs et/ou constitutionnels ment occidentaux, entre la fin du XIXe siècle et l’entrée des États-Unis dans la Première Guerre mondiale à amender leur constitution par l’ajout d’une procédure d’initiative citoyenne. Ce n’est qu’en 1959, à l’entrée de l’ Alaska dans l’Union et de son principe d’initiative et de « référendum populaire abrogatif », qu’un autre état reconnut le droit d’initiative citoyenne. Depuis lors, seuls trois autres ont ajouté ou sont revenus à une procédure d’initiative ou de référendum. Aujourd’hui, la lutte continue grâce aux militants – qui tentent de convaincre les législateurs d’amender leur constitution en faveur d’une procédure d’initiative. Une bataille acharnée, compte tenu que les législateurs sont souvent opposés au droit d’initiative, et que les exigences pour la modification de la constitution sont très élevées dans la plupart des états. Il existe trois formes de droits d’INITIATIVE à l’échelle de l’état : lois statutaires d’état [PCI « législatifs »], amendements constitutionnels d’état [PCI « constitutionnels »] et référendums populaires abrogatifs sur des actes législatifs d’état [PCR]. Sur les 26 états dotés d’une forme de droit d’initiative citoyenne, 21 autorisent les initiatives statutaires à l’échelle de l’état, 18 des amendements constitutionnels d’initiative populaire et 23 le référendum populaire abrogatif. Bien que le droit « d’adresser une pétition à l’État » ait traversé des siècles d’évolution et que l’application des droits institutionnels d’initiative et de référendum date d’une centaine d’années, les procédures ne se sont toujours pas étendues à l’ensemble du territoire des ÉtatsUnis. Les pratiques réelles varient largement selon une conception plus ou moins favorable au citoyen. Pour limiter ces droits, des restrictions sont souvent imposées aux méthodes de collecte des signatures, aux personnes pouvant participer aux campagnes et à la manière de les rémunérer, et ce malgré l’action des tribunaux d’État en vertu du premier amendement visant l’élimination de ces obstacles. 26 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Commonwealth d’Australie fut inauguré en 1901, sa constitution s’inspirait du fédéralisme américain et du système suisse de la double majorité pour les amendements constitutionnels. Comme en Suisse et en Australie depuis plus d’un siècle, un amendement de la Constitution nécessite une approbation à la fois par la majorité des électeurs et par la majorité des États fédéraux. © Bruno Kaufmann Aujourd’hui encore, la Suisse apparaît comme un cas unique, dans la mesure où elle a démocratisé son système démocratique depuis plus d’un siècle sans être impliquée dans un conflit externe ou interne et sans qu’un leader non démocrate ne veuille renverser ces accomplissements essentiels en matière de souveraineté du peuple. Une campagne aux États-Unis Ainsi, la politique d’initiative et de référendum semble avoir perdu de vue l’acquisition de droits par le plus grand nombre pour n’être qu’un rempart face aux politiciens défendant leurs intérêts particuliers. Sources : Guide de la démocratie directe IRI 2010, remerciements à Brandon Holmes, Citizens in Charge Plus d’informations sur : www.citizensincharge.org www.2010globalforum.com www.iandrinstitute.org En Europe, c’est la France de la Révolution qui utilise pour la première fois le référendum constitutionnel. L’ Assemblée nationale déclare que la constitution devait être établie par le peuple et en août 1793, demande est faite aux six millions d’électeurs français inscrits de se prononcer sur la nouvelle constitution démocratique de leur pays (la Constitution montagnarde). Près de 90 % répondent « oui » aux nouvelles règles des révolutionnaires qui prévoyaient que dix pour cent déjà des électeurs pouvaient exiger un référendum. Par la suite, c’est en Suisse que se fit la nouvelle avancée, avant de gagner le continent américain (États du nord-ouest à la fin du XIXe siècle et Uruguay au début du XXe. Lorsque le 2.3 Accélérateur et frein : l’expérience suisse Les deux clés de voûte de la démocratie directe en Suisse sont l’initiative citoyenne et le référendum citoyen. L’initiative constitue l’instrument le plus dynamique. Elle permet à une minorité d’électeurs d’inscrire un sujet de leur choix à l’agenda politique et de le soumettre au vote du peuple. Les électeurs inscrits peuvent ainsi apporter directement leur concours à la législation, que cela plaise ou non au gouvernement ou au parlement. L’initiative habilite une minorité à poser une question à l’ensemble des citoyens et à obtenir une réponse à valeur contraignante. C’est la pédale d’accélérateur de la démocratie directe moderne. Le référendum citoyen induit un processus inverse. Il permet de contrôler le gouvernement et le parlement et de donner aux citoyens la possibilité d’appuyer sur la pédale de frein. Il donne à une minorité d’électeurs le droit d’imposer un vote populaire sur une décision prise par le Parlement. Les électeurs suisses sont bien conscients de leurs droits politiques et connaissent le statut spécial de ceux-ci. En tant que citoyens d’un État fédéral composé de 26 cantons (provinces ou États constituants) et de plus de 2.700 communes (municipalités), les électeurs suisses votent au niveau fédéral, cantonal et local. Tous les ans, quatre à six votes populaires sont organisés sur une question de fond, à ces trois niveaux. Au cours de sa vie, un citoyen suisse sera donc Contexte : une démocratie représentative réellement moderne 27 © Presence Switzerland tive (par exemple, l’ONU) ou à une communauté supranationale (par exemple, l’UE). Les citoyens suisses peuvent également proposer une révision partielle ou totale de la Constitution. Pour être officiellement validée, une initiative citoyenne doit, en l’espace de 18 mois, récolter la signature de 100.000 citoyens ayant le droit de vote (soit environ 2 % de l’électorat suisse). Si l’initiative est validée, un vote populaire doit obligatoirement être tenu. Le titre et le texte de l’initiative citoyenne sont déterminés par ses organisateurs. Bulletins de vote en Suisse appelé à se prononcer sur des milliers de décisions relatives à des questions de fond et aura eu la possibilité de participer à autant de procédures de définition de l’agenda qu’il le souhaite. Une telle prise de responsabilités n’est pas étrangère à la formation d’une véritable culture politique. La démocratie directe moderne suisse prend sa source dans des formes médiévales de démocratie. Les cantons suisses, contrairement à leurs voisins monarchiques, étaient liés par une tradition républicaine profondément enracinée. L’idée même de souveraineté du peuple, développée au cours des révolutions américaine et française, a donc trouvé terrain plus fertile en Suisse que dans ses pays d’origine. Les pierres angulaires de la démocratie directe moderne au niveau national sont l’initiative citoyenne pour une révision totale de la constitution et le référendum constitutionnel obligatoire de 1848, le référendum facultatif de 1874 et l’initiative citoyenne de 1891. Le référendum sur les traités internationaux qui permet aux citoyens de s’impliquer dans les décisions portant sur la politique étrangère a été mis en place en 1921, puis renouvelé en 1977 et 2003. Au niveau national, un vote populaire (référendum) est obligatoire dans le cas d’une révision totale ou partielle de la Constitution fédérale, de l’adhésion à une organisation de sécurité collec- Autre procédure essentielle : un référendum facultatif a lieu lorsqu’il est demandé dans les 100 jours suivant la publication officielle d’un acte, soit par 50.000 citoyens (environ 1% de l’électorat suisse) ayant le droit de vote, soit par huit cantons. Un référendum facultatif peut être organisé sur toutes les lois fédérales ainsi que sur les traités internationaux d’une durée indéterminée et non résiliables. Notons que sur plus de 2.200 lois promulguées par le Parlement depuis 1874, seules 7% ont été soumises à un référendum. En d’autres termes, dans 93% des cas, les citoyens ont jugé que les propositions législatives de leur parlement étaient assez satisfaisantes pour ne pas s’y opposer. Les électeurs suisses disposent d’instruments d’initiative et de référendum non seulement au niveau national (fédéral), mais également aux niveaux cantonal (régional) et communal (local). De plus, comme chaque canton est habilité à choisir les méthodes de participation de ses citoyens, d’autres procédures existent: outre l’initiative constitutionnelle et le référendum législatif, tous les cantons, à l’exception de celui de Vaud, peuvent organiser un référendum financier. Dans les Grisons, par exemple, le plus grand canton suisse en termes de superficie, toute dépense non récurrente excédant les 10 millions de francs suisses (actuellement 7,5 millions d’euros/ 9,5 millions de dollars) doit être ratifiée par les électeurs à l’occasion d’un vote populaire. Toute dépense comprise entre 1 et 10 millions de francs suisses peut être remise en cause à condition de rassembler au moins 1.500 signatures (environ 1,2% de l’ensemble de l’électorat du canton). Désireuse de maintenir la modernité de sa démocratie directe, la Suisse s’est également tournée vers Internet. Depuis 2003 et les premiers essais locaux de vote électronique, plusieurs cantons se sont dotés de technologies garantissant la sécurité du scrutin et les proposent pour les votes 28 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Schaffhausen Bo GERMANY de ns ee Basel Winterthur Zurich St.Gallen LIECHTENSTEIN FRANCE Biel AUSTRIA Lucerne Neuch‚tel BERN Chur Fribourg Thun Lausanne © shutterstock Geneva ITALY Lugano Au coeur de l’Europe, la Suisse populaires nationaux. Depuis l’automne 2010, de nombreux électeurs suisses vivant à l’étranger (environ 600.000) peuvent utiliser le vote électronique pour des élections, des initiatives et des Zoom 2 Le vote électronique en Suisse Le terme « e-voting » désigne le vote électronique, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser des outils informatiques (Internet, e-mail) pour voter lors de référendums et d’élections, transmettre sa signature pour des initiatives et des référendums et obtenir des informations sur les élections et les référendums auprès des autorités. En Suisse, l’e-voting a pour vocation de compléter les procédures traditionnelles (voter en personne dans l’isoloir et par correspondance), non pas de s’y substituer. La mise en place à grande échelle du vote par correspondance a débuté dans les années 1980. Depuis lors, la Suisse tente de renforcer sa démocratie à l’aide des nouvelles technologies d’information et de communication. En août 2000, le gouvernement suisse a donc confié à la Chancellerie fédérale le soin d’examiner la faisabilité de l’e-voting. À cette fin, la Chancellerie a créé un groupe de travail baptisé « Avant-projet Vote électronique » rassemblant des représentants de la Confédération et des cantons. Ce groupe a fourni au Conseil fédéral référendums et peuvent aussi signer les initiatives, faisant de la démocratie directe moderne un phénomène mondial, comme l’illustre l’encadré qui suit. un premier rapport sur les options éventuelles, les risques et la faisabilité du vote électronique, rapport validé par le Conseil fédéral en janvier 2002 et transmis au Parlement. Les partisans comme les opposants au vote électronique ont avancé une succession d’arguments de poids. D’une part, en ce qui concerne ses avantages, on peut citer la simplification du scrutin lors d’élections et de référendums pour de nombreuses personnes. La mobilité considérable de la population suisse, le changement des habitudes de communication et la surcharge d’informations quotidiennes peuvent réduire encore la participation à la prise de décision politique. Mais on peut également penser aux personnes souffrant d’un handicap visuel, pour qui les possibilités d’exercer un droit de vote secret restent limitées à l’heure actuelle; ou aux Suisses vivants à l’étranger, souvent exclus du scrutin en raison de la distance et de la lenteur des services postaux. Toutefois, les experts restent en désaccord sur le fait que le vote électronique puisse ou non inciter réellement un plus grand nombre de citoyens à voter. D’autre part, il existe des risques potentiels inhérents au vote électronique, notamment en termes Contexte : une démocratie représentative réellement moderne Au stade actuel de la technologie, il n’existe aucune garantie qu’un programme ne puisse être manipulé pour permettre à quelqu’un d’enregistrer et d’imprimer un formulaire ou un document différent de celui qui est affiché à l’écran. Avec le vote électronique, il est plus difficile de détecter et de trouver l’origine des erreurs, des pannes techniques, etc. qu’avec des procédures traditionnelles. Le contrôle public du second dépouillement est plus compliqué. Si les doutes du public quant à la fiabilité des méthodes de vote électronique ne peuvent être levés, c’est le fonctionnement global du système démocratique qui pourrait être remis en question. Une consultation menée dans l’ensemble des cantons a montré qu’un grand nombre d’entre eux souhaitent être impliqués dans les projets pilotes partiellement financés par la Confédération. À ce jour, des accords ont été conclus avec Genève, Neuchâtel et Zurich. Un critère particulier s’est avéré décisif dans la sélection des projets pilotes. Le groupe des trois cantons pilotes couvre l’ensemble des exigences inhérentes au vote électronique et qui sont d’une importance capitale pour tous les cantons. Celui de Genève, par exemple, dispose déjà d’une structure administrative centralisée et d’un registre central des électeurs, ce qui n’est pas encore le cas pour le canton de Zurich. Le canton de Neuchâtel étudie l’intégration du vote électronique à son « Guichet unique », un service public en ligne permettant d’effectuer toutes les démarches administratives cantonales. Les différents objectifs et exigences, ainsi que l’échelonnement dans le temps des trois projets pilotes, permettront d’acquérir progressivement le savoir-faire nécessaire à la mise en place d’une solution nationale. Sur base des résultats de cette évaluation, le Parlement décidait en mars 2007, en s’appuyant étape par étape sur les essais de vote électronique concluants, d’établir les conditions préalables qui garantiraient aux citoyens suisses vivant à l’étranger de voter par voie électronique. Afin que les électeurs expatriés puissent prendre part aux essais de vote électronique, il fallait commencer par harmoniser les registres des électeurs concernés. Une première participation fut proposée – pour le référendum fédéral du 1er juin 2008 – aux Suisses expatriés inscrits au Guichet unique du canton de Neuchâtel et installés dans l’un des États membres de l’UE, dans un État membre de l’Arrangement de Wassenaar de 1995/1996, en Andorre, en Chypre du Nord, au Liechtenstein, à Monaco, à Saint-Marin ou encore dans l’État de la Cité du Vatican. © Bruno Kaufmann d’abus du système : d’aucuns craignent l’intervention non autorisée de tiers dans le scrutin. 29 Système de vote électronique Il était également prévu de proposer le vote électronique aux électeurs suisses vivant à l’étranger, et qui ne seraient pas inscrits dans l’un des trois cantons pilotes. Les premiers électeurs à avoir pu voter en ligne étaient inscrits dans le canton de Bâle-Ville. Ils ont utilisé le système de vote électronique du canton de Genève, suite à un accord signé entre les deux cantons le 15 juin 2009. Le 29 novembre 2009, ces électeurs ont donc pu pour la première fois déposer leurs bulletins par voie électronique, à l’aide du système genevois. À l’automne 2010, 120.000 électeurs suisses supplémentaires ont pu voter par voie électronique dans les cantons de Fribourg, Soleure, Schaffhouse, Saint-Gall, Argovie, Thurgovie et des Grisons. La Constitution fédérale reconnaît le droit à la liberté de prise de décision et au scrutin sécurisé sans falsification. Il en résulte plusieurs exigences relatives au vote électronique définies dans les articles 27a à 27q de l’Ordonnance fédérale sur les droits politiques. Les électeurs doivent être informés de l’organisation, de la technologie utilisée et du déroulement de la procédure de vote électronique. Il doit être possible de changer d’avis et/ou d’annuler son suffrage avant l’envoi définitif ; aucune information pouvant influencer les électeurs de quelque manière que ce soit ne doit apparaître à l’écran ; l’ordinateur – ou la machine – utilisé doit indiquer clairement par un message visuel que le suffrage a bien été transmis. De manière à assurer le secret du scrutin, le vote 30 Manuel de l’initiative citoyenne européenne électronique doit être codé dès le moment de l’envoi du suffrage jusqu’à son arrivée ; il doit rester parfaitement anonyme et empêcher toute traçabilité. Des mesures d’ordre technique doivent exclure la possibilité qu’un suffrage soit perdu, même en cas de panne ou de dysfonctionnement du système. Il doit être possible de reconstituer chaque utilisation individuelle du système et chaque suffrage transmis même en cas de panne du système. Sources : Guide de la démocratie directe IRI 2010, remerciements particuliers à : Nadja Braun, Chancellerie fédérale suisse. Plus d’informations sur : evoting.unisys.ch, demo.webvote.ch www.bk.admin.ch/themen/pore/evoting/ Les pays, les régions ou les municipalités qui souhaitent moderniser leur système démocratique peuvent tirer des leçons concrètes de l’expérience suisse. Cependant, il n’existe pas de modèle préétabli pour de telles réformes, car chaque communauté politique est tributaire de son propre contexte culturel et historique. Dans la moitié des États américains, en Suisse et même dans la monarchie héréditaire de la Principauté du Liechtenstein, l’initiative citoyenne et les référendums sont désormais des piliers de la démocratie représentative moderne. Néanmoins, bien plus nombreux sont les pays où les graves lacunes voire l’absence d’implication directe du citoyen subsistent. Tout d’abord, en raison de confusions terminologiques : lorsqu’un plébiscite de consultation lancé par un président est appelé « référendum », ou une initiative citoyenne « pétition ». Sans oublier, ensuite, les graves problèmes liés aux procédures mal conçues, tels que des taux de participation excessifs et des quorums d’approbation qui faussent le processus décisionnel démocratique. Viennent s’ajouter à cela des failles pratiques majeures, comme des délais de collecte de signatures trop courts, voire le refus de respecter le résultat d’un vote populaire sur une question de fond. Enfin, en pratique, comme pour la transparence et l’opposabilité des droits de l’homme, les détenteurs du pouvoir considèrent les procédures de démocratie directe comme des menaces à leur contrôle, ce qui incite souvent les partis politiques à instrumentaliser les enjeux concernés. L’ensemble de ces facteurs peut porter un sérieux coup au concept même de démocratie directe. © IRI Europe Il a fallu attendre l’après-Seconde Guerre mondiale pour que les instruments de démocratie directe prennent une importance politique dans de nombreux pays du monde, tels que l’Italie, les Philippines, l’ Afrique du Sud, l’Équateur, le Canada, etc. Ces deux derniers siècles, plus de 1.500 votes populaires sur des questions de fond ont été tenus à l’échelle nationale dans le monde, dont la moitié au cours des vingt dernières années. Votes populaires sur des questions de fond dans le monde Premier chiffre : votes populaires au niveau national depuis 1973 ; Second chiffre (entre paranthèses) : depuis 1989 Contexte : une démocratie représentative réellement moderne La démocratie directe moderne, en tant que partie intégrante d’une démocratie représentative moderne, accorde aux citoyens le droit d’exercer la souveraineté du peuple également entre deux élections, en votant sur des questions de fond. Dans la démocratie directe, les décisions prises concernent des questions de fond, et non sur des personnes. À cet égard, certaines procédures, telles que les élections directes d’un maire ou d’un président, voire les référendums de révocation, n’appartiennent pas réellement à la démocratie directe, mais se trouvent à michemin entre les élections indirectes et les votes populaires directs. La démocratie directe est synonyme de partage du pouvoir : en ayant recours à des initiatives et à des référendums, les citoyens peuvent choisir de prendre directement des décisions sur des Zoom 3 La typologie générale de la démocratie directe moderne Dans le tableau ci-dessous, nous pouvons différencier au moins cinq concepts de démocratie directe possibles, tous mentionnés dans la littérature. Le plus restrictif d’entre eux inclut uniquement les procédures conçues pour donner le pouvoir aux citoyens et pour prendre des décisions sur certaines questions. Selon cette interprétation, la démocratie directe moderne contient deux types de procédure de vote populaire : l’INITIATIVE et le RÉFÉRENDUM. Des concepts plus larges incluent également le plébiscite, le référendum de révocation ou les deux. Le concept le plus étendu, en même temps pas très logique, comprend même l’élection directe des représentants. Votes populaires sur des questions de fond Partage Initiative & du pouvoir référendum ConcenPlébiscite tration du pouvoir Votes populaires sur des personnes Rappel Elections Il est clair, qu’au centre de toute définition de la démocratie directe moderne se trouve deux TYPES de procédures : l’INITIATIVE et le RÉFÉRENDUM. Il est par ailleurs pertinent de limiter la démocratie directe moderne aux dé- 31 questions importantes. Cependant, une large proportion de la législation est toujours effectuée par un parlement élu. Mais en conférant le droit de définir les actions à entreprendre et de s’impliquer dans la prise de décision, la démocratie directe donne le pouvoir au peuple, et pas au président, ni au gouvernement, ni au parlement. Cette distinction entre des procédures descendantes et des procédures émanant des citoyens est primordiale. Les votes populaires sur des questions de fond, initiés de manière descendante et baptisés « plébiscites », sont le plus souvent destinés à accorder le pouvoir non pas aux citoyens, mais aux autorités déjà en place. Pour cette raison, il est très important de bien comprendre les fonctions et le fonctionnement des différentes procédures de démocratie directe, qui sont l’objet de la chronique ci-dessous. cisions sur des questions de fond. Les élections et les référendums de révocation, qui consistent à se prononcer sur des personnes, appartiennent elles à la démocratie indirecte. L’inclusion des plébiscites (votes populaires contrôlés par les autorités) est le sujet d’un vaste débat. Si le plébiscite était inclus dans le concept de démocratie directe, celui-ci gagnerait en hétérogénéité, puisqu’il engloberait à la fois des procédures destinées à augmenter le pouvoir de certains représentants et d’autres visant à accroître celui des citoyens. Un concept ainsi étendu comprend à la fois des instruments permettant au peuple de mettre en œuvre la démocratie mais également d’autres permettant aux détenteurs du pouvoir d’utiliser ce même peuple à d’autres fins que la réalisation de la démocratie. En revanche, si l’on exclut le plébiscite, la notion de démocratie directe devient plus cohérente et plus caractéristique. Elle peut alors se définir comme une législation directe exercée par le peuple à l’aide de l’initiative et du référendum. Ainsi, le droit de décider quelles questions seront portées devant un vote populaire appartient exclusivement aux citoyens. Ce concept englobe uniquement des instruments destinés à donner le pouvoir aux citoyens et à mettre en œuvre la démocratie. Cela ne nous empêche pas d’analyser les plébiscites, mais nous considérons désormais qu’ils appartiennent à la démocratie indirecte plutôt qu’à la démocratie directe. 32 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Quelle que soit la solution choisie, il est toujours primordial de définir clairement le concept de démocratie directe et de faire la distinction entre les différents types de procédure (INITIATIVE, RÉFÉRENDUM, PLÉBISCITE) et les différentes formes qu’ils peuvent prendre, comme indiqué ci-après. Il faut également garder à l’esprit qu’un vote populaire est un processus et qu’en ce sens, il ne doit pas être limité au moment de la prise de décision dans l’isoloir ; d’autres aspects, tels que la créativité, le débat public et la mise en œuvre, sont tout aussi importants. Une procédure d’initiative citoyenne commence par une idée, qui doit être organisée de différentes manières et rendue publique. Le débat public est véritablement au centre de l’initiative, du début à la fin. L’initiative ne se termine pas avec l’introduction du bulletin dans l’urne : la décision prise doit également être mise en œuvre. Pour résumer, l’intégralité du processus est bien plus importante que le seul résultat du vote. La typologie générale de la démocratie directe moderne, élaborée par l’Institut européen sur l’initiative et le référendum sous la direction de Rolf Büchi, couvre toutes les procédures de vote populaire sur des questions de fond. Elle se fonde sur une division des procédures de vote populaire en trois types distincts : INITIATIVE, RÉFÉRENDUM et PLÉBISCITE. Dans les procédures de l’INITIATIVE l’auteur de la proposition soumise au vote et l’initiateur de la procédure sont les mêmes ; alors que dans celles du RÉFÉRENDUM l’auteur de la proposition soumise au vote et l’initiateur de la procédure ne sont PAS les mêmes. Enfin, le PLÉBISCITE regroupe les procédures où la majorité d’une autorité représentative est à la fois l’auteur de la proposition soumise au vote et l’initiatrice de la procédure. Cependant, certaines procédures et pratiques compliquent cette classification et des zones floues subsistent entre les différents types. Par conséquent, la Typologie générale de la démocratie directe moderne (TGDDM) comprend onze formes différentes de procédures de vote populaire en fonction de ce que que sont : 1) l’auteur de la proposition soumise au vote (un groupe de citoyens, une minorité d’une autorité représentative, une autorité représentative) ; 2) l’initiateur de la procédure (un groupe de citoyens, la loi, une minorité d’une autorité représentative, une autorité représentative) ; 3) le décideur (l’ensemble de l’électorat, une autorité représentative). Dans le tableau 1 ci-après, les formes de procédure sont répertoriées dans la colonne 1. Les colonnes suivantes indiquent l’auteur de la proposition soumise au vote (colonne 2), l’entité habilitée à amorcer la procédure (colonne 3), et celle habilitée à décider de l’issue de la procédure (colonne 4). La dernière colonne indique le TYPE de procédure en question. Les procédures initiées par des citoyens et la loi sont indiquées en couleurs (bleu foncé pour l’initiative, bleu clair pour le référendum) et celles déclenchées par une autorité restent en noir. Les procédures de démocratie directe authentiques sont conçues pour offrir à l’électorat des instruments de définition de l’agenda et de prise de décision sur des questions de fond. Cependant, dans la réalité politique, de nombreuses procédures et notamment des pratiques en matière de vote populaire sont totalement ou en partie sous le contrôle d’autorités élues. Ces formes mixtes, qui combinent démocratie indirecte et démocratie directe, sont indiquées en gris dans notre classification. Tandis que les procédures initiées par une minorité d’une autorité élue (par exemple, un tiers du Parlement au Danemark ou en Suède) sont regroupées sous les types INITIATIVE et RÉFÉRENDUM, les procédures émanant de la majorité d’une autorité élue appartiennent aux procédures de vote populaire de type PLÉBISCITE. Abréviations : L’abréviation correspondant à la forme de procédure se compose de trois caractères : le premier indique l’initiateur de la procédure (P = populaire/citoyens ; A = autorité ; L = loi) ; le dernier indique le TYPE de procédure (I = INITIATIVE, R = RÉFÉRENDUM, P = PLÉBISCITE) ; le caractère central correspond à la forme de la procédure (A = agenda, C = citoyen, M = minorité, O = obligatoire, P = proposition, T = descendante (top-down), V = veto) Le signe « + » indique que la procédure d’initiative ou de référendum s’accompagne d’une contreproposition. Contexte : une démocratie représentative réellement moderne 33 Tableau 1 – Les différentes formes de procédures Forme initiative citoyenne ou populaire + contre-proposition des autorités initiative de définition de l'agenda initiative minoritaire des autorités référendum populaire ou émanant des citoyens + contreproposition proposition de référendum référendum obligatoire référendum minoritaire des autorités vote populaire/ plébiscite contrôlé par les autorités vote populaire/ plébiscite abrogatif contrôlé par les autorités PCI PCI+ PAI AMI PCR Auteur de la proposition Un groupe de citoyens Un groupe de citoyens Un groupe de citoyens minorité d'une autorité représentative une autorité représentative PCR+ une autorité représentative PPR une autorité représentative LOR une autorité représentative AMR une autorité représentative ATP une autorité représentative AVP une autorité représentative Les initiatives de définition de l’agenda et les propositions de référendum sont adressées à et décidées par une autorité représentative ; elles peuvent mener à un vote populaire, mais c’est rarement le cas. Malgré cela, nous avons inclus ces deux formes de procédure dans notre typologie. Il existe trois TYPES et onze formes de procédures de vote populaire. Type 1. L’INITIATIVE L’INITIATIVE désigne un certain type de procédure de vote populaire (la typologie établie par l’IRI différencie trois types : INITIATIVE, RÉFÉRENDUM et PLÉBISCITE). Les procédures d’initiative se caractérisent par le droit dont dispose une minorité, en règle générale un nombre défini de citoyens, de proposer au public l’introduction d’une nouvelle loi ou d’une loi révisée. La décision relative à la proposition est prise lors d’un vote populaire. Remarque : l’initiative de définition de l’agenda Initiateur Décideur TYPE le même groupe le même groupe le même groupe la même minorité l'ensemble de l'électorat l'ensemble de l'électorat une autorité représentative l'ensemble de l'électorat INITIATIVE un groupe de citoyens l'ensemble de l'électorat RÉFÉRENDUM un groupe de citoyens un groupe de citoyens loi l'ensemble de l'électorat une autorité représentative l'ensemble de l'électorat l'ensemble de l'électorat RÉFÉRENDUM l'ensemble de l'électorat PLÉBISCITE l'ensemble de l'électorat PLÉBISCITE minorité d'une autorité représentative la même autorité représentative une autre autorité représentative INITIATIVE INITIATIVE INITIATIVE RÉFÉRENDUM RÉFÉRENDUM RÉFÉRENDUM correspond à ce type de procédure uniquement dans sa phase initiale. La suite des événements est décidée par une autorité représentative. Forme 1.1. Initiative citoyenne ou populaire [PCI] Une procédure de démocratie directe est un droit politique permettant à un nombre donné de citoyens d’inscrire dans l’agenda politique, leur propre proposition. Celle-ci peut consister par exemple à modifier la Constitution, adopter une nouvelle loi, abroger ou modifier une loi existante. La procédure émane d’un nombre prescrit d’électeurs inscrits. Les responsables de l’initiative populaire peuvent imposer un vote populaire sur leur proposition (à condition que leur initiative soit adoptée officiellement). La procédure d’initiative peut contenir une clause de retrait donnant aux responsables la possibilité de renoncer à leur action, par exemple si le législateur a pris des mesures pour répondre aux demandes formulées dans l’initiative ou à une partie d’entre elles. 34 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Cette procédure peut se révéler un outil d’innovation et de réforme : elle permet au peuple d’appuyer sur la pédale d’accélérateur. En principe, les initiatives permettent au peuple d’obtenir ce qu’il souhaite. En pratique, il s’agit d’un moyen d’harmoniser le point de vue des citoyens et celui des politiciens. Forme 1.2. Initiative citoyenne ou populaire + contre-proposition des autorités [PCI+] Dans le cadre d’une procédure d’initiative populaire, une autorité représentative (en règle générale, le parlement) est habilitée à formuler une contre-proposition à la proposition d’initiative. Les deux propositions sont ensuite soumises simultanément à un vote populaire. Si les deux propositions sont acceptées, on peut poser une question spécifique pour savoir laquelle de la proposition d’initiative ou de la contre-proposition de l’autorité sera mise en œuvre. Forme 1.3. Initiative de définition de l’agenda [PAI] Elle se caractérise par le droit dont dispose un nombre défini d’électeurs inscrits de proposer à une autorité compétente l’adoption d’une loi ou d’une mesure ; le destinataire de la proposition et de la demande n’est pas l’ensemble de l’électorat, mais une autorité représentative. Contrairement à l’initiative populaire, c’est l’autorité qui décide de l’issue à donner à la proposition. Telle initiative peut être institutionnalisée de différentes manières : par exemple, en tant qu’initiative de définition de l’agenda sans vote populaire ou suivie d’un plébiscite de consultation ou à valeur contraignante, ou en tant que motion populaire (« Volksmotion »). Celle-ci peut être l’équivalent d’une motion parlementaire ; si elle est adoptée, elle peut également être considérée comme une initiative populaire (c’est le cas dans le canton suisse d’Obwald). Forme 1.4. Initiative minoritaire des autorités [AMI] Une procédure de démocratie directe est un droit politique qui autorise une minorité précise d’une autorité (par exemple, un tiers du parlement) d’inscrire sa propre proposition sur l’agenda politique et de la soumettre à un vote populaire. Type 2. RÉFÉRENDUM Il désigne un certain type de procédure de vote populaire (la typologie établie par l’IRI différencie trois types : INITIATIVE, RÉFÉRENDUM et PLÉBISCITE). Un référendum est une procé- dure de démocratie directe qui implique un vote populaire sur une question de fond (proposition soumise au vote), telle que la modification de la constitution ou un projet de loi ; les électeurs ont le droit soit d’accepter, soit de rejeter la proposition soumise au vote. La procédure est déclenchée soit par la loi (-> référendum obligatoire), soit par un nombre défini de citoyens (-> référendum populaire), soit par une minorité d’une autorité (-> référendum minoritaire des autorités). Remarque : une procédure de vote populaire déclenchée et contrôlée exclusivement par les autorités ne constitue pas un référendum, mais un plébiscite. Forme 2.1. Référendum populaire ou émanant des citoyens [PCR] Il s’agit d’une procédure de démocratie directe et d’un droit politique permettant à un nombre défini de citoyens d’être à l’origine d’un référendum. Il laisse ainsi l’ensemble de l’électorat décider si, par exemple, une loi donnée doit être adoptée ou abrogée. Cette procédure sert d’action corrective à la prise de décision parlementaire au sein des démocraties représentatives et de contrôle du parlement et du gouvernement. Le « peuple » ou « demos » (c’est-à-dire toutes les personnes ayant le droit de vote) a le droit de se prononcer rétrospectivement sur des décisions prises par le législateur. Tandis que l’initiative populaire joue le rôle d’accélérateur, le référendum populaire permet au peuple d’appuyer sur la pédale de frein. En pratique, les référendums populaires (tout comme les initiatives populaires) représentent un moyen d’harmoniser le point de vue des citoyens et celui des politiciens. Forme 2.2. Référendum populaire + contre-proposition [PCR+] Cette procédure de démocratie directe combine un référendum populaire contre une décision prise par une autorité et un référendum sur une contre-proposition. Si les deux propositions sont acceptées, une question spécifique peut être posée pour décider laquelle sera choisie. Forme 2.3. Proposition de référendum [PPR] Cette procédure se caractérise par le droit dont dispose un nombre défini d’électeurs de proposer à une autorité compétente la tenue d’un vote populaire sur une question donnée ; à noter que la demande est adressée à une autorité Contexte : une démocratie représentative réellement moderne 35 représentative (en règle générale un parlement local ou national) qui décide de l’issue à donner. populaires deviennent un moyen d’atteindre un but déterminé par l’autorité représentative. Forme 2.4. Référendum obligatoire [LOR] Cette procédure de démocratie directe est déclenchée automatiquement par une loi (en règle générale la Constitution) qui exige que certaines questions soient soumises au vote du peuple pour approbation ou rejet. Un référendum obligatoire conditionnel signifie qu’une question donnée doit être soumise au vote dans certains cas seulement (au Danemark par exemple, la délégation de pouvoir aux autorités internationales est soumise au vote populaire si cette proposition est acceptée par une proportion du Parlement comprise entre la moitié et quatre cinquièmes). Les référendums inconditionnels ne comportent aucune échappatoire (par exemple, en Suisse, les modifications de la constitution doivent systématiquement être soumises au vote populaire). Les plébiscites donnent aux dirigeants un pouvoir supplémentaire sur les citoyens. Ils sont utilisés pour échapper à la responsabilité liée à des enjeux controversés et devenus un obstacle ; pour donner une légitimité aux décisions que les détenteurs du pouvoir ont déjà prises ; pour mobiliser la population derrière les dirigeants et les partis ; et pour qu’une autorité puisse passer outre une autre autorité représentative. Le but du plébiscite n’est pas de mettre en œuvre la démocratie, mais de renforcer ou de sauver les détenteurs du pouvoir avec l’aide du « peuple ». Forme 2.5. Référendum minoritaire des autorités [AMR] Une procédure de démocratie directe qui se caractérise par le droit dont dispose une minorité d’une autorité représentative de soumettre une décision prise par la majorité au vote du peuple pour approbation ou rejet. Cette procédure permet à une minorité d’une autorité représentative d’appuyer sur la pédale de frein et de laisser les électeurs prendre la décision finale.. Type 3. PLÉBISCITE Il désigne un certain type de procédure de vote populaire (la typologie établie par l’IRI différencie trois types : INITIATIVE, RÉFÉRENDUM et PLÉBISCITE). Un plébiscite est une consultation publique contrôlée « d’en haut ». Ce sont les autorités suprêmes (le Président, le Premier ministre et le Parlement) qui décident à quel moment et sur quoi le peuple est appelé à voter ou donner son opinion. Au lieu d’être le sujet actif qui contrôle la procédure, le peuple/les votes Aujourd’hui, la démocratie directe est confrontée à des défis considérables. Alors que la mondialisation du capitalisme continue à progresser et à montrer ses faiblesses, la démocratisation recule. Si la participation aux affaires mondiales en tant que consommateurs, clients voire investisseurs s’est accrue, celle sur le plan politique, en tant que citoyens actifs a peu progressé. C’est la raison pour laquelle la démocratie doit s’éle- La typologie de l’IRI différencie deux formes de plébiscite : le plébiscite et le plébiscite abrogatif. Forme 3.1. Plébiscite (vote populaire contrôlé par les autorités) [ATP] Une procédure de vote populaire dont le recours reste exclusivement sous le contrôle d’une autorité. Dans cette catégorie, l’auteur de la proposition soumise au vote et l’initiateur de la procédure sont la même entité (par exemple, le parlement ou le président). Forme 3.2. Plébiscite abrogatif (vote populaire contrôlé par les autorités) [AVP] Une procédure de vote populaire dont le recours reste exclusivement sous le contrôle des autorités. Dans cette catégorie, l’auteur de la proposition soumise au vote et l’initiateur de la procédure ne sont PAS la même entité. Par exemple, un gouvernement ou un président peut s’opposer (poser son veto) à une décision du parlement et soumettre la question à un vote populaire ; d’où le nom plébiscite abrogatif. Sources : Guide de la démocratie directe IRI 2010, remerciements particuliers à : Rolf Büchi, Institut européen sur l’initiative et le référendum, plus d’informations sur www.iri-navigator.com www.iri-europe.org ver au niveau transnational avant que toutes nos réalisations en termes de démocratie représentative moderne soient remises en question. L’érosion de la démocratie qu’on peut observer dans les démocraties établies est due au fait que les systèmes démocratiques sont organisés et légitimés au sein de chaque état, celui-ci ayant précisément tendance à perdre le contrôle de ses propres affaires, suite à la mondialisation. 36 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Les démocraties sont comme des navires dont le gouvernail a de moins en moins de contact avec l’eau. Au niveau environnemental par exemple, un état seul a peu de chances de faire progresser les choses car les problèmes ne s’arrêtent pas aux frontières. Au summum d’une crise d’efficacité, un grand nombre de démocraties souffre aussi d’une crise de crédibilité : diminution du nombre de militants, abstentionnisme et méfiance quant à la gouvernance des élus en place. Les démocraties du monde ont besoin d’être à la fois plus directes et plus transnationales. Cette double approche a déjà été adoptée, notamment en Europe où le processus d’intégration européenne des trente dernières années transforme progressivement le projet économique international en projet politique transnational. Les citoyens européens ont exprimé leur opinion près de cinquante fois à l’occasion de votes populaires sur des questions de fond concernant l’Europe, à commencer par les décisions des Français, des Danois, des Suisses et des Norvégiens en 1973, jusqu’à l’adoption du Traité de Lisbonne par l’Irlande en septembre 2009. Pour au moins un aspect essentiel, la nouvelle « Constitution » européenne pose un jalon pour la démocratie : elle propose pour la toute première fois que le principe de démocratie participative soit reconnu au niveau transnational, tout en mettant en place un instrument de démocratie directe, l’ « initiative citoyenne européenne ». Désormais, un million de citoyens de l’UE dans plusieurs États membres disposent du même droit que le Parlement européen et le Conseil de l’Europe : celui de proposer une nouvelle législation à la Commission européenne. À l’instar de l’introduction de la démocratie directe au niveau local ou national, le débat engagé au niveau européen ne portait pas sur le principe même de l’implication directe des citoyens, mais plutôt sur la forme qu’elle allait prendre. À cette fin, l’UE ne s’est pas contentée d’organiser en 2010 une vaste consultation publique, mais a également convenu de règles complètes d’application. Cette réglementation abordait toutes les questions de base relatives au processus pratique, mais ne mesurait pas entièrement la nécessité d’une infrastructure de soutien qui serait essentielle pour préparer, habiliter et conseiller les citoyens dans l’exploitation de ce nouvel instrument, des aspects juridiques aux compétences d’exécution en passant par les besoins de traduction. Dès 2011, la mise en pratique de ce premier instrument transnational de démocratie directe permettra d’en évaluer les possibilités et les limites. Planification, réunion, intégration L’un des principaux corollaires du renforcement de l’introduction et de l’utilisation des instruments de démocratie directe est l’intérêt que suscite cette approche démocratique nouvelle au sein des organisations internationales. Outre certains organismes mondiaux tels que l’ONU, la Banque mondiale ou le Forum des fédérations, le Conseil de l’Europe (qui réunit 47 pays) a élaboré des lignes directrices pour « des initiatives et des référendums libres et équitables », dans lesquelles il met en garde contre des exigences trop élevées en termes de nombre de signatures, de délais et de quorums de participation. Partout dans le monde, des institutions universitaires et des ONG ont commencé à s’intéresser de plus près aux procédures et aux pratiques de démocratie directe. Les développements des 25 dernières années ont apporté une contribution considérable à cet égard, avec l’introduction et la mise en pratique, principalement au niveau local, des droits d’initiative et de référendum dans de nombreux pays asiatiques et sur la quasi-totalité du continent sud-américain. En effet, de nombreux pays ont décentralisé leur organisation et leur administration, au bénéfice de la démocratie locale qui a ainsi pu donner un pouvoir plus important à de nouveaux groupes de citoyens. En Inde, par exemple, la mise en place d’une organisation politique au niveau du village (le panchayat) s’ajoute à une règle imposant que tous les comités soient constitués d’au moins un tiers de femmes. À Taïwan, en Corée du Sud et au Japon, les instruments de démocratie directe ont été mis en place au niveau local, permettant à des millions de personnes de faire leurs tout premiers pas dans l’engagement politique. Toutefois, les embûches ne manquent pas et, en Asie comme en Amérique du Sud, ces nouvelles pratiques se heurtent à l’autoritarisme ancestral. C’est pourquoi il faut soutenir la démocratie directe avec des objectifs clairs mais aussi avec patience et vigilance au regard des menaces, récentes et anciennes, qui pèsent sur elle. Il faudra promouvoir et échanger les connaissances, développer et nourrir des instruments communs et Contexte : une démocratie représentative réellement moderne 37 utiliser de manière intensive les droits d’initiative et de référendum à tous les niveaux politiques. Il n’existe pas de modèle unique et prêt à l’emploi car chaque communauté politique, chaque nouvelle génération doit se charger du réglage minutieux de sa démocratie, afin d’ajuster les différentes procédures aux réalités et aux demandes du moment et bâtir un socle solide pour l’avenir. Le processus d’apprentissage est multiple : il nécessite que chacun travaille à sa propre pratique tout en observant en permanence ce qui se passe ailleurs. la Suisse et les États-Unis d’Amérique, les deux pays/régions du monde les plus expérimentés en matière d’intégration des initiatives et des référendums au système politique représentatif, nous enseignent que la démocratie est, et doit demeurer, un voyage inachevé. Ces deux pays fournissent une profusion d’expériences pratiques, de succès et d’échecs, dont on peut s’inspirer pour débattre et concevoir des procédures destinées à toute autre entité politique participative à plusieurs niveaux, telle que l’Union européenne ; Pour les militants de la démocratie directe en Nouvelle-Zélande, le principal objectif aujourd’hui est d’obtenir un statut contraignant pour les référendums résultant d’une initiative citoyenne ; quant aux véritables démocrates allemands, ils se concentrent sur la diminution du nombre de signatures requis et des quorums de participation aux référendums, trop élevés la plupart du temps. Dans les deux cas, les procédures disponibles sont très rarement utilisées, car elles ne permettent pas (encore) d’obtenir les résultats promis : l’implication libre et équitable des citoyens dans les décisions sur les questions qui les concernent. Cependant, il est possible de faire avancer le processus en utilisant les dispositions en matière de démocratie directe, même relativement minces, qui existent déjà dans de nombreux pays malgré les difficultés rencontrées. il est urgent de s’accorder sur une interprétation plus adaptée et cohérente sur le plan interne des définitions et de la terminologie utilisée dans l’univers de la démocratie directe. La nouvelle Typologie générale de la démocratie directe moderne en jette les fondations et nous permet de mieux planifier, comparer et intégrer les meilleures pratiques en dépassant les frontières et les barrières linguistiques ; C’est pourquoi il est instructif d’observer les régions du monde où les procédures de démocratie directe constituent un pilier du système politique, comme en Suisse, aux États-Unis ou en Uruguay. Procédures qui sont souvent lancées avec l’objectif même de changer les règles du jeu de la démocratie directe, trouvant en elle-même sa propre clé ! Avant de mettre en lumière quelques exemples de démocratie directe moderne en Europe et à travers le monde, résumons les trois principales conclusions de ce chapitre : la démocratie directe moderne, contrairement aux formes antiques et médiévales, fait partie intégrante d’un gouvernement représentatif. Par ailleurs, les dispositions et les pratiques en matière de démocratie directe en sont devenues un élément de plus en plus nécessaire. En venant compléter les méthodes indirectes (parlementaires) de définition de l’agenda et de prise de décision, la démocratie directe peut contribuer à accentuer le caractère représentatif de la démocratie ; Ce manuel, rédigé par la Fondation verte européenne et l’Institut européen sur l’initiative et le référendum, aborde le contexte, l’histoire, les possibilités et les limites de la nouvelle initiative citoyenne européenne (établie par l’UE dans le Traité de Lisbonne). Nos premières conclusions nous permettent de définir l’ICE comme : un élément de la démocratie représentative moderne ; une procédure de démocratie directe ; et enfin une initiative par son type et une initiative de définition de l’agenda [PAI] par sa forme. À partir de ces données, on peut nettement différencier l’initiative citoyenne européenne d’une part, d’une pétition (massive) par exemple (qui, par ailleurs, existe également au niveau de l’UE) et d’autre part, des formes d’initiatives citoyennes comme les initiatives populaires (avec ou sans contre-proposition [PCI, PCI+]), qui déclenchent des votes populaires sur des questions de fond. Ces premières conclusions nous permettent également de différencier la procédure ICE démocratique directe (ascendante) d’autres formes de participation (descendante), comme prévu à l’article 11.1-3 du Traité de Lisbonne. Enfin, ces éléments confirment le principe démocratique consacré par le Traité de Lisbonne, qui place officiellement sur pied d’égalité, la démocratie indirecte (parlementaire) et directe (participative). 38 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Dans les faits, tout (voire presque rien) n’est pas question de principes, de normes et de valeurs. Au contraire, le rendement, la possession et les bénéfices matériels se retrouvent au centre de l’attention. Il est donc évident que, dans notre évaluation initiale, nous ne pouvons aborder la démocratie directe moderne au sein d’un gouvernement représentatif sous le seul angle normatif et théorique. Nous devons également examiner sa mise en pratique réelle, en Europe et dans le monde. Les évolutions les plus importantes ont eu lieu dans le dernier quart du XXe siècle, alors que l’on s’efforçait de bâtir un monde plus démocratique sur les ruines des différentes guerres chaudes et froides. Bien entendu, une multitude de nouvelles menaces et de contre-développements sont apparus, tels que la mondialisation des conflits autour des ressources naturelles et les réactions des différents gouvernements à certains événements, comme le 11 septembre. En outre, on a pu observer la démocratisation faire marche arrière dans plusieurs pays que nous commencions à considérer comme libres ou partiellement libres. Certains droits réservés : vocesbolivianas Cela étant dit, il est très intéressant de constater que la plupart des pays du monde (ou tout du moins leur population) essaient à leur tour de mettre en pratique les principes de démocratie représentative moderne, souvent consacrés dans leur constitution : en Europe, en Amérique, en Asie, en Océanie, en Afrique, c’est-à-dire dans le monde entier, l’idée de participation civique aux affaires publiques a réalisé des avancées considérables dès les premières années du nouveau millénaire. Référendum de Taiwan sur le premier casino (Octobre 2009) Alors que l’utilisation des instruments de démocratie directe à l’échelle mondiale a été façonnée par une succession de référendums venant défier le pouvoir en Asie, en Europe et en Amérique latine, un grand nombre de ces votes ont été lancés par les dirigeants et se sont mués en échecs plébiscitaires, tandis que d’autres n’ont pu être validés en raison de limitations et d’obstacles majeurs posés au cours du processus. Au Venezuela, à Taïwan, en Hongrie, en Irlande et en Bolivie par exemple, les présidents et les gouvernements en place ne sont pas parvenus à rassembler une majorité autour de leurs propositions politiques. Lorsque le président vénézuélien Hugo Chavez commença par perdre, puis finit par gagner un plébiscite visant à renforcer ses pouvoirs, une tentative similaire au Honduras se solda par un coup d’état en juin 2009. À Taïwan, deux initiatives populaires en faveur d’un rapprochement de l’ONU ne parvinrent pas à obtenir le quorum de participation et leurs résultats positifs furent invalidés. En Hongrie, deux initiatives citoyennes visant à contrer un projet gouvernemental relatif aux frais médicaux et aux droits d’entrée à l’université provoqua une fracture au sein de la coalition sociale-libérale du premier ministre Ferenc Gyurcsany et aboutit plus tard, mi-2010, à un impressionnant retour en force de la droite conservatrice rassemblée autour de Victor Orban. De récents événements ont provoqué une nouvelle vague d’initiatives et de référendums locaux et régionaux importants, comme en Allemagne, où la population berlinoise a pu voter pour la toute première fois sur une question de fond. En réalité, bien qu’il s’agisse de l’une des dernières nations modernes au monde à ne jamais s’être prononcée sur une question de fond au niveau national, l’ Allemagne a conféré à ces citoyens des droits d’initiative et de référendum à tous les autres niveaux de la politique dès la réunification. Et alors que la mentalité démocratique du pays le plus peuplé d’Europe gagne en maturité, cet événement a participé à l’introduction de la première procédure de démocratie directe dans les traités de l’UE (vous en saurez plus dans le prochain chapitre de ce guide). Commençons par examiner brièvement les derniers événements qui se sont déroulés en Allemagne, un pays qui a vu au cours de l’été 2010, se succéder deux référendums régionaux importants : la Bavière a ainsi soutenu une initiative citoyenne appelant à renforcer la législation antitabac et les Hambourgeois ont rejeté une nouvelle loi sur la scolarité lors d’un scrutin impressionnant. Contexte : une démocratie représentative réellement moderne Zoom 4 La démocratie directe moderne en Allemagne Les régions de Hesse et de Bavière sont les seules à disposer d’un référendum constitutionnel obligatoire (suivant le modèle suisse et américain) : toute modification de la Constitution de l’État doit être ratifiée directement par la population. À Brême, jusqu’en 1994, la règle voulait qu’un amendement constitutionnel soit soumis au vote des citoyens s’il n’était pas validé à l’unanimité par le Parlement. Six états disposent d’une initiative de définition de l’agenda ne déclenchant pas de vote populaire. Le gouvernement allemand actuel a accepté d’introduire une forme d’initiative similaire (bien que plus faible) au niveau fédéral. Tous les états allemands disposent d’initiatives citoyennes et de votes populaires sur des questions de fond (baptisées « Volksbegehren » et « Volksentscheide »). Dans toutes les régions, à l’exception de la Hesse et de la Sarre, l’initiative peut porter sur les questions relatives à la Constitution. Cependant, un certain nombre de sujets sont « interdits » : les initiatives portant en grande partie sur le budget de l’État, sur les impôts, sur le droit d’accise ou sur d’autres droits et sur les salaires des hauts fonctionnaires ne sont pas admissibles (ce que l’on appelle le « tabou financier »). L’exclusion de ces questions mène souvent devant un tribunal. Les citoyens de Hambourg et du Brandebourg sont les plus fréquents utilisateurs de ce droit; au Brandebourg cependant, aucun vote populaire n’a eu lieu, car aucune des initiatives n’a encore satisfaisait aux exigences de qualification, en raison en partie d’une interdiction de la collecte libre de signatures. À cause de leurs procédures très strictes et prohibitives, le Bade-Wurtemberg, la Sarre et le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale n’ont jamais organisé de vote populaire. Sur les 18 votes populaires émanant des citoyens, la plupart se sont tenus à Hambourg et en Bavière. Les plus récents sont une initiative pour le renforcement de la législation anti-tabac (en Bavière) et un référendum sur une réforme de la scolarité (à Hambourg). Il est à noter que les procédures allemandes de démocratie directe ne différencient pas les initiatives de proposition et les référendums abrogatifs : l’instrument d’initiative peut être utilisé à ces deux fins. 39 La vague de réformes en faveur de la démocratie directe en Allemagne se divise en deux phases : entre 1990 et 1998, des procédures de démocratie directe ont été mises en place dans tous les états, et ont fait l’objet de réformes dans certains cas. La seconde phase, toujours en cours, s’inscrit dans une tendance en faveur de débats autour de réformes parlementaires mineures et de réformes de dispositions, principalement des modifications sélectives de quorums ou de délais (bien que des réformes à plus grande échelle aient été menées ces dernières années en Rhénanie du Nord-Westphalie, en Thuringe et en Rhénanie-Palatinat). Dans le même temps, le pays connaît des évolutions négatives : les résultats de certains votes populaires ont été ignorés par les parlements (Hambourg, Schleswig-Holstein) et dans les années 1990, certaines décisions judiciaires ont bloqué l’expansion de la démocratie directe. Mais les décisions populaires les plus récentes en Bavière et à Hambourg ont stimulé toutes les forces qui souhaitent habiliter les citoyens à se prononcer également au niveau fédéral, un mouvement paralysé jusqu’alors par les chrétiens-démocrates (CDU/CSU). Or leur soutien est nécessaire, car la mise en œuvre de ces instruments requiert un amendement à la Constitution fédérale et donc une approbation par les deux tiers du Parlement. La première tentative date du début des années 1990 (au cours de la révision de la Constitution suite à la réunification de l’Allemagne) et s’est soldée par un échec ; la seconde s’est déroulée en 2002 sous l’impulsion du gouvernement de coalition des sociaux-démocrates et des Verts. La proposition a été approuvée par une majorité au Parlement, mais par moins des deux tiers requis. Alors que tous les sondages d’opinion indiquent qu’une majorité évidente et stable (plus de 75 %) se prononce en faveur d’une démocratie plus représentative en Allemagne, une minorité des représentants continue à bloquer la réforme de partage du pouvoir. Sources : Guide de la démocratie directe IRI 2008, remerciements particuliers à : Theo Schiller, Institut européen sur l’initiative et le référendum. Plus d’informations sur : www.mehr-demokratie.de 40 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Aujourd’hui, l’Allemagne n’est pas le seul pays d’Europe où se déroule un débat intense sur le rôle et les perspectives de la démocratie directe moderne en tant que partie intégrante d’un système représentatif. Il s’agit plus qu’une simple discussion. De nombreuses réformes concrètes et pratiques sont en perspective, comme en Suède, où la nouvelle constitution qui entrera en vigueur début 2011 introduira un authentique droit d’initiative citoyenne locale et régionale ; ou en Bulgarie, où le Parlement a accepté de mettre en place toute une série de droits d’initiative et de référendum à tous les niveaux de la politique en 2010. La question qui subsiste n’est pas de savoir SI oui ou non le droit d’initiative citoyenne doit exister, mais COMMENT concevoir ces (nouveaux) instruments de participation pour qu’ils soient efficaces et axés sur les citoyens ; COMMENT les utiliser pour promouvoir et/ou enrayer certaines questions de fond et certains agendas politiques ; et COMMENT soutenir intelligemment les procédures et pratiques de démocratie directe moderne à l’aide d’une infrastructure pertinente et riche en ressources. Ces trois questions sont au centre des travaux visant à assurer le succès de l’initiative citoyenne européenne. Elles seront abordées de manière plus approfondie dans les prochains chapitres de ce manuel. Avant de nous consacrer à l’initiative citoyenne européenne, commençons par examiner l’univers en pleine expansion de la démocratie directe moderne afin d’évaluer brièvement les possibilités et les limites de la participation citoyenne dans le monde. En cette deuxième décennie du XXIe siècle, un nombre toujours croissant de citoyens s’expriment, ajoutent leurs propres préoccupations à l’agenda politique et s’engagent dans le processus décisionnel sur des questions de fond. Au cours des 25 dernières années, la démocratie participative a connu un véritable essor. Plus de la moitié de tous les référendums et plébiscites jamais organisés l’ont été au cours de cette période et peu de pays ne disposent d’aucune forme de participation démocratique directe au niveau national ou régional. Neuf pays ou territoires sur dix dans le monde disposent d’un ou de plusieurs instruments de démocratie participative moderne, qu’il s’agisse d’un véritable droit démocratique direct d’initiative et de référendum, ou de la possibilité de destituer des représentants élus avant la fin de leur mandat (révocation) ou de tenir un plébiscite (un référendum organisé intégralement par le gouvernement ou le président), instrument plutôt au service des dirigeants que des citoyens. 2.4 Perspective globale : des contextes défavorables et des conceptions inadaptées posent encore problème La tendance est incontestable : les instruments de démocratie directe sont des éléments essentiels de la démocratie représentative actuelle. En raison de conditions défavorables comme la restriction de la liberté d’information, l’absence de liberté d’expression ou des procédures de démocratie directe irréalisables, ces instruments ne sont pas toujours considérés comme un complément positif à la démocratie représentative, mais plutôt comme son principe rival, voire comme une menace. Par exemple, si un quorum de participation de 50 % est nécessaire pour que le résultat d’un référendum soit validé (c’est-à-dire qu’au moins la moitié des électeurs inscrits doit avoir pris part au vote), les campagnes habituelles pour le « oui » et pour le « non » s’accompagnent fréquemment d’appels au boycott. Si le boycott est suivi, les « non-votants » seront concrètement comptés avec les « non », le quorum de participation ne sera pas atteint et l’issue démocratique sera biaisée (le résultat du vote sera invalidé malgré le « oui » d’une majorité évidente des votants). Il peut également arriver que des régimes manifestement non démocratiques exploitent le plébiscite pour tenter de manipuler l’opinion et le processus décisionnel en organisant un vote populaire « descendant » (et en en profitant parfois pour passer outre un parlement élu). D’autres problèmes peuvent se poser également lorsque des groupes d’intérêts financièrement très puissants exploitent les lois sur l’initiative et le référendum en l’absence de dispositions compensatoires qui pourraient contribuer à garantir le caractère libre et équitable de la procédure de référendum. En 2010, des dizaines de votes populaires nationaux ont eu lieu, portant le nombre total de votes populaires à 1.516 (depuis 1793, lorsque six millions de citoyens français ont eu pour la toute première fois l’occasion de voter leur nouvelle Constitution nationale). Ces votes traitaient de sujets très différents : le plan de remboursement de la dette en Islande (6 mars), une initiative populaire pour l’institution de procureurs spécialisés dans la protection des animaux en Suisse (7 mars), un référendum en Slovénie sur l’intervention de l’UE dans la résolution d’un conflit territorial (6 juin) ainsi que les nouvelles constitutions du Kenya (4 août) et de la Turquie (12 septembre). Les initia- 41 Contexte : une démocratie représentative réellement moderne Tableau 2 – Pratiques dans le monde : votes populaires nationaux sur des questions de fond – par période et par continent (1793-2010) Période Europe Asie Amériques Océanie Afrique Total Moyenne 1793-1900 58 0 3 0 0 61 0,6 1901-1910 14 0 0 4 0 18 1,8 1911-1920 21 0 3 5 0 29 2,9 1921-1930 36 1 2 6 0 45 4,5 1931-1940 40 0 7 6 0 53 5,3 1941-1950 36 2 3 11 0 52 5,2 1951-1960 38 13 3 5 9 68 6,8 1961-1970 44 22 4 7 19 96 9,6 1971-1980 116 50 8 14 34 222 22,2 1981-1990 129 30 12 7 22 200 20,0 1991-2000 235 24 76 15 35 385 38,5 2001-2010 157 28 39 20 32 276 30,0 Total 924 170 160 100 151 1.516 7,0 Part en % 60,9 11,8 10,5 6,6 10,2 100 tives et les référendums sont devenus monnaie courante parmi les votes populaires sur les questions de fond ou pour le choix de partis/candidats aux élections. demandes en faveur de l’élargissement des possibilités de vote populaire sur des questions de fond. Asie-Pacifique En Corée, une série d’événements et d’idées au niveau national et international, tels que l’accord de libre-échange avec les États-Unis et des projets de construction d’un système transnational de canaux, ont été suivis de demandes pressantes en faveur d’une démocratie plus participative. Taïwan a connu un épisode similaire, lorsqu’un accord de libre-échange avec la Chine s’est soldé par des campagnes de collecte de signatures pour le déclenchement d’un vote populaire. Les Philippines et la Thaïlande les procédures de démocratie directe moderne existantes, telles que l’initiative citoyenne et le référendum constitutionnel obligatoire, ont fait l’objet d’un débat sur la réforme démocratique, tandis que ces dernières années en Inde, plusieurs états et agglomérations ont introduit de nouvelles formes de démocratie participative (mais pas encore directe). L’ Asie lutte pour renforcer sa démocratie après une période de règne autocratique, comme en Thaïlande, en Malaisie et au Bangladesh. Malgré les importantes forces qui s’y opposent, la démocratisation de la démocratie asiatique présente un énorme potentiel. Certains pays et régions, tels que la Corée, Taïwan, Hong Kong, les Philippines, le Japon, l’Indonésie et l’Inde, sont à surveiller de près car de récents processus électoraux s’y sont également accompagnés de propositions et de Les nouvelles expériences menées au niveau territorial peuvent également favoriser un processus de réforme au niveau fédéral. Plus loin en direction du sud-est, plusieurs pays océaniques possèdent un large éventail de dispositions démocratiques directes, notamment des initiatives populaires en Nouvelle-Zélande et des référendums constitutionnels obligatoires en Australie. Cependant, les expériences les plus pratiques ont été menées sur de petits États insulaires tels que Palaos, Les chiffres ci-dessus reflètent uniquement les votes populaires sur des questions de fond menés au niveau national et comportent donc certaines limites. On peut toutefois constater que l’utilisation des instruments de démocratie directe se généralise. Cela est d’autant plus vrai que les chiffres ci-dessus ne représentent que le sommet de l’iceberg : par exemple, ils ne couvrent pas les pratiques d’initiative et de référendum au niveau des états fédéraux dans des pays comme l’Allemagne et les États-Unis. Examinons de plus près le rôle que jouent les initiatives et les référendums dans le reste du monde . 42 Manuel de l’initiative citoyenne européenne © Bruno Kaufmann Tokelau et sur le territoire outremer français de la Nouvelle-Calédonie, où les questions du statut d’autonomie postcoloniale et de l’indépendance sont soumises à la décision de l’électorat. L’ancien gouverneur Schwarzenegger en campagne représentatif. Cette déception contribua à l’émergence de la démocratie directe en Amérique latine, à l’exemple des événements en Suisse pendant la seconde moitié du XIXe siècle et aux États-Unis à l’aube du XXe siècle. Seuls quelques pays comme la Bolivie, le Venezuela ou l’Équateur virent se répandre des exigences populaires fortes en faveur de la démocratie directe. Bien que ces mêmes pays soient gouvernés par des présidents autoritaires plus intéressés par la participation citoyenne plébiscitaire (descendante). En somme, la plupart des nouvelles constitutions adoptées depuis la fin des années 1980, incluaient des droits de démocratie directe et ont été validées par un vote populaire. Afrique Amériques De l’autre côté de l’Océan Pacifique, plusieurs états américains (voir tableau 2) ont été les témoins de la mise en pratique des systèmes de démocratie directe moderne bien établis mais également des importantes controverses qu’ils suscitent. En effet, la situation économique défavorable, qui règne sur une grande partie du territoire, a été imputée par certains commentateurs à la participation citoyenne. Cependant, dans certains états de l’est, comme le Connecticut et New York, les mouvements en faveur du renforcement et de l’établissement d’instruments d’initiative et de référendum semblent croître. Plus au nord, les citoyens de la province canadienne de Colombie-Britannique se sont prononcés pour la seconde fois en quatre ans sur une proposition de réforme électorale, qui visait à transformer le scrutin uninominal majoritaire à un tour similaire au système britannique alors en vigueur en système de vote unique transférable. Cette fois encore, la réforme a été rejetée. En Ontario, un processus semblable en faveur d’un système de représentation proportionnelle mixte a mené à un référendum en 2007. Lors de ce vote historique (le premier vote populaire sur une question de fond dans cet État depuis 1921), les citoyens ont choisi le statu quo. Le système en place de scrutin uninominal majoritaire à un tour a obtenu 63,3 % des suffrages, pour une participation de 53 %. En Amérique latine, les années 1980 ont été marquées par le retour à un gouvernement civil après le long règne des régimes militaires autoritaires. La population espérait que la démocratie représentative servirait mieux leurs intérêts, espoir déçu par les partis politiques et le gouvernement Sur le continent africain, deux votes populaires importants ont fait les gros titres des journaux : le référendum kenyan sur la nouvelle Constitution fin 2010 et celui sur l’indépendance du SudSoudan, prévu de longue date pour janvier 2011. Beaucoup de pays africains ont hérité de certains principes de base et formes de démocratie directe des anciennes puissances coloniales. En particulier la plupart des anciennes colonies françaises d’Afrique de l’Ouest, où les votes populaires émanant « d’en haut » (plébiscites à la française) font partie des dispositions constitutionnelles, et aussi – même si plus rarement – de la pratique politique. Mais l’institution généralisée des référendums contribue de manière considérable à la stabilisation de la démocratie, notamment en Afrique du Sud, en République démocratique du Congo, en Zambie et à Madagascar. Au nord, des dirigeants islamiques puissants ont utilisé le référendum à mauvais escient à de nombreuses reprises. En 2007, le président égyptien Hosni Moubarak a donné sept jours seulement à la population pour débattre et se prononcer sur une liste de 34 amendements à la Constitution. Moins de 30 % des électeurs inscrits ont participé au plébiscite. Malgré ces événements, qui dépassent le cadre de la liberté et de la justice, une grande partie des Africains prévoient la généralisation dans un avenir proche des instruments de démocratie directe. Organisation intergouvernementale à l’échelle régionale rassemblant cinq États membres, la Communauté d’Afrique de l’Est planifie un référendum transnational sur la création d’une union politique en Afrique orientale. Le Conseil panafricain et l’association All-African People’s Contexte : une démocratie représentative réellement moderne Organisation envisagent, quant à eux, un événement de grande envergure : l’appel à un vote populaire panafricain sur un gouvernement d’union pour 53 états et plus de 800 millions d’habitants. Un jeu avec d’importants acteurs La généralisation et la mise en pratique des procédures de démocratie directe sont un défi pour les différents acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux concernés, car ils ont besoin de s’adapter à ces évolutions dans le cadre de la démocratie représentative. Parmi ces acteurs, on trouve : les pouvoirs publics et les administrations impliqués dans la gestion des procédures de démocratie directe ainsi que dans les débats en cours sur le potentiel et les limites de ce type de démocratie ; les parlements et les partis politiques jouant un rôle important dans la préparation et la promulgation de la législation et des réglementations relatives au processus d’initiative et de référendum ; les tribunaux et les professions juridiques qui évaluent l’utilisation des instruments de démocratie directe ; Zoom 5 Les think-tanks de la démocratie directe Au fur et à mesure de la généralisation de l’utilisation des instruments de démocratie directe en Europe et dans le monde, sont nées de nouvelles structures de soutien ayant pour objectif de documenter les processus, d’éduquer et de conseiller sur ce sujet. Outre ces groupes de réflexion, des réseaux militants spécialisés, des institutions universitaires et des organes administratifs ont également été constitués, offrant ainsi ressources et connaissances à profusion. Fondé en 2001 à Amsterdam, l’Institut européen sur l’initiative et le référendum (IRI Europe, www.iri-europe.org) est le premier think-tank européen à se consacrer à la démocratie directe. Sa principale mission est de nourrir la réflexion sur les aspects théoriques et pratiques de la démocratie directe parmi les politiciens, les médias, les ONG, les universitaires et le public à travers toute l’Europe. L’IRI Europe est un groupe de réflexion indépendant, non partisan et sans but lucratif. Son siège a déménagé en 2005 à Marbourg, en Allemagne. 43 les think-tanks et les prestataires de services qui sont des organismes professionnels indépendants ou engagés contractuellement et dont la mission est de veiller à ce que d’autres groupes professionnels soient mieux informés dans leur approche des procédures de démocratie directe ; les chercheurs universitaires et les professionnels des médias, acteurs clés de l’observation, de l’analyse, de l’étude et du commentaire des événements liés à la démocratie directe. Comme l’illustrent les pays où sont apparus des votes populaires, les groupes au sein de la société civile sont souvent les experts les plus motivés pour faire avancer le développement des instruments démocratiques et pour les utiliser fréquemment et avec enthousiasme. Une interface efficace et un dialogue de qualité entre la société civile et les autorités sont donc deux aspects extrêmement importants. Dans le monde entier, émergent de plus en plus de groupes qui se consacrent au soutien, à la promotion et à la diffusion des instruments de démocratie directe, certains bénéficiant d’une expérience pratique considérable, tels que l’Institut européen sur l’initiative et le référendum et ses partenaires dans l’Europe et dans le monde. Depuis sa création, l’IRI a apporté son aide et ses conseils aux rédacteurs de la Constitution de l’UE, tout d’abord lors de la Convention, puis au sein des institutions et des États membres européens, et finalement auprès des électorats de toute l’Europe, dans le but de saisir l’opportunité de développer des outils démocratiques à la fois thématiques et paneuropéens. L’ICE, sur le point d’être mise en place, est l’un des aboutissements clés de ce travail. Le matériel pédagogique et informatif d’IRI Europe comprend : des manuels, des guides, des outils pour des votes populaires libres et équitables et du matériel destiné aux écoles. Pour tous ces projets, il coopère étroitement avec ses partenaires issus de la société civile, d’institutions gouvernementales et d’intervenants d’envergure internationale. Dépassant ses préoccupations européennes, l’institut a développé un réseau de dans le monde entier et ses experts ont participé à l’élaboration d’une base de données internationale [www.iri-navigator. org] recensant les mécanismes de démocratie directe, ainsi qu’un guide sur la démocratie directe destinés aux praticiens des gouverne- 44 Manuel de l’initiative citoyenne européenne ments, des parlements, des partis politiques, des médias, des universités et de la société civile, préparé et publié par l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale. Les plus proches partenaires de l’IRI Europe sont l’Initiative and Referendum Institute de l’Université de Californie du Sud à Los Angeles [www.iandrinstitute.org] et l’Institut asiatique sur l’initiative et le référendum [www.iri-asia. net]. Par ailleurs, de nombreux organismes de soutien et d’assistance à la démocratie ont constitué leurs propres centres de compétence et groupes de travail sur la démocratie participative, par exemple la Fondation coréenne pour la démocratie (Korea Democracy Foundation) [www.kdemocracy.or.kr] et la Fondation taïwanaise pour la démocratie (Taiwan Foundation for Democracy) [www.tfd.org.tw] en Asie, la fondation Citizens in Charge [www.citizensinLe principe fondamental de la démocratie représentative moderne est d’atteindre une souveraineté populaire maximale dans des systèmes politiques à plusieurs niveaux extrêmement complexes. En d’autres termes, les instruments de définition de l’agenda et de prise de décision doivent garantir, de plein droit et dans les faits, que les personnes devant obéir à certaines règles et lois communes, ont eu la possibilité d’influencer l’élaboration de ces mêmes règles – et ont le droit de les modifier et de les améliorer à tout moment. Dans un tel système, la démocratie représentative doit représenter au mieux l’ensemble des différents intérêts et préférences, ce qui, comme nous le savons aujourd’hui, n’est pas entièrement possible avec une démocratie uniquement indirecte (ou du reste uniquement directe). Comme nous venons de le voir dans ce chapitre, l’augmentation du nombre de procédures de démocratie directe et le renforcement de leur mise en pratique sont fondamentalement destinés à rendre la démocratie représentative réellement représentative. Alors que cette analyse est pertinente aux niveaux local, régional et national, nous entrons dans une ère où le premier droit démocratique direct au niveau transnational de l’Europe est sur le point d’être mis en place et utilisé : l’initiative citoyenne européenne. Les expériences menées au niveau européen et mondial nous enseignent qu’il faut envisager une réforme d’une telle importance dans sa globalité. Il ne suffit pas d’en analyser ou d’évaluer un seul aspect, comme les dispositions ou la pratique en tant que telles ; nous devons exa- chargefoundation.org] et New America [www. newamerica.net] aux États-Unis, ainsi que des organisations gouvernementales internationales, telles que le Conseil de l’Europe [www. coe.int] et l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale [www.idea.int]. À travers l’Europe, de nombreux organismes ont été constitués dans le but de promouvoir et/ ou de mener des études sur la démocratie directe. On compte notamment l’ONG allemande Mehr Demokratie [www.mehr-demokratie.de], le Centre suisse de recherche sur la démocratie directe [www.c2d.ch] et le réseau militant transnational Democracy International [www. democracy-international.org]. Pour une liste complète des think-tanks et autres organismes se consacrant à la démocratie directe, reportezvous au chapitre « Ressources » de ce manuel. miner ces deux aspects simultanément tout en explorant le contexte afin d’identifier les possibilités et les limites d’une infrastructure de soutien. Dans ce chapitre, nous avons examiné l’augmentation de l’usage des initiatives et des référendums et nous avons défini une meilleure interprétation de la démocratie directe moderne, ainsi que les types et les formes qu’elle peut adopter. Il est intéressant de noter que l’environnement et les priorités véritablement « vertes » font partie des questions les plus importantes et les plus urgentes ayant fait l’objet de procédures de démocratie directe en Europe et dans le monde. 2.5 Problèmes courants, nouvelles solutions : les priorités vertes et l’importance d’impliquer la population En Suisse et aux États-Unis, les problèmes environnementaux dominent l’ordre du jour de la démocratie directe depuis des dizaines d’années. Au-delà des intérêts partisans bien établis, souvent liés étroitement à d’importants intérêts commerciaux et financiers, les instruments de démocratie directe sont un moyen de mobiliser les nouvelles générations de citoyens actifs. Les questions environnementales ayant conduit à des initiatives citoyennes incluent, par exemple, le développement de l’énergie nucléaire (avec des dizaines de votes populaires en Suisse et aux États-Unis depuis la fin des années 1970), la 45 © Bruno Kaufmann Contexte : une démocratie représentative réellement moderne Lac Baïkal – point de convergence de la démocratie directe moderne en Russie promotion du transport par voie ferroviaire, notamment pour le fret avec l’ajout de redevances pour les poids lourds, et la protection des droits à l’eau. Cette dernière question s’est élevée au rang de préoccupation mondiale avec des initiatives populaires en Uruguay ou au niveau local en Suède. L’exploitation « verte » de la démocratie directe dévoile un autre aspect important de la dynamique d’initiative : la plupart du temps, les propositions citoyennes s’attaquent à un problème ou à un enjeu que la majorité de la population identifierait effectivement comme tel. Lorsqu’il s’agit d’organiser des votes populaires sur une résolution prise auparavant par une autorité élue (comme un parlement), les intérêts environnementaux prennent souvent le dessus, bien que l’« autre » dispose pour la campagne, de ressources matérielles et financières plus importantes. Partout dans le monde, la privatisation des ressources naturelles, promue par des intérêts privés qui font pression au sein et hors des organes législatifs, est freinée par le « non » émis par la population. Les initiatives pro-environnementales peuvent par ailleurs, même avec le soutien majoritaire du public, éprouver des difficultés à obtenir la majorité lors de votes populaires. Ce phénomène est dû à la dynamique bien connue de formation d’opinion. Un problème identifié par une initiative citoyenne, le transport routier des marchandises par exemple, est en général considéré problématique par la majorité des gens. Mais quand vient la proposition d’une solution, cette majorité peut disparaître aussi vite car il est toujours plus facile de tomber d’accord et de mobiliser les gens contre un fait existant que de trouver un accord sur une situation nouvelle. De plus, de nombreuses procédures de démocratie directe, de par leur conception, ne permettent pas à un petit groupe de personnes de convaincre un groupe plus important, juste en diffusant et en débattant de leurs opinions. Une démocratie directe constructive ne devrait donc pas servir à éviter facilement ou à bricoler rapidement des solutions à des problèmes, mais promouvoir des processus adaptés d’apprentissage collectif. Ce que peut offrir une démocratie directe moderne est un reflet bien plus précis de la réalité, d’où une démocratie bien plus représentative alors qu’un système uniquement indirect protège les intérêts particuliers car il est plus facile « d’acheter » quelques centaines de législateurs et de hauts fonctionnaires que de convaincre des millions de citoyens. Pour les véritables questions d’écologie, la démocratie directe moderne est donc un outil nécessaire permettant d’inscrire ces préoccupations dans l’agenda politique et de les soumettre à des votes populaires largement débattus et soigneusement préparés. 46 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Lorsqu’il s’agit de débattre de problèmes tels que les énergies d’avenir, l’utilisation des ressources naturelles et les modes de transport durables, entre autres, non seulement les démocraties indirectes s’avèrent en général dysfonctionnelles, mais surtout le niveau national est inadéquat pour ces enjeux qui dépassent les frontières. Il n’est donc pas surprenant que l’Europe et l’Union européenne soient devenues un haut lieu de discussion sur les enjeux environnementaux, un phénomène compris et approuvé même par les traditionnels critiques du processus d’intégration européenne. Pour cette raison, la combinaison d’une démocratie transnationale et d’une démocratie directe, incarnée par la nouvelle initiative citoyenne européenne, est innovante et arrive à point nommé. Dans les chapitres suivants, nous examinerons de plus près la création de ce nouvel instrument et les meilleures pistes à suivre, pour les citoyens actifs et les professionnels de toute l’Europe. Analyse : l’entrée en scène des Européens 47 3. Analyse : l’entrée en scène des Européens 3.1 Un jeudi ensoleillé de juin 2003 à Bruxelles Le jeudi 12 juin 2003 était une belle journée ensoleillée ! Après un printemps maussade, les Bruxellois retrouvaient avec plaisir les nombreuses terrasses de la ville. Place du Luxembourg, devant le Parlement européen, les membres de la Convention sur l’avenir de l’Europe, institution chargée d’élaborer le premier projet de constitution pour l’Union européenne, s’étaient rassemblés pour un apéritif d’adieu à l’issue de 16 mois de travail. Au même moment, à l’intérieur du bâtiment, le présidium de la Convention, dirigé par l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing, se réunissait pour la toute dernière fois. Le lendemain 13 juin, le Conseil européen devait recevoir la proposition de Constitution finale, à une semaine seulement de son sommet de Thessalonique. Si les réunions de la Convention européenne étaient ouvertes au public, le puissant présidium, à qui revenait la validation de toutes les propositions, délibérait quant à lui à huis clos. À 16h12 ce jeudi après-midi, à la grande surprise des observateurs, l’ Agence France Presse publiait la dépêche suivante : « Ultimes retouches au projet de Constitution (...) introduisant notamment un droit d’initiative populaire ». Trois heures plus tard, lors © istockphoto.com d’une conférence de presse au Parlement, où la Convention menait ses travaux depuis février 2002, Valéry Giscard d’Estaing confirmait cet événement historique. À 19h57, l’agence de presse allemande DPA rapportait : « Le présidium de la Convention ajoute l’initiative citoyenne au projet de constitution. (...) Les propositions législatives devront être faites par un million de citoyens de plusieurs États membres. » Un moment décisif bien sûr ! Si le présidium de la Convention n’avait pas validé cet ultime amendement, nous n’aurions pas aujourd’hui la chance de participer à l’écriture d’un nouveau chapitre de l’histoire de la démocratie moderne et mettre en place le tout premier instrument de démocratie directe transnationale : l’initiative citoyenne européenne. Mais comment sommes-nous arrivés à ce 12 juin 2003 ? Comment cette proposition, considérée la veille encore comme une idée « utopique », a-t-elle pu devenir réalité, pour qu’aujourd’hui un continent entier soit sur le point d’accorder à chacun de ses électeurs, le pouvoir de définir au niveau transnational les actions à entreprendre ? Très souvent dans l’histoire, des événements importants engendrent de nouveaux principes démocratiques. La Révolution américaine de 1787 a donné naissance à un système politique inédit, mais également à une Constitution fédérale 48 Manuel de l’initiative citoyenne européenne © Parlement Européen qui aujourd’hui encore restreint la participation directe des citoyens à la définition de l’agenda et à la prise de décision. Aux États-Unis, vous pouvez encore rencontrer des personnes très sensées qui affirment qu’un gouvernement de type républicain et une forme de pouvoir des citoyens sont incompatibles. Quelques années plus tard, la Révolution française a donné lieu à une Constitution innovante, immédiatement sapée par une contre-révolution et par le retour en force d’un système politique descendant, laissant la tenue de votes populaires à la seule discrétion du pouvoir exécutif. Plus récemment, des révolutions comme celles des Philippines (1987) et de l’Allemagne (1989) se fondaient sur « le pouvoir des citoyens », un principe qui s’est traduit par des réformes démocratiques majeures. Mais aujourd’hui, une minorité au Parlement allemand continue à faire obstruction au remplacement de la Loi fondamentale (ouest-allemande) par une Constitution propre à toute l’ Allemagne et à l’introduction du droit au vote populaire sur des questions de fond au niveau fédéral. Aux Philippines, le principe de « pouvoir des citoyens », venu à bout d’un régime autoritaire vieux de plusieurs décennies, a si mal conçu ses instruments de démocratie directe qu’ils sont inapplicables. Les fondateurs de la Convention européenne en 2002 Lorsque Valéry Giscard d’Estaing, « père fondateur » de la « Constitution européenne », a validé la transition vers des principes démocratiques modernes au niveau transnational, de nombreux observateurs ont manifesté leur surprise, mais aussi leur scepticisme : en pratique, allait-on pouvoir impliquer réellement les Européens ? Surprise justifiée par la méconnaissance des idées à l’origine de cette décision, couplée de doutes quant à son avenir immédiat. Pourtant aujourd’hui, nous sommes à l’étape suivante : le passage de la théorie à la pratique. Ce chapitre propose, d’une part la rétrospective des réflexions et de l’agenda qui ont précédé l’avancée capitale de 2003 et de l’autre, celle des années fascinantes qui suivirent et qui furent marquées par le lancement d’initiatives citoyennes pilotes au niveau de l’Union européenne. Séduisant des millions de citoyens, ce nouvel instrument leur a permis d’engranger une expérience précieuse, mise à profit aujourd’hui dans la finalisation des principales règles de procédure de l’initiative citoyenne européenne. De l’idée au principe Avant d’examiner de plus près l’élaboration de l’initiative citoyenne européenne, intéressonsnous à la relation entre démocratie moderne et intégration européenne. Dès le milieu du XXe siècle, alors que l’Europe essayait de renaître de ses cendres, après deux guerres mondiales, le nazisme et le stalinisme, il n’apparaissait pas clairement que la réconciliation et la démocratisation transnationales devaient être menées uniquement par les élites et les États membres. En réalité, le premier organisme paneuropéen fondé après la Seconde Guerre mondiale, baptisé Conseil de l’Europe, avait pour vocation d’établir une politique au caractère authentiquement transnational, basée sur la souveraineté des citoyens. Cependant, la méfiance des élites vis-à-vis d’une forme de démocratie plus directe, le scepticisme des pays nordiques et de la Grande-Bretagne à l’égard de l’Europe continentale et enfin la fracture entre l’Est et l’Ouest, symbolisée plus tard par le mur de Berlin, barrèrent la route à une Union européenne démocratique. Pour pouvoir envisager à nouveau ce principe fondamental, il fallut emprunter un détour de quarante ans à travers des accords économiques, des traités à structure descendante et l’établissement d’un marché commun en Europe occidentale, jusqu’à la chute du mur de Berlin en novembre 1989. Nous ne laissons pas forcément aux idées le temps de mûrir jusqu’à l’état de principe et de pratique. Sans être mort-nés, des concepts essentiels, tels que l’implication directe des citoyens dans la définition de l’agenda et la prise de décision, passent souvent par une étape de « clandestinité ». Dès 1949, alors que débutaient les discussions sur la création de la Communauté du charbon et de l’acier, le président français Charles de Gaulle déclarait qu’à son avis : « l’organisation de l’Europe doit émaner de l’Europe elle-même. J’estime que c’est un vaste réfé- Analyse : l’entrée en scène des Européens rendum de tous les Européens libres qui doit lui donner le départ ».6 Un référendum sur l’Europe comme acte fondateur d’une Europe politique ! C’est précisément ce que se figurait Altiero Spinelli, partisan italien du fédéralisme européen, lorsqu’il proposa en 1964 la création d’une Constitution européenne ratifiée directement par les citoyens.7 Mais les partisans de ces idées durent prendre leur mal en patience et attendre une période propice à l’émergence d’une démocratie directe transnationale. Lorsqu’il ne fit plus aucun doute que l’ancestrale division européenne (qui ralentissait l’avancée de la démocratie à l’Ouest et la paralysait à l’Est) était sur le point de disparaître, on proposa l’introduction d’éléments de démocratie directe au niveau européen. Dès 1988, le Parlement européen et d’autres institutions européennes ont adopté des résolutions destinées à offrir des « modes de consultation des citoyens européens à propos de l’UE » (JO C 187/231). Ces résolutions, généralement formulées en termes vagues, faisaient référence à des concepts tels qu’ « une stratégie parallèle permettant à la volonté populaire de s’exprimer (...) par l’intermédiaire d’un référendum d’initiative populaire »,8 ainsi qu’à l’introduction de consultations populaires/sondages d’opinion à l’échelle européenne. En décembre 1993, la Commission sur les libertés publiques et les affaires domestiques du Parlement européen manifesta son soutien à l’introduction d’un « référendum législatif européen »9 et à la possibilité de votes citoyens sur les « décisions communautaires ».10 Le Parlement européen donna l’impulsion nécessaire à l’introduction d’un droit officiel des citoyens européens à soumettre une initiative abordée pour la toute première fois en amont et pendant la conférence intergouvernementale d’ Amsterdam au milieu des années 1990. Une autre contribution très concrète émana également de la société civile : « le réseau eurotopia, réseau pour la démocratie directe transnationale en Europe » qui faisait partie des nombreuses initiatives nées des profondes mutations démocratiques et géopolitiques dans les années 6 7 8 9 10 49 1990. Originaires de différents pays européens, ses membres se réunissaient tous les six mois pour débattre des propositions et des perspectives d’une Constitution européenne impliquant des éléments de démocratie directe. Après avoir fait du chemin au sein des divers mouvements sociaux européens, l’idée d’une initiative citoyenne européenne fut rendue publique en juin 1994 lors d’un rassemblement à Trente, dans le nord de l’Italie et remarquée par des représentants des gouvernements italien et autrichien présents en qualité d’observateurs. Première « grosse surprise » à la conférence intergouvernementale d’Amsterdam de 1996-97 : Wolfgang Schüssel, alors ministre autrichien des Affaires étrangères, et son homologue italien Lamberto Dini, présentèrent un premier projet d’ « initiative citoyenne européenne ». 3.2 Une nuit à Amsterdam : la première contribution gouvernementale à l’initiative citoyenne européenne La proposition Schüssel-Dini stipulait qu’une initiative de définition de l’agenda pourrait être présentée au Parlement européen par 10 % des citoyens d’Europe (ayant collecté des signatures dans au moins trois pays) qui aurait alors l’obligation de l’examiner. Cette forme d’initiative, avec ses seuils extrêmement élevés, s’avérait inefficace et mal ciblée à l’égard du système décisionnel européen. Cependant, l’idée même de l’initiative citoyenne était parvenue aux oreilles des « maîtres des traités » (les gouvernements des États membres) réunis au sein du Conseil européen. Les processus de préparation et d’adoption des amendements au traité de l’UE dans le cadre des conférences intergouvernementales nous ont enseigné qu’il était impossible de réaliser des réformes majeures par cette seule méthode : c’est pourquoi à partir du milieu des années 1990, le réseau « eurotopia » développa un projet de Convention européenne dans le but de proposer l’institution de nouveaux droits fondamentaux et faire l’ébauche en fin de compte d’une constitution transnationale. De Gaulle, Charles (1970). Discours et messages. Dans l’attente. Février 1946-Avril 1958. Paris : Plon, Vol. II. P.309. Spinelli, Altiero. Una strategia per gli stati uniti d’Europa. Bologne : Societa editrice il Mulino. EP (1988). Resolution on ways of consulting European citizens about the EU. Bruxelles : JO C 187/231. Commission institutionnelle du PE. DOC A2-0332/88. Commission du PE. DOC A3-0031/94. 50 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Zoom 6 eurotopia – l’avenir sous le crayon des citoyens Après les bouleversements qui ont secoué l’Europe en 1989, les ONG et les milieux académiques commencèrent à s’intéresser de plus près à la démocratie directe transnationale. Pendant dix ans, le réseau européen eurotopia, fondé en mai 1991, organisa plus de vingt réunions, qui se soldèrent par l’élaboration de méthodes visant à impliquer les citoyens dans un processus constitutionnel européen, ainsi que des premiers éléments d’une démocratie directe au sein d’une telle constitution. La proposition de création d’une Convention européenne date du milieu des années 1990. On proposa la mise en place de la « double majorité qualifiée » pour le référendum fondateur de la Constitution européenne : « La Constitution doit être acceptée non seulement par la majorité des citoyens de l’UE, mais également par la majorité des citoyens dans 4/5 de l’ensemble des États membres ».11 En 1994, à l’horizon de la conférence inter-gouvernementale d’ Amsterdam, plusieurs ONG européennes formèrent un réseau européen baptisé « Conférences Inter Citoyennes » (CIC). Dans la « déclaration de Loccum », elles formulèrent une liste d’exigences démocratiques pour une Charte européenne des droits des citoyens. Pour la première fois y était mentionné le droit de soumettre une initiative au Parlement européen.12 Avec la proposition d’initiative Dini/Schüssel de 1996, les différentes contributions des ONG ont ouvert la voie à un débat sur les éléments de démocratie directe à intégrer à la future Constitution européenne, auquel ont participé aussi bien les membres que des personnes proches de la Convention.13 Peu après l’ouverture de la Convention au printemps 2002, l’Institut européen sur l’initiative et le référendum réunissait au sein de l’IRI Europe Convention Network (réseau IRI Europe pour la Convention) des membres de la Convention et des experts extérieurs afin de « hisser les citoyens sur la scène politique centrale ».14 Source d’inspiration, cette première rencontre rallia des membres En Allemagne, fin des années 1990, le groupe militant « Mehr Demokratie » opta pour sa propre approche de la stratégie européenne, écartant les propositions proconstitutionnelles d’eurotopia. Un nouveau réseau fut établi, le « Network of Direct Democracy Initiatives in Europe » (réseau d’initiatives de démocratie directe en Europe), rebaptisé « Democracy International » en 2002. Avec le jeune Institut européen sur l’initiative et le référendum, il fut le plus actif pour la promotion de l’idée de démocratie directe transnationale défendue par eurotopia vis-à-vis de la Convention européenne. Concrètement, le travail de lobbying s’inspirait de l’« Appel de Rostock », lancé à l’occasion de la 20e assemblée d’eurotopia à Rostock le 17 juin 2001. Quelques jours seulement après un sommet européen marqué par des manifestations violentes dans la ville suédoise de Göteborg et le rejet surprise du traité de Nice par les Irlandais lors du référendum du 6 juin, les citoyens européens purent à nouveau dessiner leur avenir démocratique commun en réclamant une Convention sur un traité constitutionnel pour l’Europe et proposant une procédure d’initiative citoyenne européenne. Peu de temps après, les deux concepts « eurotopiques » s’élevaient au rang de politique officielle de l’Union européenne. Source : The Rostock Process – on the way to more direct democracy in Europe. Remerciements particuliers à : Peter Köppen, Stadtgespräche, plus d’informations sur : www.stadtgespraeche-rostock.de influents de la première assemblée constituante de l’histoire de l’Union européenne, comme Alain Lamassoure (PPE-DE, France), Johannes Voggenhuber (Verts/ALE, Autriche), Josep Borell Fontelles (PSE, Espagne), Sylvia-Yvonne Kaufmann (GUE, Allemagne), Casper Einem (PSE, Autriche) et Jürgen Meyer (PSE, Allemagne). Ceux-ci commencèrent alors à réfléchir sérieusement à la manière dont des éléments de démocratie directe pourraient être inclus aux futurs traités de l’UE. Le 20 janvier 2003, le réseau se réunit pour discuter de différentes propositions visant à établir à la fois un processus de vote populaire paneuropéen [LOR] et une initiative citoyenne européenne [PAI]. 11 The Rostock Process, 1991-2004: « On the way to more direct democracy in Europe » (2001), p. 44. 12 Erne, Gross, Kaufmann, Kleger: « Transnationale Demokratie – Impulse für ein demokratisch verfasstes Europa » (‘Transnational democracy – Suggestions for a democratically constituted Europe’), Realotopia, Zurich (1995). p. 431ff. 13 Sur invitation des éditeurs de cette publication et en coopération avec les (anciens) députés européens Heidi Hautala et Diana Wallis, ainsi que Michael Efler, porte-parole pour les affaires européennes au sein de l’ONG militante allemande « Plus de démocratie », un groupe de travail « informel » de la Convention a été fondé avec Eduarda Azevedo, Péter Balázs, Michel Barnier, Jens-Peter Bonde, John Bruton, Panayiotis Demetriou, Karel De Gucht, Gijs De Vries, Lone Dybkjaer, Alexander Comte de Stockton, Casper Einem, Douglas Stewart, Joschka Fischer, Michael Frendo, Carlos Gonzalez Carnero, John Gormley, Sylvia-Yvonne Kaufmann, Alain Lamassoure, Jo Leinen, Linda Mc Avan, Iñigo Mendez de Vigo, Jürgen Meyer, Louis Michel, Alojz Peterle et Jacob Södermann. 14 Kaufmann, Lamassoure, Meyer (Eds.): « Transnational Democracy in the Making » (2003), p. 223. Analyse : l’entrée en scène des Européens Début mars 2003, Alain Lamassoure présentait un projet intitulé « Art. 43bis : droit de pétition et référendum européen », proposant deux formes d’initiative citoyenne européenne et la possibilité de soumettre une question de fond à un référendum populaire paneuropéen. À l’issue de plusieurs semaines difficiles et d’intense lobbying de la part des ONG (appelées par Michael Efler, de l’ONG allemande « Mehr Demokratie », les « soubresauts vers une démocratie transnationale »15), une proposition de Jürgen Meyer finit par tirer son épingle du jeu. La proposition (I-46, partie I, titre VI, CONV 724/03) laissait de côté le référendum populaire et se concentrait sur l’initiative citoyenne. Selon M. Meyer, la seconde clé du succès résidait dans une approche équilibrant le rôle des citoyens vis-à-vis de leur influence sur la Commission européenne et les droits d’initiative du Parlement et du Conseil européen. Signée en dernier lieu par pas moins de 77 membres16 de la Convention, la proposition a su vaincre les dernières résistances du présidium de la Convention et apporter sa contribution à une avancée, certes tardive mais opportune : à la veille de la dernière session de la Convention, un droit d’initiative citoyenne fut ajouté au projet de Constitution, offrant aux citoyens, pour la première fois dans l’histoire, un instrument de démocratie directe au niveau transnational. En satisfaisant à une demande essentielle des ONG européennes de défense de la démocratie, la Convention offrait la perspective d’une définition ascendante de l’agenda au niveau transnational. Ce dernier amendement au projet jetait les bases du texte définitif de la Constitution présenté le 13 juin par le président de la Convention, M. Giscard d’Estaing : « Initiative citoyenne – Art. I-46, p. 4 La Commission peut, sur l’initiative d’au moins un million de citoyens de l’Union issus d’un nombre significatif d’États membres, être invitée 51 à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application de la présente Constitution. Une loi européenne arrête les dispositions relatives aux procédures et conditions spécifiques requises pour la présentation d’une telle initiative citoyenne. ». Comme d’autres éléments encourageants du projet de Constitution élaboré par la Convention (méthodes de travail, intégration de la Charte des droits fondamentaux, meilleure transparence du fonctionnement du Conseil), le droit d’initiative citoyenne européenne symbolisait l’éloignement d’une Union européenne à l’ancienne, définie par des débats à huis clos, d’âpres négociations et d’étroites considérations politiques. Alors que la Convention européenne n’avait pas trouvé de terrain d’entente quant à l’ajout d’un vote populaire paneuropéen (référendum) à son propre projet de constitution, l’inclusion de l’ICE commençait à jouer un rôle important, avec plusieurs votes populaires nationaux relatifs à la nouvelle « loi fondamentale » de l’Union. Après l’adoption du « traité instituant une constitution pour l’Europe » par les chefs de gouvernement et les états à Rome le 29 octobre 2004, plusieurs États membres représentant une majorité des citoyens européens, notamment l’Espagne, la France, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Danemark, la Pologne, l’ Irlande, le Royaume-Uni, le Portugal et la République tchèque, annoncèrent la tenue de votes populaires sur cette question. Un vote populaire sur une question de fond à l’échelle de l’Union européenne (que la loi n’autorise toujours pas aujourd’hui) semblait être accessible dès le début de l’année 2005. Au cours des discussions précédant le référendum espagnol du 20 février 2005, la proposition relative au droit d’initiative citoyenne européenne constituait l’un des arguments clés en faveur du nouveau traité. Selon une étude Eurobaromètre Flash publiée par la Commission européenne à l’issue 15 ibid, p.47. 16 Membres : Akcam, Zekeriya ; Amato, Guiliano ; Andriukaitis, Vytenis ; Athanasiu, Alexandru ; Avgerinos, Paraskevas ; Belohorska, Irena ; Borrell Fontelles, Josep ; Costa, Alberto Bernardes ; Dam Kristensen, Henrik ; De Rossa, Proinsias ; Demetriou, Panayiotis ; Dini, Lamberto ; Duhamel, Oliver ; Einem, Caspar ; Fayot, Ben ; Giannakou-Koutsikou, Marietta ; Gricius, Algirdas ; Haenel, Hubert ; Helminger, Poul ; Kaufmann, Sylvia-Yvonne ; Kiljunen, Kimmo ; Laborda, Gabriel Cisneros ; Lequiller, Pierre ; Marinho, Luis ; Mavrou, Eleni ; Oleksy, Jozef ; Serracino-Inglott, Peter ; Skaarup, Peter ; Timermans, Frans ; Vastagh, Pal ; Voggenhuber, Johannes. Suppléants : Abitbol, William ; Alonso, Alejandro Munoz ; Arabadjiev, Alexandar ; Basile, Filadelfio Guido ; Berger, Maria ; Budak, Necdet ; Carey, Pat ; Carnero Gonzalez, Carlos ; D’Oliveira Martins, Guilherme ; Eckstein-Kovacs, Peter ; Ene, Constantin ; Floch, Jacques ; Fogler, Marta ; Garrido, Diego Lopez ; Giberyen, Gaston ; Gormley, John ; Grabowska, Genowefa ; Katiforis, Giorgos ; Krasts, Guntars ; Kroupa,Frantisek ; Lichtenberger, Eva ; Mac Gormick, Neil ; Maclennan of Rogart, Lord ; Matsakis, Marios ; Nagy, Marie ; Nazare Pereira, Antonio ; Severin, Adrian ; Sivickas, Gintauta Speroni, Francesco ; Spini, Valdo ; Styllanides, Evripides ; Comte de Stockton, Alexander ; Vassilou, Androula ; Vella, George. Observateurs: Du Granrut, Claude ; Sigmund, Anne-Marie ; Sepi, Mario. Manuel de l’initiative citoyenne européenne Certains droits réservés : RubyJi 52 Chaque vote compte! du référendum espagnol, 45% des participants disaient avoir connaissance de la nouvelle initiative citoyenne européenne et 65% pensaient que l’adoption du traité renforcerait la démocratie au niveau transnational.17 Finalement, le Traité fut ratifié avec 76,7% des suffrages espagnols. La dynamique insufflée par la Convention européenne et le « oui » de l’Espagne ont incité le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, à se prononcer fortement en faveur d’une démocratie plus transnationale. Quelques jours seulement après le référendum espagnol, M. Barroso déclarait à La Haye : « La Constitution offre aux citoyens de nouveaux modes de participation active au processus décisionnel en proposant des initiatives ayant recueilli un million de signatures » et concluait : « Pour le dire simplement : nous aurons plus de démocratie ». Zoom 7 51 votes populaires sur l’Europe Jamais sujet n’a fait l’objet de tant de votes populaires nationaux que le processus d’intégration européenne. Des centaines de millions d’Européens de 26 pays différents ont participé à ce que l’on pourrait appeler la plus vaste expérience de démocratie directe de l’histoire avant la mise en place de l’initiative citoyenne européenne. Les 51 votes populaires ont permis aux chercheurs d’analyser le rôle des citoyens dans le processus d’intégration européenne et l’effet de cette participation, mais également de mettre en lumière les problèmes liés aux votes nationaux sur des enjeux politiques à l’échelle de l’UE. En outre, certains référendums étaient en réalité des plébiscites déclenchés par les présidents, les gouvernements et les parlements au pouvoir. Ils se sont révélés être autant un vote de défiance ou de confiance envers les élus qu’un avis sur le contenu du Traité. L’utilisation d’un système démocratique fort et direct devient dès lors un nouveau critère de référence officiel au sein de l’UE. Pourtant, il n’a pas entraîné de profits immédiats, ni une ratification rapide du nouveau traité européen. En effet, rejeté lors des deux référendums suivants, organisés en France (29 mai) et aux Pays-Bas (1er juin), il ne peut être ratifié car pour devenir la législation de référence au sein de l’Union, les traités européens doivent l’être par l’ensemble des États membres. Après plusieurs négociations et référendums supplémentaires (en Irlande en 2008 et 2009), une version légèrement modifiée du Traité de Lisbonne a finalement été ratifiée pour entrer en vigueur le 1er décembre 2009. L’implication directe des citoyens européens dans la politique européenne (articles 10 et 11 du Traité de Lisbonne) est un principe nouveau, résultant d’une évolution longue de plusieurs dizaines d’années. Comme nous l’avons souligné dans le premier chapitre de ce manuel, ce phénomène est lié à une évolution générale vers la démocratie représentative moderne, fondée autant sur la démocratie indirecte que sur la démocratie directe, mais également au fait qu’un nombre toujours plus élevé de questions européennes doivent être validées en dernier lieu par les citoyens eux-mêmes. Depuis 1973 une cinquantaine de votes populaires sur des questions européennes se sont tenus sur le continent. Sur ces 51 votes populaires, trois seulement ont pour origine une initiative citoyenne. Trois autres ont été déclenchés par les citoyens sous forme de référendum (abrogatif). Sur les 45 restants, 20 étaient des votes obligatoires imposés par la constitution des différents pays. En définitive, ils auront été l’occasion de soumettre à l’opinion des citoyens le travail d’intégration européenne effectué par leur gouvernement. Dans deux tiers des cas, les électeurs soutenaient la position pro-européenne, tandis que les quelques résultats négatifs ont donné une leçon intéressante aux élites politiques. En impliquant les Européens dans le processus décisionnel politique, on a constaté qu’il fallait accroître encore les possibilités de participation. En d’autres termes, l’initiative citoyenne européenne est l’une des avancées majeures résultant de la cinquantaine de référendums tenus en Europe sur l’Europe. 17 La Constitution européenne: sondage post-référendum ; Eurobaromètre (2005), p. 25, 28. Analyse : l’entrée en scène des Européens 53 Tableau 3 – Résumé des différents scrutins Pays Date du scrutin Thème % de oui % de participation 1 France 23/04/1972 Élargissement 68,3% 60,3% 2 Irlande 10/05/1972 Adhésion (CE) 83,1% 70,9% 3 Norvège 26/09/1972 Adhésion (CE) 46,5% 79,2% 4 Danemark 02/10/1972 Adhésion (CE) 63,9% 90,4% 5 Suisse 03/12/1972 Adhésion (AELE) 72,5% 52% 6 Grande-Bretagne 05/06/1975 Maintien au sein de la CE 67,23% 64,03% 7 Groenland 23/02/1982 Maintien au sein de la CE 45,96% 74,91% 8 Danemark 27/02/1986 Marché commun 56,24% 75,39% 9 Irlande 26/05/1987 Marché commun 69,92% 44,09% 10 Italie 18/06/1989 Initiative citoyenne pour la constitution de l’UE 88,06% 85,4% 11 Danemark 02/06/1992 Traité de Maastricht 47,93% 83,1% 12 Irlande 18/06/1992 Traité de Maastricht 68,7% 57,31% 13 France 20/09/1992 Traité de Maastricht 51,05% 69,69% 14 Suisse 06/12/1992 Adhésion (EEE) 49,7% 78% 15 Liechtenstein 12/12/1992 Adhésion (EEE) 55,81% 87% 16 Danemark 18/05/1993 Traité de Maastricht 56,77% 85,5% 17 Autriche 12/06/1994 Adhésion (UE) 66,58% 82,35% 18 Finlande 16/10/1994 Adhésion (UE) 56,88% 70,4% 19 Suède 13/11/1994 Adhésion (UE) 52,74% 83,32% 20 Îles Åland 20/11/1994 Adhésion (UE) 73,64% 49,1% 21 Norvège 28/11/1994 Adhésion (UE) 47,8% 89% 22 Liechtenstein 09/04/1995 Adhésion (UE) 55,88% 82,05% 23 Suisse 08/06/1997 Initiative citoyenne sur les procédures d’adhésion 25,9% 35% 24 Irlande 22/05/1998 Traité d’Amsterdam 61,74% 56,26% 25 Danemark 28/05/1998 Traité d’Amsterdam 55,1% 76,24% 67,2% 48% 26 Suisse 21/05/2000 Traités bilatéraux 27 Danemark 28/09/2000 Adhésion (Zone Euro) 46,87% 87,2% 28 Suisse 04/03/2001 Initiative citoyenne sur les procédures d’adhésion 23,2% 55% 29 Irlande 07/06/2001 Traité de Nice 46,13% 34,79% 30 Irlande 19/10/2002 Traité de Nice 62,89% 48,45% 31 Malte 08/03/2003 Adhésion (UE) 53,6% 91,0% 32 Slovénie 23/03/2003 Adhésion (UE) 89,6% 60,3% 33 Hongrie 12/04/2003 Adhésion (UE) 83,8% 45,6% 34 Lituanie 11/05/2003 Adhésion (UE) 91,1% 63,4% 35 Slovaquie 17/05/2003 Adhésion (UE) 92,5% 52,2% 54 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Pays Date du scrutin Thème 36 Pologne 06/06/2003 Adhésion (UE) 77,3% 58,9% 37 République tchèque 14/06/2003 Adhésion (UE) 77,3% 55,2% 38 Estonie 14/09/2003 Adhésion (UE) 66,8% 64% 39 Suède 14/09/2003 Adhésion (Zone Euro) 42% 82,6% 40 Lettonie 20/09/2003 Adhésion (UE) 67% 72,5% 41 Roumanie 19/10/2003 Prép. à l’adhésion (UE) 89,6% 55,2% 42 Espagne 20/02/2005 Traité constitutionnel 76,3% 42,3% 43 France 29/05/2005 Traité constitutionnel 45,3% 69,4% 44 Pays-Bas 01/06/2005 Traité constitutionnel 38,4% 62% 45 Suisse 05/06/2005 Référendum populaire sur l’adhésion (Espace Schengen) 54,6% 56,7% 46 Luxembourg 10/07/2005 Traité constitutionnel 56,6% 90,5% 47 Suisse 25/09/2005 Référendum populaire sur la libre circulation des personnes (UE15) 56% 54,5% 48 Suisse 26/11/2006 Aide financière à l’UE 53,4% 45% 49 Irlande 12/06/2008 Traité de Lisbonne 46,6% 45% 50 Suisse 08/02/2009 Référendum populaire sur la libre circulation des personnes (UE27) 59,6% 51,5% 51 Irlande 02/10/2009 Traité de Lisbonne 67,1% 58% Après la non-ratification de la première version du traité constitutionnel, les partisans d’une culture démocratique plus participative en Europe ont mis à profit les années qui ont suivi pour réfléchir et étudier les applications (nationales et régionales) au niveau infra-européen des droits d’initiative de définition de l’agenda [PAI]. Tirant les leçons de cette expérience, ils ont pu identifier ceux qui joueraient un rôle crucial dans la mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne. Entre 2005 et 2008, l’Initiative and Referendum Institute Europe (IRI Europe), attaché à la qualité de ce premier instrument de démocratie directe transnationale en devenir, a organisé plusieurs consultations paneuropéennes réunissant des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux. Dans le cadre des projets « Initiative pour l’Europe », plusieurs ONG ont participé aux essais pilotes de l’ICE avant même sa mise en œuvre légale. Les résultats de ces évaluations étaient publiés et soumis aux discussions à l’occasion de sommets annuels sur l’initiative citoyenne européenne. Par ailleurs, les ONG partageaient leur expérience sur ce nouvel instrument. Les résul- % de oui % de participation tats de ces débats et analyses étaient résumés chaque année dans des guides intitulés « Initiative for Europe » (Initiative pour l’Europe) publiés par l’IRI Europe en coopération avec d’autres ONG de défense de la démocratie et les principaux groupes au Parlement européen. Couverture du guide « Initiative for Europe » 2007 (BK) Au cours des quatre ans qui se sont écoulés entre l’échec du traité constitutionnel en 2005 et la ratification du Traité de Lisbonne, trois éléments ont pu être mis en évidence : Analyse : l’entrée en scène des Européens 1) les premières applications des droits d’initiative de définition de l’agenda en Europe ne se sont pas soldées par des résultats encourageants ; 2) les citoyens européens se montraient très impatients de prendre part à la définition de l’agenda transnational, et ce, le plus tôt possible ; 3) il faudra une bonne dose d’expertise et d’application pour concevoir une initiative citoyenne européenne dans un format efficace et facile d’utilisation. Commençons par examiner les différents instruments d’initiative de définition de l’agenda [PAI] qui existent en Europe ainsi que l’usage qui en est fait. Pour mémoire, nous abordons ici l’instrument de démocratie directe présenté dans le premier chapitre de ce guide et baptisé « l’initiative de définition de l’agenda ». Suivant la nouvelle Typologie générale de la démocratie directe moderne, cet instrument dont le terme abrégé est [PAI], se définit comme suit : 55 Tableau 4 – L’initiative de définition de l’agenda, des noms très différents pour le même instrument. Pays Nom original Autriche Volksbegehren Demande populaire Argentine iniciativa popular indirecta Initiative populaire indirecte Bénin Pétition citoyenne Pétition citoyenne Suisse Volksmotion Motion populaire Italie Initiativa delle Leggi Initiative législative Pays-Bas Volksinitiatief Initiative populaire Norvège Innbyggerinitiativ Initiative des habitants Union Citizens’ européenne Initiative* Français Initiative citoyenne * Traduction officielle disponible en 23 langues Une initiative de définition de l’agenda se caractérise par le droit dont dispose un nombre défini d’électeurs inscrits de proposer à une autorité compétente l’adoption d’une loi ou d’une mesure ; le destinataire de la proposition et de la demande n’est pas l’ensemble de l’électorat, mais une autorité représentative. Contrairement à l’initiative populaire, c’est l’autorité qui décide de l’issue à donner à la proposition. Bien entendu, la rédaction d’une typologie générale et d’une définition précise des instruments n’empêche pas les citoyens, les universitaires, les pouvoirs publics et les journalistes, en Europe comme dans le reste du monde, d’utiliser des termes très différents pour désigner l’initiative de définition de l’agenda [PAI]. Le tableau ci-dessous répertorie certains termes utilisés par les institutions, illustrant ainsi la variété des noms donnés à un même instrument. En n’attribuant pas de rôle décisionnaire à l’ensemble de l’électorat, cet instrument s’avère bien moins influent que d’autres instruments de démocratie directe, tels que l’initiative populaire [PCI], le référendum populaire [PCR] ou le référendum obligatoire [LOR]. Cependant, elle a davantage d’impact qu’une simple pétition (dans le sens européen du terme, car aux États-Unis les termes « pétition » et « initiative » sont synonymes), cette dernière n’imposant au législateur que l’unique obligation de recevoir et reconnaître l’observation soumise par un ou plusieurs citoyens. Par définition, une initiative de définition de l’agenda se situe donc entre une pétition et une proposition d’initiative déclenchant un vote populaire sur une question de fond. Concernant la propagation de cet instrument sur le continent européen, la carte (page 56) parle d’elle-même. En théorie, et conformément à la procédure, la plupart des citoyens du continent disposent d’une sorte d’instrument de définition de l’agenda au niveau national et/ou régional. Pas moins de 16 pays (dont 12 de l’Union européenne) ont mis en place cette procédure au niveau national. Dans 8 autres pays (dont 5 font partie de l’UE), de tels droits sont accordés au niveau local et/ou régional. Manuel de l’initiative citoyenne européenne © IRI Europe 56 En bleu : les pays proposant des outils de définition de l’agenda au niveau national En gris : les pays proposant des outils de définitions de l’agenda au niveau transnational 3.3 Initiatives de définition : vers plus de démocratie, une route semée d’embûches Comment cela se traduit-il en pratique ? Les citoyens européens d’aujourd’hui décidentils vraiment des priorités d’action à différents niveaux politiques ? La réponse est « non », comme l’illustre notre tour d’horizon des pays européens. Commençons par l’Autriche, le pays d’origine de l’initiative de définition de l’agenda. Autriche : haut profil, effet minime. S’inspirant de la Suisse voisine, plusieurs « Bundesländer » (États) autrichiens ont intégré à leur Constitution des formes de démocratie participative et directe avant même la naissance de la République d’ Autriche en 1920. Dès son élaboration, la nouvelle Constitution fédérale autrichienne mentionnait l’initiative de définition de l’agenda (Volksbegehren). À l’origine, étaient requises pas moins de 200.000 signa- tures de soutien à la proposition législative (ou la moitié des électeurs inscrits dans au moins trois États fédéraux). Leur collecte était libre et sans limitation de temps. Ensuite, le nombre de signatures nécessaires a été ramené à 100.000, mais la liberté de collecte des signatures remise en cause : aujourd’hui, les citoyens disposent d’un délai de 14 jours pour se rendre dans un bureau public et signer l’initiative. Des restrictions supplémentaires y ont été ajoutées, comme une phase préliminaire, au cours de laquelle au moins 8.000 signatures doivent être présentées, ou le paiement aux pouvoirs publics d’un droit d’enregistrement d’environ 2.500 €. Malgré toutes ces restrictions, plus de 30 collectifs sont parvenus à collecter les 100.000 signatures depuis 1964. Véritable instrument de définition de l’agenda, mais sans aucun impact décisionnel, la PAI autrichienne est devenue en définitive un instrument utilisé principalement par l’opposition au Parlement pour se valoriser et remobiliser le cœur de son électorat. Analyse : l’entrée en scène des Européens 57 Tableau 5 – Les 10 sujets ayant recueilli le plus grand nombre de signatures en Autriche Nombre de signatures Pourcentage d e l'électorat Sujet Date 1.361.562 25,7 % Centre de conférence de l'ONU 1982 1.225.790 21,2 % Génie génétique 1997 895.665 17,9 % Protection de la vie humaine 1975 889.659 17,7 % Semaine de 40 heures 1969 832.353 17,27 % Loi autrichienne sur la radiodiffusion 1964 914.973 15,5 % Veto sur une centrale nucléaire tchèque 2002 717.102 12,2 % État-providence 2002 644.665 11,1 % Égalité des chances pour les femmes 1997 624.807 10,6 % Contre les avions à réaction militaires 2002 627.559 10,5 % Retraites 2004 421.282 8% Pour les centrales nucléaires en Autriche 1980 Source : Giese (2010) ; l’initiative citoyenne en Autriche : principes légaux et mise en pratique Dans aucun autre pays européen, l’initiative de définition de l’agenda n’a été aussi bien représentée qu’en Autriche. Espagne : démocratisation par la peur En Espagne, la notion de souveraineté populaire est intégrée à la Constitution avec l’arrivée de la démocratie à la fin des années 1970. Pour la mettre en œuvre, la Constitution de 1978 créait une démocratie représentative fondée à la fois sur la démocratie indirecte et sur la démocratie directe. La première était dotée d’instruments efficaces et d’une bonne protection ; à la seconde, on attribua un outil de peu d’influence et de peu d’envergure : l’initiative citoyenne de définition de l’agenda [PAI]. La loi correspondante stipule qu’au moins 500.000 signatures doivent être collectées en l’espace de 9 mois. Contrairement à l’ Autriche, la collecte des signatures est libre mais la portée de l’initiative est très limitée. Les questions les plus intéressantes – telles que les impôts, les traités internationaux ou les amendements constitutionnels – sont explicitement exclues de ces initiatives ascendantes. Le contrôle de recevabilité est effectué par un comité parlementaire avant même l’enregistrement. Cependant, si une initiative citoyenne parvient à rassembler un demi-million de signatures et est considérée comme recevable par le Tribunal constitutionnel, elle peut faire l’objet d’une compensation financière à hauteur de 300.000 € maximum. En pratique, l’État espagnol n’engage pas de dépenses importantes, car moins de deux initiatives parviennent chaque année au Cortes (le Parlement). Dans les régions autonomes espagnoles, par contre, le processus d’initiative est peu à peu démocratisé en abaissant les seuils, en éliminant certaines restrictions et en allongeant les délais. Dans ces régions, près de six initiatives citoyennes parviennent chaque année au législateur. Il est intéressant de comparer l’usage des initiatives de définition de l’agenda au niveau national et régional, en termes de chiffres, mais aussi en termes de contenu. Quand il s’agit du « succès » des initiatives citoyennes en Espagne et dans les régions autonomes, les résultats donnent à réfléchir. Sur l’ensemble des initiatives collectant un nombre suffisant de signatures, moins d’une sur quatre sont inscrites à l’agenda du législateur au niveau national, et une sur trois au niveau régional. Sur le plan politique, la plupart des initiatives sont rejetées par la majorité au parlement. Une initiative citoyenne nationale sur 40 a été approuvée (15 sur 114 au niveau régional). L’avocat espagnol de droit public Victor Cuesta résume : « La seule initiative populaire approuvée jusqu’à présent par le Parlement national concernait une proposition technique soutenue par la Fédération des agents fonciers professionnels. Concernant les régions autonomes, soulignons que sur les quinze initiatives populaires validées, neuf ont été examinées par les parlements des Îles Canaries et de Catalogne. Autre fait révélateur : près de la 58 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Tableau 6 - Principaux sujets et nombres d’initiatives citoyennes en Espagne et dans les régions autonomes Sujet Espagne (niveau national) Espagne (niveau régional) Travail 23 Initiatives (51% du total) 17 Initiatives (13.5% du total) Environnement 1 (2%) 34 (27%) Discrimination positive 4 (9%) 13 (10%) Démocratie 0 21 (17%) Éducation 3 (7%) 14 (11%) Économie 8 (18%) 7 (5%) Autres (santé, immigration, etc.) 6 21 Source: Cuesta (2010); l’initiative populaire en Espagne: vue générale sur le régime légal et la pratique moitié des initiatives adoptées (sept sur quinze) concernent la protection de l’environnement. »18 Contrairement à la loi autrichienne, la loi espagnole n’impose pas aux signataires d’une initiative de se rendre dans un bureau public dans un délai court. Les signatures peuvent être collectées et soumises « librement », liberté toutefois limitée dans un processus de toute manière peu convaincant. Lorsqu’un citoyen espagnol souhaite signer une initiative, il doit non seulement communiquer son numéro de carte d’identité nationale, mais également être accompagné d’une personne pouvant attester de son identité. Conformément à l’article 9 de la loi pertinente, intitulée « régime juridique de l’initiative législative populaire », la confirmation de l’identité des signataires est confiée aux « officiers publics, tels que les notaires publics, les greffiers ou les secrétaires municipaux ». L’authentification des signatures peut également être attribuée à des citoyens volontaires désignés par la Commission d’initiative, qui obtiennent alors le statut de notaires publics spéciaux.19 En somme, l’initiative espagnole de définition de l’agenda est l’exemple à ne pas suivre pour concevoir un instrument de démocratie directe. Elle n’apporte aucune réelle opportunité de dialogue entre les citoyens, et entre ceux-ci et les autorités représentatives. Parmi les défis principaux du processus national espagnol, on trouve l’exclusion des nombreux enjeux, les obstacles excessifs à la collecte et au dépôt de signatures, ainsi qu’un manque de bonne volonté de la part de la majorité parlementaire au pouvoir qui refuse de tenir compte des avis des citoyens exprimés par ce droit d’initiative. Parmi les points positifs, par contre, plusieurs régions autonomes (comme les Îles Canaries, la Catalogne et les Îles Baléares) ont apporté des améliorations à la procédure au niveau régional, permettant notamment à des sujets touchant à l’environnement d’être inscrits à l’agenda politique. Pologne : pouvoir populaire post-communiste Avant de passer aux aspects procéduraux et pratiques de la nouvelle initiative citoyenne européenne, penchons-nous sur les expériences d’un troisième État membre de l’UE : la Pologne. Le processus de démocratisation, dans ce pays post-communiste, est un exemple des (nombreuses) possibilités et limites (évidentes) d’une démocratie représentative moderne en Europe. Ayant décidé d’inclure les procédures de démocratie indirecte et directe dans sa Constitution de 1997, la Pologne adopta à la fois l’initiative citoyenne et le référendum populaire. La nouvelle Constitution reflétait la nécessité d’équilibrer les droits souverains du Parlement et du peuple. Mais, comme dans la plupart des pays européens, les pouvoirs des représentants élus et ceux de l’électorat ne sont en pratique pas équivalents. L’illustration en est l’initiative polonaise de définition de l’agenda [PAI]. Elle autorise un collectif de 100.000 citoyens à initier une nouvelle loi. Tandis que la procédure de collecte des 100.000 signatures est relativement libre (il n’est, par exemple, pas nécessaire qu’une tierce personne identifie le signataire comme 18 Victor Cuesta (2010); The Spanish Popular Initiative: an overview of its legal regime and practice. 19 Ibid. Analyse : l’entrée en scène des Européens en Autriche ou en Espagne), les exigences officielles de présentation d’une proposition de « loi formulée » sont un vrai casse-tête. Depuis 1997, une centaine d’initiatives citoyennes ont été enregistrées auprès de l’autorité compétente (le Maréchal de la Diète). Moins de dix d’entre elles répondaient aux exigences légales et ont été enregistrées directement. Quinze autres ont été abandonnées à cette étape, et 67 sont parvenues à la phase de collecte des signatures, dont le délai est de trois mois. En fin de compte, environ un quart de toutes les initiatives citoyennes lancées officiellement ont été inscrites à l’ordre du jour du législateur, dont sept se sont soldées par une nouvelle loi concernant différents sujets, tels que la protection de l’environnement, la protection des citoyens contre le chômage et la fourniture par l’État d’un enseignement préscolaire complet. L’expérience de la Pologne prouve que l’initiative de définition de l’agenda permet d’obtenir des données utiles pour la modernisation, mais ne joue pas (encore) le rôle de baromètre de la société en raison d’obstacles importants et des exigences juridiques. En d’autres termes, l’initiative citoyenne polonaise ne constitue pas une « bonne affaire » pour les initiateurs, car elle nécessite « un effort considérable, sans aucune garantie de résultat satisfaisant, puisqu’ils perdent le contrôle du contenu de la proposition de loi à partir du moment où celle-ci est présentée au Parlement. Aucune restriction n’est apportée au pouvoir du législateur quant à son ingérence dans la proposition citoyenne, et donc celle-ci peut être modifiée – voire complètement transformée – par les membres du Parlement ou rejetée dès le lancement de la procédure législative, à la première lecture du projet. (…) il est plus probable que les citoyens envisagent d’adopter d’autres modes d’influence sur la législation, le lobbying par exemple ».20 L’initiative de définition de l’agenda : un outil de communication démocratique À cette étape, l’évaluation de l’initiative de définition de l’agenda nous permet de tirer au moins trois leçons utiles à l’échelle européenne : 20 Anna Rytel-Warzocha (2010), The Popular Initiative in Poland. 59 les procédures d’initiative de définition de l’agenda constituent des points d’entrée dans le développement de formes plus complètes (y compris décisionnelles) de démocratie directe moderne ; elles se répandent dans l’Union européenne ; l’expérience menée au niveau national et régional doit nous guider dans la conception de la procédure, notamment en ce qui concerne les aspects à prendre en compte (délais, prescriptions légales, seuils, compensations financières), mais également les aspects à éviter afin que cet instrument puisse fonctionner correctement ; afin que l’initiative de définition de l’agenda connaisse un authentique succès démocratique, il faut donner la priorité aux aspects liés à la communication, en lui garantissant un financement adéquat et en créant une infrastructure complète. Soulignons encore une fois que l’initiative de définition de l’agenda joue uniquement un rôle indirect dans le processus décisionnel. La « bonne affaire » pour l’ensemble des intervenants, qu’il s’agisse des initiateurs (organisateurs), des signataires (partisans), des destinataires (Commission européenne) ou des consultants (autres institutions européennes) doit donc être un « ordre du jour politique démocratisé ». Cela implique un dialogue ascendant entre les citoyens et entre les citoyens et les institutions. En d’autres termes, contrairement à d’autres formes de participation citoyenne officielle déjà établies dans l’Union européenne (et consacrées dans les articles 10 et 11 du Traité de Lisbonne), l’initiative citoyenne européenne constitue la première voie de participation démocratique directe au niveau transnational. Cette perspective est particulièrement intéressante et opportune, en principe comme en pratique. Au cours des sept dernières années, plus de 25 initiatives pilotes ont d’ailleurs été lancées sur le plan paneuropéen, apportant une contribution précieuse à la future utilisation de l’initiative citoyenne européenne. Penchons-nous maintenant sur l’étape pratique du développement de ce nouvel instrument. 60 Manuel de l’initiative citoyenne européenne 3.4 Yes, we can ! L’histoire de 25 essais d’initiatives européennes citoyennes que citoyen de l’Union européenne, je voudrais que le Parlement européen siège uniquement à Bruxelles. » Revenons quelques années en arrière : les chances d’une réelle avancée démocratique étaient minces. Malgré le projet de Constitution européenne de 2003, le climat en Europe et dans le monde n’était pas favorable à la démocratie. Après le 11 septembre et l’invasion injustifiée de l’Afghanistan en 2001, les États-Unis et la Grande-Bretagne (et plusieurs de leurs alliés européens) lancèrent une offensive militaire en Irak, violant les règles de l’ONU et le droit international. Les libertés personnelles furent sévèrement restreintes dans de nombreux pays et l’économie mondiale florissante, fondée principalement sur des bulles financières, était sur le point de s’effondrer. Un contexte qui explique le veto des électeurs français et néerlandais au cours de l’été 2005. Dans ces circonstances peu favorables au processus de démocratie directe transnationale, toutes les propositions visant à établir une procédure d’initiative citoyenne européenne sans nouveau traité étaient bloquées par la présidence de la Commission. Au sein du Parlement européen, la Commission des Pétitions menait une tentative similaire, farouchement combattue par la Commission constitutionnelle. L’initiative citoyenne européenne était totalement paralysée et semblait promise à un avenir plus qu’incertain. Visant un problème réel et très spécifique, elle y offrait également une solution claire. Les organisateurs constituèrent rapidement un large réseau, rassemblant des députés issus de tous les groupes du Parlement ainsi que plusieurs organisations (telles que la Campagne pour la réforme parlementaire). En proposant davantage d’efficacité, de responsabilité et de transparence, ils sont parvenus à inscrire cette question à l’ordre du jour politique, en l’absence d’une réglementation légalement convenue, et sans que la Commission européenne (le destinataire) ait été confrontée au tout premier stade de l’initiative. Le 18 septembre 2006, quelques mois seulement après le lancement de l’initiative, la millionième signature était apposée par un jeune citoyen finlandais nommé Olli Tikkanen. Preuve était ainsi faite de la possibilité de rassembler une telle quantité de déclarations de soutien pour une ICE. Toutefois, les citoyens, les organisations non gouvernementales et les acteurs clés des institutions européennes n’étaient pas prêts à renoncer et quelques années avant un certain sénateur américain de l’Illinois, la population européenne se disait déjà (à juste titre) : « oui, nous le pouvons ! ». L’idée même de disposer du droit de définir l’agenda des institutions européennes a incité des dizaines de groupes à lancer leur propre initiative pilote. Ironiquement, la première initiative citoyenne européenne de ce type à faire les gros titres émanait du Parlement européen : Cecilia Malmström, députée européenne libérale de Göteborg, en Suède (où elle avait déjà pris part aux débats sur le nouvel instrument lors d’une assemblée d’eurotopia au milieu des années 1990), lança l’initiative « oneseat.eu » à l’occasion de la journée de l’Europe 2006. Le texte de l’initiative, rapidement traduit en 25 langues, était libellé comme suit : « Déplacer le Parlement entre Bruxelles/Belgique et Strasbourg/France coûte environ 200 millions d’euros par an aux contribuables. En tant Alors que le site Internet de l’initiative (oneseat. eu, toujours ouvert) se référait en toute évidence à la disposition du traité constitutionnel (abandonné) relative à l’ICE, on peut tirer de cette expérience de précieuses leçons : l’initiative oneseat était disponible en ligne uniquement. Un travail de terrain nécessaire et complémentaire dans les rues européennes n’a donc pas été réalisé. Pour cette raison, seuls quelques pays ont pu exprimer un niveau de soutien élevé, à l’instar des Pays-Bas, avec plus de 430.000 signatures, et de la Suède, avec 140.000 ; l’initiative (appelée parfois pétition, ce qui peut prêter à confusion) pouvait être signée par tous, mais ne disposait d’aucun système interne ou technique permettant de vérifier l’identité des signataires ; la question traitée ne relevait pas de la compétence de la Commission européenne. En effet, le choix du siège du Parlement est arrêté par les États membres de l’UE uniquement. En raison de ces trois défauts majeurs, cette première ICE pilote n’était pas viable à long terme. Lorsque la Commission rejeta l’initiative pour nonrecevabilité, les signatures furent transmises à la Commission des Pétitions du Parlement. Cette fois encore, elle fut officiellement jugée non recevable, Analyse : l’entrée en scène des Européens cette fois en raison du caractère non vérifiable des signatures. En définitive, le manque d’organisation fondamentale et de partenaires européens amena les principaux responsables à renoncer à une stratégie à long terme. En septembre 2006, Cecilia Malmström quitta Bruxelles pour rejoindre le nouveau gouvernement conservateur suédois en tant que ministre des Affaires européennes. Trois ans plus tard, elle revenait au Berlaymont à Bruxelles, cette fois en qualité de membre suédoise de la 61 Commission chargée des affaires intérieures. Il sera certainement intéressant à l’avenir d’évaluer son comportement vis-à-vis des initiatives citoyennes européennes « réelles » qu’elle aura à traiter. Comme l’illustre l’encadré suivant, l’initiative oneseat n’était pas la seule tentative précoce visant à utiliser un nouvel instrument de démocratie directe transnationale. Depuis 1997, le Forum européen des personnes handicapées se consacre à la défense et à la promotion des droits des personnes handicapées dans l’Union européenne. Bien que ces questions aient gagné en importance et en visibilité dans l’agenda européen, les personnes handicapées continuent à subir la discrimination et la violation de leurs droits les plus fondamentaux dans de nombreux domaines. Pour le Forum, il était urgent d’inscrire la sensibilisation à ce problème à l’agenda et de mobiliser les décideurs européens et l’opinion publique à l’égard de la situation actuelle et des questions de handicap. En 2007, le Forum décidait donc de lancer une ICE pilote sur ce thème, dans le but de toucher à la fois les citoyens européens sur les questions de handicap et les personnes handicapées sur les affaires européennes. Il s’agissait de convaincre ces dernières qu’elles avaient leur mot à dire et un rôle à jouer dans l’Union européenne, mais également de souligner l’impact que l’Union pouvait avoir sur la vie de l’ensemble des citoyens européens, y compris ceux souffrant d’un handicap. L’ « initiative citoyenne européenne pour les personnes handicapées de l’Union européenne » a pour objectif de promouvoir une législation plus rigoureuse en matière de handicap. À l’heure actuelle, les initiatives et la législation européennes sur les personnes handicapées font surtout l’objet d’une approche fragmentée, car portant sur une question précise. Afin de lutter contre cette discrimination, l’initiative appelle l’Union européenne à élaborer une législation complète qui couvrirait tous les domaines de la vie. Sur le plan international, l’Union a signé récemment la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, fidèle à cette même approche. © European Disability Forum Zoom 8 Pas de solution miracle : comment Le Forum européen des personnes handicapées aborda cette nouvelle opportunité Manifestation en faveur d’une ICE La première étape avant le lancement de la campagne, prévu le 23 janvier 2007, consistait à obtenir un large consensus au sein du mouvement européen des personnes handicapées à propos de ses objectifs et de sa forme. Après plus d’un an de préparatifs, un cadre général pour le développement d’instruments et de messages de campagne s’était dégagé dont la principale qualité était certainement l’ouverture. Le texte de l’initiative résume les principaux messages et demandes de la campagne de manière conviviale, afin d’être compris sans difficulté par les signataires potentiels. Des organisations de personnes handicapées issues de toute l’Europe ont été invitées à appuyer l’ICE, mais surtout à se l’approprier et à l’utiliser pour promouvoir leur propre agenda au niveau national, régional ou local. L’objectif du Forum était que la démarche ne soit pas considérée comme une campagne européenne descendante, mais comme une initiative citoyenne ascendante. Internet a joué un rôle essentiel pour la phase de collecte des signatures, mais les déclarations de soutien pouvaient également être recueillies manuellement. Un site Internet dédié à l’initiative a été créé pour collecter les signatures électroniques et présenter l’essentiel des informations, documents et actualités sur la campagne. Le site existe en anglais et en français, à l’exception 62 Manuel de l’initiative citoyenne européenne de la page « Signez », disponible dans toutes les langues de l’Union européenne. Il est toujours accessible à l’adresse www.1million4disability.eu la protection des données et la validité des signatures ; et enfin, la difficulté de recueillir un nombre de signatures proportionnel à la taille et à la population des différents États membres. Le défi de l’échange d’informations multilatéral La principale difficulté était certainement le manque de retour d’information de la part des organisations de personnes handicapées d’envergure nationale ou locale. Malgré les efforts des organisations membres, elles ne pensaient pas toujours à dresser le bilan de leurs réalisations et à partager leur expérience, interrompant ainsi les flux d’information verticaux et horizontaux. Bien entendu, la langue représentait un autre obstacle à surmonter, notamment pour la création d’outils de communication et la traduction des messages clés. L’utilisation presque exclusive du format électronique pour les outils de campagne était due au budget limité. Le FEPH a cherché autant que possible à compenser ce manque de ressources par un maximum de créativité, encourageant le développement de partenariats et le recours à des canaux d’information existants. Les autres difficultés rencontrées comprenaient la différence des cultures et des approches entre les États membres ; l’inégalité des législations et de la sensibilisation en matière de handicap dans l’Union européenne ; l’accès limité aux outils électroniques et l’isolement des personnes handicapées ; les diverses préoccupations concernant Avec plus d’une vingtaine de projets pilotes, l’ICE a pu se « rôder » en temps réel et à grande échelle. Sa mise en pratique précoce a confirmé l’utilité de cet instrument, pour les acteurs et intérêts de toute nature, y compris les partis politiques et les grandes organisations telles que les syndicats ou Greenpeace, ainsi qu’aux individus engagés et aux groupes ad hoc. Ces derniers ont notamment tenté d’utiliser la procédure pour démocratiser la démocratie européenne : plusieurs ICE ont en effet été lancées dans le but de promouvoir un vote populaire paneuropéen sur le nouveau traité européen. L’« initiative ICE » (ou « initiative pour l’initiative ») constitue une autre action clé, lancée fin 2006 par un collectif de jeunes citoyens européens avec le soutien de l’ONG Democracy International et du Forum des étudiants européens après qu’il soit devenu évident (suite à l’échec du traité constitutionnel) qu’il faudrait du temps avant de convenir d’un nouveau traité européen et de le ratifier (ce qui eut fina- Neuf mois après le lancement de l’initiative, Margot Wallström, alors vice-présidente de la Commission européenne, recevait plus de 1,2 million de signatures. Dans une première réaction, elle déclara : « Vous êtes un groupe de pression important pour nous et vous ne cessez pas de nous rappeler tout le travail que nous avons encore à faire. Vous êtes un collaborateur important pour la Commission européenne dans la préparation d’initiatives législatives. Je sais que nous travaillons sur cette initiative qui, espérons-le, pourrait être prête l’année prochaine. Nous nous sommes engagés et nous tiendrons nos promesses. » Aujourd’hui, trois ans après le dépôt de l’initiative, la Commission n’a toujours pas statué, et le temps ne cesse de s’égrener sur le site Internet de l’initiative. Une initiative citoyenne européenne ne constitue donc ni un remède miracle, ni un raccourci pour trouver une solution, mais un instrument très important permettant d’inscrire une question à l’ordre du jour. Sources : Guide « Initiative for Europe » 2008. Remerciements particuliers à : Helena GonzálezSancho Bodero. Plus d’informations sur www.1million4disability.eu lement lieu à la fin de l’année 2009). L’initiative obtint l’appui de nombreuses organisations, telles qu’Euro Citizens Action Service (ECAS) et la Fondation Roi Baudouin, ainsi que des membres du Parlement européen. Cependant, cette initiative citoyenne européenne voyait le jour dans un contexte très difficile. En effet, il n’existait encore aucune réglementation formelle pour l’ICE, et les institutions européennes ne soutenaient pas réellement son principal objectif, à savoir promouvoir l’introduction officielle du droit d’initiative citoyenne européenne sans nouveau traité européen. Cette initiative put maintenir les préparatifs de la mise en œuvre de l’ICE à un échelon actif au sein des organisations de soutien et des institutions européennes, mais elle ne parvint pas à collecter un grand nombre de signatures formelles en Europe. À la fin de l’année 2008, Carsten Berg, l’un des coordinateurs de l’initiative, soumit au Parlement européen « plusieurs milliers de signatures » sous forme de pétition. Analyse : l’entrée en scène des Européens 63 Dans le guide « Initiative for Europe » 2008, M. Berg résumait les conclusions de la « campagne ICE », comme utiles pour le succès de la mise en pratique de l’initiative citoyenne européenne : 3. les ONG s’engagent par anticipation à fournir au moins 100.000 signatures. 4. au moins 100.000 euros de financement ont été levés. « Nous avons élaboré quatre critères de lancement décisifs concernant la formation d’alliances au niveau régional et local, le soutien des ONG, l’engagement à collecter des signatures et les fonds à lever. Nous aurions lancé une campagne à un million de signatures si nous avions satisfait aux critères suivants : Les deux premiers critères ont été remplis mais pas les deux derniers. Nous avons donc décidé de chercher à obtenir non pas un million de signatures, mais le plus grand nombre de signatures possible. »21 1. au moins 100 ONG ont officiellement décidé de rejoindre l’alliance. 2. des alliances nationales/locales en faveur de l’ICE sont bien établies dans au moins 8 États membres de l’UE ; deux d’entre eux faisant partie des «grands» États (France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Pologne et Espagne) et deux autres des nouveaux États membres. L’appréciation des critères de lancement jouera un rôle essentiel dans tous les futurs projets d’initiative citoyenne européenne, mais les critères spécifiques pourront varier en fonction des objectifs des organisateurs. Dans le prochain chapitre de ce guide, nous aborderons chacune des étapes clés de l’élaboration pratique d’une initiative citoyenne européenne. Ci-dessous sont répertoriées les initiatives pilotes lancées entre 2004 et 2009. Tableau 7 – 24 initiatives citoyennes européennes pilotes (2004-2010) Sujet 1 Initiative oneseat Objectif politique Faire de Bruxelles l’unique siège du Parlement européen 2 Equality for Accorder la all! (Égalité citoyenneté europour tous) péenne à tous les résidents de l’UE 3 Contre Mettre un terme l’énergie au traité Euratom nucléaire et empêcher la construction de nouvelles installations nucléaires 4 European Health Initiative (Initiative européenne pour la santé) Organisateurs Membres du Parlement européen Association européenne pour la défense des droits de l’homme Friends of the Earth, Global 2000 Autoriser les thé- Dr. Rath Health rapies naturelles Foundation dans toute l’Europe et autoriser les référendums au sein de l’Union européenne Procédure de collecte des signatures Collecte électronique uniquement, sans e-mail de vérification, 20 langues, plus de 1,2 million de signatures Remarques Déposée auprès de la Commission européenne (2006), non recevable, transmise à la Commission des Pétitions du PE Collecte électronique uniquement, avec e-mail de vérification, 22 langues Collecte électronique Déposée auprès de et listes de la Commission signatures, sans européenne (2007) e-mail de vérification, 13 langues, plus de 630 000 signatures Listes de signatures avec e-mail de vérification, 6 langues 21 Initiative for Europe Handbook (2008), Carsten Berg: « The Initiative for the Initiative », p.45. Plus d’informations sur le site Internet de la campagne www.citizens-initiative.eu. 64 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Sujet Objectif politique Organisateurs Procédure de colRemarques lecte des signatures 5 Un partenariat plutôt qu’une adhésion pour la Turquie S’assurer que la ONG conservaTurquie satisfait trices d’Europe aux critères de centrale Copenhague avant son adhésion à l’UE Collecte électronique Lancée en 2005 et listes de ` signatures, sans e-mail de vérification, 17 langues 6 Pour une Europe politique de liberté, de sécurité et de justice Mettre en place une coopération dans le domaine de la justice au sein de l’UE Collecte électronique Lancée en 2005 uniquement, avec e-mail de vérification, ressortissants des 25 uniquement, 3 langues 7 Un 112 efficace Mettre en place un European dans toute numéro d’urgence Emergency l’Europe européen Number Association Collecte électronique Lancée en 2005 uniquement, sans e-mail de vérification, 25 langues 8 Help Africa (Aider l'Afrique) Donner 5 milliards d’euros supplémentaires par an pour les personnes atteintes du SIDA en Afrique Initiative pour Mettre en place un un Service Civil service civil Européen paneuropéen Membres du Parlement européen Collecte électronique Lancée en 2004 uniquement, sans e-mail de vérification Mouvement EuropéenFrance Collecte électronique uniquement, sans e-mail de vérification ONG autrichienne « Volkshilfe Österreich » Collecte électronique Lancée en 2006 uniquement, sans e-mail de vérification, 4 langues 9 10 Sauvons l’Europe Sociale Campagne pour une Europe sociale Politiciens français 11 1million4disa- Garantir les droits Forum européen bility des personnes des personnes handicapées par handicapées une législation efficace Collecte électronique, avec e-mail de vérification, collecte sur papier, 28 langues, 1,65 million de signatures Déposée auprès de la Commission européenne (2008) 12 Initiative sur les OGM I Collecte sur papier uniquement, plus de 1 million de signatures collectées Déposée auprès de la Commission européenne (2007) Demander Greenpeace l’étiquetage des International produits animaux lorsque les animaux sont nourris avec des produits génétiquement modifiés 13 Initiatives Promouvoir d’anthroposo- la dignité phie appliquée humaine et le développement individuel en tant que valeurs fondamentales de l’UE Réseau d’organisations anthroposophiques Collecte sur papier et par voie électronique, avec e-mail de vérification, 11 langues (informations) 21 langues (formulaires de collecte de signatures), plus de 1 million de signatures Analyse : l’entrée en scène des Européens Sujet Objectif politique Organisateurs 65 Procédure de colRemarques lecte des signatures 14 Services publics de qualité Rendre des Confédération services publics de européenne des qualité accessibles syndicats (CES) à tous Collecte sur papier et par voie électronique, avec e-mail de vérification, 22 langues 15 Pour un référendum européen sur la Constitution européenne Déclencher un vote Union des populaire consulta- fédéralistes tif sur les nouveaux européens (UEF) traités de l’UE Collecte électroLancée en 2007 nique uniquement, avec système de contrôle et de vérification, 13 langues 16 Initiative pour l’initiative Mettre en place une procédure d’initiative citoyenne européenne axée sur les citoyens ONG de défense de la démocratie et groupes étudiants Collecte sur papier et par voie électronique, avec e-mail de vérification, 23 langues 17 Initiative d’urgence pour le Darfour Envoyer une force de protection internationale au Darfour Organisations de défense des droits de l’homme Collecte sur papier et par voie électronique, avec e-mail de vérification, 2 langues 18 Référendum sur le prochain traité de l’UE Déclencher un Membres du référendum en Parlement Europe, au sujet de européen l’Europe Collecte électroLancée en 2007 nique uniquement, avec e-mail de vérification, 27 langues 19 Cancer United Appeler les institutions européennes et les gouvernements nationaux à agir rapidement dans l'intérêt des patients en Europe Intervenants dans le domaine des soins aux patients atteints du cancer Collecte électro2006-2007 nique uniquement, avec confirmation mais sans e-mail de vérification 20 Initiative sur la citoyenneté européenne Euro Citizens Action Service (ECAS) 21 Initiative sur le référendum européen Créer un forum sur la citoyenneté européenne pour organiser des études et des auditions avec les citoyens et la société civile Campagne pour un référendum obligatoire sur les modifications importantes des traités européens 22 Initiative sur Moratoire sur les Plateforme les OGM II aliments généAvaaz.org – tiquement modifiés le monde en action Dr. Rath Health Foundation Déposée auprès de la Commission des Pétitions du PE en janvier 2008 Listes de signatures avec e-mail de vérification, 6 langues En ligne, avec indication du nom complet, de la date de naissance et de la nationalité, avec e-mail de vérification 7 langues, plus de 750 000 signatures Prépare le terrain pour devenir l’une des premières initiatives citoyennes européennes officiellement enregistrées http:// www.avaaz.org/ fr/eu_gmo 66 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Sujet Objectif politique Organisateurs Procédure de colRemarques lecte des signatures 23 Initiative Free Sunday (dimanche sans travail) Législation européenne pour l’interdiction du travail le dimanche Organisations catholiques allemandes En ligne, 2 langues Prépare le terrain pour devenir l’une des premières initiatives citoyennes européennes officiellement enregistrées www.free-sunday.eu 24 Initiative pour une Journée européenne contre l’obésité Donner la parole aux patients obèses et en surpoids Industrie pharmaceutique, dont GlaxoSmith Kline En ligne, 15 langues Déclare également être l’une des premières ICE en cours d’élaboration www.obesityday.eu 25 Initiative pour une alimentation plus écologique Remboursement lors de l'achat de 30% des couts d'achat de produits biologiques, cultivés dans des fermes régionales. Associations de consommateurs En ligne, 12 langues, avec outil de vote (au choix Oui ou Non) Eatgreener.eu (mise en ligne à l'issue d'un accord sur la réglementation) Notre appréciation des 25 premières initiatives pilotes donne un avant-goût (fondé sur des expériences réelles) de l’usage qui sera fait de l’initiative citoyenne européenne par des groupes très différents, d’horizons politiques très différents et avec des objectifs très différents. On relève cependant des caractéristiques communes : l’utilisation intensive des technologies numériques, le multilinguisme et une prise de conscience croissante que l’initiative citoyenne européenne est un processus long, mais qu’elle peut également venir en complément d’une activité à plus long terme. À partir de cette expérience, on peut s’attendre à ce que les futures initiatives citoyennes européennes soient utilisées principalement de manière proactive, plutôt que de manière réactive. De par sa nature, cet instrument est peu adapté à des réactions fortement émotionnelles, alors qu’il peut, en revanche, s’avérer très utile à une définition de l’agenda et à une mise en œuvre à long terme. Dans le dernier chapitre de ce manuel, nous examinerons de plus près le futur processus d’élaboration d’une ICE. 3.5 La dernière ligne droite vers une initiative citoyenne européenne : attitude positive et lutte acharnée Avant d’aborder 2011, date à laquelle les premières initiatives citoyennes européennes seront enregistrées, terminons ce chapitre en revoyant les dernières étapes officielles de l’élaboration de cette nouvelle réglementation. La procédure s’est déroulée entre mai 2009 et décembre 2010. Durant cette période, les décisions étaient prises par le Parlement européen, le seul organe de l’Union européenne à être également influencé directement par les citoyens. Entre temps, de nombreux organismes gouvernementaux et non gouvernementaux ont partagé leurs points de vue, propositions et opinions sur la nouvelle réglementation, comme l’illustre notre étude : Analyse : l’entrée en scène des Européens 67 Tableau 8 – L’élaboration de la loi sur l’initiative citoyenne européenne Quand ? Qui ? Quoi ? 7 mai 2009 Parlement européen Résolution sur la mise en œuvre de l’initiative citoyenne22 9 mai 2009 Sommet sur l'initiative citoyenne européenne23 Manifeste de Salzbourg pour l'initiative citoyenne européenne 200924 11 novembre 2009 Commission européenne Livre vert sur une initiative citoyenne européenne25 11 novembre – 31 janvier 2010 Consultation publique 323 contributions : 159 citoyens, 133 organisations non gouvernementales, 31 organisations gouvernementales26 17 mars 2010 Comité économique et social européen Avis sur la mise en œuvre du Traité de Lisbonne : démocratie participative et initiative citoyenne27 21 mars 2010 Verts européens Position sur la mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne28 31 mars 2010 Commission européenne Proposition de règlement relatif à l’initiative citoyenne29 9 mai 2010 Sommet sur l'initiative citoyenne européenne Manifeste de Salzbourg pour une démocratie directe européenne 201030 Juin 2010 Comité des régions Avis sur le projet de règlement d’initiative citoyenne européenne 14 juin 2010 Conseil européen Approche générale par le Conseil Affaires générales31 14 juillet 2010 Comité économique et social européen Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'initiative citoyenne32 30 septembre 2010 Réunion interparlementaire 30 novembre 2010 Parlement européen (commissions) Vote du rapport en Commission des affaires constitutionnelles (AFCO) et Commission des Pétitions (PETI) Décembre 2010 Parlement et Conseil européens Décisions définitives concernant la loi sur l'initiative citoyenne européenne Fin 2011 Citoyens européens Lancement des premières initiatives citoyennes européennes « officielles » 22 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2009-0389+0+DOC+XML+V0//FR 23 Depuis 2007, des ONG européennes en coordination avec l’Institut Européen des Initiatives et Référendums organisent un rassemblement annuel afin de suivre et promouvoir le développement de l’Initiative Citoyenne Européenne. Depuis 2009, cette réunion se déroule à Salzburg/Autriche aux alentours de la Journée de l’Europe. www.legalpolicy.eu 24 The European Citizens’ Initiative (2010), p.119 ff. 25 http://ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/citizens_initiative/docs/com_2009_622_fr.pdf 26 http://ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/citizens_initiative/contributions_en.htm 27 http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.institutional-reform-opinions-resolutions-opinions.9608 28 cf. Section ressources de ce manuel. 29 http://ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/citizens_initiative/docs/com_2010_119_fr.pdf 30 cf. Section ressources de ce manuel. 31 2010/0074 (COD). 32 http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.institutional-reform-opinions-resolutions-opinions.10571 68 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Après plusieurs années de discussions autour des principes de la démocratie représentative moderne au niveau transnational au XXIe siècle – fondée autant sur la démocratie indirecte que sur la démocratie directe – et après des années de préparations pratique par les citoyens européens, ces derniers travaux sur la mise en œuvre de ce nouvel instrument offrent un avant-goût fascinant de son potentiel éducatif. Fascinant, car pour la toute première fois dans l’histoire, l’ensemble des organisations gouvernementales et non gouvernementales avaient pour tâche de répondre à la question de savoir COMMENT instaurer un instrument de démocratie directe. Les principales institutions européennes s’y consacraient, comme le Conseil européen, le Parlement et bien entendu la Commission, mais également le Comité économique et social européen (CESE), le Comité des régions et le Médiateur européen. La modernisation de la démocratie directe au niveau transnational était non seulement accueillie favorablement, mais toutes les institutions voyaient déjà le rôle spécifique qu’elles pourraient y jouer – comme par exemple le souhait du Parlement de « procéder au suivi du processus ICE » et la proposition du CESE d’assurer l’assistance à l’égard des citoyens intéressés et des groupes d’initiatives. Si l’on tient compte de toutes ces longues années de lutte autour de la démocratie représentative (indirecte ou directe), ces nouvelles attitudes et appréciations vis-à-vis d’une démocratie représentative moderne combinant des processus décisionnels et de définition de l’agenda indirects (parlementaires) et directs (participatifs) constituent une réelle avancée mondiale. Celle-ci ouvre des portes et mobilise les énergies pour la mise en œuvre pratique de la démocratie directe en Europe (et au-delà). Elle a même incité le viceprésident de la Commission européenne, Maroŝ Ŝefĉoviĉ, à définir les aspects essentiels des derniers ajustements de la réglementation gouvernant l’initiative citoyenne européenne : « ... les citoyens veulent que cet outil soit convivial. Ils le veulent simple, direct, compréhensible et surtout accessible. Je partage pleinement cette opinion. Cet instrument a besoin d’être utilisé. Nous devons faire en sorte qu’il soit aussi facile que possible à utiliser afin de favoriser la création d’un espace public européen, élargir la sphère du débat public en Europe et rapprocher l’UE des préoccupations des citoyens. »33 Une déclaration et exhortation globales plutôt impressionnantes de la part d’un haut représentant de l’institution qui sera le principal destinataire des futures initiatives citoyennes européennes. Nous pouvons apparenter cela à une liste de contrôle de l’initiative citoyenne européenne que la Commission européenne devra suivre. En amont de la présentation du projet de règlement par la Commission le 31 mars 2010 (voir note de fin 24), la majorité des participants partageaient cette attitude à l’égard de l’introduction de l’ICE et de l’établissement d’une procédure axée sur les citoyens, accessible et simple. Même les gouvernements des États membres ne disposant pas de processus similaire au niveau national, tels que la Suède, la République tchèque, l’Allemagne et la Grèce, ont accueilli favorablement cette introduction. De plus, de nombreux gouvernements régionaux et parlements nationaux ont pris part à la consultation, à l’image d’événements récents visant à renforcer la démocratie directe à ces niveaux, dans des pays tels que l’Italie, l’Espagne et l’ Allemagne. Il existe donc un intérêt général (positif) envers le renforcement du caractère représentatif de la démocratie représentative et un large réseau d’intervenants gouvernementaux et non-gouvernementaux est prêt à participer, soutenir et suivre la nouvelle procédure dès son lancement en 2011. En relation à la démarche procédurale de la réglementation, la phase pré-législative/consultative du projet de règlement (jusqu’à la présentation de la proposition par la Commission le 31 mars) a montré que la plupart des intervenants – en plus de l’attitude générale positive déjà mentionnée – fondent leurs positions sur certaines expériences nationales ou régionales en ce qui concerne la méthode de collecte des signatures ou le remboursement des organisateurs à une certaine étape de la procédure. Ce panel de réactions a révélé par ailleurs que certaines parties prenantes estiment que l’initiative citoyenne européenne s’apparente davantage à une pétition traditionnelle, tandis que d’autres la comparent à une initiative citoyenne complète classique à impact décisionnel. 33 Discours de Maroš ŠEFČOVIČ, vice-président de la Commission européenne, en charge des « Relations interinstitutionnelles et administration », lors d’une audition des parties concernées au sujet de l’initiative citoyenne européenne à Bruxelles le 22 février 2010 http://ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/citizens_initiative/stakeholder_hearing_fr.htm Analyse : l’entrée en scène des Européens Comme nous l’avons vu précédemment dans ce document, le droit d’initiative de définition de l’agenda combine en réalité des éléments appartenant au droit de pétition et à l’initiative citoyenne complète. Pour cette raison, sa réglementation doit être équilibrée en matière de procédures, comme l’ont entendu la plupart des participants à l’élaboration de la nouvelle loi, y compris la Commission européenne. La proposition de la Commission, qui a marqué le début de la procédure législative officielle, combine des éléments à la fois permissifs et restrictifs. Concernant l’aspect permissif, la proposition : opte pour la liberté de collecte des signatures, comprenant, et il s’agit d’une nouveauté, la collecte des déclarations de soutien en ligne (art. 5 et 6) ; inclut une procédure d’enregistrement ne comportant pour le moment pas de contrôle de recevabilité ni d’appréciation politique (art. 4) ; autorise les États membres à procéder à la vérification des signatures sur la base d’un contrôle aléatoire (art. 9). Cependant, la proposition se caractérise également par des éléments clairement restrictifs, comprenant : le seuil élevé de neuf États membres nécessaires pour satisfaire les critères minimaux concernant le nombre de signatures. Ce critère place la Commission dans une position délicate, car la plupart des intervenants avaient suggéré au cours des consultations et des procédures législatives d’abaisser le seuil à un nombre plus faible d’États membres ; le nombre très élevé de signatures à collecter par les organisateurs avant que l’initiative puisse être soumise au contrôle de recevabilité (300.000 signatures) ; et enfin, les critères liés au formulaire de déclaration de soutien (annexe III ), qui demande non seulement le nom, l’adresse, la nationalité et la date de naissance du signataire, mais également plusieurs numéros d’identification, des données qui diffèrent d’un pays à l’autre ou sont indisponibles dans plusieurs États membres. La Commission propose par ailleurs, un certain nombre d’éléments très constructifs et utiles, tandis que d’autres aspects sont sous-estimés ou passés sous silence. 69 Les éléments constructifs comprennent : l’inclusion de plusieurs formulaires qui amélioreront la fiabilité et la transparence du processus tout en simplifiant la vérification, notamment le « formulaire de déclaration de soutien » (annexe III ), « le formulaire de présentation de déclarations de soutien » (annexe VI) et le « certificat confirmant le nombre de déclarations de soutien valables collectées » (annexe VII). Il ne sera donc pas nécessaire de déposer des piles de formulaires de signature à Bruxelles ; le seuil minimal de signataires par État membre proposé ( annexe I ) s’accompagne désormais d’un barème variable (lié au nombre de sièges au Parlement européen) qui facilite la qualification des États membres les plus peuplés (voir également notre carte au chapitre 4, page 83) ; enfin, les ajustements, prudents à juste titre, apportés aux systèmes de collecte par voie électronique envisagés, qui devront être mis en œuvre étape par étape en collaboration avec les autorités nationales (art. 19) au cours des premières années de la mise en pratique et qui mènent à l’ajout d’une clause de révision (art. 21), stipulant qu’un rapport sur l’ensemble du processus sera présenté au législateur et au public européens cinq ans après son entrée en vigueur. Alors que les éléments permissifs et restrictifs du projet de règlement font encore l’objet de débats intenses entre tous les intervenants, les caractéristiques constructives ont été accueillies favorablement dans la plupart des retours d’information. Cependant, la Commission a ignoré et/ou sous-estimé plusieurs autres aspects, par exemple : une fonction d’assistance administrative et politique pour les premières étapes (services de conseil, notamment concernant l’enregistrement). En réalité, le projet de proposition stipule qu’un (1) fonctionnaire et un (1) assistant seront chargés de toutes les fonctions connexes. Voilà ce que l’on pourrait appeler un arrière-guichet en sous-effectif (quel euphémisme !) ; le rôle de soutien financier pour les organisateurs qui ne représentent pas des organisations puissantes ou des intérêts bien financés. Dans un même temps, le projet de règlement propose un critère de transparence financière pour tous les organisateurs, qui devront communiquer l’intégralité de leurs sources de financement et de soutien au moment de l’enregistrement (annexe II-7) ; et 70 Manuel de l’initiative citoyenne européenne dernier élément, mais non des moindres, la réticence flagrante à intégrer une quelconque obligation d’action concrète de la part de la Commission en réponse à une initiative citoyenne européenne respectant l’ensemble des critères définis plus haut (Art. 11-1-ab). Ce qui contraste fortement avec les promesses faites par le Commissaire Šefčovič lors de l’audition du 22 février. 34 En somme, le projet de règlement de la Commission, qui a marqué le début de la procédure législative officielle (voir illustration ci-dessous), était fondé sur : 1) un objectif raisonnable et adéquat défini par M. Šefčovič : convivial, simple, direct, compréhensible et accessible ; 2) un mélange de propositions réglementaires permissives et restrictives, complétées par plusieurs caractéristiques et outils constructifs, alors que d’autres sont presque entièrement éludés. Régulation du nouveau droit La proposition de règlement semble ainsi être le fruit de la précipitation de la présidence espagnole de l’UE, qui souhaitait prendre une décision définitive concernant la loi sur l’initiative citoyenne européenne au plus tard en juin 2010. Pour vous tenir informé de l’avancement de la procédure législative : http://ec.europa.eu/prelex/detail_dossier_real. cfm?CL=fr&DosId=199169 Dans le cadre de la procédure législative formelle lancée au moment de la présentation du projet de règlement par la Commission le 31 mars 2010, l’accent était de toute évidence mis sur les possibles améliorations, clarifications et amendements à la loi ICE qui comprenaient : la déclaration du Conseil européen du 14 juin (voir note de fin 25 ). Elle confirme en principe le projet de règlement de la Commission, notamment l’exigence « délicate » relative aux signatures provenant d’un tiers des États membres, et propose d’abaisser le seuil du contrôle de recevabilité de 300.000 à 100.000 signatures. En outre, le Conseil apporte davantage de précisions à propos de la collecte de signatures en ligne, de la sécurité des données et sur l’identification requise pour les déclarations de soutien, suggérant même que ce dernier critère soit entièrement exclu de la loi définitive en raison de l’importante hétérogénéité des formes d’identification éligibles ; la proposition du Comité des régions (CdR). Elle vise à abaisser la part des États membres « qualifiés » à un quart du total, s’inspirant de dispositions de traités relatives à la définition de l’agenda, telles que l’article 76 du TFUE (traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). À d’autres égards cependant, certaines propositions du CdR compliquent la procédure plus qu’elles ne la facilitent. En ce sens, l’ajout de critères d’exclusion supplémentaires concernant l’enregistrement, la fusion de l’enregistrement et du contrôle de recevabilité (remarque 33 de l’avis, voir note de fin 22 ) et l’obligation supplémentaire pour les organisateurs de publier une liste des dépenses prévues semblent être autant de freins à sa réalisation. Le CdR a toutefois déclaré que les régions devraient être habilitées à organiser des initiatives citoyennes européennes ; l’avis du Comité économique et social européen, rédigé au cours d’un vaste processus à deux étapes. Tout d’abord, il souligne l’ensemble des possibilités et des limites de l’ICE (adopté par l’assemblée du CESE en mars). Ensuite, il répertorie des mesures d’amélioration, avec un contrôle de recevabilité à 50.000 signatures (lié à une offre de traduction) et un concept d’infrastructure de soutien pour l’initiative, sujet que nous aborderons dans le prochain chapitre de ce manuel. 34 Au cours de la réunion, le Commissaire Šefčovič sa déclaré que les initiatives citoyennes qui auront abouti « obligeront la Commission, en tant que collège, à étudier de près les demandes introduites par un million de citoyens ». Analyse : l’entrée en scène des Européens Lorsqu’à l’automne 2010, la balle était revenue dans le camp du Parlement, il subsistait six principaux sujets controversés : 1) l’enregistrement en tant que premier point de contrôle formel. Quels critères d’éligibilité appliquer pour les organisateurs d’une initiative ? Quels sont ceux d’exclusion de l’enregistrement ? Qui doit être chargé de réaliser ce premier contrôle ? 2) le contrôle de recevabilité en tant que deuxième contrôle formel. Doit-il être effectué en même temps que l’enregistrement, ou immédiatement après ? Ou doit-on exiger la collecte d’un nombre défini de signatures avant qu’un contrôle de recevabilité puisse être effectué ? 3) le nombre d’États membres requis devant fournir un certain nombre de signatures. Ce « nombre significatif » minimal doit-il s’élever à un cinquième, un quart ou un tiers des États membres ? 4) le délai accordé pour la collecte des déclarations de soutien. Doit-on accorder un délai de 12, 18 ou 24 mois ? 5) les critères liés à la possibilité de vérification et de certification des déclarations de soutien. Les formulaires utilisés doivent-ils inclure des numéros d’identification et des documents de référence ? 6) Le rôle et la structure du troisième point de contrôle formel : la réponse politique de la Commission européenne (et d’autres institutions européennes) aux initiatives citoyennes. Quelle forme l’« obligation » explicitement annoncée par le Commissaire Šefčovič devrait-elle prendre ? Comment les organisateurs d’une initiative qui a abouti seront-ils écoutés et impliqués ? L’issue dépendra également des solutions et des accords trouvés à ces six points, ainsi que de la réalisation de l’objectif (convivial, simple, direct, compréhensible et accessible) exprimé le 22 février par M. Šefčovič. Au Parlement européen, deux commissions ont traité la question de l’ICE, avec des rapporteurs issus des quatre grands groupes politiques et de quatre cultures politiques et pays différents : 71 Commission des affaires constitutionnelles (AFCO) : Alain Lamassoure (PPE, France), Zita Gurmai (PSE, Hongrie) ; Commission des Pétitions (PETI) : Diana Wallis (ADLE, Grande-Bretagne), Gerald Häfner (Verts/ ALE, Allemagne). Ce partenariat présageait d’une coopération constructive en amont des décisions définitives du Parlement et des discussions avec le Conseil et la Commission. Alain Lamassoure, ancien ministre français des Affaires étrangères, était avec Jürgen Meyer l’un des pères fondateurs de l’initiative citoyenne européenne au sein de la Convention européenne. Diana Wallis avait participé à la coordination du travail du Parlement entre 2004 et 2009. Gerald Häfner est membre du Parlement depuis les dernières élections, après avoir travaillé sur des procédures législatives en Allemagne (entre autres) pendant plus de trente ans. Madame Wallis et Messieurs Häfner et Lamassoure apportent leur grande expertise, leurs contacts et leur influence politique.35 À l’automne 2010, alors que la loi définitive sur l’ICE en était à ses derniers préparatifs, Madame Zita Gurmai, membre du parti socialiste hongrois et vice-présidente de la Commission des affaires constitutionnelles, est venue les suppléer. Peu avant la mise sous presse de ce manuel, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont trouvé un accord sur la réglementation de l’ICE. Les points suivants ont été entérinés : 1) l’enregistrement et l’admission directe de l’ICE prendront place simultanément ; 2) les signatures récoltées devront provenir de minimum 7 États membres ; 3) les États membres auront 12 mois pour transformer une réglementation en une loi nationale ce qui est particulièrement important pour l’issue des signatures (électroniques) ; 4) les exigences des signatures (il s’agit ici de demander ou non un numéro d’identité nationale) sont laissées à la décision de chaque État membre ; et 5) une ICE réussie devra être discutée en audience auprès de la Commission et du Parlement. 35 À des fins de transparence, les informations suivantes peuvent compléter l’évaluation positive des capacités des personnes concernées : Alain Lamassoure était membre du groupe de travail informel au sein de la Convention européenne présentée dans ce manuel, et corédacteur de l’ouvrage « Transnational Democracy in the Making » (2003) avec Jürgen Meyer, Bruno Kaufmann, rédacteur du présent manuel. Diana Wallis fait partie des membres dirigeants de l’Institut européen sur l’initiative et le référendum depuis 2004. Gerald Häfner est cofondateur des Verts allemands et de l’ONG « Mehr Demokratie ». Il a rejoint l’Institut européen sur l’initiative et le référendum en 2010 en qualité de conseiller. Il est membre du Parlement allemand depuis plus de dix ans. 72 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Zoom 9 La démocratie « verte » : transnationale et directe Dès ses débuts, le mouvement politique écologiste était très attaché au développement de la gouvernance mondiale et à la démocratisation de la démocratie. En effet, les régimes politiques traditionnels, fondés sur l’État-nation et fonctionnant principalement de manière indirecte, ont toujours eu des difficultés à résoudre les problèmes environnementaux. Ces derniers affectent le quotidien des citoyens et ne s’arrêtent pas aux frontières de chaque pays. C’est pourquoi presque tous les partis écologistes du monde ont placé au cœur de leur programme le renforcement de la gouvernance internationale d’une part, et celle de la démocratie directe et participative, de l’autre. L’impact des idées et des principes « verts » n’a cessé de croître : l’Union européenne et d’autres organes de gouvernance internationale, les ont placés en tête de leurs priorités. Lorsqu’il s’agit d’avoir recours à des initiatives et à des référendums dans le monde, les questions environnementales jouent un rôle clé dans tous les processus de décision et de définition de l’agenda. Mais puisque tout instrument institutionnel peut (et doit) bien entendu être utilisé par tous les participants au processus politique, il est évident que les intérêts extérieurs à l’écologie font également partie intégrante de la gouvernance internationale et des procédures de démocratie directe. Par ailleurs, les écologistes ayant accédé à des fonctions exécutives tendent à devenir plus sceptiques vis-à-vis de la participation citoyenne et à manifester une désaffection soudaine envers les structures de partage du pouvoir, une fois au pouvoir. Dans de nombreux mouvements écologistes, le principe de démocratie participative et directe peut déplaire aux penseurs de gauche comme de droite. D’un point de vue idéologique, ils considèrent en effet les processus de démocratie directe comme un obstacle à la prise de décision à la majorité. Ce contraste au sein de la « famille politique verte » a pendant un certain temps empêché les Verts européens et le groupe Verts/ALE d’être le vrai moteur du changement démocratique direct Débat sur l’initiative citoyenne organisé par GEF au Conseil européen du Parti des Verts à Barcelone (Mars 2010) transnational. Moins prononcées aujourd’hui, ces divisions internes ont fait place à un soutien grandissant à la démocratie directe, y compris chez les sceptiques de la démocratie directe post-68, originaires des états fondateurs des communautés européennes (aujourd’hui l’UE). Quant à ceux réticents au caractère transnational de la procédure, principalement dans les pays nordiques, ils partagent désormais l’idée de la nécessité d’un processus d’intégration européenne fort. Cette convergence croissante au sein des partis écologistes a permis de développer et de promouvoir des positions claires sur la loi relative à l’initiative citoyenne européenne. À la réunion du Conseil à Barcelone, le Parti vert européen a adopté une position commune sur la future procédure législative, précédée d’une délibération au sein de plusieurs partis verts nationaux et régionaux. Finalement confirmée, elle fut suivie d’une prise de position claire du groupe Verts/ALE au Parlement européen.36 Dans la position adoptée mi-juillet, le groupe vert/ALE au PE a cherché à garantir certaines dispositions déjà acceptées par la Commission, telles que le barème variable pour le nombre minimal de signatures provenant de chaque pays et la possibilité de collecte des signatures par voie électronique. Plus important encore, le groupe a également adopté des positions claires sur la question du contrôle de recevabilité (immédiatement après l’enregistrement et le début de la phase de collecte des signatures) et sur certaines zones d’ombre, telles que les procédures devant faire suite à l’aboutissement d’une initiative citoyenne européenne 36 Pour les références, voir chapitre « Ressources » à la fin de ce guide. Analyse : l’entrée en scène des Européens et l’infrastructure de soutien supplémentaire. Il a également proposé de rallonger le délai de collecte de signatures (24 mois au lieu de 12) et d’abaisser le seuil d’États membres qualifiés (un cinquième au lieu d’un tiers). Enfin, le groupe Verts/ALE a également intégré à sa position commune des objectifs politiques comme l’extension de l’éligibilité générale à signer une initiative citoyenne européenne à tous « les résidents de l’UE âgés d’au moins 16 ans. » Cette double extension bénéficie du soutien de nombreux groupes européens de défense des droits de l’homme et des droits civiques. L’initiative citoyenne européenne ne doit pas uniquement être considérée comme une nouvelle forme de pétition, mais bien comme une première étape menant à un ensemble plus complet d’instruments de démocratie directe. Cependant, l’argument en faveur de l’extension du niveau d’éligibilité existant pour les élections Après avoir présenté les principes, les définitions et l’évolution d’une démocratie représentative moderne au premier chapitre de ce guide, et évalué l’élaboration de l’initiative citoyenne européenne dans le deuxième, il est temps de mettre en pratique la démocratie directe transnationale. De nombreuses leçons peuvent être tirées des pratiques existantes au niveau national et régional. Cependant, à l’instar du système politique de l’Union européenne, l’initiative citoyenne européenne sera elle aussi un processus unique en son genre (« sui generis »). En supposant qu’il soit possible de répondre aux questions en suspens 73 du PE (l’initiative citoyenne européenne constitue simplement un « instrument à valeur non contraignante ») peut s’avérer contre-productif, notamment concernant la manière dont la Commission devra traiter les initiatives qui ont abouti. Ceci étant dit, on pourrait commencer par proposer une telle extension d’éligibilité aux groupes n’appartenant pas aux « ressortissants de l’UE » désignés explicitement dans le Traité de l’UE. Plusieurs initiatives citoyennes européennes éventuelles sont également prévues ; les militants et les organismes écologistes pourraient participer à leur organisation dans un avenir très proche. Nous verrons dans le dernier chapitre de ce manuel comment cela sera possible, ainsi que les aspects que les organisateurs potentiels devront envisager avant de lancer une initiative citoyenne européenne. sur la réglementation, et ce, de manière satisfaisante pour les militants citoyens, les organisations non gouvernementales, mais aussi les institutions clés de l’Union européenne qui ont travaillé des mois, des années, voire des décennies sur ce sujet, le moment est venu de passer de l’aspect procédural et législatif à la mise en pratique. Il appartient à chacun de nous d’élever ce concept au rang de référence universelle de la démocratisation ! Passons maintenant au quatrième et dernier chapitre : le manuel pratique de l’initiative citoyenne européenne. Perspectives : enfin en pole position ! 75 4. Perspectives : enfin en pole position ! 4.1 Quand le New York Times s’intéresse à l’Europe Le temps de l’enregistrement des toutes premières initiatives citoyennes européennes « réelles » est venu. Comme l’illustre ce manuel, de nombreux groupes et des millions d’Européens s’y sont déjà frottés et les leçons tirées de ces tentatives se sont avérées utiles. Il ne s’agit pourtant que d’un simple essai sans aucune base juridique, ni obligation pour la Commission européenne de réagir ou d’agir. Tout cela est sur le point de changer, comme l’est l’intérêt des médias jusqu’à présent réticents à relayer les questions soulevées par l’initiative citoyenne européenne. C’est d’ailleurs le New York Times, journal américain (aussi le plus influent), qui a publié à la mi-juillet un article intitulé « Europe Turns Ear Toward Voice of the People » (L’Europe tend l’oreille à la voix du peuple). Prenant l’exemple d’une initiative citoyenne européenne « en cours de préparation », l’initiative Free Sunday des chrétiens conservateurs, les auteurs expliquaient à un lectorat américain surpris, que l’Europe était sur le point de mettre en place un processus de démocratie directe au niveau transnational, processus disponible aux États-Unis au niveau des états seulement. © istockphoto.com Intérêt général pour l’initiative européenne Le quotidien osait même quelques suggestions d’autres sujets d’initiatives possibles : « l’interdiction de la corrida, de la burqa et des aliments génétiquement modifiés ; la limitation des forages en mer ; l’introduction de nouvelles taxes ; le refus des échanges de données financières avec les États-Unis ; et garder la Turquie hors de l’Union ». Mais, concluait l’article, l’initiative citoyenne européenne pourrait également servir d’« exercice de consolidation d’équipe » et contribuer à la constitution d’un demos européen de manière ascendante. 76 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Nul ne sait en réalité. Seul l’avenir peut le dire. Mais celui-ci est entre nos mains et il nous appartient à nous, citoyens de l’Union européenne, de montrer au monde entier que l’engagement citoyen peut faire la différence, en identifiant un problème commun, en concevant une campagne transnationale et en lançant un débat à l’échelle du continent. Le sentiment général aujourd’hui est qu’il sera très difficile pour les citoyens « ordinaires » de lancer et d’organiser une initiative citoyenne européenne. Cela n’est pas surprenant, car depuis plus de 50 ans, l’Union européenne et l’élaboration de ses politiques ne sont pas directement soumises à l’influence des citoyens. La majorité d’entre eux a l’impression que leur participation à cette mécanique complexe n’est ni incitée, ni souhaitée. Or maintenant qu’il est enfin possible d’influencer l’agenda politique de l’Union européenne, les européens sont prêts à s’impliquer dans l’organisation et/ou le soutien d’une initiative citoyenne européenne. La conjonction d’une tendance générale au renforcement de la participation citoyenne directe au sein d’une démocratie représentative (voir chapitre 1) et de l’attitude positive de la plupart des intervenants envers le nouvel instrument (voir chapitre 2), nous confronte au défi de la mise en pratique. Comment nous préparer ? Sur quel sujet une initiative citoyenne européenne peut-elle porter ? Quelles sont les ressources nécessaires pour réaliser nos objectifs ? En bref, comment participer à l’organisation d’une initiative citoyenne européenne dans un premier temps? Ce dernier chapitre est un guide pratique qui explique point par point comment préparer et utiliser ce nouvel instrument. Nous y abordons certains enjeux essentiels, tels que sa fonctionnalité, la possibilité pour les organisations sans grandes ressources financières de produire des supports multilingues et la nécessité de considérer l’ICE comme un instrument de communication permettant de définir les actions à entreprendre. Nous concluons ce manuel en attendant avec impatience la mise en place d’une infrastructure de soutien possible et nécessaire. Avertissement préalable Sur base de la réglementation adoptée fin 2010 en matière d’initiative citoyenne européenne, nous pouvons définir les dix principales étapes de l’aboutissement d’un projet d’initiative. Avant de devenir le (co)organisateur d’une initiative, il vaut mieux être conscient de l’envergure d’une telle démarche et de son impact sur votre vie et celles des autres. D’abord parce votre initiative pourrait mener à l’introduction d’une nouvelle législation dans l’Union européenne, mais également parce qu’il vous faudra tenir la barre de ce « vaisseau politique » pendant de longues années. Ce qui exigera des efforts et des ressources considérables, quel que soit le soutien officiel et non officiel que vous serez en mesure d’obtenir et d’organiser. À plusieurs reprises au cours du processus, demandez-vous s’il n’existe pas d’autres manières d’aborder et d’influencer l’Union européenne. Certaines alternatives pourraient s’avérer bien plus efficaces, notamment : obtenir gratuitement des conseils juridiques sur toutes les questions relatives à l’Union européenne, par l’intermédiaire du Service d’orientation pour les citoyens (SOC), qui met à disposition sur son site un formulaire en ligne pour recueillir les demandes et s’engage à fournir une réponse dans votre langue dans un délai d’une semaine ; [http://ec.europa.eu/ citizensrights/front_end/index_fr.htm] déposer une plainte auprès du Médiateur européen concernant une action relative à l’UE. Vous disposez également d’un formulaire de dépôt de plainte en ligne dans les 23 langues officielles ; [http://www.ombudsman.europa.eu/home.faces] avoir recours à SOLVIT, un réseau de résolution de problèmes en ligne. SOLVIT intervient uniquement pour les problèmes transfrontaliers dus à la mauvaise application de la législation communautaire par les autorités publiques au sein d’un État membre de l’UE ; [http://ec.europa.eu/solvit/site/index_fr.htm] faire appel au réseau des Centres Européens des Consommateurs pour traiter des questions concernant des produits et services défectueux dans 29 pays (UE 27, Norvège et Islande) [http:// ec.europa.eu/consumers/ecc/index_en.htm ], ou à EURES, un service spécial destiné aux demandeurs d’emploi et aux personnes souhaitant étudier dans un autre pays de l’UE ; [http:// ec.europa.eu/eures/] participer aux débats à l’échelle européenne sur le site de la Commission « Votre point de vue sur l’Europe » [http://ec.europa.eu/yourvoice/], où vous trouverez la description des différentes formes de participation ainsi que des formulaires en ligne ; déposer une pétition auprès du Parlement européen par courrier ou par l’intermédiaire d’un formulaire en ligne ; [https://www.secure. europarl.europa.eu/parliament/public/petition/ secured/submit.do?language=FR]. Perspectives : enfin en pole position ! Zoom 10 Le droit de pétition Le Traité de Maastricht introduit un nouveau droit citoyen : le droit de pétition. Tout citoyen de l’Union européenne a le droit d’adresser une pétition au Parlement européen, sous la forme d’une plainte ou d’une requête, au sujet d’une question relevant d’un domaine de compétence de l’Union européenne. La pétition doit par ailleurs porter sur un sujet concernant directement les organisateurs. Elle doit mentionner le nom, la nationalité et le domicile de chacun des pétitionnaires et être rédigée dans l’une des langues officielles de l’Union européenne. Les pétitions sont renvoyées à la Commission des Pétitions au Parlement européen, qui se charge d’en vérifier la recevabilité matérielle et d’évaluer la proposition d’un point de vue politique. La Commission peut organiser des auditions ou envoyer des membres sur place pour constater les faits. L’issue donnée dépend de la nature de la pétition et inclut un traitement individuel, un jugement de la Cour de justice et une mesure législative par le Parlement. Dans tous les cas, le pétitionnaire reçoit une réponse exposant les résultats des démarches entreprises. La Commission des pétitions du PE traite environ 1.500 demandes par an, dont deux tiers sont recevables. Certaines pétitions ont entraîné une initiative politique et la création d’une nouvelle législation : la nouvelle stratégie de lutte contre la sclérose en plaques (en 2001), une réévaluation de l’impact environnemental de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, la contestation d’un plan d’urbanisme à Valence et celle de l’absence d’études d’impact environnemental relatives à un projet autoroutier en Espagne. Les thèmes principaux visés par les pétitions en Europe sont (1) l’environnement, (2) les droits fondamentaux et (3) les affaires sociales. L’urbanisation, la santé, l’éducation et les infrastructures sont d’autres thèmes fréquemment abordés. Source : www.europarl.europa.eu/parliament/ public. Remerciements particuliers à Claire Genta Pour obtenir des conseils sur le meilleur moyen d’exprimer son opinion et d’influencer l’ Union européenne, vous pouvez également contacter « Europe Directe », le service d’assistance de l’UE [http://ec.europa.eu/europedirect/write_to_us/ web_assistance/index_fr.htm], ou l’une des nombreuses organisations non gouvernementales 77 s’employant à promouvoir activement la diffusion d’informations, la discussion et la consultation sur les affaires européennes, telles que ECAS à Bruxelles. Enfin, vous pouvez bien entendu utiliser la méthode indirecte et contacter votre député européen ou le parti politique de votre choix dans votre pays ou dans l’UE. 4.2 Une nouvelle voie : un manuel en dix étapes pour lancer votre initiative citoyenne européenne L’objectif de cet avertissement n’est bien sûr pas de vous décourager à organiser ou soutenir une initiative citoyenne européenne. Bien au contraire : l’Europe a plus que jamais besoin de votre participation au processus politique, vous, votre réseau, votre organisation et d’autres citoyens engagés. Voici la liste des actions à suivre et à évaluer avec soin pour lors de l’engagement d’une initiative citoyenne européenne. Étape 1 : Votre idée de résolution d’un problème important en Europe. Étape 2 : Informez-vous à propos des alternatives disponibles et de la procédure de l’initiative citoyenne européenne. Étape 3 : Définissez le degré de réalisation et de définition de l’agenda que vous comptez atteindre. Étape 4 : La formulation et l’explication de votre proposition initiale doivent être compréhensibles dans 25 langues et dans un nombre encore plus important de cultures politiques en Europe. Étape 5 : Préparez l’enregistrement en évitant le piège des contrôles formels et juridiques et envisagez l’éventualité d’un nonenregistrement/d’une non-recevabilité. Étape 6 : Vous disposez d’un délai très court pour convaincre plus d’un million d’Européens issus d’un grand nombre de pays. Étape 7 : Pas de soutien sans communication ; dialoguer avec l’ensemble des éventuels alliés et sceptiques sera un élément déterminant du succès durable de votre initiative. Étape 8 : Surmonter des dizaines d’exigences et d’obstacles avant de pouvoir finalement envoyer à Bruxelles votre e-mail avec les pièces jointes nécessaires (certifications, etc.). Étape 9 : le dépôt de l’initiative auprès de la Commission européenne marque à peine le début d’un autre chapitre important de celle-ci, c’est-à-dire la communication et la 78 Manuel de l’initiative citoyenne européenne discussion autour d’un thème officiel concernant l’Union européenne. Étape 10 : Fin d’un exercice épuisant, mais qui, nous l’espérons, vous aura permis d’augmenter votre influence. N’oubliez pas le travail administratif, le suivi, la documentation et l’évaluation afin d’en tirer les leçons essentielles. Il apparaît de manière évidente, qu’une initiative citoyenne européenne n’est pas une solution miracle ou un moyen rapide de réagir, mais un processus long de plusieurs années, qui dépendra non seulement de la somme d’argent que vous serez capable de lever, mais aussi du soin et des compétences stratégiques que vous apporterez à sa préparation afin que son impact soit durable. L’ensemble de la procédure prendra de nombreuses années, et s’accompagnera toujours d’un véritable processus de pré-enregistrement exigeant la définition des méthodes adoptées et les échéances et la sécurisation d’un réseau et d’un financement afin d’être prêt pour l’étape 4, c’est-à-dire la formulation pratique et compréhensible d’une proposition d’initiative. À ce stade, vous aurez également besoin d’une sorte d’organisation professionnelle capable de vaincre l’ensemble des obstacles procéduraux, pratiques et politiques se dressant devant le million de signatures. Cela donnera l’avantage aux organisateurs établis sans doute, mais cette situation pourrait être compensée d’une certaine façon, par une infrastructure de soutien, garantissant un accès libre aux groupes défavorisés, aux jeunes citoyens et aux minorités telles que la communauté rom en Europe. Protéger les minorités par une initiative? Examinons de plus près ces dix étapes. Étape 1 : L’idée Qu’une idée forte vous trotte dans la tête depuis longtemps ou que vous ayez eu un éclair de génie la veille, une chose est sûre : aucune initiative citoyenne européenne n’aboutira sans « bonne » solution à un problème important en Europe. Au risque de nous répéter, votre idée doit porter sur un problème important, comme celui décrit au chapitre 1. Il est préférable qu’il soit également un problème pour une grande partie de la population européenne, voire pour l’Europe. Il ne s’agit donc pas seulement de faire la lumière sur un problème et d’éduquer les citoyens mais bien de proposer une solution jugée bonne. Vous aurez en effet à élaborer une proposition législative sur une question concernant l’UE et que les institutions existantes n’ont pas encore traitée – ou résolue. La participation citoyenne au processus communautaire s’est toujours limitée à des consultations sur invitation ou à des actions de lobbying auprès des institutions européennes, ou encore à des votes populaires (référendums) au sein des différents États membres. Il manquait une voie juridiquement accessible permettant aux citoyens de devenir des Européens proactifs. C’est ce qui est offert ici. L’initiative citoyenne européenne ne consiste pas à critiquer l’action de l’Union européenne, mais à exprimer ce sur quoi nous voulons que l’UE légifère afin d’apporter une solution transnationale et paneuropéenne à un problème spécifique. Si la motivation initiale de votre engagement comporte un aspect émotionnel, essayez d’emblée de la traduire en une idée d’initiative proactive axée sur la proposition de solutions. Commencez également à identifier vos premiers partenaires et soutiens éventuels. De par leur simple existence, un grand nombre d’organisations et d’associations en Europe ont sans doute une longueur d’avance. Cet outil devrait leur permettre de parcourir la seconde moitié du chemin – de préférence en coopération avec d’autres intervenants. Étape 2 : La connaissance Une fois l’idée de l’initiative définie, vient le temps de vous informer : à propos du thème choisi bien entendu, mais également sur les possibilités et les limites de l’Union européenne à traiter cette question spécifique, ainsi que de celles de ce nouvel instrument. L’initiative citoyenne européenne peut apporter une contribution législative à la Commission européenne, à égalité avec le Parlement et le Conseil européens, mais elle ne peut pas, par exemple, entraîner la tenue d’un référendum paneuropéen sur l’initiative proposée. Prudence, donc. Bien que les brochures officielles de l’UE décrivent l’initiative citoyenne européenne comme une clé de la participation à la prise de décision, elle n’est qu’outil de définition de l’agenda. La différence est considérable. Perspectives : enfin en pole position ! 79 Étape 3 : Les objectifs Certains droits réservés : raymond crowley Consacrer plusieurs années de sa vie, une bonne quantité de matière grise et peut-être de ressources financières, à un projet d’initiative transnationale est un événement important. À cette étape encore précoce, après avoir défini l’idée de base de l’initiative et acquis une véritable expertise sur la question en jeu et sur la procédure, vous devez avoir conscience du niveau d’implication nécessaire. Innovations du Traité de Lisbonne En qualité d’organisateur, poser les bonnes questions ne suffira pas : on attend de vous une innovation législative à laquelle personne, au sein d’institutions politiques bien établies et bien équipées, n’avait pensé jusqu’à présent. Ces institutions étant les seules habilitées à prendre les décisions, l’impression que vous ferez en tant que personne (ou équipe/organisation/réseau) compétente sera déterminante. Prévoyez donc un délai suffisant pour cette première phase, non en termes de jours ou de semaines, mais bien de mois, voire d’années. À partir du moment où vous aurez cliqué sur le bouton « Envoyer » du nouveau site Internet d’enregistrement mis en place par l’Union européenne, les choses iront très vite et vous devrez vous soumettre à trois contrôles officiels : a) le contrôle formel au moment de l’enregistrement ; b) ce qui devrait se produire selon la directive, d’une part lors de l’enregistrement, d’autre part lors de la présentation de l’initiative ; c) le contrôle politique suite au dépôt d’au moins un million de déclarations de soutien valides provenant d’au moins neuf États membres. Vous devrez anticiper les exigences spécifiques à chaque contrôle. Le contrôle formel initial est le plus simple, mais les choses se compliquent avec le contrôle de recevabilité. Pensez d’emblée à consulter des experts dans le domaine, afin d’éviter de mauvaises surprises au cours du processus. Et bien entendu, préparez-vous le mieux possible au débat politique : vous aurez à convaincre un continent entier du bien-fondé de votre proposition ! Peut-être vous interrogez-vous sur la manière d’enregistrer une initiative, ou croyez-vous sincèrement qu’il est possible de convaincre plus d’un million de personnes de la pertinence de votre proposition ? Peut-être que vous et votre organisation considérez le lancement d’une initiative citoyenne européenne uniquement comme un moyen de vous faire connaître ou de mobiliser des appuis en amont d’une prochaine élection... ? Les motivations, les objectifs et les ambitions d’un projet d’initiative citoyenne européenne peuvent être très différents. Il peut être tout à fait justifié d’enregistrer une initiative sans aucune chance d’obtenir les signatures requises, ou même soulever une question qui ne relève en toute évidence pas des compétences de la Commission européenne. Cependant, vous devez définir clairement vos propres objectifs avant de vous adresser à des tiers de manière crédible et efficace. Sinon, les fausses promesses ou les mauvaises appréciations se retourneront contre vous, votre groupe et votre initiative. Quel que soit le but, essayez de le définir avant de vous lancer dans l’aventure et de collaborer avec le plus grand nombre de partenaires possible. Par ailleurs, la réglementation vous imposera la déclaration de vos donateurs et éventuellement celle des dépenses prévues. Il est donc fortement recommandé de mettre ces éléments par écrit dès à présent. Cela vous aidera à prendre conscience du sérieux et/ou du niveau adéquat de votre projet d’initiative citoyenne européenne et peut également influencer votre décision quant aux objectifs de l’ensemble de votre démarche. Étape 4: La rédaction En politique, la communication est déterminante. Vous êtes sur le point de lancer un projet qui devra être diffusé dans toutes les langues officielles de l’Union européenne : en estonien, en 80 Manuel de l’initiative citoyenne européenne portugais, et même en grec. Vous ne disposez sans doute pas des ressources nécessaires pour produire d’emblée toutes ces traductions. Ne vous découragez pas, l’important à cette étape est de rédiger une proposition qui a) respecte le format imposé par la nouvelle réglementation en matière d’ICE et b) soit formulée de façon à être comprise sans l’aide d’un expert. La proposition adresse un message important à l’ensemble des législateurs, administrateurs et experts juridiques responsables de la rédaction de la législation européenne : nous, citoyens européens, sommes capables de rédiger des lois lisibles et compréhensibles ! Pourquoi cela est-il si important ? D’abord parce que tous les Européens sont les soutiens potentiels de votre initiative, et Zoom 11 Le défi des 23 langues officielles dans un processus d’initiative L’Union européenne est synonyme de multilinguisme. Aucune autre communauté politique au monde n’investit autant dans les services de traduction et d’interprétariat. Il s’agit d’un défi considérable pour tous les services impliqués et cela crée un ensemble de droits pour tous les citoyens de l’UE. Par exemple, chacun a le droit de s’adresser à un fonctionnaire/bureau de l’UE dans sa propre langue maternelle, dans la mesure où elle fait partie des 23 langues officielles de l’Union. Alors que les institutions européennes implantées à Bruxelles et au Luxembourg emploient déjà plus de 2.500 personnes uniquement pour la traduction au quotidien des débats et des supports écrits, la procédure d’initiative citoyenne européenne, en tant que premier instrument de démocratie directe transnationale, génère de nouvelles ambitions exaltantes relatives au multilinguisme. Il sera nécessaire à une certaine étape de la procédure de faire traduire les principaux supports et formulaires d’une proposition dans toutes les langues officielles. Sans aide, la tâche sera difficile, voire insurmontable pour un petit comité d’organisateurs. Or la prochaine réglementation ne prévoit aucune disposition. Toutefois, plusieurs possibilités existent. La première est, par exemple, de faire appel à une communauté de blogueurs. Au printemps 2010, bloggingportal.eu a lancé un projet pilote pour des initiatives citoyennes européennes à que vous devrez communiquer avec eux dans toutes les langues officielles. Vous aurez besoin du soutien de coorganisateurs, de personnes intéressées dans toute l’Europe, de linguistes et des institutions européennes elles-mêmes. Si votre projet de loi initial – et les explications qui l’accompagnent – ne sont ni clairs, ni plausibles, ils le seront encore moins une fois traduits dans les autres langues. N’oubliez pas : la formulation doit être brève, claire et convaincante. En outre, la nouvelle réglementation impose au texte proposé des exigences supplémentaires, notamment un formulaire de proposition dont le nombre de caractères est limité et éventuellement les références législatives du traité en vertu duquel l’Union européenne sera appelée à agir. coût réduit, avec un accès libre à la traduction des propositions d’initiative. Un premier essai (un court texte de moins de 200 caractères) a été traduit dans toutes les langues officielles en quelques heures [www.bloggingportal.eu].37 Cette possibilité ne sera par contre pas systématique dans la mesure où certaines propositions ne trouveront pas de communauté de blogueurs favorable et, de toute manière, les supports officiels devront être soigneusement contrôlés d’un point de vue juridique. Une ressource de l’Union doit donc se consacrer à cette tâche. Par chance, le Comité économique et social européen, qui emploie à lui seul plusieurs centaines de traducteurs, a déjà déclaré qu’il serait prêt à faire le lien entre citoyens et institutions dans le cadre de la procédure d’initiative citoyenne européenne. Toutefois, traduire tous les supports officiels (proposition d’initiative, explications, etc.) ne sera pas suffisant. Une initiative citoyenne européenne digne de ce nom engendrera des discussions en plusieurs langues sur tout le continent. Outre le soutien de polyglottes, il faudra utiliser les nouvelles évolutions technologiques en matière de traduction instantanée afin de garantir la compréhension et de maintenir des coûts bas. Enfin, les discussions et la compréhension au niveau transnational ne dépendent pas uniquement de la langue, mais également de la terminologie utilisée. C’est la raison pour laquelle nous proposons en annexe une « Terminologie : Glossaire de la démocratie directe moderne et de l’initiative citoyenne européenne », reprenant 37 Le blog de Julien Frisch (et de ses collègues) présente régulièrement des rapports sur les développements et réflexions autour de l’initiative citoyenne européenne : http://julienfrisch.blogspot.com/search/label/European%20Citizens%27%20Initiative Perspectives : enfin en pole position ! les principaux termes de référence utiles à la rédaction de votre proposition. Étape 5 : L’enregistrement Une fois tous ces préparatifs terminés, votre initiative est prête à être enregistrée sur le site Internet officiel. Il se peut que ce soit un petit pas pour vous en tant qu’organisateur, mais il s’agit d’un grand pas pour l’Europe – et le travail qui reste à accomplir. Car à partir de maintenant, vous ne serez plus entouré(e) exclusivement de partenaires et de partisans éventuels, vous devrez également affronter les opposants à votre initiative. Celle-ci se verra attribuer un numéro d’enregistrement unique vous permettant d’accomplir les procédures formelles suivantes. Cependant, il peut arriver que les autorités (très probablement une équipe de fonctionnaires au sein de la Commission européenne) ne soient pas prêtes ou capables d’enregistrer votre proposition d’initiative (cela fait partie du contrôle formel initial stipulé par la réglementation en matière d’ICE). Face à telle situation, vous devez évaluer d’où vient le problème ; peut-être avez-vous commis quelques erreurs formelles faciles à corriger, ou bien votre initiative se situe dans une zone floue quant à certains critères comme l’ « unité de la matière » (ne proposez pas plusieurs sujets différents dans une initiative) ou les « expressions offensantes » (ne vous adressez pas à une personne en particulier dans votre initiative). Parfois, l’obstacle peut s’avérer encore plus complexe. Votre proposition ayant été jugée « dénuée de sérieux » ou « contraire aux valeurs de l’Union », c’est pourquoi il est important de vérifier tous ces points avant l’enregistrement. Il peut être utile d’étudier les possibilités et les limites d’une initiative test. Et si vous êtes réellement déterminé(e) à utiliser ce nouvel instrument, vous aurez également la possibilité de tester les autres alternatives juridiques après un refus : en faisant appel au Médiateur européen par exemple, ou en impliquant la Cour de justice européenne. La plupart des organisateurs pourraient ne pas être intéressés par ce détour. Une fois votre numéro d’enregistrement reçu, le moment est venu de passer à l’action dans toute l’Europe. Préparez-vous à dormir très peu, à multiplier les réunions et passer de longues nuits devant votre ordinateur au cours des mois et des années à venir ! 81 Étape 6 : La collecte des signatures Un million de signatures provenant d’un quart des États membres dans un délai de 12 mois est l’objectif suivant. Heureusement, vous êtes libre de choisir la méthode qui vous convient le mieux pour rassembler toutes ces « déclarations de soutien », comme l’UE aime à appeler les signatures. Cela signifie que la collecte peut avoir lieu partout, manuellement et par voie électronique. La première méthode nécessite des ressources considérables, mais peut s’avérer gratifiante à travers ce face à face avec la population dans les rues européennes. La seconde sera plus efficace et moins coûteuse. Sera... Car nous ne sommes pas du tout certains qu’une procédure de signature électronique complète sera disponible à l’heure où l’initiative citoyenne européenne sera mise en place fin 2011. Certes, sur la plupart des sites Internet de campagnes et de magazines, vous avez déjà la possibilité d’enregistrer votre signature en ligne dans le cadre de sondages, de propositions et de pétitions. L’initiative citoyenne européenne n’est pas une autre forme de pétition (massive) ; il s’agit d’une procédure d’initiative de définition de l’agenda comportant des répercussions juridiques. C’est la raison pour laquelle une procédure par voie électronique doit impérativement être compatible avec d’autres procédures électorales ou de vote, et garantir que la personne qui accorde son soutien à une initiative est bien celle qu’elle prétend être. Alors qu’un nombre croissant de pays européens ont commencé à expérimenter le vote électronique (depuis l’automne 2010, la Suisse permet à ses citoyens expatriés dans le monde entier de voter par voie électronique), les États-Unis sont sur le point de lancer la collecte électronique des signatures. Zoom 12 Vous rêviez d’une signature électronique ? Au cours des processus pré-législatifs et législatifs relatifs à la réglementation en matière d’initiative citoyenne européenne, l’une des principales discussions portait sur l’identification formelle des personnes soutenant une initiative. Dans un premier temps, l’ensemble des intervenants s’est accordé sur la nécessité d’inclure à ce nouveau processus les technologies numériques. Cependant, il n’existe pas de registre européen des électeurs qui permettrait 82 Manuel de l’initiative citoyenne européenne © istockphoto.com de vérifier l’existence des signataires de manière cohérente. Nous disposons en revanche d’une large variété de cultures et de systèmes d’inscription des électeurs, et d’un grand nombre de méthodes permettant aux citoyens des différents pays de prouver leur identité. Il s’agit d’un défi majeur pour l’initiative citoyenne européenne, mais également pour le déploiement envisagé d’une politique de collecte par voie électronique paneuropéenne. Outre-Atlantique, les questions et les défis qui se posent sont similaires, et un vaste débat au sujet de la collecte par voie électronique dans les procédures d’initiative s’y déroule en parallèle. L’avenir de la signature électronique Aux États-Unis, une poignée de militants démocrates et de magiciens de l’informatique ont donc cherché à lancer des collectes électroniques par eux-mêmes, afin d’en étudier les possibilités formelles/juridiques et pratiques/ technologiques. L’approche la plus élaborée visant à résoudre le problème de l’identification serait d’autoriser les signatures électroniques sur appareils à écran tactile, tels que l’iPhone et l’iPad. Verafirma, une start-up de la Silicon Valley, a lancé un projet démocratique [www. democracy.verafirma.com] qui pourrait à l’avenir avoir un impact considérable sur la procédure d’initiative citoyenne européenne et améliorer significativement l’accès libre et la transparence du processus. En Europe, le Conseil de l’Europe a rédigé des directives et des recommandations en matière d’utilisation des outils et systèmes électroniques dans le processus démocratique en général, notamment pour les votes. Il revient désormais à l’Union européenne et à ses États membres de faire preuve de courage et d’esprit d’innovation, non seulement dans la mise en place d’un processus participatif transnational, mais aussi dans l’utilisation des technologies de pointe pour la collecte des signatures en ligne. La réglementation en matière d’initiative citoyenne européenne fournit tous les éléments formels à respecter pour procéder correctement : vérification et certification des déclarations de soutien par les États membres et formulaires à remplir afin de se qualifier pour les différentes phases du processus (voir également l’étape 8 : les seuils). Cette tentative financée confortablement et parrainée par l’UE a été lancée en 2005. Elle visait à établir un outil réellement axé sur les citoyens, à savoir un numéro d’urgence unique valide dans toute l’Europe. En quatre ans, et malgré les différents soutiens et une plateforme Internet très bien conçue, l’initiative a rassemblé environ 15.000 signatures seulement. Étape 7 : Le dialogue Le défi auquel vous êtes confronté(e) consiste à engager un dialogue transnational sur une question transnationale. Bien évidemment, la tâche est plus aisée si cette question est considérée comme un problème réel par la majorité de la population et si la solution proposée peut être facilement jugée raisonnable (et pas trop radicale !). C’était le cas pour des initiatives pilotes telles que l’initiative oneseat (qui s’est révélée en définitive non recevable) ou l’interdiction des OGM (qui est en voie de devenir l’une des premières initiatives citoyennes européennes réelles). Bien évidemment, il n’existe pas de méthode définie qui permettrait d’établir le dialogue paneuropéen nécessaire entre les citoyens sur une question de fond, un aspect qui par ailleurs est considéré comme l’une des principales valeurs ajoutées de l’ensemble de la procédure d’initiative citoyenne européenne. Ce qui est certain, c’est que vous devrez travailler dur pour initier et perpétuer le débat sur votre initia- Une initiative citoyenne européenne est bien plus qu’une campagne de marketing. Il ne s’agit pas simplement de disposer d’une somme d’argent suffisante pour faire appel aux services onéreux d’une agence spécialisée dans les relations publiques, qui montera une campagne, une plateforme de collecte en ligne et des événements importants, tels que des conférences de presse dans toute l’Union européenne. Si le sujet de l’initiative n’intéresse ou ne concerne pas d’autres personnes, ou n’est pas considéré comme un problème réel (auquel les institutions européennes et/ou les États membres n’ont pas pu apporter de solution raisonnable), il sera extrêmement difficile de collecter un million de signatures dans toute l’UE. Notre liste d’initiatives pilotes nous en fournit un bon exemple : l’initiative pour un numéro d’urgence européen. Perspectives : enfin en pole position ! tive, afin non seulement de mobiliser les énergies nécessaires à la collecte d’un million de signatures, mais aussi de faire en sorte que la question soit prise au sérieux (et peut-être inscrite à l’agenda politique) par la sphère politique même. Il sera bien entendu essentiel d’engager des discussions au niveau local dans toute l’Europe afin que les médias locaux relayent l’initiative. Pourquoi ne pas proposer aux établissements scolaires d’utiliser votre initiative comme exemple précoce de moyen d’influencer la législation au niveau européen ? L’idée d’impliquer directement chaque citoyen dans la politique transnationale à l’aide d’outils en ligne paraît moins étrange aux plus jeunes qu’aux personnes plus âgées, habituées à faire de la politique à l’ancienne, ou plus précisément à être spectatrices de la politique. Étape 8 : Les seuils a) porte sur une question sur laquelle un acte juridique de l’Union peut être adopté en vue de l’application des traités ; et b) relève des attributions de la Commission. Ces deux critères (« application des traités » et « attributions de la Commission ») offrent une certaine marge de manœuvre et généreront très certainement des interprétations politiques et juridiques très variées au cours des prochaines années. Espérons tout de même que les premiers temps de la mise en pratique enseigneront à toutes les parties concernées comment anticiper le mieux possible l’étape du contrôle de recevabilité. Le moment précis de ce dernier contrôle et son autorité compétente ne sont pas encore définis clairement. Par contre, ce critère rendra le fonctionnement de l’UE et la répartition des compétences en son sein plus transparents. Le nombre minimal de signatures requis pour chaque État membre qualifié constitue un autre obstacle important à franchir. Selon la proposition faite jusqu’à présent, la carte de la nouvelle initiative citoyenne européenne devrait ressembler à cela : © IRI Europe Au milieu d’un projet d’initiative citoyenne européenne sur le point de se réaliser, les écueils peuvent sembler faciles à surmonter. Mais n’oubliez pas tous les obstacles techniques et politiques qui se dressent encore devant vous. Ils commencent avec le contrôle de recevabilité, c’est-à-dire la question de savoir si votre proposition : 83 L’initiative citoyenne européenne – nombre minimum requis de signatures, chiffre basé sur la proposition initiale de l’UE 84 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Au moment de l’organisation et de la planification de vos actions de collecte, vous devrez choisir l’emplacement et fixer le nombre de signatures à collecter afin de vous assurer l’obtention du nombre requis de signatures dans 7 États membres en 12 mois. Cependant, viser le minimum peut s’avérer une stratégie problématique, car les déclarations de soutien peuvent être invalidées et les règles de vérification dans les États membres modifiées au cours de la période de collecte. Ne vous contentez donc pas de collecter les 4.500 déclarations de soutien requises dans des pays comme le Luxembourg, l’Estonie et Chypre, mais visez l’échelon suivant, comme 6.750 signatures en Lettonie. Faites preuve de générosité et tentez d’obtenir le plus grand nombre de signatures dans le plus grand nombre d’États membres. En fin de compte, si vous parvenez à rassembler des signatures dans tous les États membres et pas seulement dans 7 États, comme stipulé dans le règlement, vous ferez la différence lors de vos entretiens avec les institutions européennes. Gardez à l’esprit que l’initiative citoyenne européenne est uniquement un instrument de définition de l’agenda, pas de prise de décision. Remplir l’ensemble des critères et dépasser tous les seuils ne vous permet donc pas d’imposer quoi que ce soit aux institutions européennes : vous devez également communiquer de manière convaincante (voir étape 9). citoyens engagé à l’étape 7 doit désormais s’accompagner d’un niveau de communication ascendante, des citoyens vers les institutions. Une révolution conceptuelle de la culture politique en Europe sera alors nécessaire, car trop souvent la démocratie représentative moderne est confondue avec un modèle de définition de l’agenda et de prise de décision restrictif et purement indirect. Étape 9 : La communication Étape 10 : Les leçons à retenir Depuis des dizaines d’années, « une communication meilleure » est l’un des slogans de prédilection des eurocrates. Lors de la constitution d’Euroland il y a dix ans, l’UE a organisé des tournées de présentation et des campagnes de relations publiques coûteuses pour familiariser les citoyens européens avec la monnaie unique. Elle a par la suite nommé une Commissaire à la Communication en la personne de Margot Wallström, qui n’a pas ménagé ses efforts pour rapprocher l’Union de ses citoyens. Votre initiative, quelle soit la première et peutêtre la dernière, peut servir de test à une longue série d’initiatives citoyennes européennes. Dans tous les cas, adoptez une démarche de réflexion et d’autocritique pour toutes vos actions. Vous et vos pairs pourrez certainement tirer des leçons de votre expérience pratique, qu’il s’agisse des erreurs commises (par exemple, faire preuve de trop d’empressement ou d’approximation dans l’élaboration de l’initiative) ou des réalisations réelles (comme la possibilité de créer un réseau de soutien paneuropéen). Toutefois, ces campagnes descendantes pavées de bonnes intentions, aussi nécessaires et salutaires soient-elles, ne sont pas très efficaces. Les citoyens ne veulent pas être confondus avec des consommateurs. En tant que citoyen d’une démocratie, vous êtes (ou censé(e) être) aux commandes autant en théorie qu’en pratique, ce qui, nous l’espérons, sera de plus en plus souvent le cas. Voilà l’objectif de l’ICE : établir un véritable instrument de citoyenneté au niveau européen. Concrètement, cela signifie que le dialogue entre Les institutions peuvent cependant être secondées par des initiatives citoyennes européennes conçues et menées intelligemment. Cherchez à établir d’emblée un contact de qualité et continu avec l’ensemble des intervenants (Commission européenne comprise), ils pourront ainsi vous apporter leur soutien et devenir vos partenaires dans la mise en œuvre de votre proposition d’initiative. Bien qu’à l’heure actuelle nous ne sachions pas encore comment la Commission européenne et les autres institutions concernées traiteront les initiatives citoyennes européennes en pratique, il est évident que votre travail ne s’arrêtera pas au dépôt d’un million de signatures au bâtiment Berlaymont de Bruxelles, qui abrite le siège de la Commission européenne. Vous devez donc prévoir une stratégie de communication multilingue complète, dans l’espace et dans le temps, afin de développer au maximum le potentiel de votre initiative citoyenne européenne. Ayez le réflexe d’archiver d’emblée tous les documents, procès-verbaux et articles de presse relatifs à votre initiative. Conservez vos archives électroniquement et sur papier, au cas où l’un ou l’autre disparaîtrait. Cherchez un professeur ou un postdoctorant prêt à collaborer avec vous pour réaliser le suivi scientifique de votre initiative. Cherchez également l’aide bénévole de professionnels du Net pour créer votre base de données et votre site. Etudiez aussi ce que Perspectives : enfin en pole position ! d’autres personnes ont déjà accompli et l’assistance que vous pourriez obtenir de la part des institutions et des organisations de soutien autour de l’initiative citoyenne européenne. Votre initiative est une démarche unique ; elle ne sera jamais reproduite à l’identique, faites en sorte que les générations futures puissent tirer des leçons des expériences passées, y compris la vôtre. Cette approche contribue également à améliorer la crédibilité d’une initiative et permet à de nouveaux soutiens de la rejoindre plus facilement pour atteindre un million de signatures. Marburg – un des centres européens compétent en matière de démocratie moderne directe Les étapes qui viennent d’être décrites proposent une ligne de conduite qui vous aidera à planifier, lancer et, espérons-le, mener à bien votre initiative. Cette ligne n’est pas une garantie de réussite. Comme vous pouvez le constater, ce nouvel instrument n’est ni simple, ni facile à utiliser. Il requiert un engagement très fort et durable de la part des organisateurs, mais également l’existence de structures et/ou d’une assistance professionnelles. L’approche de cette publication sur l’initiative est à la fois positive et proactive. Il s’agit d’une réalisation importante et d’une évolution salutaire. Mais comme l’ont fait remarquer de nombreux sceptiques, notamment parmi les blogueurs, le risque d’échecs multiples existe. L’un d’entre eux baptisé Cingram souligne : « La société civile ne vous concerne pas. Ne vous imaginez pas cela. Il s’agit de groupes créés spécialement ou dont l’existence a été autorisée par nos dirigeants, payés par eux avec notre argent pour qu’ils fassent pression sur eux, le but étant de justifier ce qu’ils ont déjà décidé de faire. Vous, vous êtes un simple citoyen. Vous ne comptez pas. L’initiative citoyenne européenne semble introduire un mécanisme qui permettrait à n’importe lequel d’entre nous d’initier une loi, mais c’est plutôt le contraire : une excuse pour nous ignorer davantage. 85 Comme l’article le souligne allégrement, la vérification posera tellement de problèmes et il y aura tellement d’incertitudes quant au nombre de signataires issus de chaque pays que toute initiative de ce type pourra être rejetée très facilement par un apparatchik avant même qu’un commissaire s’y soit sali les mains. Même si vous parvenez à trouver un million de personnes dans une douzaine de pays, qui acceptent non seulement d’apposer leur signature pour marquer leur accord, mais vous donnent aussi une grande quantité d’informations personnelles pour aider à la vérification ; même si vous arrivez à formuler votre objectif de manière adéquate à l’application des traités ; même si vous parvenez à passer outre l’armée de gratte-papiers qui scrutera vos documents à la recherche de la moindre faille ; même si vous parvenez à atteindre l’étape où la Commission ne pourra plus refuser d’y jeter un coup d’œil, vous n’aurez rien réalisé de précis. Six mois plus tard, vous serez le fier détenteur d’une lettre portant une signature imprimée, vous informant que la Commission considère votre initiative législative comme inappropriée et qu’en application de la clause de nuisance prévue au règlement, elle ne pourra accepter de propositions concernant un sujet similaire avant au moins 15 ans ».38 Une analyse certes sévère, mais impossible à rejeter au simple motif qu’elle serait le fruit d’un irréaliste pessimiste. Les prédictions de Cingram se réaliseront peut-être. Et si c’est le cas, toutes nos tentatives visant à donner de l’élan à l’initiative citoyenne européenne seront considérées comme un gigantesque échec, y compris la publication de ce guide ! Nous pourrions nous contenter de nous plaindre et rester de simples spectateurs, évitant tout dialogue avec les tenants du pouvoir. Nous n’aurions alors aucune chance d’améliorer la situation et de contribuer au renforcement de la démocratie dans l’Union européenne. Il nous revient donc de profiter de cette position dominante rare, qui conjugue démocratie directe et caractère transnational, d’une part afin de donner à la réglementation en matière d’ICE une forme acceptable et nous préparer au lancement des premières initiatives en 2011, et d’autre part faire le maximum pour qu’une infrastructure de soutien paneuropéenne soit mise en place pour ce nouvel instrument. 38 http://englandexpects.blogspot.com/2010/04/we-want-democracy-but-only-sort-we-want.html 86 Manuel de l’initiative citoyenne européenne 4.3 Un outil au seul bénéfice des puissants ? Pas nécessairement Organiser une initiative citoyenne européenne est une entreprise considérable. Au vu de la complexité de cette procédure et du nombre d’étapes à franchir, le simple fait de lancer une initiative sera difficile pour les citoyens européens. Il est donc prioritaire d’examiner toutes les possibilités d’assistance que peut offrir une infrastructure de soutien. Toutefois, les institutions européennes et les représentants responsables ne semblent ou ne souhaitent pas partager cette approche. Dans son projet de règlement, la Commission n’a proposé aucune infrastructure valable, exception faite d’une plateforme en ligne pour l’enregistrement des ICE, sans prévoir la mise en place d’un logiciel libre pour la collecte des signatures en ligne. Concernant les ressources humaines, elle estime suffisant d’affecter un fonctionnaire et un assistant à ce qui pourrait s’avérer la plus grande innovation démocratique de l’UE depuis 1979 et l’introduction des élections directes au Parlement européen. De son côté, le Conseil européen ne cherche pas plus à faciliter l’utilisation prochaine de cet instrument. Quant au Parlement européen, il a très peu débattu d’une telle infrastructure. La seule proposition concrète émane du groupe Verts/ALE et prévoit un « organe indépendant chargé d’aider et de conseiller les organisateurs d’initiatives citoyennes. Cet organe pourrait devenir un point de ralliement utile pour l’engagement et la participation des citoyens. Il pourrait être dirigé par un représentant autorisé par l’UE pour la participation citoyenne financé par l’Union européenne, élu par le Parlement européen et contrôlé par un conseil de représentants du Conseil, de la Commission et du Parlement, mais surtout, et majoritairement, de la société civile». Dans la mesure où il s’agit de définition formelle de l’agenda et des pouvoirs décisionnels, la possibilité d’utiliser une infrastructure de soutien devrait faire partie intégrante de la politique (de partage) du pouvoir. L’absence d’une telle infrastructure est liée à la réticence systématique des dirigeants à partager un tant soit peu le pouvoir qu’ils détiennent. Jusqu’à présent, la seule institution européenne qui s’est montrée capable de dépasser cette barrière psychologique est le Comité économique et social européen (CESE), qui a accepté à une écrasante majorité (plus de 95 %) les propositions visant à lui faire jouer un rôle central dans l’aide et le soutien à la procédure d’initiative citoyenne européenne. Zoom 13 Le service d’information sur l’initiative citoyenne européenne Le Comité économique et social européen (CESE) est un organe consultatif de l’Union européenne. Établi par les Traités de Rome de 1957, il joue depuis un rôle de trait d’union entre les institutions et ce que l’on appelle la « société civile organisée ». Avec le Traité de Lisbonne, cette fonction importante, assurée par une assemblée de 350 représentants de la vie économique et sociale en Europe, s’étend désormais à un rôle de lien plus direct entre les citoyens européens et l’Union européenne. Dans ce contexte, la nouvelle initiative citoyenne européenne est considérée comme un instrument clé qui permettra d’améliorer les relations et de garantir une influence plus forte de la part des citoyens. En mars et en juillet 2010, le Comité a adopté deux avis essentiels, dans lesquels il déclare explicitement sa volonté de participer à une infrastructure de soutien pour l’initiative citoyenne européenne. La décision du Comité du 17 mars comprend les éléments suivants : « De par sa fonction de trait d’union, [le Comité] entend plus que jamais jouer un rôle pivot dans une infrastructure démocratique globale au niveau européen. Le Comité propose également, s’agissant de l’initiative citoyenne européenne : d’élaborer pendant le délai d’évaluation un avis sur une initiative citoyenne formellement acceptée par la Commission ; d’élaborer le cas échéant un avis à l’appui d’une initiative citoyenne en cours ; d’organiser des auditions sur des initiatives fructueuses (organisateurs, Commission, Parlement, Conseil) ; de mettre en place un service d’information (conçu comme un guichet mis à la disposition des citoyens pour répondre à des questions de procédure et autres) ; de fournir des informations complémentaires (publication d’un guide sur la démocratie participative, organisation de conférences sur la mise en œuvre pratique, etc.). » Perspectives : enfin en pole position ! Après avoir étudié le projet de règlement de la Commission européenne en matière d’initiative citoyenne, le CESE a poursuivi l’élaboration de son offre et a convenu le 14 juillet de concrétiser sa mission : « Communication et information : le Comité souligne la nécessité d’une vaste campagne de communication dès l’entrée en vigueur du règlement. Les institutions européennes devraient coopérer et coordonner leurs activités dans ce contexte. Le Comité prépare déjà une brochure d’information qui vise à expliquer aux citoyens et aux organisations de la société civile les nouvelles possibilités offertes par l’initiative citoyenne et à les familiariser avec celles-ci, mais qui traite également des modalités de consultation et du dialogue civil. Le Comité prévoit en outre d’organiser dès l’adoption du règlement une conférence des parties prenantes. D’autres initiatives pourraient par exemple s’adresser aux écoles, afin de sensibiliser les jeunes générations. Coopération inter-institutionnelle : il importe que les personnels des institutions et des organes consultatifs de l’UE en charge de l’initiative citoyenne se concertent et se coordonnent étroitement afin de répondre efficacement aux besoins d’information des citoyens. Ces synergies, dans le respect des compétences de chacun, sont en effet nécessaires si l’on veut que le droit d’initiative citoyenne devienne un outil effectif En adoptant une position claire sur la nécessité d’une infrastructure de soutien et en proposant d’y contribuer, le Comité économique et social européen a pris les devants pour apporter son aide à la mise en oeuvre de la future initiative citoyenne européenne. D’autres institutions, dont la Commission et le Parlement, devraient concrétiser leurs contributions dès l’entrée en vigueur de la nouvelle législation. Plusieurs organisations non gouvernementales, telles que le Forum de la société civile [http:// en.forum-civil-society.org/spip.php?article222] et Euro Citizens Action Service [www.ecas-citizen. eu], qui s’employaient jusqu’à présent à faciliter le travail des ONG au sein de l’UE, ont pour leur part commencé à envisager des stratégies de soutien et d’assistance en vue de la prochaine introduction de l’initiative citoyenne européenne. L’ECAS a lancé un projet visant à établir une « maison de la démocratie » à Bruxelles, où les citoyens de 87 au service d’un modèle européen de démocratie moderne. Le Comité en tant que « facilitateur » : pendant la phase de préparation ou de lancement d’une initiative, le Comité est disposé, en tant que plate-forme de dialogue et d’information, à faire office de « facilitateur », en permettant la mise en réseau des initiatives citoyennes, les prises de contact éventuelles, etc., sans que cela ne préjuge de sa position concernant le contenu de l’initiative. Le Comité en tant qu’accompagnateur institutionnel : conformément à sa fonction première, qui est d’assurer un rôle consultatif auprès de la Commission, du Parlement et du Conseil, le Comité peut à ce stade faire office d’accompagnateur institutionnel d’une initiative citoyenne. Il propose par exemple d’élaborer un avis afin d’assister la Commission dans le cadre de ses délibérations internes et de la définition de sa position concernant une initiative réussie. Il est également disposé à mettre son infrastructure à disposition pour l’organisation d’auditions relatives à une telle initiative. » Source : www.eesc.europa.eu, remerciements particuliers à Anne-Marie Sigmund, Christian Weger et Patrick Feve. *La brochure d’information sur l’initiative citoyenne européenne sera publiée dans toutes les langues de l’UE après conclusion d’un accord au sujet de la loi en matière d’ICE. toute l’Europe en visite dans la capitale de l’UE pourraient se retrouver et travailler. Les citoyens intéressés pourraient également y obtenir de l’aide sur tous les aspects de l’initiative citoyenne européenne. D’autres groupes assument une part de responsabilité dans le succès du nouvel instrument de démocratie directe, notamment : la campagne ICE, qui joue le rôle de gendarme et de promoteur proactif de la procédure [www. citizens-initiative.eu] ; echo, un projet commun pour un changement écologiquement et socialement durable par la participation citoyenne proactive. Il rassemble et s’adresse à l’ensemble de la société : citoyens, experts, décideurs et représentants d’organisations et d’entreprises. À la fin de l’été 2010, il a créé un conseil consultatif international sur l’initiative citoyenne européenne [www.echologic.eu] ; et Avaaz, un mouvement mondial sur Internet qui implique les citoyens dans les processus 88 Manuel de l’initiative citoyenne européenne tiques, telles que la Fondation verte européenne (qui parraine la publication de ce guide), ont lancé leurs propres programmes internationaux d’information et d’éducation. De nombreuses organisations (de recherche) en Europe et dans le reste du monde suivent de près l’initiative citoyenne européenne en collaboration avec l’Institut européen sur l’initiative et le référendum [www.2010globalforum.com]. politiques pour les faire peser sur les décisions mondiales. Avaaz – qui signifie « voix » dans plusieurs langues d’Asie, du Moyen-Orient et de l’Europe de l’Est – a été lancé en janvier 2007 avec une mission démocratique simple : rapprocher les citoyen(ne)s du monde entier pour réduire l’écart entre le monde que nous avons et celui que nous voulons. En trois ans, plus de 5,5 millions de personnes de tous les pays sont devenues membres d’Avaaz, le plus grand mouvement mondial en ligne jamais créé. La plateforme héberge plusieurs préICE possibles, y compris la seconde initiative pour l’interdiction des OGM [www.avaaz.org]. Plusieurs organisations proches des partis poli- Un Bureau de l’initiative citoyenne européenne (ECIO) sera établi lors de l’entrée en vigueur de la loi début 2011 et pourra servir de point de contact pour l’assistance et le soutien indépendants autour de l’initiative. Si un pays peut bien considérer l’initiative citoyenne européenne comme sienne, c’est l’Autriche. C’est ici qu’est née l’initiative de définition de l’agenda, en 1921. Bien des années plus tard, le ministre autrichien des Affaires étrangères, M. Schüssel, inscrivait l’ICE à l’agenda politique pour la première fois dans l’histoire du Conseil européen. L’État de Salzbourg, en collaboration avec le gouvernement fédéral autrichien, a exprimé sa volonté de soutenir l’établissement d’un Bureau d’initiative citoyenne européenne de soutien à Salzbourg d’ici le début de l’année 2011. Ce bureau sera hébergé par l’Institut autrichien de politique et de droit européen et assumera les missions principales suivantes : un centre de compétences qui formera une équipe de spécialistes de différents domaines (droit, politique, médias, économie) disposant d’une expertise commune sur des questions liées à l’initiative citoyenne européenne ; un centre de documentation qui rassemblera toutes les informations disponibles sur la mise en pratique de l’initiative en Europe ; un lieu de réunion pour les intervenants, situé au centre de l’Europe, où ceux-ci pourront se réunir, débattre et se former ; Avec un tel soutien et un tel engagement de la part des organisations gouvernementales et non gouvernementales, il sera certainement possible, même pour des organisations et des groupes moins solidement établis, d’envisager le lance- © Google Map Screenshot Zoom 14 L’initiative de Salzbourg pour une infrastructure de soutien à l’ICE Salzburg – au cœur de l’Europe une plateforme d’information pour les citoyens de toute l’Europe qui envisagent de lancer ou de signer une initiative ; un centre d’assistance pour les groupes d’initiatives qui attendent en coulisse ou qui ont déjà entamé la phase de mise en œuvre. L’ECIO prévoit également d’établir un réseau d’organisations non gouvernementales coopératives qui sera chargé d’informer et d’aider localement les citoyens intéressés. Source : « The European Citizens Initiatives » (2010), remerciements particuliers à Johannes Pichler. Plus d’informations sur www.initiativeoffice.eu ment d’une initiative citoyenne européenne. Il est donc temps de franchir la toute première étape de ce processus de démocratie directe au niveau transnational en Europe ! Ressources 89 5. Ressources 5.1 Terminologie : glossaire de la démocratie directe moderne et de l’initiative citoyenne européenne Introduction Avec le Traité de Lisbonne, l’Union européenne entre dans l’ère de la démocratie moderne au XXIe siècle, fondée sur une démocratie à la fois indirecte et directe. Ce guide constitue une introduction, un historique et un manuel relatif au premier instrument de démocratie directe au niveau de l’UE : l’initiative citoyenne européenne (ICE). Il s’accompagne donc d’une terminologie entièrement nouvelle, comprenant à la fois des termes spécifiques à la réglementation future de l’ICE et des références au champ plus large de la démocratie directe moderne. La liste de termes suivante est fondée sur le glossaire élaboré par l’Institut européen sur l’initiative et le référendum et a été adaptée pour ce manuel. Les abréviations entre crochets renvoient à la Typologie générale de la démocratie directe moderne présentée aux pages 31 à 35 de ce guide. À valeur contraignante Désigne un vote populaire dans le cadre duquel, si une proposition est validée, le gouvernement ou l’autorité concernée a l’obligation légale de mettre celle-ci en œuvre. Assemblée populaire Assemblée d’électeurs inscrits. L’une des formes de démocratie les plus anciennes (prémodernes). © shutterstock Les électeurs d’un territoire se rassemblent à une date définie afin d’élire le gouvernement et de prendre des décisions relatives aux lois et aux dépenses publiques. Tout le monde a le droit de s’exprimer sur n’importe quelle question. Le vote s’effectue à main levée, ce qui ne respecte pas le principe de scrutin secret. Axé sur les citoyens Dans le cadre des initiatives et des référendums, degré auquel les réglementations relatives aux seuils, obstacles, quorums, méthodes de scrutin, etc., rendent le processus aussi libre, équitable et accessible que possible pour les électeurs inscrits. « Ballot initiative » [PCI] Terme utilisé aux États-Unis pour décrire une initiative citoyenne. Voir Initiative populaire. « Bond measure » (mesure d’emprunt) Terme utilisé aux États-Unis pour désigner une mesure (initiative populaire ou mesure proposée par un organe législatif) demandant aux électeurs l’autorisation de réaliser un emprunt. Ces mesures sont répandues dans le pays en raison des restrictions au niveau local et des États sur les emprunts publics sans approbation de l’électorat. Bulletin de vote a) Bulletin de vote officiel sur lequel les électeurs écrivent ou indiquent leur choix, par exemple en indiquant par Oui ou par Non s’ils acceptent ou rejettent la proposition de référendum. 90 Manuel de l’initiative citoyenne européenne b) Pour les élections : formulaire officiel que les électeurs inscrits doivent utiliser. Lors des élections du Conseil national suisse, les électeurs peuvent remplir un formulaire spécial qui n’a pas été préimprimé et modifier ou apporter des ajouts au bulletin. Collecte de signatures Procédure consistant à collecter les signatures. Elle débute souvent par l’enregistrement ou le dépôt d’une initiative et prend fin au terme d’une période définie ou lors du dépôt des signatures. Collecte des déclarations de soutien Voir Collecte de signatures. Collecteurs de signature Personnes qui collectent des signatures dans les lieux publics. Aux États-Unis, la plupart des collecteurs de signatures sont rémunérés, un principe assez peu répandu dans le reste du monde. Commission d’initiative Les personnes qui proposent l’initiative. Dans l’Union européenne, il incombera aux organisateurs de préparer et d’enregistrer l’initiative citoyenne européenne auprès de la Commission européenne. Leurs droits et devoirs seront définis dans la future réglementation de l’ICE. En Suisse, une initiative doit être soumise par au moins 7 responsables et au plus 27 responsables (depuis 1997). Le seuil supérieur garantit que la commission pourra rassembler un représentant de chaque canton. La majorité absolue des responsables est requise pour renoncer à l’initiative. Contre-proposition [PCI+, PCR+] Une proposition soumise à un vote populaire en tant qu’alternative à la proposition stipulée dans l’initiative populaire ou le référendum. La contreproposition peut-être initiée par le législateur ou par un nombre donné de citoyens. En Suisse et dans certains États allemands, ce sont respectivement l’ Assemblée fédérale et le gouvernement qui peuvent soumettre une contre-proposition à une initiative populaire dans le cas où il/elle souhaite répondre à la préoccupation soulevée dans le cadre de l’initiative populaire, mais d’une manière différente de celle proposée par les auteurs de l’initiative. Dans ce cas, le scrutin est soumis aux règles du « double oui » (sauf en Allemagne). Contre-proposition indirecte Une proposition qui n’est pas présentée en tant qu’alternative formelle à la proposition d’initiative d’origine. En Suisse, la contre-proposition indirecte peut émaner du parlement ou du gouvernement et intervenir dans le processus de prise de décision à un autre niveau. Si l’initiative vise à imposer un changement au niveau constitutionnel, la contre-proposition indirecte peut être une proposition d’amendement de loi. Contrôle de légalité Voir Recevabilité de l’initiative. Déclarations de soutien Terme utilisé dans le cadre de l’initiative citoyenne européenne pour désigner les signatures. Démocratie consensuelle Forme de démocratie impliquant le plus grand nombre possible d’acteurs (partis politiques, syndicats, minorité, groupes sociaux) dans le processus politique afin de prendre des décisions par consensus. Étant donné qu’il est relativement simple de contourner une décision parlementaire au moyen d’un référendum populaire, le parlement et le gouvernement (avant même que la question soit débattue au parlement) doivent chercher des compromis satisfaisants pour l’ensemble des groupes politiques importants capables de lancer un référendum. Historiquement, c’est le référendum populaire qui a amené à la démocratie consensuelle. Démocratie d’assemblée Système démocratique dans lequel les électeurs inscrits exercent leurs droits politiques au sein d’une assemblée. Forme d’origine de la démocratie dans la Grèce antique, elle est répandue en Suisse. Des assemblées citoyennes se tiennent dans la majorité des communes. À Glaris et Appenzell Rhodes-Intérieures, des assemblées populaires sont organisées au niveau cantonal. Dans ce deuxième canton, les citoyens se sont prononcés en juin 2010 sur une initiative visant à rétablir l’assemblée populaire. Démocratie directe moderne Système de démocratie qui accorde aux citoyens le droit d’exercer sa souveraineté également entre deux élections, en votant sur des questions de fond. À l’origine, il s’agissait simplement d’une législation directe exercée par le peuple grâce au droit d’initiative et de référendum. Elle porte sur des questions de fond, pas sur les personnes (représentants). Ressources De ce point de vue, les votes populaires de révocation n’appartiennent pas à la démocratie directe. Ce type de démocratie vise à donner le pouvoir au peuple, pas aux gouvernements. C’est pourquoi nous n’incluons pas les plébiscites dans notre définition de la démocratie directe. S’ils le sont, le concept de démocratie directe gagne en hétérogénéité, voire en ambivalence, puisqu’il engloberait alors à la fois des procédures destinées à augmenter le pouvoir de certains représentants et d’autres visant celui des citoyens. Un tel élargissement de la notion comprend à la fois des instruments permettant au peuple de mettre en œuvre la démocratie mais également d’autres permettant aux détenteurs du pouvoir d’utiliser ce même peuple à d’autres fins que la réalisation de la démocratie. Démocratie directe La démocratie directe accorde aux citoyens le droit d’exercer directement la souveraineté du peuple. Il existe deux types de démocratie directe : moderne et prémoderne. Si la seconde a vu le jour dans l’ Antiquité, à Athènes, où elle prenait la forme d’une démocratie d’assemblée classique, la première s’en différencie : elle est individuelle et elle est considérée comme un droit de l’homme universel, non plus comme un privilège. Démocratie participative Voir Démocratie directe. Démocratie représentative Traditionnellement interprétée comme une démocratie uniquement indirecte, par laquelle les représentants élus prennent des décisions pour les citoyens, monopolisant ainsi le droit de décider l’agenda politique et les questions politiques de fond. En pratique, mais aussi de plus en plus conceptuellement, la démocratie se fonde sur des formes de définition de l’agenda et de prise de décision à la fois indirectes (parlementaires) et directes ou participatives. D’où l’émergence d’une nouvelle interprétation selon laquelle une démocratie réellement représentative doit combiner des formes indirectes et directes de participation citoyenne. Diffuseurs de la pétition Voir Collecteurs de signatures. Double majorité Exigence pour qu’une proposition soit validée, qui implique à la fois la majorité de la totalité des suffrages exprimés et la majorité des suffrages à une proportion spécifique des zones électorales défi- 91 nies. En Suisse, une double majorité du peuple et des États (cantons) est requise pour les référendums obligatoires. En d’autres termes, pour qu’une proposition soit acceptée, il faut qu’elle obtienne les suffrages de la majorité des cantons et de la majorité générale des citoyens qui ont exprimé leur suffrage. Tous les suffrages exprimés sont donc comptés deux fois : une fois pour la globalité, et une fois pour chaque canton. Il faut qu’au moins 50% des participants +1 (le « Peuple ») et une majorité des cantons approuvent la proposition. Double oui [PCI+] Si une contre-proposition à une initiative populaire est soumise, les électeurs peuvent valider à la fois la contre-proposition et l’initiative, tout en indiquant laquelle des deux ils préfèreraient voir appliquer si les deux sont approuvées. La proposition (initiative ou contre-proposition) finalement acceptée est celle qui reçoit le plus de « oui ». Droit de vote Droit de participer à un vote ou à un référendum. En Suisse, au niveau national, le droit dont disposent les citoyens en âge de voter à participer à des votes populaires au niveau fédéral. De manière exceptionnelle, les étrangers détenteurs de permis de séjour ont également la possibilité de voter au niveau cantonal ou communal. Toute personne disposant du droit de vote a également le droit de se présenter aux élections. Droits politiques Droits fondamentaux dont dispose le peuple vivant dans une démocratie directe. Ils permettent aux citoyens en âge de voter de participer à l’élaboration des lois et de la politique de leur État. Les droits politiques comprennent le droit de vote et le droit de se présenter aux élections, ainsi que le droit de soumettre une initiative populaire ou une demande de référendum et le droit de signer une telle demande. Électeur inscrit Personne qui a le droit de vote. Enregistrement d’une initiative populaire Fait de déposer une initiative pour publication et collecte de signatures, par lequel la procédure légale de l’initiative est officiellement lancée. Dans l’Union européenne, l’enregistrement d’une initiative citoyenne européenne s’effectuera sur un site Internet mis en place par la Commission européenne. 92 Manuel de l’initiative citoyenne européenne INITIATIVE Désigne un certain type de procédure de vote populaire (la typologie établie par l’IRI différencie trois types : INITIATIVE, RÉFÉRENDUM et PLÉBISCITE). Les procédures d’initiative se caractérisent par le droit dont dispose une minorité, en règle générale un nombre défini de citoyens, de proposer au public l’introduction d’une nouvelle loi ou d’une loi révisée. La décision relative à la proposition est prise lors d’un vote populaire. Remarque : l’initiative de définition de l’agenda correspond à ce type de procédure uniquement dans sa phase initiale. La suite des événements est décidée par une autorité représentative. Initiative citoyenne [PCI] Voir Initiative populaire. Initiative citoyenne européenne [PAI] Procédure de démocratie directe au niveau transnational établie fin 2009 par le Traité de Lisbonne. Ce dernier définit un minimum d’un million de signatures provenant d’un nombre significatif d’États membres et venant soutenir une proposition législative entrant dans le champ des prérogatives de la Commission européenne. Une réglementation séparée sera adoptée au cours de l’année 2010. Elle définira la procédure en détail et ses dispositions joueront un rôle essentiel pour faire de ce nouvel instrument une procédure plus ou moins axée sur les citoyens. Initiative de définition de l’agenda [PAI] Droit dont dispose un nombre défini d’électeurs inscrits de proposer à une autorité compétente l’adoption d’une loi ou d’une mesure ; le destinataire de la proposition et de la demande n’est pas l’ensemble de l’électorat, mais une autorité représentative. Contrairement à l’initiative populaire, c’est l’autorité qui décide de l’issue à donner à la proposition. L’initiative citoyenne européenne est une initiative de définition de l’agenda en ce sens que ses pouvoirs se limitent à la définition d’un ordre du jour et n’incluent pas la prise de décision. La majorité des États membres de l’UE disposent d’une procédure d’initiative de définition de l’agenda au niveau national et/ou régional/local. Telle initiative peut être institutionnalisée de différentes manières : par exemple, en tant qu’initiative de définition de l’agenda sans vote populaire ou suivie d’un plébiscite de consultation ou à valeur contraignante. Initiative minoritaire des autorités [AMI] Procédure de démocratie directe et droit politique permettant à une minorité donnée d’une autorité (par exemple, un tiers du parlement) d’inscrire sa propre proposition à l’agenda politique et de la soumettre à un vote populaire. Initiative populaire [PCI] Une procédure de démocratie directe est un droit politique permettant à un nombre donné de citoyens d’inscrire leur propre proposition à l’agenda politique. La proposition peut consister par exemple à modifier la constitution, adopter une nouvelle loi, ou abroger ou modifier une loi existante. La procédure émane d’un nombre prescrit d’électeurs inscrits. Les responsables de l’initiative populaire peuvent imposer un vote populaire sur leur proposition (à condition que leur initiative soit adoptée officiellement). La procédure d’initiative peut contenir une clause de retrait donnant aux responsables la possibilité de renoncer à leur action, par exemple si le législateur a pris des mesures pour satisfaire aux demandes formulées dans l’initiative ou à une partie d’entre elles. Cette procédure peut se révéler un outil d’innovation et de réforme : elle permet au peuple d’enclencher le processus. En principe, les initiatives permettent d’obtenir ce que l’on souhaite. En pratique, les initiatives populaires (tout comme les référendums populaires) représentent un moyen de synchroniser le point de vue des citoyens et celui des politiciens. Initiative populaire + contre-proposition des autorités [PCI+] Dans le cadre d’une procédure d’initiative populaire, une autorité représentative (en règle générale, le parlement) est habilitée à formuler une contreproposition à la proposition d’initiative. Les deux propositions sont ensuite soumises simultanément à un vote populaire. Si les deux propositions sont acceptées, on peut poser une question spécifique pour savoir laquelle de la proposition d’initiative ou de la contre-proposition de l’autorité sera mise en œuvre. Législation directe Terme traditionnellement utilisé aux États-Unis pour désigner les lois et les amendements constitutionnels adoptés directement par le peuple, soit par des initiatives soumises au vote, soit par des référendums législatifs. Ressources Livret de référendum Publication destinée aux électeurs et contenant les informations de base, des arguments et le contexte en amont d’un vote populaire. Une brochure ou un livret dans lesquel la ou les propositions soumises au vote sont expliquées et accompagnées des arguments de la commission responsable de l’initiative ou du référendum, ainsi que de l’opinion du gouvernement/parlement. Aux États-Unis, cette publication s’appelle « Guide de l’électeur » (Voter Guide), en Suisse « Explications du Conseil fédéral ». Majorité qualifiée Majorité requise pour qu’une proposition soit validée : celle-ci doit recevoir au moins 50 % des suffrages + 1 en sa faveur, par exemple 2/3 ou 3/4. Motion populaire Voir également Initiative de définition de l’agenda. La « Volksmotion » (motion populaire) est utilisée dans plusieurs cantons suisses. La motion, portant la signature d’un nombre minimal prescrit d’électeurs inscrits, demande au gouvernement cantonal d’élaborer une loi ou d’adopter une mesure particulière. En pratique, le Parlement cantonal traite la Volksmotion de la même manière qu’une motion parlementaire (une motion signée par les membres du Parlement cantonal). Dans les cantons de Schaffhouse et de Soleure, une Volksmotion requiert au moins 100 signatures, dans le canton de Fribourg au moins 300. Dans le canton de Soleure, la motion populaire est appelée « mandat populaire » (Volksauftrag). 93 De nombreux pays européens disposent du droit de pétition ou de pétition massive sous forme de demandes non contraignantes formulées par les citoyens. Aux États-Unis en revanche, le terme « pétition » est également utilisé comme synonyme d’initiative citoyenne. Une pétition peut contenir une proposition, une critique ou une demande et porter sur n’importe quelle activité de l’État. PLÉBISCITE (vote populaire contrôlé par les autorités) [ATP] Désigne un certain type de procédure de vote populaire (la typologie établie par l’IRI différencie trois types : INITIATIVE, RÉFÉRENDUM et PLÉBISCITE). Un plébiscite est une consultation publique contrôlée « d’en haut ». Ce sont les autorités suprêmes (le président, le premier ministre et le parlement) qui décident quand et à quel sujet le peuple devra voter ou donner son opinion. Au lieu d’être un agent actif qui contrôle la procédure, le peuple/les votes populaires deviennent un moyen d’atteindre un but déterminé par l’autorité représentative. Organisateur Voir Commission d’initiative. Les plébiscites donnent aux dirigeants un pouvoir supplémentaire sur les citoyens. Ils sont utilisés pour échapper à la responsabilité liée à des enjeux controversés et devenus un obstacle ; pour donner une légitimité aux décisions que les détenteurs du pouvoir ont déjà prises ; pour mobiliser la population derrière les dirigeants et les partis ; et pour qu’une autorité puisse passer outre une autre autorité représentative. Le but du plébiscite n’est pas de mettre la démocratie en œuvre, mais de renforcer ou de sauver les détenteurs du pouvoir avec l’aide du « peuple ». Participation Pourcentage de personnes qui ont exprimé leur suffrage. Selon la Typologie générale de la démocratie directe moderne, il existe deux formes de plébiscite : le plébiscite et le plébiscite abrogatif. Pétition Au niveau de l’Union européenne, « le droit de pétition est ouvert (...) à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre ». Elle doit mentionner le nom, la qualité, la nationalité et le domicile de chacun des pétitionnaires. Pour être recevable, la pétition doit porter sur des sujets relevant des compétences de l’UE ; le cas échéant, la commission des pétitions du PE est chargée de la traiter et peut décider de mener une action politique. Le droit de pétition a été introduit officiellement en 1992 (Traité de Maastricht). Plébiscite abrogatif (vote populaire contrôlé par les autorités) [AVP] Procédure de vote populaire dont le recours reste exclusivement sous le contrôle des autorités. Dans cette catégorie, l’auteur de la proposition soumise au vote et l’initiateur de la procédure ne sont PAS la même entité. Par exemple, un gouvernement ou un président peut s’opposer (poser son veto) à une décision du parlement et soumettre la question à un vote populaire ; d’où le nom plébiscite abrogatif. 94 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Procédure de démocratie directe Procédures qui a) impliquent le droit pour les citoyens de participer directement au processus décisionnel politique et b) sont conçues et fonctionnent comme des instruments de partage du pouvoir avec les citoyens. On distingue deux types de procédure : le RÉFÉRENDUM et l’INITIATIVE. Chaque type de procédure comporte différentes formes, et chaque forme peut être institutionnalisée (conception sur le plan juridique) de différentes manières. Les différentes formes de référendum sont : les référendums émanant des citoyens (référendums populaires), les référendums émanant d’une minorité d’une autorité représentative et les référendums obligatoires. Les différentes formes d’initiative sont : l’initiative citoyenne (initiative populaire), qui peut également être combinée à une contre-proposition (émanant en règle générale du Parlement) et l’initiative de définition de l’agenda. Proposants Voir Commission d’initiative. Proposition alternative Voir Contre-proposition. Proposition de référendum [PPR] Procédure qui se caractérise par le droit dont dispose un nombre prescrit d’électeurs inscrits de proposer à une autorité compétente la tenue d’un vote populaire sur une question donnée ; à noter que la demande est adressée à une autorité représentative (en règle générale un parlement local ou national) qui décide de l’issue à donner. Proposition soumise au vote Question soumise à un vote populaire au moyen des trois types de procédure de démocratie directe moderne, les initiatives, les référendums et les plébiscites. Publication de l’initiative Fait de diffuser auprès du public une proposition d’initiative par l’autorité concernée après enregistrement et vérification de sa conformité aux exigences substantielles et formelles de l’enregistrement. Question subsidiaire Lorsque la proposition d’origine et une contreproposition sont soumises simultanément au vote lors d’un même scrutin, le résultat peut se solder par un double oui, car les électeurs peuvent se prononcer en faveur des deux propositions. Dans un tel cas, la question subsidiaire permet de déterminer quelle version sera mise en œuvre si les deux propositions sont approuvées. Quorum d’approbation Nombre ou pourcentage minimum de l’électorat approuvant une proposition, exigé pour la validation de la proposition dans le cadre d’un vote populaire. Quorum de participation Nombre minimal d’électeurs qui doivent participer à un scrutin pour que celui-ci soit valide. Recevabilité de l’initiative Droit reconnu par la loi de mener une initiative entrant dans le champ des prérogatives du décideur à qui elle est adressée. Dans le cadre du droit international et des droits de l’homme, le facteur recevabilité est traité de manière très différente selon les pays. En Allemagne et en Hongrie par exemple, le contrôle de recevabilité a lieu avant l’enregistrement de l’initiative, tandis qu’il est effectué après le dépôt de l’initiative en Suisse (par le Parlement) et aux États-Unis (par les tribunaux). Le contrôle de recevabilité dans le cadre de l’initiative citoyenne européenne constituera un jalon essentiel du processus de validation. Au cours de la préparation de la réglementation à venir, la question de savoir à quel moment et par qui ce contrôle judiciaire sera réalisé a été largement débattue. Cependant, le contrôle de recevabilité deviendra un aspect essentiel pour chaque initiateur potentiel (organisateur) d’une initiative citoyenne européenne. Il sera nécessaire d’étudier minutieusement cette question avant même d’enregistrer l’initiative et de commencer à collecter des signatures pour la proposition. Alors qu’il sera possible de faire appel au Médiateur européen et/ou à la Cour de justice européenne en cas de rejet suite au contrôle de recevabilité de l’ICE, cette disposition contribuera certainement à mieux délimiter les éléments qui entrent ou non dans le champ des prérogatives de l’UE. RÉFÉRENDUM Type de procédure de vote populaire (la typologie établie par l’IRI différencie trois types : INITIATIVE, RÉFÉRENDUM et PLÉBISCITE). Un référendum est une procédure de démocratie directe qui implique un vote populaire sur une question de fond (proposition soumise au vote), telle que la modification de la constitution ou un projet de loi ; Ressources 95 les électeurs ont le droit soit d’accepter, soit de rejeter la proposition soumise au vote. sation de fonds publics peut être soumise à un référendum financier. La procédure est déclenchée soit par la loi (-> référendum obligatoire), soit par un nombre défini de citoyens (-> référendum populaire), soit par une minorité d’une autorité (-> référendum minoritaire des autorités). Remarque : une procédure de vote populaire déclenchée et contrôlée exclusivement par les autorités ne constitue pas un référendum, mais un plébiscite. Référendum minoritaire des autorités [AMR] Procédure de démocratie directe qui se caractérise par le droit dont dispose une minorité d’une autorité représentative de soumettre une décision prise par la majorité au vote du peuple pour approbation ou rejet, afin de laisser les électeurs prendre la décision finale. Référendum abrogatif [PCR] Référendum populaire permettant aux électeurs de conserver ou d’abroger une loi ou un décret qui ont été approuvés et promulgués par la législature et déjà appliqués. Dans l’État américain du Maine, ce référendum est appelé « veto populaire » (people’s veto). Référendum administratif [PCR] Référendum populaire portant sur une décision administrative ou gouvernementale prise par le Parlement. Le référendum financier est un exemple de référendum administratif largement utilisé dans les cantons et municipalités suisses. Référendum constructif [PCR+] Référendum populaire combiné à une contreproposition populaire. Le référendum constructif habilite un certain nombre d’électeurs inscrits à présenter une contre-proposition à un décret soumis à un référendum facultatif. La contreproposition est présentée en même temps que le décret. En Suisse, cette possibilité existe actuellement dans les cantons de Berne, Nidwald et Zurich, ainsi que dans la ville de Lucerne. Référendum de rejet [PCR] Référendum populaire permettant de conserver ou d’abroger une loi ou un décret approuvé par la législature, mais pas encore entré en vigueur. Référendum émanant des citoyens [PCR] Voir Référendum populaire. Référendum facultatif [PCR] Voir Référendum populaire. Référendum financier [PCR, LOR] Référendum populaire portant sur des décisions parlementaires relatives aux dépenses publiques, désigné également par le terme « référendum sur les dépenses publiques ». Toute décision parlementaire impliquant l’utili- Référendum obligatoire [LOR] Procédure de démocratie directe déclenchée automatiquement par une loi (en règle générale la constitution) qui exige que certaines questions soient soumises au vote du peuple pour approbation ou rejet. Un référendum obligatoire conditionnel signifie qu’une question donnée doit être soumise au vote dans certains cas seulement (au Danemark par exemple, la délégation de pouvoir aux autorités internationales est soumise au vote populaire si cette proposition est acceptée par une proportion du Parlement comprise entre la moitié et quatre cinquième, et si le gouvernement la conserve). Les référendums inconditionnels ne comportent aucune échappatoire (par exemple, en Suisse, les modifications de la constitution doivent systématiquement être soumises au vote populaire). Référendum optionnel [PCR] Voir Référendum populaire. Référendum populaire [PCR] Procédure de démocratie directe répondant au droit politique qui permet à un nombre défini de citoyens d’être à l’origine d’un référendum. Il laisse ainsi l’ensemble de l’électorat décider si, par exemple, une loi donnée doit être adoptée ou abrogée. Cette procédure sert d’action corrective à la prise de décision parlementaire au sein des démocraties représentatives et de contrôle du parlement et du gouvernement. Le « peuple » ou « demos » (c’est-à-dire toutes les personnes ayant le droit de vote) a le droit de se prononcer rétrospectivement sur des décisions prises par le législateur. Tandis que l’initiative populaire joue le rôle de pédale d’accélérateur, le référendum populaire permet au peuple d’appuyer sur la pédale de frein. En pratique, les référendums populaires (tout comme les initiatives populaires) représentent un moyen de synchroniser le point de vue des citoyens et celui des politiciens. 96 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Référendum populaire + contre-proposition [PCR+] Procédure de démocratie directe qui combine un référendum populaire contre une décision prise par une autorité et un référendum sur une contre-proposition. Si les deux propositions sont acceptées, une question spécifique peut être posée pour décider laquelle sera choisie. tention) : soit « oui », soit « non ». Afin de garantir que les intentions de vote des électeurs soient exprimées en toute liberté et sans équivoque, la question/proposition soumise au référendum doit obligatoirement porter sur un seul thème politique. Le principe d’unité de matière s’applique à tous les référendums, qu’ils émanent d’une initiative populaire ou qu’ils soient obligatoires. Référendum sur les dépenses publiques [PCR] Voir Référendum financier. Vote électronique Forme de scrutin où les électeurs ont la possibilité de voter en remplissant un « bulletin de vote électronique », qui est ensuite transmis par l’intermédiaire d’un réseau de données à l’organisme responsable du scrutin. Révocation Procédure permettant à un nombre donné de citoyens de demander un vote afin de déterminer si le mandat d’un titulaire d’une charge publique doit être arrêté avant son terme. Signataire Personne admissible qui signe ou soutient une initiative. Texte du bulletin Texte apparaissant sur le bulletin de vote, en règle générale sous la forme d’une question ou d’une liste d’alternatives. Pour un référendum, il peut s’agir d’une question spécifique ou d’une question portant sur l’approbation ou le rejet d’un texte ; pour une initiative, une question demandant l’approbation ou le rejet d’une proposition identifiée par le titre de l’initiative populaire ; pour une révocation, une question demandant l’approbation ou le rejet de la fin précoce du mandat d’une charge spécifique. Titre Nom officiel donné à la proposition mentionnée dans une initiative populaire ou un référendum émanant des citoyens. Aux États-Unis, il s’accompagne souvent d’un résumé de la mesure qui apparaît sur les pétitions et lors du scrutin. Dans l’UE, une initiative citoyenne européenne devra être déposée via un formulaire fourni par la Commission européenne. Traité sur l’Union européenne Accord de base conclu entre les États membres et parlements de l’UE sur les « règles du jeu » transnationales. Le dernier accord de ce type (le Traité de Lisbonne) est entré en vigueur le 1er décembre 2009. Unité de matière Lors d’un référendum, les électeurs suisses disposent de deux possibilités de vote (outre l’abs- Au sein de l’Union européenne, il est prévu d’autoriser la collecte de signatures (déclarations de soutien) par voie électronique dans le cadre de l’initiative citoyenne européenne. Une commission sera chargée d’établir les règles spécifiques à cet égard. Les États-Unis se préparent à autoriser les méthodes de collecte par voie électronique, par exemple avec des signatures communiquées sur un écran tactile (telles que l’iPhone ou l’iPad). En Suisse, les cantons de Genève, de Zurich et de Neuchâtel mènent actuellement des projets de vote électronique pilotes sous l’égide de la Chancellerie fédérale, la préoccupation principale étant de garantir la sécurité de la procédure (garantie du secret du scrutin, prévention de la fraude électorale). Depuis 2010, les citoyens suisses expatriés dans certains pays étrangers participent à la procédure de vote électronique. L’Estonie est le premier pays au monde à avoir organisé des élections juridiquement contraignantes par cette voie. Il s’agit également de celle choisie pour la collecte de signatures au niveau de la nouvelle initiative citoyenne européenne. Vote obligatoire Obligation des électeurs inscrits de participer à une élection ou à un référendum. L’électeur peut voter blanc, c’est-à-dire ne choisir aucune des alternatives proposées. Dans certains pays où voter est considéré comme un devoir, la participation au scrutin est devenue obligatoire et le non-respect de cette obligation est passible de sanctions, comme en Autriche, en Australie, en Belgique, au Chili, à Chypre et en Thaïlande. Dans certains pays ayant institué le vote obligatoire, l’abstention doit être justifiée afin d’éviter d’éventuelles sanctions (par exemple en Égypte, au Liechtenstein, au Luxembourg ou en Turquie). Ressources Vote par correspondance Méthode de vote par laquelle les électeurs envoient leur bulletin de vote à l’organisme responsable du scrutin par courrier au lieu de se rendre dans un bureau de vote. 5.2 Liens et références Pour connaître toutes les dernières activités connexes, veuillez consulter le centre d’information sur l’initiative citoyenne européenne de l’Initiative and Referendum Institute sur www.europeancitizensinitiative.eu 97 Un nombre croissant de think tanks, d’organisations et d’institutions académiques a commencé à travailler sur la question de l’initiative citoyenne européenne. Plusieurs d’entre eux ont partagé leurs réflexions, découvertes et expertises durant la consultation publique sur l’initiative citoyenne européenne organisée par la Commission européenne de novembre 2009 à janvier 2010. Pour plus de renseignements, documents et contacts, veuillez consulter le site Internet préparatoire de la Commission européenne consacré à l’initiative citoyenne européenne sur : http://ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/ citizens_initiative/consultation_en.htm Les organisations et experts suivants travaillent de longue date sur l’initiative citoyenne européenne : Andrássy University Budapest, www.andrassyuni.hu/, Zoltan Tibor Pallinger [ztpallinger@mac.com] Austrian Institute for European Law & Policy, www.legalpolicy.eu, Johannes Pichler [johanneswpichler@a1.net] Centre suisse de recherche sur la démocratie directe, www.c2d.ch, Andreas Auer [andreas.auer@rwi.uzh.ch] Commission européenne, ec.europa.eu/dgs/secretariat_general/citizens_initiative/index_en.htm, Mario Tenreiro [Mario.Tenreiro@ec.europa.eu] Comité économique et social européen, www.eesc.europa.eu, Christian Weger [Christian.Weger@eesc.europa.eu] Echo – the Global Agora, www.ecohologic.org, Jan Linhart [jan.linhart@echologic.org] European Citizens Action Service, www.ecas.org, Tony Venables [t.venables@ecas.org] Forum permanent de la société civile européenne, en.forum-civil-society.org Philippe D. Grosjean [Philippe.Grosjean@skynet.be] Groupe Les Verts/ALE au Parlement européen, www.greens-efa.org Gerald Häfner [gerald.haefner@web.de] Initiative pour l’initiative citoyenne européenne, www.citizens-initiative.eu Carsten Berg [berg@democracy-international.org] Institute for Direct Democracy, http://www.balkanassist.bg/en/news/view/53/Institute-for-DirectDemocracy, Atanas Slavov [atanas_slavov@yahoo.com] Mehr Demokratie, www.mehr-demokratie.de, Michael Efler [michael.efler@mehr-demokratie.de] Philipps University Marburg, www.uni-marburg.de, Theo Schiller [schiller@staff.uni-marburg.de] Scientific Institute for Direct Democracy, www.andigross.ch, Andi Gross [hpandigross@hotmail.com] Universidad de Las Palmas de Gran Canaria, www.ulpgc.es, Victor Cuesta [vcuesta@ddp.ulpgc.es] 98 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Université de Gdansk, www.univ.gda.pl, Anna Rytel-Warzocha [ania-rytel@wp.pl] Université de Turku, www.utu.fi, Maija Setälä [maiset@utu.fi] Références Les publications suivantes abordent principalement l’initiative citoyenne européenne : Transnational Democracy in The Making (2003), IRI Handbook 2004, the New Challenge of European Initiative & Referendum after the Convention. De Bruno Kaufmann, Alain Lamassoure et Jürgen Meyer, 276 pages. Contenu : informations sur le développement de l’initiative citoyenne européenne avant et pendant la Convention européenne 2002/2003, nombreux documents originaux et références. The European Constitution (2004), Bringing in the People. The options and limits of direct democracy in the European integration process. De Bruno Kaufmann et Fabrice Filliez, 58 pages. Contenu : les premières étapes après la Convention. Initiative for Europe (2006), a roadmap to Transnational Democracy. De Bruno Kaufmann, Diana Wallis, Jo Leinen, Carsten Berg et Paul Carline, 120 pages. Contenu : dispositions pour les initiatives citoyennes en Europe, propositions et recommandations initiales pour la mise en place de l’initiative citoyenne européenne. Initiative for Europe Handbook (2008), The guide to transnational democracy in Europe. De Carsten Berg, Paul Carline, Bruno Kaufmann, Jo Leinen et Diana Wallis. 120 pages. Contenu : les 20 premières initiatives citoyennes européennes pilotes et autres pratiques de démocratie participative et délibérative transnationale. We change Europe (2008), the European Initiative – Art. 11.4 (TEU). De Johannes Pichler. Berliner Wissenschaftsverlag. 507 pages. Contenu : expériences de démocratie directe en Europe et options de démocratie e-directe. Direct Democracy in the European Union (2009). De Johannes Pichler. Berliner Wissenschaftsverlag. 200 pages. Contenu : propositions pour la mise en place de l’initiative citoyenne européenne. The European Citizens Initiatives (2010), Into new democratic territory. De Bruno Kaufmann et Johannes Pichler. Berliner Wissenschaftsverlag. 150 pages. Contenu : préparations du lancement de l’initiative citoyenne européenne et mise en place d’une infrastructure de soutien. The Treaty of Lisbon (2010), A Second Look at the Institutional Innovations. Étude conjointment réalisée par l’European Policy Center, Egmont, et le Centre for European Policy Studies. Contenu: une évaluation des opportunités et défis de l’initiative citoyenne européenne. Guidebook to Direct Democracy (2010), In Switzerland and Beyond. De Bruno Kaufmann, Rolf Büchi et Nadja Braun. 272 pages. Contenu : mise en perspective intégrée de l’initiative citoyenne européenne pour l’Europe et le monde, fiches techniques et recommandations. Pour plus d’informations, veuillez consulter le centre d’information sur l’initiative citoyenne européenne sur www.europeancitizensinitiative.eu Ressources 5.3 Documentation: opinions citoyennes et vertes sur l’initiative citoyenne européenne a) Sommet sur l’initiative citoyenne européenne 2009 : MANIFESTE DE SALZBOURG POUR L’INITIATIVE CITOYENNE EUROPEENNE Aujourd’hui, 9 mai 2009, Journée de l’Europe, des citoyens européens réunis à Salzbourg, en Autriche, ont évalué les préparatifs de la mise en œuvre du droit d’initiative citoyenne européenne proposé par le traité de Lisbonne (TUE, art. 11.4). Coorganisé par l’Institut européen sur l’initiative et le référendum (sis à Marbourg) et l’Institut autrichien de politique et de droit européen (sis à Salzbourg), le Sommet sur l’initiative citoyenne se félicitait de la décision du Parlement européen de mettre en œuvre l’article 11.4, la première procédure de démocratie directe transnationale de l’histoire. Cette procédure placera les citoyens, le Conseil et le Parlement européens sur un pied d’égalité quant au droit de lancer une mesure législative au niveau de l’Union européenne. Le Sommet sur l’initiative citoyenne européenne considère ce droit citoyen nouveau et innovant comme une procédure globale, intégratrice et transnationale. En qualité d’initiative de définition de l’agenda, il ne s’agit ni d’une pétition (qui existe déjà à l’égard du Parlement européen), ni une initiative citoyenne globale donnant lieu à un vote populaire. Elle ouvre pour la toute première fois une voie législative directe pour les citoyens européens. Le Sommet de Salzbourg salue la décision explicite du Parlement européen, le 7 mai 2009, de convenir d’une résolution en faveur d’un processus de mise en œuvre axé sur les citoyens. Cette décision témoigne de la volonté du Parlement de placer les citoyens sur un pied d’égalité avec le Parlement et le Conseil, établissant ainsi une démocratie représentative moderne au niveau transnational s’accompagnant de droits démocratiques directs. Le Sommet note cependant que plusieurs éléments exposés dans la résolution du PE doivent encore être améliorés, y compris le nombre de pays signataires, qui à l’heure actuelle semble trop élevé. En outre, le Sommet estime que les délais proposés dans la résolution du PE s’avèrent trop courts et pourraient être allongés. 99 Compte tenu des travaux effectués sur les aspects réglementaires de la loi de mise en œuvre, qui nécessite désormais des ajustements supplémentaires ainsi que les bases d’une interprétation axée sur les citoyens de ce nouveau droit, le Sommet déclare explicitement que le nouveau droit d’initiative citoyenne européenne devra s’accompagner d’une infrastructure de soutien complète, comprenant la création d’un Bureau d’initiative citoyenne européenne ainsi que la mise en place d’une assistance-conseil financière et administrative dans toute l’Europe. Le Sommet sur l’initiative citoyenne de Salzbourg a notamment convenu des points suivants : afin que les initiatives citoyennes européennes (ICE) deviennent un droit utile, elles doivent être axées sur les citoyens, avec des mesures de réglementation et une assistance proactive efficace de la part de l’UE ; dans la mesure où le droit d’initiative citoyenne européenne est prévu comme un mécanisme destiné à recueillir les propositions politiques des citoyens de l’Europe, la Commission européenne doit en principe garantir que les initiatives constituent une procédure de soutien à une identification plus efficace et plus formelle des préoccupations concrètes de ces citoyens ; l’UE est donc invitée à créer une entité, dénommée Bureau ICE, dont le rôle sera de guider, aider, fournir des conseils et accompagner les citoyens de manière proactive ; puisque les activités liées aux initiatives prévues sur le plan paneuropéen impliqueront inévitablement l’utilisation de moyens électroniques de communication et de collecte de signatures, le Bureau ICE doit créer des systèmes informatiques appropriés ou adopter et adapter des systèmes existants et soumettre leur exploitation à la supervision et au contrôle de l’UE ; les règlements d’application doivent anticiper et prévoir des modèles pragmatiques pour l’adoption de solutions viables et efficaces. Le droit d’initiative citoyenne européenne constituant une procédure d’initiative de définition de l’agenda (par opposition à une procédure d’initiative citoyenne globale donnant lieu à un vote populaire à valeur contraignante sur des questions de fond), les structures officielles complexes et coûteuses faisant appel aux 27 autorités nationales seront à éviter ; 100 Manuel de l’initiative citoyenne européenne le droit d’initiative citoyenne européenne visant, avec sagesse et sans ambiguïté, à faciliter l’identification des préoccupations de l’Europe au niveau transnational, toute infrastructure de soutien doit également être située au niveau transnational en Europe. Les autorités de l’UE ne devraient pas avoir besoin de faire appel aux autorités nationales à des fins autres que la vérification des signatures dans le cadre de contrôles aléatoires; des mesures restrictives, telles que l’exclusion de la recevabilité des initiatives dites constitutionnelles ou l’ajout d’exigences excessivement lourdes, doivent être rejetées. La Commission européenne doit se féliciter de la soumission d’un éventail d’initiatives aussi large que possible ; le principe sous-jacent à l’article 11.4 veut que l’ICE soit principalement destinée aux citoyens non représentés ou sous-représentés, les initiatives libres applicables doivent donc nécessairement bénéficier d’un soutien financier de base ; si une initiative est financée par des fonds publics, toute coopération formelle avec d’autres individus ou organisations en ce qui concerne un soutien financier doit être divulguée. b) Sommet sur l’initiative citoyenne européenne 2010 : DECLARATION DE SALZBOURG SUR LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE EN EUROPE L’Europe doit devenir plus forte, mais elle ne peut y parvenir sans la détermination de ses citoyens. C’est la raison pour laquelle nous accueillons avec satisfaction et fierté l’initiative européenne comme nouveau droit participatif des citoyens. Il s’agit de l’instrument qu’il nous faut pour dépasser le nationalisme en Europe. Les citoyens peuvent désormais emprunter une route directe vers Bruxelles et influencer le processus d’intégration et l’élaboration des politiques européennes. Le nouvel instrument que représente l’initiative citoyenne européenne dispose d’un énorme potentiel. En l’état actuel des choses, le projet de règlement proposé par la Commission européenne n’exploite pourtant pas pleinement ce potentiel. Bien que la Commission ait adopté certains principes nobles, visant par exemple à garantir la confiance du public envers l’honneur constitutionnel de l’initiative, elle semble accepter le fait que l’instrument ne répondra pas aux préoccupations quotidiennes des citoyens et que, pour des raisons de sécurité, la participation des petits groupes d’initiatives plus faibles sera restreinte. Si elle n’améliore pas la réglementation, la Commission court le risque de perdre la chance de communiquer et de s’informer sur les préoccupations et les espoirs de millions de simples citoyens. Sans amélioration significative, l’Union manquera l’opportunité de renforcer sa crédibilité. Mais il n’est pas trop tard. Comme l’a indiqué clairement la Commission elle-même, et comme le montre son invitation à s’impliquer dans le processus, le temps est venu de mener des négociations visant à « faire le maximum ». C’est pourquoi, nous, professionnels de la société civile et des mondes politique, scientifique et commercial, réunis au sein du Sommet sur l’initiative citoyenne de Salzbourg à l’occasion de la journée de l’Europe 2010, souhaitons partager quelques suggestions et commentaires destinés à optimiser la réglementation. Les organisations chargées de la coordination du sommet (l’Institut autrichien de politique et de droit européen et l’Institut européen sur l’initiative et le référendum) sont d’avis que la réglementation doit appuyer les principes suivants : ceux qui souhaitent un droit d’initiative vivant doivent le défendre et le promouvoir, le doter de structures de soutien et créer des systèmes de conseil et des centres d’accueil pour le public. Le droit d’initiative ne doit pas devenir un instrument au service exclusif des personnes nanties ou déjà capables de s’impliquer dans le processus politique par d’autres moyens, comme les membres de grandes organisations ; ceux qui considèrent l’initiative non pas comme un simple instrument permettant d’adopter des mesures correctives individuelles, mais comme un moyen de modifier le climat politique et un nouveau type d’interaction délibérative en Europe (non seulement entre les citoyens européens et les structures officielles de l’Union, mais aussi entre chaque citoyen) ont intérêt à protéger et étayer ces nouveaux efforts de communication susceptibles de contribuer à la paix ; Ressources les résultats concrets et la progression vers une démocratie citoyenne en Europe résident dans des processus d’apprentissage social commun et dans l’intégration des diversités culturelle et politique. Pour que cela se produise, les mesures de soutien mentionnées ci-dessus doivent être mises en place ; l’Union doit s’ouvrir autant que possible afin de permettre une communication politique la plus large possible par l’intermédiaire du système d’initiative, plutôt que de rétrécir les canaux de communication en appliquant des critères d’accès restrictif ; Une approche ouverte et constructive envers la mise en œuvre des principes de démocratie participative inscrits dans le traité de Lisbonne comporte des conséquences pratiques pour la réglementation qui entrera en vigueur. L’initiative citoyenne européenne a besoin de plus de temps. Le délai de 12 mois recommandé représente un désavantage pour les groupes plus faibles qui ont besoin de plus de temps pour faire passer leur message au-delà des frontières et obtenir un soutien pour leurs propositions. En outre, les quatre mois nécessaires au contrôle de la recevabilité de la proposition d’initiative représentent une menace pour le processus de collecte des signatures avant même son lancement. C’est la raison pour laquelle nous suggérons un délai de 18 mois pour la collecte des signatures. Le seuil initial pour le contrôle de recevabilité est trop élevé. Le seuil de 300.000 signatures recommandé pour parvenir au contrôle de recevabilité dresse un obstacle prohibitif pour les initiatives et pour les États membres chargés du contrôle. Pour des raisons pratiques, il convient donc de viser un seuil initial de 50.000 signatures. Les données d’identification à fournir par les signataires ne doivent pas porter atteinte à l’intégrité personnelle. L’Annexe III du projet de règlement définit les données d’identification à fournir par les signataires d’une initiative ; elles comprennent le numéro de passeport, le numéro de carte d’identité ou le numéro de sécurité sociale. Non seulement 101 ce type de critère ne respecte pas le principe de scrutin secret, mais son lien au droit de soutenir une initiative est uniquement indirect. C’est la raison pour laquelle, outre le nom, l’adresse, le lieu de résidence et la date de naissance du signataire, seule sa nationalité, ou le cas échéant la preuve de sa qualité d’électeur dans le pays concerné, doit être mentionnée. Le caractère transnational de la procédure d’initiative citoyenne européenne ne doit pas constituer un critère excessivement restrictif. Nous appuyons le principe consacré dans le traité de Lisbonne selon lequel une initiative citoyenne européenne doit émaner d’un nombre significatif d’États membres. Nous appuyons également le modèle, proposé par la Commission, d’un nombre minimal défini de signatures pour chaque État membre. Cependant, en ce qui concerne le nombre d’États membres devant transmettre des signatures, nous partageons l’avis du Comité social et économique européen et du comité préparatoire du Parlement européen, qui ont tous deux recommandé un chiffre égal à un quart des États membres, c’est-à-dire au moins sept, plutôt que les neuf proposés par la Commission. Les initiatives citoyennes européennes recevables doivent pouvoir être présentées à la Commission dans le cadre d’une audition publique. Selon le projet de règlement, une fois la collecte et la vérification des signatures achevées, la Commission s’accorde un délai de quatre mois pour réaliser l’évaluation matérielle de la proposition législative déposée. Toutefois, cette période ne doit pas être mise à profit pour un traitement interne uniquement, mais également pour établir un dialogue avec les initiateurs et le public concerné. C’est la raison pour laquelle, au cours de cette période d’évaluation, une audition publique doit avoir lieu afin de permettre à la commission d’initiative de présenter sa vision des choses et d’en discuter avec la Commission. L’absence d’infrastructure prévue pour le premier instrument de démocratie directe au niveau transnational est irresponsable. Imaginez si le Parlement européen et les partis politiques qui y sont représentés n’avaient accès qu’à un seul site Internet commun, et si un ou deux fonctionnaires seulement se consacraient 102 Manuel de l’initiative citoyenne européenne aux préoccupations de ces institutions et intervenants. Et imaginez si le PE ne disposait d’aucun service de traduction. Dans le cas de l’initiative citoyenne européenne, un processus qui permet à un nombre bien plus élevé de citoyens de prendre part à la politique européenne, le projet de règlement ne prévoit que deux fonctionnaires et une seule plate-forme Internet. Cela est irresponsable ! La Commission doit par conséquent élaborer un budget spécifique à l’ICE, ainsi qu’un cahier des charges pour une infrastructure de soutien, afin que le potentiel de ce nouvel instrument puisse être exploité. Il incombe désormais au Conseil et au Parlement de veiller à ce que nous puissions récolter les fruits du traité de Lisbonne. L’Union doit avoir conscience de ce qu’elle a à y gagner lorsque, de leur propre initiative, les citoyens placent leurs espoirs en elle et se projettent ainsi pour la première fois hors de leur propre nation. Les personnes qui se savent écoutées et comprises, même si elles ne parviennent pas à faire adopter entièrement leurs propositions, ne se tourneront jamais vers l’extrémisme politique et commenceront à s’identifier à l’Europe. De même, ceux qui écoutent et tentent de comprendre conserveront leur souplesse et le sens des réalités, ils seront moins susceptibles d’adopter une attitude détachée et rigide. Dans les mois qui viennent, nous nous concentrerons sur notre contribution substantielle à l’élaboration d’une infrastructure de soutien avant la mise en application pratique du droit d’initiative citoyenne européenne. Cette infrastructure sera construite en collaboration avec des intervenants publics et privés et des professionnels, et son rôle sera de : documenter toutes les activités et évolutions touchant aux droits d’initiative citoyenne européenne ; informer les utilisateurs potentiels et les participants à propos de l’usage de l’initiative ; éduquer les intervenants des mondes politique, scientifique, administratif, des médias et de la société civile afin qu’ils soutiennent et promeuvent l’instrument d’initiative avec prudence et raison ; conseiller les citoyens et les organisations de la société civile concernés sur l’usage de l’instrument. Afin de centraliser l’accès à ces activités, nous avons créé le portail Internet www.initiativeoffice.eu et invitons l’ensemble des Européens concernés à apporter leur contribution à la démocratisation de la démocratie européenne. Salzbourg, Autriche, 9 mai 2010 c) Mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne (ICE) : Position du Groupe Les Verts/ALE au Parlement européen I. Introduction L’initiative citoyenne européenne est l’une des innovations instaurées par le traité de Lisbonne. Celui-ci dispose que: Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités [1]. L’ICE marque le tout premier pas vers un modèle de démocratie plus participatif en Europe. Pour la première fois, elle donnera aux citoyens la possibilité de soulever des problèmes et de les mettre à l’ordre du jour de leurs institutions politiques. Elle contribuera ainsi à susciter des initiatives, des discours et une conscience à l’échelle européenne, et nous rapprochera d’une véritable démocratie et d’une véritable citoyenneté européennes. Les procédures et conditions requises pour la présentation d’une initiative citoyenne doivent être fixées dans un règlement adopté par le Parlement européen et le Conseil sur proposition de la Commission européenne. En ce qui nous concerne, la première chose à faire est de définir notre position par rapport au cadre général. (Ce n’est qu’une fois ce cadre en place que nous pourrons envisager de promouvoir ou de soutenir des initiatives relatives à certains problèmes concrets!!!). Ressources Lors de nos discussions, nous devons garder à l’esprit 4 éléments importants: il ne faut pas confondre l’initiative citoyenne européenne avec une pétition ou un référendum. Elle n’est rien de plus (et rien de moins) qu’un instrument non contraignant permettant aux citoyens de l’Union européenne de définir l’ordre du jour politique. Mais aussi: elle s’applique uniquement aux problèmes relevant de domaines dans lesquels l’Union possède des compétences et des pouvoirs législatifs. Dans le cas contraire, l’initiative citoyenne ne sera pas recevable! (Cela signifie que des initiatives portant sur des questions telles que l’interdiction de construire des minarets, ou encore la promulgation de la peine de mort, seraient rejetées immédiatement.) ; la Commission européenne n’est pas tenue de se saisir d’une initiative citoyenne et d’en faire une proposition législative concrète. Le simple fait de présenter une initiative ne crée pas en soi d’obligation, au sein de la Commission, de présenter une proposition d’acte législatif, et encore moins une proposition présentant une teneur spécifique. Cependant, une ICE devrait être traitée avec la même attention qu’un appel lancé par le Parlement ou le Conseil lorsque ceux-ci invitent la Commission à soumettre des propositions. Cette phase de la procédure doit donc être transparente et permettre un degré maximal de contrôle public ; si la Commission ne se saisit pas d’une ICE, le Parlement a toujours la possibilité de s’en saisir via son propre pouvoir d’initiative (art. 225 TFUE) si la majorité de ses membres estiment qu’il serait raisonnable d’agir dans le domaine proposé par l’initiative ; les Verts ont toujours considéré l’initiative citoyenne européenne comme l’une des grandes innovations du traité de Lisbonne. Nous devons à présent veiller à ce que l’ICE soit mise en œuvre d’une façon qui garantisse la légitimité et la crédibilité de cet instrument, qui le rende fort et effectif et qui garantisse son accessibilité pour les citoyens européens. II. Points sur lesquels nous devons élaborer une position commune au Groupe Les Verts/ALE 1. Nombre minimum d’États dont les citoyens doivent être ressortissants 103 Le traité dispose que les signataires de l’initiative citoyenne doivent être ressortissants d’un nombre significatif d’États membres. Le règlement doit définir le nombre exact. Afin de garantir l’expression d’un certain intérêt européen, il semble nécessaire d’exiger qu’un nombre minimal de citoyens soutiennent l’initiative dans chacun des États membres concernés. Ce nombre ne doit cependant pas être trop important, de façon à permettre de nouvelles initiatives réellement libres sans nécessiter de moyens financiers ou autres trop importants pour la gérer. Il ne faut pas que l’ICE devienne un instrument réservé aux grosses organisations bien structurées qui possèdent déjà un siège et un lobby puissant à Bruxelles. À cet égard, le projet de législation présenté par la Commission est en retard par rapport à la proposition faite par le PE au cours de la dernière législature. Dans son rapport sur les orientations en vue d’une proposition de règlement, le Parlement a proposé un quart des États membres. La Commission a relevé ce seuil en proposant un tiers des États membres. Le Parlement européen et la Commission ont ensuite proposé un autre seuil (non prévu par le TL), à savoir l’obligation d’obtenir le soutien de 0,2 % des citoyens de chaque État membre. Position des Verts: pour garantir que l’initiative citoyenne porte sur des questions européennes et non nationales, tout en veillant à ce que le droit d’initiative reste accessible aux citoyens ordinaires et pas uniquement aux groupes de pression puissants, le groupe de travail des Verts proposerait un nombre minimal correspondant à un cinquième des États membres. 2. Nombre minimal de signataires par État membre En ce qui concerne ce seuil supplémentaire, nous pensons qu’un pourcentage fixe pour tous les États membres – comme la Commission le proposait à l’origine – n’est pas équitable. En effet, dans le cas par exemple d’un seuil imposé de 0,2 % de la population, dans les petits pays comme le Luxembourg, le nombre de 1.000 signatures serait plus facile à atteindre que le nombre de 160.000 signatures qui serait requis en Allemagne. L’obstacle à franchir serait donc trop important dans les grands pays, alors qu’en Italie par exemple, 50.000 signatures (soit 0,08 % 104 Manuel de l’initiative citoyenne européenne de la population totale) suffisent à lancer une initiative citoyenne au niveau national. Le pourcentage requis doit donc refléter la taille de la population des pays. Nous, les Verts, proposons donc un seuil dégressif proportionnel à la population de chaque État et situé entre 0,05% et 1% de la population. Et nous sommes ravis d’avoir pu convaincre la Commission d’adopter cette proposition dans son projet de règlement. 3. Éligibilité pour soutenir une ICE: âge minimal et ressortissants de pays tiers L’âge minimal est l’un des problèmes les moins compliqués. En principe, deux options sont possibles. Soit un âge minimal commun dans toute l’Europe, soit lier le droit de soutenir une ICE au droit de vote dans chaque État membre. Position des Verts: étant donné que l’ICE n’est pas un référendum contraignant, mais uniquement un instrument de définition de l’agenda qui doit rester aussi ouvert que possible à la participation, et puisqu’il est dans l’intérêt de l’Europe d’inviter les jeunes à prendre ou à soutenir des initiatives pour l’Europe, nous recommandons un âge minimal de 16 ans pour toute l’Europe. À l’heure actuelle, les ressortissants de pays tiers n’ont pas le droit de signer une ICE. Dans sa proposition, la Commission indique clairement que seuls les « citoyens de l’Union » ont le droit de soutenir une initiative. Position des Verts: les politiques de l’Union européenne concernent les ressortissants de pays tiers vivant dans l’Union européenne tout autant que les citoyens européens. Étant donné que l’ICE est un instrument non contraignant dont l’objectif majeur est de faire mieux prendre conscience à la Commission des préoccupations et des problèmes de la population, les ressortissants de pays tiers qui sont résidents de l’Union européenne ne devraient pas être privés du droit de signer une ICE et d’attirer l’attention de la Commission sur les préoccupations des habitants de l’Union européenne. En outre, les Verts ont toujours préconisé des concepts plus ouverts en matière de citoyenneté et de droits des citoyens. 4. Exigences concernant la collecte, la vérification et l’autorisation des signatures Afin de garantir la légitimité et la crédibilité des initiatives citoyennes, il faudra adopter des dispositions permettant de vérifier et d’authentifier correctement les signatures. Il faut cependant garder à l’esprit que dans cette phase délicate de lancement d’initiatives, il est important d’éviter les contraintes inutiles. Cela vaut aussi bien pour la collecte que pour la vérification des signatures. Position des Verts: tous les moyens légaux et techniques possibles pour collecter des signatures devraient être possibles. Ces moyens incluent la collecte de signatures dans la rue ainsi qu’en ligne. Pour la collecte en ligne, la Commission devrait fournir un site internet permettant: d’accorder facilement l’accès en vue de signer l’initiative; de faire en sorte que seules des personnes réelles et légitimes puissent signer; de faire en sorte que chaque personne ne puisse signer qu’une seule fois; de garantir une sécurité suffisante aux données fournies par les citoyens. La vérification des signatures devrait être prise en charge par les autorités responsables des États membres. Une vérification de chaque signature ne doit pas être exigée. Des contrôles aléatoires suffisent pour prouver qu’un nombre suffisant de signatures a été atteint. L’utilisation de codes d’identification personnels n’est pas nécessaire pour la vérification des signatures. L’utilisation de ces codes dissuaderait de nombreuses personnes soucieuses de la protection de leurs données personnelles de signer une initiative. En outre, selon le contrôleur européen de la protection des données, ces codes n’apportent aucune valeur ajoutée pour la vérification des signatures. Le nom, l’adresse et la nationalité suffisent à identifier une personne. 5. Délais de collecte des signatures La Commission suggère un délai maximal de 12 mois pour la collecte des signatures de soutien à une ICE. Ressources Position des Verts: ce délai maximal devrait être de deux ans (24 mois). Notre expérience nous apprend que les initiatives transnationales ont besoin de suffisamment de temps pour la communication, les réunions, les voyages, la traduction et l’obtention d’un soutien suffisant dans un nombre d’États significatif – surtout lorsque ces initiatives ne sont pas lancées par de grosses ONG bien établies. Un an ne suffit donc pas. Ce délai ne signifie pas que les initiatives citoyennes ne puissent pas être présentées plus tôt une fois qu’elles ont obtenu le soutien nécessaire. En pratique, cela signifie que passé ce délai, les signatures déjà données par les citoyens deviennent invalides. Cela n’a aucune utilité, et la fixation d’un délai inférieur à deux ans provoquerait des frustrations inutiles. 105 8. Examen des initiatives citoyennes par la Commission: le contrôle de recevabilité Dans son projet de règlement, la Commission conçoit le contrôle de recevabilité comme un processus en deux temps. La première phase concerne l’enregistrement par la Commission d’une initiative citoyenne envisagée. La Commission compte utiliser l’enregistrement comme un mécanisme de filtrage afin de ne pas admettre d’ICE « abusives » ou d’ICE « qui seraient manifestement contraires aux valeurs de l’Union ». Un deuxième contrôle de recevabilité est prévu à un stade ultérieur du processus, à savoir dès que les organisateurs de l’ICE ont rassemblé 300.000 signatures. L’objectif de ce contrôle est d’examiner la base juridique d’une ICE et d’admettre uniquement les ICE qui relèvent des pouvoirs de proposition de la Commission. 6. Enregistrement des initiatives proposées Position des Verts: les initiatives devraient être enregistrées. La Commission devrait mettre en place un site internet spécifique à cette fin. Ce site internet devrait également expliquer en détail les obligations formelles et juridiques pour la réussite d’une initiative. 7. Exigences imposées aux organisateurs – transparence, financement et comité d’organisateurs Position des Verts: L’initiative doit nommer au moins 7 personnes originaires d’au moins 3 États membres habilitées à parler et à prendre des décisions au nom de l’initiative. Un tel comité aurait deux avantages: d’un côté il faut déjà que les organisateurs fassent un certain effort avant que l’initiative puisse être enregistrée, cela aiderait à diminuer le nombre des initiatives ni mûres ni réfléchies. De l’autre côté, les membres du comité serviront de personnes de référence directes pour la Commission – y compris en matière de recevabilité, d’auditions et autres questions. Dans l’intérêt de la transparence et de la responsabilité démocratique, les organisateurs d’une initiative devraient être tenus de communiquer, outre les informations de base telles que leur adresse et les personnes responsables, des informations de base concernant les organisations qui soutiennent cette initiative et son mode de financement prévu ou effectif. Les recettes et dépenses totales liées à une initiative devraient être divulguées, de même que toutes les donations importantes. Position des Verts: il devrait effectivement y avoir un mécanisme permettant d’exclure les initiatives qui violent les droits fondamentaux respectés par l’Union européenne. Toutefois, le rejet d’une ICE sur la base de critères généralisés tels que son caractère « abusif » ou « contraire aux valeurs de l’Union » est nettement trop imprécis et contraire au principe de la certitude juridique (Bestimmtheitsgrundsatz). La Commission devrait au contraire prendre sa décision sur la base d’un examen juridique clair. Une ICE devrait être rejetée lorsqu’elle est contraire à l’article 6 TUE, à la charte des droits fondamentaux ou à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. De plus, l’ensemble du contrôle de recevabilité devrait avoir lieu tout au début de l’initiative, et non après avoir laissé se développer des attentes importantes et après avoir permis la collecte de signatures pendant de nombreux mois. Le contrôle de la recevabilité juridique après la collecte de 300.000 signatures interviendrait nettement trop tard, causerait une grande frustration et porterait préjudice à la légitimité d’une telle décision et de l’institution concerné. Pour cela le contrôle de la recevabilité juridique d’une initiative doit être fait directement dès son enregistrement. La Commission doit expliquer en détail sa décision aux organisateurs de l’ICE. Ceux-ci doivent avoir la possibilité d’introduire un recours contre cette décision auprès de la Cour de justice. 106 Manuel de l’initiative citoyenne européenne 9. Procédures à suivre après la réussite d’une ICE Contrairement à toutes les règles et dispositions détaillées imposées aux organisateurs d’ICE, La Commission ne s’étend guère sur ses propres obligations face à une ICE réussie. Dans l’article 11 du projet de règlement, elle précise uniquement qu’elle « l’examine et, dans un délai de quatre mois, présente dans une communication ses conclusions sur l’initiative, l’action qu’elle compte entreprendre et, le cas échéant, les raisons qu’elle a d’agir de la sorte ». doit lancer la proposition législative dans l’année qui suit la décision sur l’initiative citoyenne. Le PE (ou) ses commissions sont libres de mettre la question à l’ordre du jour et d’organiser une audition à tout moment. Si la Commission agit contre le règlement, les organisateurs peuvent intenter une action auprès du Médiateur Européen et en dernier lieu auprès de la CJE. 10. Initiatives relatives à une même question Position des Verts: Il s’agit ici du point le plus important pour faire de l’ICE un instrument efficace de définition de l’agenda par les citoyens, et non un simple tigre de papier. Il faut définir des règles claires et adopter des dispositions juridiques concernant les mesures à prendre lorsqu’une ICE aboutit avec succès. Notre proposition: si l’ICE est formellement et légalement recevable, la Commission est tenue de discuter de son contenu et des façons possibles de prendre des mesures adéquates vis-à-vis de la proposition de l’initiative. La Commission informe le PE et le Conseil des ministres de la façon dont elle compte réagir à une initiative couronnée de succès. Le Parlement et le Conseil peuvent adopter un avis sur la question. En outre, les organisateurs d’une ICE ont le droit d’être entendus par la Commission lors d’une audience publique, au cours de laquelle ils ont la possibilité d’expliquer et de commenter leur proposition et ses motifs. Ils doivent avoir le droit de recevoir des informations adéquates et transparentes concernant les délibérations de la Commission et leur résultat. Si la Commission décide de ne pas entreprendre d’action en réponse à l’initiative, le Parlement européen (généralement via sa commission des pétitions) peut se saisir du dossier et inviter la Commission à expliquer ses raisons dans le cadre d’une audience publique. Lors de cette audience, les organisateurs de l’initiative et le médiateur européen – s’il le désire – seront également invités à donner leurs avis sur cette décision. Si la Commission décide d’entreprendre une action législative, elle doit expliquer en quel sens elle envisage de lancer une initiative législative, et comment elle compte impliquer les organisateurs et les parties concernées. La Commission Position des Verts: chaque initiative doit être enregistrée sur le site internet public de la Commission. Cette publicité devrait permettre d’éviter les redondances. Il n’est pas nécessaire d’imposer des restrictions juridiques supplémentaires. Pour atteindre les quorums très élevés imposés, les initiatives ont tout intérêt à ne pas dissiper leurs forces à travers plusieurs initiatives portant sur une même question. 11. Modifications du traité Position des Verts : Le libellé précis de l’article 11, paragraphe 4 (« [...] un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités » ) laisse un espace d’interprétation si une modification du Traité entre dans la portée d’une ICE. Pourtant l’intention des promoteurs de l’article 11, paragraphe 4, n’a jamais été de limiter l’ICE uniquement au droit dérivé. Les traités de l’Union européenne sont extrêmement détaillés et complexes. Contrairement aux constitutions nationales, ils couvrent de nombreux outils, instruments et politiques spécifiques qui, dans les États membres, feraient partie d’une législation d’ordre inférieur. Les Verts favorisent une interprétation plus généreuse faisant en sorte de permettre aux citoyens européens de jouer un rôle actif dans certaines des questions politiques les plus importantes et de vraiment améliorer l’initiative citoyenne en tant qu’instrument destiné à « renforcer la participation des citoyens et de la société civile organisée à l’élaboration des politiques communautaires » [2]. De l’autre côté, les ICE qui proposent des amendements au Traité ne peuvent sous aucun prétexte ouvrir les portes vers des violations de la Charte des Droits Fondamentaux ou la CEDH. À la fin, ce sera à la Cour de Justice européenne sur des cas concrets de décider à quel point elle développe le concept de l’application des Traités dans ses jugements. Ressources 12. Mécanismes supplémentaires d’aide aux organisateurs d’une ICE Position des Verts: Les organisations de la société civile qui ne possèdent pas de structure à l’échelle européenne éprouveront de grandes difficultés à lancer une initiative dans plusieurs langues et dans de nombreux pays différents. Pour éviter que seuls les représentants organisés de la société civile et les ONG importantes, puissantes et financièrement robustes, puissent utiliser cet instrument, nous devons également réfléchir aux possibilités de soutenir les organisateurs d’initiatives. Cette assistance ne doit pas se limiter à une aide pour les traductions ou à un conseil juridique. Étant donné qu’il est souvent difficile de déterminer la portée précise des pouvoirs de l’Union européenne, il faudra également que les organisateurs d’initiatives puissent consulter des experts en la matière pour résoudre les problèmes possibles à un stade précoce. En bout de course, une disposition allant dans ce sens soulagerait les institutions en diminuant le risque de désaccords ultérieurs et de recours en justice. Les initiatives doivent donc avoir le droit de bénéficier d’une aide professionnelle, notamment en matière de traduction et de conseils relatifs à la conception juridique et à la recevabilité d’une initiative. Étant donné qu’il n’y aurait aucun sens à obliger la Commission à soutenir directement une initiative à ce stade du processus (parce que dans ce cas, l’institution qui a fourni des conseils et aidé les organisateurs dans l’élaboration de l’initiative serait amenée par la suite à statuer sur la proposition – ce qui restreint sa liberté aux deux extrémités du processus), une solution indépendante est nécessaire. Nous proposons donc de créer un organe indépendant chargé d’aider et de conseiller les organisateurs d’initiatives citoyennes. Cet organe pourrait devenir un point de concentration utile pour l’engagement et la participation des citoyens. Il pourrait être dirigé par un représentant mandaté par l’UE pour la participation citoyenne, financé par l’Union européenne, élu par le Parlement européen et contrôlé par un conseil de représentants du Conseil, de la Commission et du Parlement mais surtout, et majoritairement, de la société civile. 107 [1] Article 11, paragraphe 4 du traité sur l’Union européenne. [2] Commission européenne: Livre vert sur une initiative citoyenne européenne, COM (2009) 622 final, p. 3. d) Position sur la mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne (ICE) Résolution adoptée par le Parti vert européen (Barcelone, le 19 mars 2010) Considérant que l’initiative citoyenne européenne est une étape importante vers un modèle plus participatif de démocratie en Europe et donnera pour la première fois aux citoyens la possibilité de soulever directement des sujets et de les mettre à l’ordre du jour de leurs institutions politiques ; qu’elle contribuera ainsi à créer des initiatives, des discussions et des prises de conscience au niveau européen qui nous rapprocheront de la véritable démocratie et citoyenneté européennes. Notant que les procédures et conditions exactes d’une telle initiative citoyenne doivent être déterminées dans un règlement qui sera adopté par le Parlement européen et le Conseil sur la base d’une proposition de la Commission européenne et exprimant le souhait que la Commission tienne compte du résultat de la consultation publique et afin de mettre en œuvre l’initiative citoyenne de façon praticable et favorable aux citoyens, le conseil du Parti vert européen est d’avis que le cadre général de cette législation doit se composer des éléments suivants : 1. le nombre minimal d’États membres doit être de 5 avec un minimum de 0,05% de signatures nécessaires par État membre ; 2. l’âge minimal pour soutenir une initiative doit être fixé à 16 ans ; 3. un pré-contrôle juridique doit être mis à la disposition des organisateurs de l’initiative, un contrôle juridique de l’admissibilité doit être effectué au début de la procédure ; 4. l’initiative citoyenne européenne peut être soumise sous la forme d’une proposition générale comprenant un titre, un champ d’application et une motivation ou (sans obligation) sous la forme d’un projet de loi ; 5. le délai de collecte des signatures doit être de deux ans ; 6. tous les moyens légaux et techniques possibles doivent être autorisés pour collecter les 108 Manuel de l’initiative citoyenne européenne signatures (y compris la collecte de signatures dans les espaces publics et en ligne) ; 7. la vérification des signatures doit être assurée par les autorités compétentes des États membres ; il n’est pas nécessaire de vérifier chaque signature individuellement. L’examen aléatoire peut suffire à prouver qu’un nombre suffisant de signatures a été atteint ; 8. les initiatives doivent être déposées et à cette fin, la Commission doit mettre à disposition un site Internet dédié et une explication complète des exigences formelles et juridiques nécessaires à la réussite de l’initiative ; 9. dans l’intérêt de la transparence et de la responsabilité démocratique, les organisateurs d’initiatives doivent être tenus de fournir des informations de base sur les organisations qui soutiennent une initiative et sur les moyens de financement de l’initiative ; 10. l’admissibilité formelle et juridique doit être vérifiée légalement dans le respect des compétences de l’UE et de la charte des droits fondamentaux. Si l’initiative citoyenne européenne est formellement et juridiquement admissible, la Commission est obligée de tenir compte du contenu de la proposition et des moyens possibles d’y répondre adéquatement. Les initiateurs ont le droit d’être entendus par la Commission au cours d’une audition publique et d’être informés de façon adéquate et transparente des délibérations et de leur issue. Nonobstant le fait que Index A Abitbol, William p51 Accord de libre-échange p41 ADLE p17 Admissibilité p11-12-107-108 Admissibilité juridique p107-108 AFCO p9-67-71 Afrique p24-38-41-42-64 Afrique du Sud p30-42 Alonso, Alejandro Munoz p51 Amérique du Sud p36 Amériques p41-42 AMI (initiative minoritaire des autorités) p33-34-92 AMR (référendum minoritaire des autorités) p33-35-95 Appel de Rostock p50 Arrangement de Wassenaar p29 Art. 11 (4) p98-99 Art. 225 TFUE p103 Asie p14-36-38-41-44-88-112 Assemblée populaire p89-90 ATP (vote populaire contrôlé p33-35-93 par les autorités/plébiscite) Audition publique p101-108 Australie p26-41-96 Avaaz p65-87-88 Avis sur la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne p67 la lettre du traité n’oblige pas la Commission à prendre des mesures suite à toutes les initiatives citoyennes, nous en appelons à la Commission pour qu’elle s’engage politiquement à toujours présenter une initiative législative au Parlement européen et au Conseil. Si elle n’est pas d’accord avec la proposition, elle doit le dire et expliquer pourquoi ; 11. la Commission dispose de 6 mois pour examiner l’initiative ; 12. des mécanismes supplémentaires doivent être prévus pour soutenir les initiateurs d’une initiative citoyenne européenne, par exemple avec l’établissement d’une agence indépendante d’aide et de conseil sur les initiatives citoyennes. Le conseil du Parti vert européen en appelle au groupe des Verts au Parlement européen a) pour organiser une réunion commune Parti vert européen – Groupe Les Verts/ALE au Parlement européen avec les députés verts nationaux et régionaux afin de définir une position commune sur la procédure et de discuter de la promotion de différentes initiatives citoyennes ; b) pour promouvoir activement l’instrument avec les Verts européens et les partenaires nationaux. Barcelone, le 19 mars 2010 AVP (vote populaire contrôlé par les autorités/plébiscite abrogatif) p33-35-93 B Banque mondiale p36 Barnier, Michel p50 Basile, Filadelfio Guido p51 Bavière p38-39 Ballot initiative » [PCI] p89 Belohorska, Irena p51 Berg, Carsten p4-7-62-63-97-98 Berger, Maria p51 bloggingportal.eu p80 Bonde, Jens-Peter p50 Borell Fontelles, Josep p50 Braun, Nadja p98 Brenner p16-17 Bruton, John p50 Büchi, Rolf p4-30-32-98 Budak, Necdet p51 Bühler, Martin p4 Bulletin de vote p88-96-97 Bureau de l’initiative citoyenne européenne p88 C Campagne ICE p63-87 Campagne pour la réforme parlementaire p60 Cancer United p65 Caractère transnational p 72-85-101 Index Carey, Pat p51 Carline, Paul p4-98 Carnero, Carlos Gonzalez p50-51 Carte d’identité nationale p58 Catalogne p57-58 Centrales nucléaires p57 Centre suisse de recherche p44-97 sur la démocratie directe Chancellerie fédérale p28-30-96 Charte des droits fondamentaux p51-105-106-108 Citizens in Charge (fondation) p44 Service d’orientation pour les citoyens p76 Clause de révision p69 Collecte de signatures p16-24-30-41-64-70-73-90-91 96-99-104-105-108 Collecte des déclarations de soutien p69-90 Collecte en ligne p12-82-104 Collecte par voie électronique p69-82-96 Collecteurs de signatures p90-91 Commission des pétitions p9-14-60-63-65-67-77-93-106 du parlement européen Comité des régions p67-68-70 Commission d’initiative p58-90-93-101 Comité économique et social européen p67-68-70-80 86-87-97-112 Commission sur les libertés publiques p49 et les affaires domestiques du Parlement européen Commission européenne p2-16-18-21-36-51-52-59-60 62 à 64-67 à 69-71-75-77 à 79-81-84-87-90 à 92 96-97-99-100-102-103-107 Compensations financières p59 Comte de Stockton, Alexander p50-51 Conférences intergouvernementales p49 Conseil de l’Europe p36-44-82 Conseil fédéral p28-93 Constitution européenne p7-8-48-49-50-52-60-65 Contre-proposition [PCI+, PCR+] p90 Contrôle de légalité p90 Contrôle formel p71-79-81 Contrôle juridique p107 Convention des Nations unies p61 relative aux droits des personnes handicapées Convention européenne de sauvegarde p105 des droits de l’homme et des libertés fondamentales Convention sur l’avenir de l’Europe p45 Cour de justice p77-81-94-105-106 Cour de justice européenne p81-94-106 Cuesta, Victor p57-58-97 D Dam Kristensen, Henrik p51 Danemark p16-32-35-51-53-95 De Gaulle, Charles p48-49 De Gucht, Karel p50 De Rossa, Proinsias p51 De Vries, Gijs p50 Déclaration universelle des droits de l’homme p23 Déclarations de soutien p16-17-60-61-69-70-79-81 82-84-90-96 Délais p12-14-30-36-39-57-59-99-104 Demetriou, Panayiotis p50-51 Democracy International p8-44-50-62 Démocratie d’assemblée p90-91 Démocratie consensuelle p90 Démocratie directe p1-3-8-17 à 19-21 à 24-26-27 30 à 46-48 à 52-54-55-57-58-60-61-67-68-72-73-75 80-85-87 à 89-91-92-94 à 96-98-99-101-112 Démocratie directe moderne p2-3-5-24-26 à 28-31-32 34-37 à 40-42-44 à 46-55-59-71-80-89-90-93-94-112 Démocratie participative p5-17-18-36-40-41-44-56 67-72-86-91-98-101 Démocratie représentative p2-18-21-24-30-31-35-37 38-40-42 à 44-52-57-58-68-73-76-84-91-99 109 Démocratie transnationale p46-51 Démocratisation de la démocratie p2-18-21-24-30-31 35-37-38-40-42-43-44-52-57-58-68-73-76-84-91-99 Dépôt p12-58-62-76-79-84-90-94 Motion populaire p34-55-93 Destinataires p59 Dini, Lamberto p49-51 D’Oliveira Martins, Guilherme p51 Double majorité p26-50-91 Double oui [PCI+] p91 Droit de pétition p3-51-69-77-93 Droit de vote p12-24-27-28-34-91-95-104 Droits politiques p26-29-90-91 Du Granrut, Claude p51 Duhamel, Oliver p51 Dybkjaer, Lone p50 E Eckstein-Kovacs, Peter p51 Efler, Michael p7-50-51-97 Égalité des chances pour les femmes p57 Einem, Casper p50-51 Électeurs inscrits p26-33-34-40-42-55-56-89-90 à 96 Ene, Constantin p51 Erne, Roland p50 États membres p6-12-16-17-29-36-42-43-47 à 52-60 62-63-68 à 71-73-78-79-81-82-84-92-96-101 à 108 États-Unis (US) p3-24 à 26-37-41-42-44-48-55-60-75 81-82-89-90-92 à 94-96 European Citizens Action Service (ECAS) p62-65-77-87-97 Eurotopia p3-49-50-60 Évaluation matérielle p101 Examen aléatoire p108 Exigences légales p59 F Fayot, Ben p51 Finlande p16-53 Fischer, Joschka p50 Floch, Jacques p51 Fogler, Marta p51 Fondation New America p44 Fondation Roi Baudouin p62 Fondation verte européenne p4-5-18-37-88 Forum de la société civile p87 Forum des étudiants européens p62 Forum des fédérations p36 France p9-16-26-47-50 à 54-60-63-64-71 Frendo, Michael p50 Frisch, Julien p80 G Garrido, Diego Lopez p51 Genève p29-96 Génie génétique p57 Giannakou-Koutsikou, Marietta p51 Giberyen, Gaston p51 Giscard d’Estaing, Valéry p47-48-51 GlaxoSmith Kline p66 Glossaire de la démocratie directe moderne p2-80-89 González-Sancho Bodero, Helena p62 Gormley, John p50-51 Gouvernement représentatif p24-38 Grabowska, Genowefa p51 Grande-Bretagne p9-24-48-53-60-71 Greenpeace p62-64 Gricius, Algirdas p51 Grosjean, Philippe D. p97 Gross, Andi p4-97 Guidebook to Direct Democracy p26-30-35-39-98-112 (Guide de la démocratie directe) Gurmai, Zita p9-71 110 Manuel de l’initiative citoyenne européenne H Haenel, Hubert Häfner, Gerald Hautala, Heidi Helminger, Poul Holmes, Brandon p51 p4-5-6-9-14-71-97 p2-4-5-50 p51 p26 I Identification requise p70 Îles Canaries p57-58 Indonésie p41 Infrastructure p17-18-40-59-77-86-87-101-102 Infrastructure de soutien p3-36-44-70-73-76-78 85 à 88-98-99-100-102 Initiateurs p11-13-17-59-101-108 Initiative and Referendum Institute (US) p44 Initiative and Referendum Institute Europe p5-54-112 Initiative citoyenne [PCI] p92 Initiative citoyenne en Autriche p57 Initiative citoyenne européenne p1 à 8-14-16 à 18-21 22-36-37-40-44-46 à 52-54-55-58 à 63-66 à 68 70 à 73-75 à 92-96-97 à 103-107-108 Initiative citoyenne européenne [PAI] p50-92 Initiative de définition de l’agenda [PAI] p34-54-55-92 Initiative d’urgence pour le Darfour p65 Initiative européenne pour la santé p63 Initiative Free Sunday p75 Initiative législative p55-58-85-106-108 Initiative minoritaire des autorités [AMI] p33-34-92 Initiative OGM p64-65 Initiative Oneseat p60-61-82 Initiative populaire [PCI] p33-37-55-92 Initiative populaire p33-34-92 + contre-proposition des autorités [PCI+] Initiative populaire indirecte p55 Initiative pour la charte p66 de la journée européenne contre l’obésité Initiative pour les personnes handicapées p61 Initiative pour l’Europe p54-112 Initiative pour l’initiative p62-97 Initiative pour une alimentation plus écologique p66 Initiative pour un Service Civil Européen p64 Initiatives d’anthroposophie appliquée p64 Initiatives pilotes p59-63-66-82 Institute for Direct Democracy p97 Institut international pour la démocratie p44 et l’assistance électorale Instrument de démocratie directe p47-54-61-80 transnationale IRI Europe Convention Network p50 Islande p40-76 Italie p30-49-53-55-49-63-68-103 J Japon Journal of Democracy K Katiforis, Giorgos Kaufmann, Bruno Kaufmann, Sylvia-Yvonne Kiljunen, Kimmo Köppen, Peter Korea Democracy Foundation Krasts, Guntars Kroupa, Frantisek p36-41 p24 p51 p4-5-7-22-71-98 p50-51 p51 p50 p44 p51 p51 L Laborda, Gabriel Cisneros p51 Lamassoure, Alain p9-10-50-51-71-98 Lee, Jung-Ok p22 Le Forum européen des personnes handicapées p3-61 Législation directe p31-90-92 Leinen, Jo p98 Lequiller, Pierre p51 Les Verts p5-6-9-12-14-72-103-104-106-108 Les Verts/ALE p97-102-103-108 Liberté d’information p40 Lichtenberger, Eva p51 Liechtenstein p29-30-53-96 Linhart, Jan p97 Livre vert sur l’initiative citoyenne européenne p67-107 Livret de référendum p93 LOR (référendum obligatoire) p35-50-55-95 M Mac Gormick, Neil p51 Maclennan of Rogart, Lord p51 Maison de la démocratie p87 Majorité qualifiée p50-93 Malmström, Cecilia p60-61 Malte Manifeste de Salzbourg p67-99 pour l’initiative citoyenne européenne Marinho, Luis p51 Matsakis, Marios p51 Mavrou, Eleni p51 Mc Avan, Linda p50 Médiateur européen p13-68-76-81-94-106 Méga-camions p16 Mehr Demokratie p5-7-8-14-44-50-51-71-97 Mendez de Vigo, Iñigo p50 Meyer, Jürgen p50-51-71-98 Michel, Louis p50 Modernisation p59-68 Moment de l’enregistrement p69 Motion populaire p34-55-93 Multilinguisme p66-80 Mur de Berlin p22-23-48 N Nagy, Marie Nazare Pereira, Antonio p51 p51 O Obligations p11-105-106 Oleksy, Jozef p51 Onemillion4disability p62-64 Opinion publique mondiale Organisateurs p17-27-59-60-63 à 66-68 à 71-73 77-78-80-81-85-86-90-105 à 108 Organisations non gouvernementales p60-67-73-77 87-88 P PAI (initiative de définition de l’agenda) p34-54-55-92 Pallinger, Zoltan Tibor p97 Parlement européen p3-5-6-8 à 11-14-17-18-36 47 à 50-54-60-66-67-69-71-72-76-77-86-97-99 101à 103-106 à 108 Parti vert européen p18-72-107-108 Participation citoyenne p6-7-8-11-13-22-23-40-42-59 72-76-78-86-87-91-107 Partis politiques p30-42-4344-62-88-90-101 Pays-Bas p16-51-52-54-55-60 PCI (initiative citoyenne ou populaire) p33 PCI+ (+ contre-proposition des autorités) p33-34-92 Peterle, Alojz p50 PETI p9-67-71 Pétition p3-8-9-11-14 à 16-22-24-25-30-37-51-55-60 62-63-65-68-69-71-73-77-81-91-93-96-99-103-106 Pétition massive p37-93 Philipps University Marburg p97 Pichler, Johannes p4-88-97-98 Index Plébiscite (vote populaire p33-35-93 contrôlé par les autorités) [ATP] Plébiscite abrogatif p33-35-93 (vote populaire contrôlé par les autorités) [AVP] Politique de collecte par voie électronique p82 paneuropéenne Pour un référendum européen sur la p65 constitution de l’UE - should be: Pour un référendum européen sur la Constitution européenne Pour une Europe politique de liberté, p64 de sécurité et de justice PPR (proposition de référendum) p34-94 Pré-législative p68 Privatisation des ressources naturelles p45 Procédure de démocratie directe Proposition de référendum [PPR] p34-94 Proposition générale p33 à 35-37-38-92-94 à 96-99 Proposition de règlement relatif à l’initiative citoyennep 67 Proposition Schüssel-Dini p49 Protection de la vie humaine p57 Protection de l’environnement p58-59 PSE p17-50-71 Publication de l’initiative p94 Q Questions environnementales p44-72 Question subsidiaire p94 Quorum p30-36 à 40-88-94 à 96-99-106 Quorum d’approbation p94 Quorum de participation p38-40-94 R Rappel p31 Realotopia p50 Redevances pour les poids lourds p45 Référendum abrogatif [PCR] p95 Référendum administratif [PCR] p95 Référendum constructif [PCR+] p95 Référendum émanant des citoyens [PCR] p95 Référendum facultatif [PCR] p95 Référendum financier [PCR, LOR] p95 Référendum minoritaire des autorités [AMR] p33-35-95 Référendum obligatoire (LOR) p35-50-55-95 Référendum optionnel [PCR] p95 Référendum populaire [PCR] p55-95 Référendum populaire + contre-proposition [PCR+] p34-96 Référendums p7-14-16-18-22-25-28-30-31-34 à 42 44-52-63-67-72-78-89-91-92-94 à 96-112 Registre européen des électeurs p81 Résolution sur la mise en œuvre p67 de l’initiative citoyenne Responsabilité p10-22-27-35-60-87-93-105-108 Ressortissants de l’UE p73 Retraites p57 Révolution américaine p24-47 Révolution française p23-24-48 Rousseau, Jean-Jacques p23 Russie p24-45 Rytel-Warzocha, Anna p59-98 S Schiller, Theo p4-39-97 Schily, Daniel p4 Schmid, Adrian p4 Schüssel, Wolfgang p49 Scientific Institute for Direct Democracy p97 Šefčovič, Maroš p68-70-71 Services publics de qualité p65 Sepi, Mario p51 Serracino-Inglott, Peter p51 Setälä, Maija p98 Seuils p49-57-59-82-83-84-89 111 Severin, Adrian p51 Sigmund, Anne-Marie p4-51-87 Signataire p11-12-58 à 61-69-82-85-96-99-101-103 Sivickas, Gintauta p51 Skaarup, Peter p51 Slavov, Atanas p97 Slovénie p16-40-53 Société civile p7-43-44-49-65-85 à 87-97-100-102-106-107 Södermann, Jacob p50 Sommet européen p50 Souveraineté populaire p44-57 Speroni, Francesco p51 Spinelli, Altiero p49 Spini, Valdo p51 Stewart, Douglas p50 Strasbourg p60 Styllanides, Evripides p51 Suède p19-32-40-45-53-54-60-68-112 Suisse p2-3-17-26 à 30-34 à 37-39-40-42-44-53 à 56 81-90-91-93 à 97-112 Syndicats p62-65-90 T Taiwan Foundation for Democracy p44 Taux de participation p30 Tenreiro, Mario p97 Timermans, Frans p51 Traité constitutionnel européen p18 Traité de Lisbonne p7-8-10-36-52-67-99-101-112 Traité de Rome p86 Traité instituant une constitution pour l’Europe p51 Traité sur l’Union européenne p96-107 Transnational Democracy in the Making p50-71-98 Transparence p7-18-30-51-60-69-71-82-105-108 Trente p8-36-49-71 Turquie p40-64-75-96 Typologie générale de la démocratie p32-37-88 directe moderne (GTMDD), U Un 112 efficace dans toute l’Europe Unité de la matière Universidad de Las Palmas de Gran Canaria Université de Gdansk p64 p81 p97 p98 V Vassilou, Androula p51 Vastagh, Pal p51 Vella, George p51 Venables, Tony p97 Verafirma p82 Voggenhuber, Johannes p50-51 Vote électronique p3-27-28-29-30-81-96 Vote obligatoire p96 Vote par correspondance p28-97 Vote populaire sur une p-24-30-34-42-51-55-94 question de fond Votes populaires contrôlés par les autorités p31 W Wallis, Diana Wallström, Margot Weger, Christian Z Zurich p4-9-50-71-98 p74-84 p4-87-97 p24-48-95-96 112 Manuel de l’initiative citoyenne européenne Bruno Kaufmann est président de l’Initiative and Referendum Institute Europe et journaliste radio/ télé spécialisé dans les affaires internationales. Il travaille sur les thématiques de la démocratie, des conflits et du développement depuis le milieu des années 1980. Il intervient en tant qu’expert auprès de l’Union européenne, du Parlement allemand, du Conseil de l’Europe, du Comité économique et social européen, de l’International IDEA, du PNUD et d’organisations pro-démocratiques en Asie. Kaufmann a écrit et publié de nombreux livres sur la démocratie directe moderne, notamment le Guidebook to Direct Democracy (Guide de la démocratie directe), publié en neuf langues, ou encore la série de manuels de l’Initiative pour l’Europe traitant de l’émergence des initiatives citoyennes européennes. Il vit avec sa femme et ses enfants dans la ville minière de Falun, en Suède, où il préside la commission électorale du gouvernement municipal. Contact : kaufmann@iri-europe.org. L’IRI, le think tank européen pour la démocratie directe, est un institut transnational de recherche et de formation qui s’intéresse aux procédures et pratiques de la démocratie directe moderne. Association non partisane et à but non lucratif, l’IRI Europe est sise à Marbourg en Allemagne et réunit certains des meilleurs experts et praticiens du processus d’initiative et de référendum en Europe et dans le monde. Quelques projets en cours : mise en place d’une plate-forme d’information et d’éducation, l’IRI NAVIGATOR TO DIRECT DEMOCRACY (navigateur IRI vers la démocratie directe), basée sur la nouvelle typologie générale de la démocratie directe moderne, afin de créer la première plate-forme Internet au monde consacrée à l’information et à la collaboration autour des initiatives et référendums ; développement du célèbre IRI GUIDEBOOK (guide IRI) pour en faire un ouvrage de référence et un tremplin vers l’édition disponible dès début 2011 en plusieurs langues : chinois, coréen, anglais, espagnol, français, allemand, italien, finnois et hongrois ; proposition de CYLES DE CONFÉRENCE sur mesure, déjàprimés, abordant les procédures et pratiques de démocratie directe moderne en Suisse et en Europe et incluant des cours intensifs sur l’utilisation des initiatives et référendums ; création de nouveaux programmes au CENTRE DE RECHERCHE DE L’IRI à Marbourg pour examiner l’utilisation locale des mécanismes de démocratie directe dans le monde et préparer le lancement d’une REVUE INTERNATIONALE sur la DÉMOCRATIE DIRECTE MODERNE ; poursuite des efforts en faveur d’une Europe plus démocratique, notamment par la promotion auprès des Européens du nouveau DROIT EUROPÉEN À L’INITIATIVE CITOYENNE introduit par le Traité de Lisbonne ; coorganisation du FORUM MONDIAL SUR LA DÉMOCRATIE DIRECTE MODERNE, la nouvelle initiative mondiale pour la cartographie, la rencontre et l’intégration qui réunit les praticiens les plus expérimentés de la planète. Le prochain forum se déroulera à Montevideo en Uruguay en 2012. [globalforum2010.com] Pour plus d’informations sur nos publications, événements et programmes, consultez notre site www.iri-europe.org et/ou contactez-nous par écrit sur info@iri-europe.org, adresse : IRI Europe, Box 200540, DE-35017 Marburg, Allemagne ; téléphone : +49-(0)6421-1768014 LA NOUVELLE INITIATIVE CITOYENNE EUROPÉENNE UN NOUVEAU PRINCIPE. La nouvelle initiative citoyenne européenne (art. 11.4 du Traité de Lisbonne de l’Union européenne) donne à un million de citoyens européens de plusieurs États membres l’opportunité nouvelle de définir l’agenda législatif. Avec l’entrée en vigueur de cet outil de démocratie directe et transnationale unique en son genre, les citoyens de l’Union européenne obtiennent le même droit que le Parlement européen et les États membres d’influencer la Commission européenne. UNE NOUVELLE PRATIQUE. Le nouveau droit à l’initiative citoyenne européenne peut vraiment faire la différence. La première édition de ce manuel par la Fondation verte européenne et Initiative and Referendum Institute Europe retrace le contexte et l’historique nécessaires pour appréhender ce nouvel échelon de la politique européenne, avec un demi-milliard d’autres citoyens européens. VOTRE NOUVELLE OPPORTUNITÉ. Premier manuel de l’initiative citoyenne européenne, il décrit en 10 étapes comment utiliser ce nouvel instrument de manière efficace. Bienvenue dans le futur de la démocratie (directe) européenne ! 1 Rue du Fort Elisabeth, 1463 Luxembourg Bureau de Bruxelles : T +32 (2) 234 65 70 l F +32 (2) 234 65 79 info@gef.eu l www.gef.eu ">

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