1.5 - Comment se fait la cartographie des habitats ?. IFREMER des habitats marins
56 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? interpréter manuellement une image matricielle classifiée (en dessinant le contour des structures qu’il distingue), il fera un zoom avant jusqu’à perdre le confort visuel, ce qui correspond en pratique à des pixels dont le côté est de 0,5 mm. Selon les principes
énoncés plus haut, une fois la classification terminée, il est conseillé de filtrer les unités qui font moins de 36 pixels purs, considérées comme non représentatives, et de les fondre dans la classe avoisinante.
Après la phase d’interprétation, c’est le confort visuel de l’utilisateur qui constitue le principal critère de représentation sur une carte des unités interprétées (polygones ou groupes de pixels). Dans le cas d’images matricielles, cela consiste à éviter les lignes en escalier ; dans le cas de polygones, il faut éviter les polygones minuscules qui ont l’air de points. On peut satisfaire à ces critères visuels en adoptant une taille de 9 mm² comme plus petite unité visible à représenter sur une carte. C’est ce que l’on appelle la plus petite
unité cartographique. Dans le cas particulier ou plusieurs unités voisines forment une mosaïque, si cette mosaïque est présente à plusieurs endroits, il peut être approprié de créer une classe « mosaïque » à laquelle on donne une apparence unie afin d’améliorer la présentation visuelle de la carte. Lorsque ces petites unités voisines correspondent à des classes d’habitat étroitement apparentées, la définition d’une classe « mosaïque » peut revenir à utiliser une classe d’habitat plus générale de la hiérarchie. Si ces unités voisines représentent des habitats très différents et non apparentés, l’habitat
« mosaïque » pose un problème différent, qui a trait à la pertinence même de la
classification pour réaliser la carte.
1.5 - Comment se fait la cartographie des habitats ?
Les partenaires du projet M
ESH
préconisent un processus de cartographie des habitats dans lequel les cartes sont obtenues par l’intégration de données sur les propriétés physiques du fond de la mer (en zone intertidale ou subtidale) couvrant la totalité du territoire à cartographier, avec des observations sur les habitats présents à certains endroits. Ce processus est résumé par la figure ci-dessous.
Résumé du processus de cartographie des habitats
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 57
Les sections précédentes ont abordé certaines questions cruciales auxquelles il faut répondre lorsque l’on commande un programme de cartographie des habitats : Le territoire à cartographier est-il vaste ou restreint ? Quel est le niveau de détail requis
(habitats très généraux ou détaillés) ? Quelles ressources sont disponibles (temps, processus de cartographie à adopter. Lorsque vient le temps d’entreprendre réellement le travail, les principales différences selon l’approche adoptée ont trait à la source des données physiques et des données sur les habitats. Une carte d’habitats peut être déduite de l’exploitation au bureau de données existantes, ou de nouvelles données acquises lors de campagnes de terrain conçues sur mesure, ou d’une combinaison des deux approches.
Voici les questions abordées dans cette section :
Campagne de levés ou modélisation – Selon les réponses aux questions stratégiques ci-dessus, on peut faire une étude au bureau afin de modéliser la répartition des habitats, ou entreprendre une campagne de levés pour acquérir de nouvelles données en vue de cartographier le territoire étudié.
Télédétection et données de terrain – Pour la plupart des programmes de cartographie, le mieux est d’intégrer des données de télédétection, qui couvrent tout le territoire, et des données de terrain qui permettent de valider l’information acquise par télédétection.
Types de données nécessaires – Que l’on procède par levés ou par modélisation, il faut savoir quels types de données sont nécessaires pour cartographier le territoire étudié.
Ces données ont trait aux paramètres biologiques, physiques et environnementaux dont la somme détermine les types d’habitat présents dans le territoire étudié.
Une carte d’habitats est le résultat ultime d’un processus complexe qui est loin d’être infaillible ! Toutes les phases de ce processus ont leurs points forts et leurs lacunes, et ceux qui commandent des programmes de cartographie des habitats doivent être conscients de certaines limites et sources d’erreur du processus de cartographie. Le grand avantage du traitement numérique est qu’il permet de remplacer une carte unique
(représentant toute la vérité ?) par un ensemble de cartes personnalisées dérivées d’un jeu de données et représentant chacune un aspect de la vérité.
1.5.1 - Les approches de la cartographie des habitats
Les techniques de télédétection, qui captent l’énergie réfléchie dans le spectre
électromagnétique sous forme d’images satellitaires ou de photographies aériennes, de même que l’œil lui-même, voient littéralement le biote manifeste. Elles peuvent faire la distinction entre certaines espèces ou biocénoses à cause des différences entre leurs propriétés de réflexion. La détection et la distinction sont empiriques, dans le sens qu’il n’est pas nécessairement important de savoir à quoi sont dues les différences de réflectivité, pourvu que ces différences soient mesurables et cohérentes.
Le rayonnement électromagnétique pénètre mal dans l’eau, et la télédétection acoustique est mieux adaptée aux eaux profondes ou troubles. La télédétection acoustique peut être considérée comme une extension de l’approche empirique : la réflectance acoustique dépend des propriétés du fond. Par contre, elle est en général déterminée davantage par les propriétés physiques du fond que par le biote, sauf lorsque le biote lui-même constitue la structure du fond, sous forme de récifs biogènes, ou de bancs de moules, d’huîtres ou de maërl.
La classe d’habitat est déduite de la relation entre les propriétés acoustiques (intensité de rétrodiffusion ou degré d’absorption) et les données sur l’habitat (provenant de prélèvements et d’observations). Une approche empirique est encore envisageable, mais la relation entre la réflectance et le biote est moins directe que dans le cas du spectre
électromagnétique.
58 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
Cette relation empirique indirecte n’est pas nécessairement évidente pour les cartographes. Mais l’ajout de données bathymétriques à la réflectance acoustique a pour effet de distinguer des fonds acoustiquement semblables sur la base de zones biologiques – ce qui constitue une modélisation déductive.
Un habitat est défini à partir de ses caractéristiques environnementales biologiques et physiques. La définition d’un habitat comprend une description du milieu physique
adéquat pour cet habitat. La modélisation peut devenir plus apparente lorsque l’on a recours à des considérations statistiques ou théoriques, ou encore à l’avis d’experts, pour subdiviser le milieu physique en classes pouvant correspondre à des descriptions d’un milieu physique adéquat en tant qu’habitat. Ces modèles risquent de devenir très complexes lorsque les paramètres physiques qui servent à prédire l’adéquation d’un milieu sont eux-mêmes déduits à partir de données de télédétection. Ce réseau complexe de relations est manifeste dans les modèles de bureau qui font appel à plusieurs sources de données.
Détection directe à partir des propriétés de réflectance
Liens déduits de relations statistiques
Relation entre biocénose, données sur le milieu physique et données de télédétection, pour trois scénarios différents de modélisation des habitats
1.5.2 - De quoi a-t-on besoin pour cartographier des habitats ?
On peut faire ressortir les différences entre les techniques empiriques de levé et la
modélisation de l’adéquation des milieux physiques. Dans le cas des techniques
empiriques, toute donnée qui fonctionne fait l’affaire. Les meilleures techniques ont un
pouvoir de résolution élevé, donnent des mesures précises et ont un fort pouvoir de discrimination.
Dès qu’une forme de modélisation entre en jeu, plus un milieu physique est adéquat, mieux cela vaut. Mais qu’est-ce qu’un milieu physique adéquat ? Les espèces sont adaptées à la vie dans un ensemble donné de conditions, qui comprennent un substrat convenant à leur morphologie et un milieu conforme à leurs besoins et tolérances physiologiques. Il en va de même pour les communautés et leurs espèces caractéristiques (en faisant abstraction des doutes sur le concept de communauté).
Cependant, les espèces ne réagissent pas toutes aux mêmes paramètres. Les critères relatifs à un habitat peuvent être répartis entre d’une part ceux qui sont universellement
1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ? 59 importants, et d’autre part ceux qui sont importants pour certaines biocénoses mais pas pour d’autres.
Les deux critères universels les plus pertinents sont :
– la profondeur sous le niveau de référence dans le domaine subtidal, ou l’élévation audessus du niveau de référence dans le domaine intertidal (mesurés directement par télédétection) ;
– le substrat (déterminé directement à partir de données de télédétection et déduit à partir de données de terrain).
Une liste plus exhaustive pourrait également comprendre les éléments suivants (dont plusieurs ne sont pas des variables indépendantes, mais ont des liens entre eux) :
– le type et les caractéristiques du rocher, ainsi que les figures sédimentaires (qui peuvent être déduits de données bathymétriques à haute résolution) ;
– des caractéristiques choisies des sédiments, p. ex. grosseur moyenne des grains, contenu en silt (qui peuvent être déduits ou modélisés à partir d’échantillonnages par points et de données de télédétection) ;
– la topographie (qui peut être déduite de données bathymétriques) ;
– les données physiographiques (à partir des données bathymétriques, de la limite côtière et de la topographie) ;
– la lumière (mesurée en certains points, détectée par imagerie satellitaire et corrélée avec la profondeur) ;
– la salinité (mesurée en certains points et pouvant être corrélée avec les données physiographiques) ;
– la température (à une échelle biogéographique, mesurée ou détectée par des capteurs satellitaires) ;
– l’action des vagues (depuis le littoral jusqu’à 50 à 70 m de profondeur, à partir de la hauteur mesurée des vagues et de modèles d’énergie à leur base) ;
– le fetch (à partir des données physiographiques et des caractéristiques du vent) ;
– les courants et la tension de cisaillement (mesurés en certains points et calculés par modélisation hydrodynamique).
Certaines de ces données sont primaires en ce sens qu’elles peuvent être acquises au moyen de campagnes de levés. D’autres sont modélisées à partir d’une variété de mesures et de sources de données. Il faut évaluer avec soin ces facteurs quant à la disponibilité des données et de l’information à l’échelle appropriée, et quant à l’utilité de modéliser la totalité des habitats ou seulement ceux qui figurent dans une liste restreinte.
La pertinence biologique de ces facteurs n’est pas universelle et dépend des types d’habitat concernés.
1.5.2.1 - Substrats rocheux
Les substrats rocheux sont généralement colonisés par la végétation ; la profondeur de la zone photique (profondeur de pénétration de la lumière dans la colonne d’eau) a donc une grande importance. On trouve également toutefois des fonds rocheux nus, probablement là où des dalles rocheuses alternent avec du sable grossier, dont l’effet abrasif peut être déterminant dans des conditions de forte tension de cisaillement.
Comme le levé de la végétation en zone photique est généralement difficile (à cause de sa localisation côtière), les paramètres abiotiques sont essentiels à la modélisation de sa présence. À titre d’exemple, dans le cas de la prédiction de Laminaires en domaine subtidal, la turbidité est très importante.
60 1 - Qu'est-ce que la cartographie des habitats ?
En zone intertidale, on sait que les algues sont réparties principalement en fonction de leur élévation sur le rivage (degré d’immersion par la marée) et de leur exposition aux vagues, et secondairement selon le degré de lumière, la température et les nutriments.
Les algues réagissent différemment au stress qu’elles subissent lorsqu’elles sont hors de l’eau, de sorte que la fréquence d’immersion est un paramètre important de leur présence. La fréquence d’immersion à une élévation donnée est fonction du régime des marées, et l’utilisation d’un modèle des marées permet de traduire les niveaux d’eau en pourcentages d’immersion. Pour cela, il faut disposer à la fois d’un modèle numérique de
terrain (MNT) fiable et de données exactes sur les marées.
Même si les algues semblent avoir besoin d’un certain degré de turbulence pour bien se développer, une forte exposition aux vagues tend à empêcher la fixation des juvéniles.
Deux espèces peuvent tolérer la même durée d’émersion mais des niveaux différents d’exposition. C’est le cas par exemple de Ascophyllum nodosum et Fucus vesiculosus. Il y a plusieurs manières de faire une estimation de l’exposition aux vagues en zone intertidale, en passant par un intermédiaire (fetch déduit des données sur les vents) ou à partir de données directes sur les vagues, si elles sont disponibles. Ces données sont toujours fournies par des mesures de bouées en mer ou par des modèles et ne peuvent
être étendues aux zones côtières que si un MNE bathymétrique de haute qualité est disponible.
1.5.2.2 - Substrats meubles
L’identification du type de sédiment peut se faire par imagerie acoustique avec validation par des échantillons. Lorsque aucun levé n’est disponible, les cartes hydrographiques historiques peuvent montrer les types de fond. Les sédiments sont fortement façonnés par la tension de cisaillement, et il y a souvent une bonne corrélation entre la taille des grains et la tension de cisaillement. Il faut en tenir compte lorsque l’on fait des associations statistiques entre ces variables. De plus, les figures sédimentaires (p. ex. des rides de sable) résultant de l’action complexe de la tension de cisaillement
(magnitude et direction), de la pente, de l’aspect et de la taille des grains, ont des effets locaux certains sur la présence de biocénoses. Si les figures sédimentaires ne sont pas directement cartographiées par des levés acoustiques, il y a moyen de prédire leur présence en utilisant les paramètres ci-dessus à une résolution compatible avec les dimensions attendues de ces figures (les figures sédimentaires varient considérablement en hauteur et en longueur d’onde). En particulier, la tension de cisaillement se déduit d’une combinaison de la vitesse maximale du courant et de la vitesse orbitale de la houle.
Des données sur la présence ou l’absence de figures sédimentaires sont souvent suffisantes pour la cartographie des habitats (voir à ce sujet un aperçu dans le document
Seabed Sediment Classification
).
Pour classifier les zones de profondeur selon la typologie E
UNIS
, il faut des données sur l’atténuation de la lumière et sur le niveau de base des vagues. Les données sur l’atténuation de la lumière peuvent être obtenues à partir des données satellitaires sur la couleur de l’océan. Combinées avec les données bathymétriques, elles indiquent la profondeur de la zone photique (la limite inférieure de la zone infralittorale). Le niveau de base des vagues est la profondeur à laquelle les vagues peuvent pénétrer dans la mer et donc perturber le fond. Il peut servir à prédire la limite inférieure de la zone circalittorale.
On l’obtient en combinant des statistiques sur les vagues et les données bathymétriques locales.
De plus, dans le cas des terrasses sédimentaires, par exemple le long de la partie belge de la mer du Nord, il faut souligner l’importance de classes détaillées de taille des grains, car elles sont fortement corrélées avec la présence de biocénoses benthiques précises
(Van Hoey et al., 2004).

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